Et ton existence en est sa quintessence.

Trop de morts.
Trop de tords.

Plus rien ne les attachaient à un semblant de vie.
Plus rien n'avait retenu ces pertes anéantis.

Chacun savait.
Chacun jouait.

Un métal devenu occident.
Une lame d'un avenir différent.

Deux formes pour une seule envie.
Un adieu pour toutes ces vies.

Un nouvel éclat, un pardon.
Des non-dits, plus un son.

C'est dans le sang de ces deux enfants gardiens que le Multivers recommença sans que plus personne n'ai plus à souffrir de ses pertes et de ses douleurs.

Ne restera enlacés que cette pomme détruite et cette seringua blanche.

***

« Je t'ai observé dans l'ombre bien que je te sois invisible.
J'étais à tes côtés comme une douce amie et pourtant tu m'as reniée.
Tu l'as aimé et tu t'es abîmé les ailes à vouloir qu'il te regarde, esseulé

Tu l'as souvent pensé être mais tu l'as aimé comme il t'a bafoué.
De ma clarté tu t'es égaré quand ses yeux tu as rencontré.
De moi tu t'es écarté mais je n'accepte être ainsi rejetée.
Cet amour ne te sera toujours que nuisible. »

Ainsi fut lancée la malédiction d'une Mort trop envieuse à sa servitude déplorée. Jalousie, jalousie, danse avec le démon pour que de votre noir dessein déplore la tragédie qui est contée dans ses lignes. Que de la gueule de la féline Grâce magnanime, sorte la haine d'avoir été bafouée.  Que d'un coup d'un seul, le destin d'une dynastie soit maudite. Que de par ses vers, la Mort ne trouve en sa compagne qu'une vague délivrance d'une sordide morbidité devenue aussi mortelle qu'une dague en pleine âme.

Ma Mort était présente quand il naissait pour la première fois. Elle l'observait déjà quand ses orbites turquoises ont heurté avec fracas l'orbite glitché de celui qui venait de voler son âme.

Pourtant il lui appartenait déjà ! Son âme était déjà sienne avant qu'elle ne batte pour lui, pour ce demi-mort qui n'avait pour lui que du dédain. Elle ne dirait pas qu'elle aime l'objet de ses tourments mais, lui et elle, sont tous deux liés à la vie à la mort.

Et c'est ici que il l'a rejointe. Elle l'a rappelé à elle quand elle a jugé qu'elle le perdait. Pour parvenir à ses fins, elle l'a maudit, maudit pour qu'il soit à nouveau rien qu'à elle.

Ainsi il est tombé malade. Elle a tout fait pour lui en atténuer la douleur mais le malotru avait à nouveau quelqu'un d'aimant à ses côtés. Il est venu dans sa vie avec de noirs desseins, mais il en était déjà fini.

La marche mortuaire était déjà en marche pour que de son trépas elle renaisse de ses cendres tel l'oiseau de mythe. Cependant elle avait mal. Elle était rongée de le voir aimer à nouveau loin d'elle un squelette qui n'était pas elle, bien qu'elle savait qu'il ne le sauverait point.

Reaper lui appartenait.

Et c'est ainsi qu'il est mort. Il est devenu poussière sur cette petite fleur d'amour éternel, amour qu'elle ne pensait qu'il ne donnerait qu'à elle. Il est mort et a rejoint la Matrice.

Il l'a privé de lui, mutilé de sa présence, séquestré de son absence. Elle le voulait pour elle et elle seule. Mais ce n'est pas dans sa mort qu'il l'a rejoint puisqu'il n'était plus personne, une ligne de code source de données inadaptées tout au plus.

Elle a pleuré, crié pour qu'il revienne. De sa vile perfidie, il la blessa en accomplissant son vœu le plus cher. Elle ne pouvait plus exister sans lui, n'approuvant en rien sa descendante lignée qui n'était en rien LUI.

Elle ne voulait pas de cet enfant qu'il avait conçu avec un autre. Cette tromperie qu'était sa personne ne lui renvoyait en image que son égo fracturé par le miroir de leurs âmes égarées. Il lui fallait sa présence, l'absinthe de son âme si morte.

Alors elle l'a ramené.

Il lui a suffi de glisser un simple mot dans un livre montré à la bonne personne pour qu'ils le ramènent à elle. Qu'ils ne fassent qu'un à nouveau. Pourtant il l'a encore trahis.

Par sa faute, il ne pouvait revenir sans mourir à nouveau. Il fallut donc qu'elle fasse des concessions pour l'avoir à nouveau. Elle lui a accordé à nouveau de pouvoir se lier avec celle qui compose son opposé.

