Ma chère Canacé,

Ton absence forme un vide dans mon cœur. Je me meurs de tristesse. Je sais que des Enfers tu me regardes, et ce regard réchauffe mon cœur pourtant transpercé de tout côtés par une douleur lancinante. Perséphone et Hadès nous enverront sûrement dans le Tartare pour avoir outrepassé les lois divines... J'aurais tant voulu te voir vieillir en compagnie de notre descendance et traverser le Styx en ta compagnie. Au lieu de ça, Charon me ris au nez.

Ah ! Pourquoi punir un nouveau-né juste pour sa simple venue au monde, sa simple présence ? Cet enfant qui ne connaîtra jamais la douceur d'une mère et la rigueur d'un père ! Cet enfant, qui naquit sous le regard maternel de sa génitrice, se vit retiré à celle-ci pour rencontrer les cocs de chiens affamés. Cet enfant, à qui Père spolie son avenir.

Mais au fond, ne sommes-nous pas tous les jouets des dieux ? Notre tragédie n'a-t-elle pas été écrite pour des loisirs divins ? Notre amour, certes au-delà de l'imaginable pour un frère et une sœur, ne serait que mirage ? Les dieux sont injustes, et je le conçois, Père ne faisant pas exception, mais pourquoi ? Pourquoi n'a-t-il pas pleuré ? Pourquoi affiche-t-il toujours cette façade méprisante ?

Sur ta tombe j'ai déposé un dernier bouquet de magnolia en signe de ma fidélité pendant ta courte absence.

Mais ne t'inquiète pas ma Canacé, bientôt je te rejoindrais sur la terre de Cerbere. Nous n'irons sûrement pas aux champs Elysées, mais être avec toi me comblera.

A bientôt, ma bien aimée Canacé.