Ma vraie nature
06 Août 2014
Une amie m'a dit un jour « la vie n'est pas aussi simple que tu le penses. »
Cette phrase bien que sans importance pour la petite fille de six ans que j'étais, est restée terrer dans un coin de ma mémoire. J'étais une enfant spéciale. Une qui passait son temps à déblatérer des choses sans vraiment le penser, ni d'ailleurs à en comprendre le sens. Le monde des adultes me fascinait. Cette fausse philosophie que certains se hasardaient à m'enseigner, me déroutait.
Cette réflexion ne m'avait jamais secouée plus que ça. À quoi bon chercher à comprendre le vrai sens de la vie quand celle-ci n'avait même pas commencé pour vous ? Pure perte de temps que s'aurait été.
Un jour d'été, veille de mon anniversaire pourtant, le vingt juillet que c'était, je l'ai à nouveau rencontré, cette phrase sur mon chemin. Ce jour où mes parents m'ont dit : « Ma chérie, tes maux de tête nous inquiètent. On doit t'examiner''
Bien qu'au départ légèrement réticente à l'idée d'aller voir ce médecin, ceux-ci finissent par m'y convaincre.
Je ne me doutais point que dans cette pièce blanche, immaculée et qui sentait affreusement le détergent, que sous mes pieds mon univers allait se dérober et que la terre me lâcherait, pour que finalement la folie s'emparerait de moi. Par cette seule phrase : « Monsieur. Vous allez devoir être courageux. L'IRM nous a révélé....... », Il m'a fait rentrer dans un état second.
Je n'avais jamais apprécié ses médecins. J'aurais dû écouter mon instinct. Mon ouïe pourtant parfaite avait failli pour la première fois à sa tâche.
Je revoyais là mon amie me disant sur un ton amusé « la vie n'est pas aussi simple que tu le penses. » Alors que je lui répondais « tu veux rire ? D'où sors-tu ses bêtises ?» avant d'aller jouer dans le jardin de la voisine sous la pluie. Ce sont des jours confus que réapparaissent la trame des souvenirs d'enfance, aussi amer à notre âme qu'un rêve d'avenir inachevé.
Vous est-il déjà arrivé d'avoir tellement mal que vous pleuriez toutes les larmes de votre corps et ne souhaitiez qu'une chose ?: Mourir... D'avoir peur de prendre du paracétamol parce que pour vous, toute substance ingérée vous faisait paniquer car pensiez-vous que cela pourrait développer ce truc horrible, cette petite boule éparpillée un peu partout dans votre crâne et qui pourrait à tout moment se réveiller et se développer un peu plus ?
Vous êtes vous déjà senti impuissant, au point où vous ne pouviez plus lire des lettres, parce que l'alphabet était pour vous des dessins fascinants joliment agencés ?
Quand votre quotient intellectuel si élevé ne vous aidait point et que par moment vous étiez moins qu'une enfant qui venait de naître ?
« Non, je ne pense pas.
L'impuissance vous ne connaissez pas »
Je vivais dans cette angoisse permanente chaque jour que Dieu fait. Je mentirais si je disais que je n'étais pas croyante, pour coller à cette idée faussement reçue que quand on est intelligent on doit être athée et penser à tout de façon scientifique. Je ne suis pas plus intelligente que quiconque ou moins bête que vous tous...
Je me perdais. Mon esprit flanchait. Prendre des notes faisait office de mémoire. J'étais devenue dépendante de pages. Mes propres pages.
Je sais qu'on dit souvent qu'il est difficile de s'habituer à la douleur, mais je vous assure qu'on s'y fait. Pas de la manière que vous pensez, mais on finit par la supporter et vivre avec jusqu'au jour où, en une semaine, quatorze kilos s'envole et que votre médecin vous ramène à la dure réalité en disant « tu vas mourir si on ne t'opère pas »
J'avais remarqué ce fameux jour que le mot '' risque'' était sorti de son vocabulaire.
Ce soir, c'était une évidence.
Le choix était clair.
Plus aucun doute.
'' La mort ou peut-être la mort..''
Tout ce en quoi j'avais cru, combattu, renié en suivant un régime hyper strict, en ne consommant aucun produit nocif, à faire quatre heures de sport par jour, n'avait malheureusement servi à rien. Il fallait qu'on m'opère, qu'on me fasse cette craniotomie qui allait à tout jamais changer ma vie...
Le verdict tombé, cette nuit-là, je suis partie voir mon amie dans un pauvre pays d'Afrique où j'avais vécu six mois. J'ai pris l'avion, me suis tapée quinze heures de vol avant d'atterrir sur le pas de sa porte pour qu'elle m'entende, les yeux pleins de larmes et le nez qui perdait du mucus, maudire tous les saints qui composaient ce monde...
