Chapitre 10 : La Menace du Kelpie.
Nous avions donc élu domicile chez ce cluricaune. Nous devions nous baisser un peu pour ne pas toucher le plafond mais cette maison restait néanmoins assez spacieuse pour Lukas et moi.
Cette première soirée fut particulière. Il faut dire que je n'avais pas l'habitude de vivre au sein du folklore celtique. C'est vrai, avez-vous déjà vécu chez un cluricaune ? Ne serait-ce que pour une nuit ? Ou chez une autre créature d'ailleurs ? Si c'est le cas, vous avez dû avoir un vie bien remplie !
- Essayez de ne pas vous cogner. Il faut dire que je n'ai pas pour habitude d'accueillir des humains ..., expliqua le cluricaune en appuyant bien sur le mot "humain" d'un ton méprisant.
J'étais trop fascinée par la maison de notre hôte pour faire attention à ses remarques désobligeantes. Elle était entièrement construite avec du bois, de la paille et de la terre.
- Vous habitez depuis longtemps ici ? Demandé-je alors que Lukas restait silencieux.
- Oh ... Cette maison était là bien avant ma naissance pour sûr. Elle devait appartenir à mon arrière-arrière-arrière-grand-père. Longtemps, pour ainsi dire.
Je jetai un regard interloqué à Lukas qui était encore ailleurs. A quoi pouvait-il penser ?
- Comment vous appelez-vous ?
- Brainse-na-darach-d'aois, me répondit le cluricaune.
Bien sûr, pour vous (à moins que vous ne soyez vous aussi un druide d'Irlande, ou que vous soyez tout simplement Irlandais, ou que vous parliez Irlandais) cela ne veut strictement rien dire. Seulement, je le compris. Mon oncle et ma tante ne m'avait donc pas menti. Je pouvais bien comprendre l'Irlandais également !
- Pardon ? Se réveilla Lukas qui, visiblement, n'avait pas compris lui non plus.
- Ça signifie "Branche-du-vieux-chêne". Quel drôle de nom ! M'exclamai-je.
Notre hôte s'assit sur une chaise autour de sa table à manger. Nous devions nous contenter du sol au risque de fracasser une de ses chaises en bois.
- Voyez-vous ... Pour notre peuple, ce genre de nom est commun. Nous nous appelons tous par des noms de la nature. D'ailleurs, Brainse est mon prénom. Na-darach-d'aois est le nom de famille que je partage avec mon arrière-arrière-arrière-grand-père, ainsi que mon arrière-arrière-grand-père ainsi que ...
- C'est bon. On a compris, lâcha Lukas séchement.
Je lui lançai un coup de coude dans les côtes en lui rappelant que quelques minutes avant, Brainse le maîtrisait.
- Donc, parlez-nous donc de ce monstre si terrible, demandai-je.
Le visage de Brainse se figea et une ombre passa sur ses traits. Le sujet semblait tabou. Et pourtant, il fallait bien qu'il me parle de ce monstre s'il voulait que je l'aide !
- D'abord, nous allons manger. J'ai peur que ce sujet ne me coupe l'appétit, finit Brainse.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Après un bon repas mérité, nous nous installâmes dans le petit salon de notre hôte. Mais, encore une fois, il nous fallut nous asseoir par terre. Le feu dans la cheminée crépitait et j'étais fascinée par la danse des flammes. Quand mes yeux me brûlèrent un peu trop, j'arrêtai.
La chaleur de ce feu était réconfortante.
Lukas, qui n'avait fait qu'être impoli auprès du cluricaune ne parlait toujours pas.
- Dans la rivière, qui passe tout le long de notre village, il y a un monstre terrible ! Horrible ! Commença Brainse.
Hm. Très bien. Mais encore ? Comment allais-je pouvoir battre ce fameux monstre s'il ne me disait pas ce dont il s'agissait ?
- Le Kelpie, lâcha-t-il enfin.
- Quoi ? S'exclama soudain Lukas.
- Oui... Une terrible créature ! Démoniaque ! Insistait le cluricaune, les yeux exorbités.
Bien évidemment, je ne savais pas ce qu'était un Kelpie. Et son nom ne m'aidait aucunement à le deviner.
- Excusez-moi, mais qu'est-ce qu'un Kelpie exactement ?
- Un cheval. Un cheval des eaux. Mais c'est assez dangereux ... Il tue ses victimes en les kidnappant, en les noyant. Et parfois, il jette des malédictions, expliqua Lukas en ne lâchant pas des yeux Brainse.
Lukas et Brainse se regardèrent intensément dans les yeux. Je me sentais légèrement à part. Jusqu'au moment où Lukas demanda :
- Que vous a-t-il fait ?
