chapitre 23

Sans s'arrêter pour réfléchir ou considérer le poids de ses actions, elle monta les escaliers qui menaient aux quartiers d’Andrew, un sentiment d’interdit la prenant à chaque pas.

À l'exception des Pénélope, il n'y avait pas une seule personne dans le château qui pouvait entrer dans le domaine privé du seigneur.

Les jumelles s'occupaient du ménage et de toutes les commandes à tour de rôle, presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

À son avis, une telle sécurité n'était pas vraiment nécessaire.

Après tout, qui oserait s'approcher de l'antre du chevalier noir ? Même ceux qui avaient obtenu la permission semblaient réticents à accepter l'invitation.

Et entrer sans permission était exactement ce qu'elle avait l'intention de faire.

Bien que le bon sens lui conseillait le contraire, elle ne put contenir sa curiosité.

C’était l’occasion d'en savoir plus sur son mari en observant les pièces au grand jour.

Était-il là ? Allumait-il des bougies quand il était seul pour alléger le poids des ombres ? Peut-être pourrait-elle le voir si l'obscurité n'était pas trop épaisse.

Si la pièce était vide, elle pourrait chercher des signes capables de révéler des détails sur la personnalité du chevalier noir.

Lorsqu’elle atteignit les chambres, son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'il semblait vouloir sortir de sa bouche.

Sans hésiter une seconde, elle ouvrit la porte et entra.

Cependant, à sa grande déception, aucune révélation ne lui a été faite.

Comme d'habitude, les ombres dominaient chaque recoin et seul le feu dans la cheminée brisait l'obscurité totale.

Le crépitement des flammes était le seul bruit audible. Soudain, quelque chose heurta ses pieds.

Les chiens ! Comment avait-elle pu les oublier ?

-Keira ?

Elle faillit s'évanouir au son de la voix de son mari, émergeant des ténèbres comme une menace.

-Qu'y a-t-il ma femme ? Bien qu'elle ait essayé de juger de l'humeur d’Andrew en fonction du ton de sa voix, rien n'en était sorti.

Sa nervosité était telle qu'elle l'empêchait de penser clairement.

Était-il trop irrité par l'invasion inattendue ?

-Puis-je te déranger quelques secondes ? demanda Keira embarrassée, tout son corps tremblait.

J'ai écrit une lettre à mon intendant de Dortmans... et j'aimerais la lire pour ton approbation.

-Où est Pénélope ?

-Je l'ai vu partir avant de venir ici.

Elle pensait qu'il valait mieux ne pas expliquer pourquoi elle s'était précipitée sans même frapper à la porte.

-Si tu es trop occupé...

-Non. Assieds-toi s’il te plaît. Le ton sec de McFarlane indiquait clairement qu'il savait très bien que la lettre n'était rien de plus qu'une excuse.

-Lis la moi.

Assise près du feu, Keira fit ce qu'on lui demandait, heureuse d'avoir pu garder sa voix calme et contrôlée.

Maintenant, elle n'avait plus qu'à attendre l'avis de son mari.

Bien qu'elle se souciait d’Andrew plus qu'elle n'aurait jamais cru possible de se soucier de qui que ce soit, le pouvoir qui émanait de lui l'intimidait toujours et, comme un enfant pris en flagrant délit, elle était consciente qu'elle avait essayé de récolter le fruit défendu, en entrant ici sans y être invité…Sera-t-elle réprimandée ?

-La lettre est très bien écrite.

Le commentaire lui avait apporté un soulagement indescriptible.

-Je pense que tu devrais l'envoyer sans tarder.

Je t'ai manqué femme ?

La question la prit par surprise à cause du brusque changement de sujet.

-Oui. Et c'était la pure vérité.

La présence de son mari lui manquait et elle tentait de se consoler de cette absence en se consacrant à diverses activités.

-Alors viens ici.

Surprise et heureuse, Keira se dirigea vers la voix, ignorant les chiens et l'obscurité.

Puis des bras puissants l'entourèrent.

-Tu es une femme ardente qui ne semble pas capable de se tenir à l'écart de son mari.