Je n'arrêtais pas de lui répéter '' Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi la vie n'est pas si simple que ça? ''. Et elle m'enlaça de ses bras fins et me chuchota doucement tout en pleurant avec moi '' Calme toi ma princesse. Je suis désolé. Le seigneur est avec toi''
À ce moment, j'ai pensé '' Fuck le seigneur ! Pourquoi me faisait-il vivre cela ?'' ... J'aurais voulu que ce soit Elle qui soit à ma place. Qui souffre à ma place. Qui ressente ce que je ressentais. Mais malheureusement, la maladie qui nous frappe, n'est jamais celle de tout le monde.
Aucun mot n'a pu sortir de mes lèvres, devant sa porte, entre ses bras, pleurant toutes les larmes de mon corps. Les voisins qui passaient par là nous prirent sûrement pour des folles. Il faut quand même dire qu'aux yeux des africains, les asiatiques avaient tous un truc de fou...
Deux heures assises là, on regardait le ciel dégagé alors que le pays était en temps de pluie. Ne serait-ce pas un signe que m'envoyaient les cieux pour me dire que tout se passerait bien ? Au point où j'en étais arrivé, j'étais prête à voir un signe dans n'importe quoi. De toutes les façons que je le veuille ou non, cette opération il fallait que je la fasse...
Sans mettre pied dans la maison dont la propriétaire m'avait bercée tendrement, je repris deux heures plus tard le vol qui m'emmena devant la salle où tout allait se jouer, m'amusant à écrire un petit texte dans l'avion '' Mon autre nature'' car les commentaires que j'y lisais me redonnaient du courage et me faisaient illusoirement penser que je n'étais pas seule dans ce monde.
Jamais je ne fus si heureuse de voir ma famille autour de moi...
Ma mère, pour la première fois de sa vie. Mère avec qui je n'avais pas une si grande affinité, pleurait.
Ma cousine, ma jolie petite cousine dont les larmes j'étais habituée à voir, me déchiraient le cœur. J'aurais pu lui dire là que je l'aimais. Que je ne rêvais que d'une chose, faire d'elle mienne. J'étais contente de l'attention qu'elle m'avait accordée durant tout ce temps. Pourtant je n'y fis rien car le lui faire savoir, et ne pas ressortir vivante de cette salle d'opération, lui briserait encore plus le cœur.
Mon compagnon de toujours, mon frère adoré, un petit génie des jeux vidéo qui les adoraient plus que tout, a quitté son écran de télévision et sa X-box pour venir me rejoindre. Preuve qu'il m'aimait vraiment, n'est ce pas ?
Quant à mes deux petites sœurs, je suppose qu'elles n'y comprenaient pas grand-chose. Elles étaient les suivistes du groupe. Pleuraient parce que Maman et papa pleuraient...
Avant d'entrer dans cette salle infernale où tout se jouerait, plusieurs citations d'auteurs ont émergé dans ma tête.
Pourquoi ?
- Parce que j'aimais bien la littérature ?
- Ou parce qu'inconsciemment était-ce une forme de lutte contre la maladie ?
- Ou peut être tout simplement me redonnaient-elles du courage?
La réponse à cette question, je ne l'ai jamais vraiment su.
Mon père me sortit de mes pensées en m'enlaçant de tout son être et m'écrasant de tout son poids avant de se dégager et de me dire tendrement de sa voix nouée d'émotions: " Bonne chance ma grande. Tu vas t'en sortir''
Cette phrase dessina un sourire sur mes lèvres sèches de peur, avant de s'évanouir face aux larmes que je versais devant ma famille, pour la seule fois depuis quinze ans. J'étais quand même heureuse que mon père qui me considérait comme son bébé, m'avait pour la première fois qualifiée de '' grande''.
Seul Descartes résuma affreusement mes sentiments à ce moment là: « Souvent une fausse joie vaut mieux qu'une tristesse dont la cause est vraie »
J'avais gravi d'un échelon devant les portes de la mort.
Ironie du sort que c'était d'apprendre qu'on grandissait alors que bientôt on mourrait.
J'étais terrifiée.
« Nous naissons, nous vivons... Nous mourrons sans savoir comment. Chacun est parti du néant : Où va-t-on ?.... Personne ne sait »
« La vie est belle, n'est ce pas ? »
M'en suis-je sortie ? Bono de U2 a parlé un jour de l'authenticité dans ce monde différent qui est le nôtre en disant : '' je vous en prie, laissez tomber vos ego, je vous supplie d'être vous-mêmes et personne d'autre. Vous êtes tellement beaux tels que vous êtes »
Avez-vous suivi son enseignement ?
Car moi si. Aujourd'hui, j'ai plus de souvenirs que si j'avais vécu mille ans.
J'étais heureuse. Je suis heureuse, assise sur ce banc de parc avec ma cousine qui me voue un amour sans égal, et à qui je le rends, en lui donnant le baiser qu'elle attendait depuis toujours.
De toutes les leçons de la vie qu'on aurait pu m'enseigner '' Vivre'' est impérativement, celle que j'en aurait retenu.
'' Veux tu, cette fois-ci, être mon ami ?''
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