chapitre 19

-Notre mère nous a dit qu'elle n'avait choisi qu'un nom lorsqu'elle était tombée enceinte, donc il devait nous servir à toutes les deux, expliqua l'une des servante.

-Vous pouvez partir maintenant toutes les deux, dit Andrew et Keira poussa un soupir de soulagement.

Comment avait-t-elle pu être assez stupide pour être influencée par les histoires absurdes de Libby ? Pas étonnant que McFarlane ait ri à ses dépens.

-Reviens dans mon lit femme.

La voix rauque de son mari avait le pouvoir de la faire frissonner de la tête aux pieds.

La seule chose qui la bouleversait était qu'il n'était rien d'autre qu'une voix désincarnée, une voix dans les ténèbres hors de portée de la lumière du feu, une forme cachée par les ombres, une énigme… son chevalier de la nuit.

-Mais je... je viens de m’habiller, marmonna-t-elle, les seins gonflés et le souffle saccadé.

Oh mon Dieu, qui était vraiment cet homme ? Comment avait-il réussi à la dominer à ce point, au point de la laisser presque sans volonté propre ?

-Viens dans mon lit et n'aie pas peur, je ne t'aurai plus ce soir ma pauvre femme.

As-tu très mal ?

Le visage en feu, Keira hocha la tête en signe d'accord.

Cependant, autant son esprit essayait de trouver des excuses qui lui donneraient envie de retourner dans sa chambre, pleine de bougies et de lumière, autant son cœur ne voulait que la faire retourner dans les bras de son mari, quitte à choisir l’ombre...

-Non, je n'ai pas mal.

- Alors viens.

Irrésistiblement attirée par le son de cette voix, Keira se dirigea vers le lit protégé par l'obscurité.

Bien qu'elle ne bougeait plus, elle sentit la main d’Andrew se refermer autour de son poignet et la tirer fermement.

Réalisant ce que son mari avait en tête, elle essaya de s'éloigner ou du moins de le forcer à s'arrêter.

-Andrew, non ! cria-t-elle.

Mais ses paroles n'eurent aucun effet.

Déterminé, McFarlane la dégagea de ses chaussures et se mit à la chatouiller sans pitié.

-S'il te plaît ! S'il te plaît, arrête !

De longues secondes s'écoulèrent avant que sa demande ne soit accordée.

-Pourquoi me tortures-tu autant espèce de maléfique ?

-Parce que j'aime t'entendre rire.

Son rire est limpide comme l'eau d'un ruisseau.

Toujours haletante et respirant des bouffées d'air, Keira était trop faible pour protester lorsque Andrew retira sa robe d'un mouvement rapide et précis.

Sentant ses mains fortes contre sa peau nue, elle frissonna, chaque centimètre de son corps palpitant de vie et de désir.

-Pourquoi aimes-tu m'entendre rire ?

-Parce que ton rire me soulage, me réconforte, me donne la paix, répondit McFarlane en la blottissant contre son corps.

Respectant sa promesse, il n'essaya pas de la posséder à nouveau.

Il la tenait simplement fermement contre sa poitrine, ses bras musclés représentant un nid chaud et protecteur.

Sans trop comprendre pourquoi, Keira connut un si grand bonheur qu'elle voulut y rester pour toujours. Silencieuse, immobile, sentant juste la présence de son mari comme une extension de son propre corps.

-Tu me réconfortes Keira, parla doucement Andrew, la serrant si fort dans ses bras que pendant un instant, elle crut qu'elle ne pouvait même pas respirer.

Keira voulait coucher avec lui.

Recroquevillée à côté de son mari, appuyée sur l'un de ses bras musclés, écoutant le bruit d'une respiration régulière, elle se sentait heureuse.

Cette proximité ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait connu auparavant.

Étrange, oui, mais pour la première fois, elle n'avait pas pensé à s'enfuir ou à éviter les sentiments.

Respirant l'odeur masculine de cette peau chaude, elle voulait juste rester près de son corps viril pour toujours.

Elle ne comprenait pas pourquoi elle trouvait autant de réconfort auprès du chevalier noir.

Mais le fait était qu'il lui donnait de la chaleur et l'a faisait se sentir… désirée.

Plongée dans l'obscurité, elle pouvait même imaginer que c'était un mariage normal, peut-être même meilleur que la plupart, car ils semblaient tous les deux se soucier l'un de l'autre, chose inhabituelle dans les unions entre nobles.