-C'est une triste vérité.

Elle soupira et appuya sa tête contre sa large poitrine, sentant ses lèvres chaudes caresser légèrement ses cheveux.

-Peut-être que c'est triste pour toi, mais c'est un plaisir pour moi.

Elle l'étreignit avec le désespoir de celui qui s'accroche à la vie.

-Non. C'est une joie pour moi.

-Chérie... Le mot était suspendu dans l'air, comme un gémissement, une supplication, une prière.

Puis leurs lèvres se rencontrèrent avec avidité, une faim qui ne pouvait être assouvie.

Les mystères entourant le chevalier noir furent momentanément oubliés, la magie qui les attirait l'un vers l'autre les enveloppant dans un tissu de séduction et d'enchantement.

Keira avait oublié ses corvées et avait passé toute la matinée dans le lit de son mari.

À l'approche du jour de Noël, Libby était devenue de plus en plus désireuse d'aider.

En effet, le changement qui s'était opéré chez la bonne depuis son arrivée était impressionnant. D'innombrables fois, elle l'avait surprise en train de fredonner joyeusement pendant qu'elle travaillait, et aujourd'hui ne faisait pas exception.

-Je pense que nous aurons assez de gâteaux madame mais je pense que nous devrions faire cuire plus de pain pour que les villageois les ramènent à la maison.

-Donc, à ton avis, du pain supplémentaire attirera les gens au château ?

-Oui madame.

Ce sera bien pour les gens d'avoir une journée d'abondance et de fête.

L'opinion de Libby sur la fête de Noël était si différente d'il y a quelques semaines que Keira ne put résister à l'envie de la taquiner.

-Même si le chevalier noir décide de les rejoindre ?

-Eh bien, vous devez comprendre que je ne peux toujours pas l'approuver, mais Bruce dit toujours qu'il est un homme bon.

J'ai donc décidé de réserver mon jugement définitif.

Pendant un moment, Keira se sentit irritée parce que la servante semblait croire davantage la parole de Bruce que la sienne.

Puis elle décida que c'était peut-être sa faute parce qu'elle n'avait pas défendu son mari avec la véhémence nécessaire.

Bien sûr, elle avait réfuté les rumeurs qui l'entouraient, mais avait-elle dit à Libby que son mari était gentil et doux et… ardent ?

-Bien sûr, c'est un homme bon.

-C'est probablement le cas puisque Bruce a une si haute opinion de lui, mais je dois avouer que j'ai encore des doutes.

La conversation fut interrompue par l'arrivée de Bruce lui-même sortant de la cuisine avec un verre de bière à la main.

-Petite Libby, Charlotte a besoin de toi dans la cuisine, annonça-t-il en grignotant une friandise.

-Et puis-je savoir ce que tu fais là ? demanda la servante avec un doigt levé.

Sûrement te goinfrer de gâteaux et de sucreries qui sont en préparation pour le dîner de Noël.

Le soldat sourit sans la moindre once de remords, les miettes autour de ses lèvres révélant ce qu'il avait grignoté.

Libby sortit du couloir en marmonnant bruyamment que le vieillard se comportait comme un enfant. Seule avec le soldat, Keira le regarda comme si elle le voyait pour la première fois.

C'était quelqu'un qui connaissait réellement son mari.

Selon la conversation de la femme de chambre, Bruce admirait et respectait le chevalier noir, il devait donc bien le connaître.

L'homme était probablement au service du baron depuis longtemps, et qui sait, il sera peut-être en mesure de répondre à certaines des questions qui la hantaient ? Son cœur battant d'impatience, elle s'assit à côté de Bruce, tout en gardant les yeux sur la porte de la cuisine au cas où Libby apparaîtrait.

Elle voulait que cette conversation reste privée.

-Bruce…commença-t-elle prudemment.

Vous êtes au service du chevalier noir depuis de nombreuses années, n'est-ce pas ?

-C'est vrai madame, répondit le soldat avant de prendre une longue gorgée de bière.

Elle attendit, certaine que d'autres commentaires seraient faits.

Mais Bruce resta silencieux, le regard fixé sur le feu qui crépitait dans l'âtre.