Elle les a laissé jouer avec ce qu'ils ne comprenaient pas, ce qui les dépassaient, ce qui les transcendaient lui y compris. Il est revenu à la vie mais le lien qui l'unissait à elle s'est vu être rompu. Elle n'était plus rien pour lui. Elle était perdue sans lui à ses côtés, plus personne à qui tenir.

Puis il est arrivé.

Et elle a trouvé une nouvelle raison de vivre. Il avait déjà dix-huit ans quand il naquit. D'une seringa blanche pour âme, il a ravi la mienne. Car après tout, n'était-il pas sa plus digne descendance sans souillure ?

Il représentait toute sa vie, rebelle et sans soumission. Il était la meilleure partie de lui dans sa veste en cuir et son t-shirt rouge sang. Comme un phénix qui renaît de ses cendres, il a rallumé la flamme qui la maintenait en vie.

Phénix devait lui appartenir.

Tout comme Reaper avait été sien, son fils devait être à elle. Pourtant il n'en fut rien et la malédiction qu'avait engendré Reaper se perpétua sur cette sublime fleur au début de sa vie.

Elle tenta tout. Elle le soudoya de sa propre puissance pour lui accorder vengeance. Mais de sa vendetta, il perdit son père qui le renia, ne voyant en ses traits qu'ELLE. Phénix, de son insolente Vie, n'appartenait déjà plus à ce monde.

D'un coup d'éclat, ses orbites, dont le turquoise rappelait ceux impétueux de Reaper, se parèrent de mille éclats grenat et sa magie qui réclamait l'âme de l'immortel fut entendue.

Pourtant, il fut sèchement renvoyé pour avoir tuer Geno. Mis à la porte du seul foyer qui n'avait jamais été le sien. Ah tourne, tourne la roue du destin qui priva l'enfant de son seul repère dans ce monde qu'il ne connaissait que par leurs codes informes.

La vérité est cruelle. Tous ces beaux sourires, ses façons d'agir. Tout son être s'est brisé à cause d'un fait d'un seul. Providence, Fatalité, ne pouviez-vous donc point avertir cette pauvre âme aussi fragile qu'une seule petite brise froissa son voile léger ? Ne pouviez-vous donc point altérer les malheurs qui lui succédèrent ?

Viles traîtresses.

Étiez-vous à ce point aveugle pour laisser ainsi fauter cet enfant ignorant ? La perfection d'un amour paternel illusion, il n'en est nul besoin. Jalousie, fus-tu trop impliquée dans la vie de ton pupille pour qu'il ne puisse connaître la joie simple de voir le soir un père aimant venir le bercer à un cauchemar trop douloureux ?

N'y aura-t-il eu que toi Pitié pour t'éprendre comme Elle de ce petit pour le céder aux mains glitchées du destructeur qui accueillit le petit comme le sien. Lui offrir foyer, éducation puis foyer fut le salut de son âme florale.

S'enchaînèrent moultes péripéties suivant cette adoption, qui réduirent à néant l'apathie du jeune squelette. Abandonnant à son tour, comme Reaper l'eut fait avant lui, le fruit de sa descendance à d'autres mains, il se força à oublier cette petite vie qu'il espéra grandir heureuse, loin de lui.

Mais la Mort, furieuse de l'émancipation nouvelle de sa chaire, frappa à nouveau. De ses ténèbres, elle mordit sa jolie proie aux abois. Sans état d'âme, elle fut fatale à la famille nouvellement construite par sa propriété.

Phénix aurait dû lui appartenir et elle le rappela à elle.

Cependant, encore une fois, ce fut l'échec. Cette torture factice lui échappa une nouvelle fois quand seule Jivana resta à ses côtés. Mais la Mort ne voulait d'elle. Pourquoi ne pas jouer avec Providence ? Après tout, elle n'était guère la seule à convoiter un nouveau jouet.

La corruption blanche avait, avec la mort de Nisha et l'absence de Darkside, perdu toute possibilité d'avoir un gardien. C'était horriblement inacceptable. Elle se mourrait sans lien avec la Vie.

Darkside, jeune imbécile, avait su capter son essence ; devenues rapidement alliée pour la protection de la seule réelle gardienne de cette douleur. Oui, seule Nisha avait été jugée apte à endurer ce rôle qui avait eu raison de son esprit faible.

Indignée de sa propre déchéance, un marché fumeux fut passé entre la féline Divinité et cette entité sans corps. Ainsi, des mots usés par les langues, émergea les liens qui unirent un Dieu et une entité.