- Maudit.
- De quelle façon ? Continua Lukas.
- ... Personne ne voudrait de moi. Je resterai seul, pour le restant de mes jours.
- Mais c'est horrible ! M'exclamai-je.
- Oui... Mais ce n'est pas le pire. Des enfants disparaissent ..., beaucoup trop. Le Kelpie les enlève. Les enfants croient que c'est un gentil cheval. Mais c'est un horrible cheval ! Il sait attirer ses victimes.
Brainse avait du mal à retenir ses larmes. Je posai ma main sur son petit bras et le rassurai :
- Nous allons nous en occuper. Plus rien de mal n'arrivera à votre village. Votre malédiction sera levée. Je le promets.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
- "Je le promets" ! Mais tu es folle ma parole ! Ne cessait de crier Lukas.
Nous étions dans notre "chambre" attitrée mais nous n'avions pas à proprement parlé de lits. Brainse avait disposé de la paille sur le sol. C'était mieux que le parquet mais pas très agréable quand même.
- Tu es aveugle ? Tu n'as pas vu la tristesse qu'il y avait dans ses yeux ? Répliquai-je, agacée par son manque de compassion.
- Oh mon dieu, le pauvre... C'est vrai. Quelle malédiction de vivre seul à jamais ! Dit-il sarcastique.
- Tu t'entends ? Rajoutai-je, abasourdie.
Lukas ne répondit pas et s'assit sur la paille.
- Oui je m'entends, continua-t-il après quelques minutes. Tu ne comprends pas, on ne peut pas aider ces gens. Je te rappelle qu'Epona en personne – en cheval – t'a donnée une quête. Tu te rappelles ?
- Oui...
Je m'assis à mon tour sur la paille, à côté de Lukas.
- Mais oui ! M'écriai-je.
- ... Qu'est-ce qu'il t'arrive encore ?
- Epona est la déesse des chevaux ! Le Kelpie est un cheval ! Rien de plus simple ! Epona pourrait le raisonner, non ?
- ... Possible. Mais elle reste une déesse. On ne les appelle pas comme ça. Ce ne sont pas eux qui te servent, c'est toi qui les sers. Comme sur un échiquier, tu n'es qu'un pion.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Cette nuit-là, mon cerveau ne cessa de réfléchir. Vous savez, ce genre de nuit où vous ne pouvez absolument pas arrêter de penser ? Ce genre de nuit où vous vous tournez, et retournez dans votre lit ? Mon cerveau cherchait, malgré moi, une issue. Un plan. L'idée d'appeler Epona n'était pas stupide, mais accepterait-elle ?
Lukas quant à lui semblait dormir à poings fermés. Quelle chance. Surtout que le lendemain, nous devions affronter ce Kelpie.
Les rayons du soleil me réveillèrent. Je me levai et allai réveiller Lukas.
- Lukas... C'est l'heure, chuchotai-je.
- Tu crois vraiment que je dors ? Me dit-il avec sa pleine voix.
- Bah euh... Tu semblais.
- Bien sûr que non je n'ai pas dormi ! Je n'ai fait que penser ! Penser ! Toute la nuit ! Un Kelpie, c'est dangereux. Tu le sais ça ?
- Oui ... Mais...
- Il n'y a pas de mais ! Nous ne sommes qu'en première année ! Nous ne connaissons rien ! Comment pourrait-on rivaliser contre un Kelpie ?!
Vous l'avez compris. Lukas était extrêmement énervé. Et, il n'avait pas tort. Mais maintenant que j'avais promis, je ne pouvais pas revenir en arrière.
Le cluricaune nous amena donc devant la rivière en question et nous pûmes voir le village dont il nous avait parlé de plus près. Une kyrielle de petites maisons étaient alignées le long de la rivière. C'était leur seul point d'eau et leur seul repère. Mais aussi près de la rivière, ce n'était pas étonnant qu'il y avait autant d'enlèvements.
Brainse avait dit aux villageois de rester chez eux, à l'abri, le temps que nous nous occupions du Kelpie.
- Bonne chance mes amis ! Cria le cluricaune en retournant dans sa cabane.
Lukas et moi étions immobiles, fixant la rivière.
- J'espère que tu as un plan, me dit-il.
- Bah j'en ai un ..., répondis-je hésitante.
- Je sens venir un problème... Vas-y, dis-moi le problème.
Je sentais bien que Lukas essayait de se contrôler.
- Tu sais comment on attire un Kelpie hors de l'eau ? Lui demandai-je.
- Rien de plus simple, répondit-il, étrangement confiant.
Il me jeta un regard que je n'aimais pas du tout. Qu'avait-il derrière la tête ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top