Apparemment, il n'était bavard que lorsqu'il était de bonne humeur ou lorsque le sujet l'intéressait.

-Combien de temps ? insista Keira, ne voulant pas abandonner.

-Oh, pendant des années madame.

Et à quoi ressemble-t-il ? avait-elle envie de demander, mais la pudeur l'en empêcha.

Comment aurait-elle le courage d'avouer au soldat qu'elle n'avait jamais posé les yeux sur la silhouette de son mari ?

-Ceux qui, comme moi, rejoignent le chevalier noir restent généralement au poste car le baron est un homme juste et un grand guerrier.

Mais à quoi ressemble-t-il ? Elle ne s'était jamais sentie aussi proche et aussi loin de découvrir la vérité sur Andrew.

-J'imagine que la seule taille de mon mari faisait peur à ses ennemis.

-Oui. C'est un grand homme.

ET... ? Un instant, elle songea à prendre un couteau et à menacer le soldat pour l'obliger à lui donner l'information qu'elle cherchait.

De quelle couleur étaient les cheveux de McFarlane ? De ses yeux ? À quoi ressemblait son visage ? Défiguré, peut-être ?

-Mon mari... fait peur à ses ennemis ?

C'est ainsi que toutes ces histoires absurdes ont commencé à être racontées.

Bruce haussa les épaules, montrant tout son dégoût face aux rumeurs étranges qui entouraient le seigneur.

Bruce ne croyait donc pas non plus à ces absurdités impliquant la sorcellerie, conclut Keira.

Pourtant, le soldat avait admis que la simple présence d’Andrew effrayait ses ennemis.

Prenant une profonde inspiration, Keira essaya d'assimiler la révélation.

Il n'y avait qu'une seule conclusion logique.

McFarlane devait être né avec une difformité, ou bien il avait été terriblement défiguré par des blessures subies au combat.

Cependant, cette éventuelle déformation n'avait pas pu être détectée en la touchant du bout des doigts.

-Bruce… demanda Keira très sérieusement. Pourquoi n'entraîne-t-il pas personnellement ses propres hommes ? Le soldat resta silencieux pendant plusieurs secondes, les yeux fixés sur son verre de bière.

-Je ne peux pas le dire avec certitude.

Tous ceux d'entre nous qui sont sous les ordres du chevalier noir ont estimé qu'après avoir reçu le domaine en récompense de ses services au roi, il méritait de se reposer.

Je suppose que c'est ce que fait le chevalier noir.

Un repos ? Keira pouvait à peine croire ce qu'elle venait d'entendre.

C'était le genre de réponse qui n'expliquait en rien les innombrables mystères entourant Andrew McFarlane.

-Mais il ne quitte jamais la pièce !

-Vraiment ?

Le ton désintéressé du soldat lui fit clairement comprendre que le comportement du chevalier noir ne lui causait pas la moindre surprise.

-Je ne sais rien des habitudes du baron madame.

Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je vais chercher Libby.

Après tout, j'étais chargé de la protéger, n'est-ce pas ? Keira resta où elle était, certaine que peu importe à quel point elle essayait, Bruce ne révélerait rien.

Andrew avait su bien choisir les hommes qui l'entouraient, et aucun d'eux ne romprait son serment d'allégeance.

Fatiguée de devoir faire face à tant de questions sans réponse, elle décida de se consacrer aux tâches de la journée.

Ramassant le verre de bière que le soldat avait laissé sur la table, elle commença à marcher vers la cuisine.

Soudain, regardant le reste du liquide sombre et opaque, elle se souvint de la potion que la veuve Paola lui avait donnée.

Si seulement il y avait une herbe capable de faire parler les gens librement, sans aucune sorte de censure... Peut-être qu'ainsi, elle trouverait les explications aux doutes qui la tourmentaient.

L'idée qui lui vint eut la force de l'éclair.

Malheureusement, il n'y avait pas d'herbes capables de contraindre quelqu'un à dire la vérité, mais il y avait beaucoup d'autres types d'herbes, chacune avec des pouvoirs spéciaux et particuliers.

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