Keira était consciente de son affection pour Andrew, et malgré son hostilité initiale, elle croyait qu'il avait une certaine considération pour elle.

C'était du moins ce qu'elle pouvait entrevoir à travers les moments de passion.

Là s'arrêtait le semblant de normalité, car quelle femme n'avait jamais pu voir son mari en plein jour ou à la lueur des bougies ? Autant elle avait essayé de le visualiser, autant la tâche s’était avérée impossible.

Bien qu'elle ait tracé les contours de son visage du bout des doigts, elle n'était pas une artiste pour imaginer la réalité au toucher.

Les cheveux d’Andrew étaient-ils noirs, bruns ou roux, pour être à la hauteur du titre ? Oh mon Dieu, comme elle aimerait savoir...

-Chérie... La voix de son mari, basse et grave, détourna ses pensées. Il l'embrassa sur le front, la faisant sourire et se blottir contre sa large poitrine. Cet homme ne la laisserait jamais se reposer ? Mais même épuisée, elle savait pertinemment qu'elle pouvait facilement se laisser convaincre de s'adonner encore et encore aux plaisirs du sexe.

-Il se fait tard, tu ferais mieux d'aller dans ta chambre maintenant.

Keira ouvrit les yeux de surprise, bien qu'elle ne pouvait rien voir d'autre que l'obscurité.

Alors il la renvoyait ? Les merveilleux sentiments qui grandissaient dans son cœur étaient réduits en poussière.

Aussitôt elle se leva et chercha sa robe.

Comme elle ne pouvait pas la trouver, elle jura dans sa barbe.

Ou serait-ce un hic ?

-Keira, chérie...

Le traitement affectueux ne provoqua que son dédain.

La touche de tendresse n'avait aucune importance. Après tout, à quoi bon être jetée hors du lit comme une femme de la vie, à qui l'on paie un instant de plaisir avec quelques pièces d'argent ? S'accrochant à une once de dignité, elle continua à chercher ses vêtements, ses mains tremblaient de façon incontrôlable.

Andrew prit ses poignets et essaya de la serrer dans ses bras.

Mais elle refusait d'accepter le contact et fit un pas en arrière, trébuchant sur les chiens.

-Ah ! Se sentant au bord de la dépression nerveuse, Keira était prête à quitter la chambre de son mari emmitouflée dans une couverture lorsqu'il lui tendit les vêtements.

En quelques secondes, elle s'habilla et se prépara à partir.

-Keira... tes chaussures.

McFarlane se moquait-il d'elle ? Comment aurait-elle pu imaginer que cet homme arrogant avait de l'affection pour elle ? Oh mon Dieu, elle voulait juste disparaître et oublier ce qu’il s'était passé dans ce lit double.

-Aurevoir ma femme.

Furieuse, elle voulut claquer la porte.

La seule raison pour laquelle elle ne l'avait pas fait était que la porte était trop lourde et que l'une des Pénélope attendait à l'extérieur.

La domestique la raccompagna jusqu'à sa chambre sans dire un mot. Soudain, son propre lit lui parut immense, vide et solitaire.

Ce serait une longue nuit.

Comment pourrait-elle bien dormir ? Le lendemain matin, tandis que Libby l'aidait à s'habiller, Keira essaya de se convaincre qu'elle devait agir plus raisonnablement.

Peut-être qu'elle perdait vraiment la tête.

Elle se trouvait impatiente de sauter dans le lit du chevalier noir et réticente à le quitter.

Elle avait passé toute sa vie à esquiver ses sentiments et à protéger son cœur.

Pourquoi se sentait-elle maintenant obligée de se remettre à son mari sur un plateau ?

Elle sentait encore le parfum d’Andrew sur sa peau, son corps marqué par leur nuit d’amour.

Si elle décidait de prendre un bain à cette heure de la matinée pour se débarrasser des souvenirs, Libby finirait par en soupçonner la raison et recommencerait avec la même litanie à propos du chevalier noir l'ayant ensorcelée.

Elle dévisagea la servante réservée, attendant le moment d'être accusée de participer, en tant que complice, à des cérémonies de magie noire.

Cependant, à sa grande surprise, Libby ne lui prêtait aucune attention.

Au lieu de se plaindre de la vie à Grimwood comme c'était son habitude, la bonne s'occupait à tresser les cheveux de la maîtresse pendant… qu'elle fredonnait.