« Cela fait si longtemps que j'attends le grand moment de notre belle rencontre !
Signez le contrat, nous serons ami et je serai là toute votre semblant de  vie.
J'offrirai tout pour vous satisfaire. Puisque vous n'aurez qu'une vie, je la prendrai.

Quand vous mourrez, j'aurai mon paiement : mes sujets, vos âmes déférentes.
Si vous doutiez de notre serment, vous m'amusez terriblement !
Nourrissant de bien sombres desseins, ne méritant guère meilleur destin en blessant les autres en chemin comme si vous flirtiez entre monstres.

Bienvenue dans mon monde, regardez-moi car à l'ombre de la dernière lune,
je suis votre pire cauchemar mais aussi votre unique et dernier recours.
Appelez-moi, s'il vous faut du secours pour faire vos jeux et rendez-vous plus tard...

Pourtant vous gardez un joli secret : usés de vous sentir étriqués,
Vous appelez Nobirth, pour un accord dont l'envie vous dévore.
Des spectacles que vous recherchez, plaisirs coupables à vous le péché, désirs insatiables pour les combler, démon que je suis pour vous aider !

Quand votre faim sera assouvie,
N'oubliez point là votre ami,
Le témoin de tous vos délits.
Ai-je précisé que vous êtes maudits ?

En misant sur vos âmes soyez conscients que vous jouez à l'avantage de la maison.
Les dés sont pipés assurément et je viendrais bientôt chercher mon paiement !
Cela vaut-il le prix à payer ?

Bienvenue dans mon monde, je vous emmène dans vos cauchemars
Au-delà du monde des mortels, vous avez pris le mauvais détour
Votre dernier aller sans retour vers l'enfer pour l'éternité.

Merci du jeu, vous étiez charmants. Il faut dire je ne suis jamais perdant !
Ramassez vos dettes en repartant après une si bonne partie divertissante !
Si vous déprimez, je vous suis de près, et un simple murmure pour vous aiguiller. »

Les poussières de l'âme de la défunte furent scellées de cette corruption opalescente. Renaquit une enfant en tout point différente de celle qui trépassa en couche. Ses pupilles d'un rouge aussi insolent de celui qui ne fut plus père s'ouvrir sur un monde qui ne voulut déjà plus d'elle.

Elle était ainsi tout ce que les « autres » n'étaient plus. Une incarnation plus qu'une personne. Elle n'était déjà plus une enfant que le suicide de ses parents propulsa ce bébé dans le monde froid de la solitude.

Pourtant, elle ne grandit pas vraiment seule. Adoptée par sa tante Darkside et Ying, avec Lisa et Smiley comme famille. Elle a aussi eu Shadow. Enfin avoir, c'est elle qui a plutôt été la « possession » de la forme corrompue de la défunte.

Surma était si timide et si fragile. Introvertie et si naïve. Au milieu d'une famille en pleine recomposition, trouver sa place n'était pas si facile. Pour elle de se faire des amis était quasi impossible.

Tu connais les gosses, entre eux méchants. Quand ils ont trouvé leur cible. Tout commence par un surnom, puis les mauvaises blagues s'enchaînent. Ils mettent du sel sur les plaies de ses complexes avec tellement de haine qu'elle vit avec la peur.

Quand elle voit son cartable, à la surprise générale, elle commet l'irréparable.

Pensée de solitude. Le vent froid fouettait ses os peu vêtus, son visage dépourvu de la poudre de la jeunesse. Elle était seule face à sa folie, seule face à ce vide aliénant qu'elle avait mis entre elle et les Vivants.

« Pars et vole, vole petit oiseau sans aile, prend ton envol mon petit secret... Je t'aime et je te hais. Je te déteste de ne pas réussir à t'aimer comme je le devrais. Parce que oui, tu mérites d'être aimé comme je n'y arrive point. Tes cheveux, tes yeux, tout de toi me rappelle mon péché. Adieu mon petit secret... Je prierai toujours pour une vie meilleure pour toi. »

Ainsi l'oiseau s'envola.

Elle avait ce regard innocent qui n'attendait qu'à être aimé. Mais la vie fût autrement. Si fragile. Tous ces mots ont fini par la briser. Elle qui ne voulait qu'être aimée.

Quelques mots, des appels désespérés pour un amour dommage collatéral. Elle cherchait de l'affection d'une déjà mise en couple. Un appel à l'aide passé depuis un fixe dans une salle en blanc à l'odeur de désinfectant.

Elle reçut des instructions. Où étaient Darkside ? Où étaient Ying ? Pourquoi laisser leur fille adoptive seule face à sa tentative avortée ? Bien qu'ils n'aient pas été prévenus, même avec cette erreur, ils auraient dû s'alerter de l'absence de Surma pendant les jours de sa convalescence.