Avec une pointe d'envie, Keira conclut que quelque chose de spécial devait s'être produit.

Elle se sentit soudain plus seule que jamais. Avait-elle tellement l'habitude de défendre son mari des attaques de la bonne qu'elle se demandait maintenant qui la défendrait ?

-J'ai découvert comment Pénélope peut être à plusieurs endroits en même temps.

-Vraiment ? demanda Libby sans grand intérêt, en fredonnant un air complètement différent du précédent.

-Oui, elle n'est même pas une femme, mais deux.

Ce sont des jumelles, annonça-t-elle, attendant la réaction de l'autre.

À sa grande déception, l'expression sur le visage de la servante resta inchangée.

-Vraiment ? Il n'est donc pas surprenant qu'elle fasse un double travail.

Ou peut-être qu'elles ne font rien, sous prétexte d'être deux.

L'une pousse le service à l'autre. Keira la regarda attentivement, étonnée du sourire sur le visage de Libby et des paroles insouciantes.

Elle s'était attendue à de l'étonnement, des discussions, des commentaires sur la magie noire qui régnait sur Grimwood.

Elle n'était tout simplement pas préparée à ce que la bonne accepte ses explications avec une facilité presque indifférente.

-Très bien madame, j'ai fini de tresser vos cheveux, vous êtes magnifique ce matin.

Aurez-vous besoin de moi pour autre chose ? Elle secoua la tête d'un côté à l'autre.

Il semblait même que celle qui était ensorcelée était Libby... Déterminée à ne pas passer toute la journée à penser à son mari, Keira s’était lancée dans le travail, mais, aussi dur qu'elle ait essayé, elle ne pouvait pas arrêter de le vouloir.

Elle aspirait au toucher de ses mains fortes, au son de sa voix grave et sensuelle.

Pourtant, il n'y avait pas que les moments de passion charnelle qui la troublaient.

Il manquait aussi la tendresse, le chatouillement, la sécurité offerte par son étreinte.

Peut-être qu’Andrew l'avait ensorcelée et qu'elle n'avait donc plus de volonté propre.

Non, ce n'était pas vrai.

Elle avait une volonté propre, elle était juste affaiblie. Comment redevenir ce qu'elle était ? La femme indépendante et sûre ? Maintenant plus que jamais, elle était certaine que les rumeurs impliquant le chevalier noir étaient complètement infondées, surtout après avoir découvert que Pénélope n'était rien de plus qu'une mortelle ordinaire.

Bien que Keira doutait qu’Andrew possédait des pouvoirs spéciaux pour la charmer, elle ne pouvait nier qu'elle ressentait quelque chose de spécial pour lui, quelque chose qui la faisait se rendre sans aucune hésitation ni honte.

Pourtant, à la lumière du jour, certaines certitudes la blessaient profondément.

Après tout, n'avait-elle pas appris, il y a quelque temps, que cela ne valait pas la peine d'aspirer à la proximité de quelqu'un ? Après toutes ces années, il était encore difficile de faire face au rejet.

Surtout maintenant, alors qu'elle avait connu la plus délicieuse intimité dans les bras du chevalier noir.

Elle essaya de se convaincre qu'elle n'avait jamais voulu ni eu besoin de personne.

Pourquoi alors était-elle attirée par son mari, un personnage étrange et mystérieux qui tenait à se cacher dans l'ombre ? Le fait était qu'elle se sentait impuissante face à son propre destin et cela la troublait profondément.

L'image d’Andrew ne pouvait plus lui sortir de l'esprit, l'empêchant de vivre en paix, et soudain elle voulut simplement devenir indifférente envers son mari, comme elle l'avait toujours été envers les autres hommes.

Abandonnant ses corvées sur un coup de tête, Keira alla à la cuisine.

Peut-être qu'un peu de compagnie avant le déjeuner la sortirait de cette mauvaise humeur ? Charlotte l’accueillie.

-Merci d'avoir si bien pris soin de la brûlure de Mouna, c'est la guérison qui est une beauté.

Keira sourit, mais les paroles de la cuisinière la mettaient mal à l'aise.

Était-ce seulement quelques jours auparavant qu'elle avait imaginé qu’Andrew souffrait d'une brûlure qui l'obligeait à rester dans l'ombre ? Maintenant, elle était sûre que ce n'était pas le cas.

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