Personne ne fut là, personne ne chercha le changement brusque de son comportement. Ni Dark, ni Ying ne se formalisèrent des sacs de poubelles contenant tous les vêtements agréables à porter. Ils ne s'interrogèrent pas non plus de ses jupes trop courtes ou de ses décolletés qui lui faisaient s'attirer les sifflements des plus hardis.

« C'est une très bonne chose que tu essayes de prendre un peu plus soin de toi, ma chérie. » dit même un jour celui que Surma n'appelait plus papa.

On vit l'époque du virtuel. Des tutoriels pour du maquillage. Snapchat, Snapchat, dis-moi qui est la plus belle. Pour elle, être populaire, c'est maintenant nécessaire. Donc elle s'entraîne devant sa glace à faire un selfie, filtre beauté.

Quelques cœurs sur sa photo. Mais surtout des commentaires, des moqueries, des critiques, des insultes, des sous-entendus pervers. Toute cette violence gratuite devient pour elle insupportable. Donc elle éteint son portable et commet l'irréparable.

Une fine poussière ondulait comme un cobra sur ses poignés ouverts dont s'écoulait lentement la magie. Goutte après goutte. Chaque millilitre perdu l'approchait peu à peu de la fin inéluctable.

Ses os autrefois d'un nacre éclatant ne sont désormais que d'une grisâtre couverture. Il n'y eut pas un cri, pas un bruit quand elle perdit connaissance, tombant lourdement sur sa couette pour laisser sa lame rouler au sol avec fracas.

Sur son lit, à quelques pas de ses parents adoptifs, de sa chère grande sœur Lisa qui, accompagnée de son casque, n'entendit rien non plus. Ou alors, elle décida en son âme et conscience de ne point aider sa petite sœur. Elle seule connaît la vérité.

Bien sûr, Lisa aimait sa sœur. Beaucoup certainement. Pourtant, jamais elle n'eut l'initiative de lui tendre une main secourable dans sa déchéance. Aurait-elle pu vraiment l'aider ? En aucun cas elle ne tenta de prouver le contraire.

Le lendemain de ce qui aurait dû être la mort, une fois de plus, de la jeune Surma ; Shadow se tenait là. Assise sur le bord du lit à regarder avec dégoût le résultat de ses propres actions.

Elle voulait revenir en arrière.

Il fallait qu'elle s'excuse auprès de sa sœur ! Il fallait qu'elle pleure, qu'elle lui hurle à la figure qu'elle n'avait jamais eu aussi peur que lorsqu'elle l'avait découverte baignant dans sa propre mare.

Elle devait lui faire promettre de ne plus jamais attenté à sa vie ! Elle devait préserver cette petite sœur, ce cadeau du ciel, cette chance de pouvoir veiller sur elle comme elle n'avait pu sauver sa forme passive.

Car c'était ça le nœud du problème.

Surma n'était PAS Jivana. Elle n'était pas la forme passive de Shadow. Elle n'était pas cette petite sœur tant attendue par Lisa, cette petite princesse qu'auraient chouchoutés Nisha et Phénix, la forme passive que Shadow aurait passer sa vie à protéger.

Elle était le rebut. La persona non grata. Celle dont les parents n'aveint jamais voulu, la énième déception d'une vie d'esclave sexuelle et de trafic d'enfants. Nisha n'aurait jamais pu l'aimer même avec le temps.

Elle n'était aimée de personne.

Ying n'était pas son père, tout comme Darkside n'était pas sa mère. Elle n'était pas la fille de Nisha et Phénix mais une âme défunte. Une âme hantée par des voix qu'elle ne comprenait pas.

Si Darkside avait su comprendre, déceler ce pouvoir en sa « fille ». Mais des « SI » ne referont point le monde quand ce dernier est au bord de l'éboulement. La jumelle corrompue avait, presque dès sa naissance, su manier et jouer de ce monde des ombres.

Mais Surma... Surma avait été seule face à cette douleur. Puisque c'est bien ce qu'était la corruption blanche. Une aliénation de douleurs inavouables, ces petites voix qu'on entend et qui nous abandonne à la dépression.

Maintenant, imaginez cette accumulation de douleur pure, cet amas de non-dits honteux, de blessures non guéries. Sans vraie corps, elle n'est qu'ombre et entité volatile ; une accumulation sans vraie soupape.

Mais, avec un corps pour cette affliction, un point de concentration d'amertume d'autrui, un centre pour que toute la désolation, la détresse, et l'endolorissement qui n'est pas sien s'accumuler.

Voilà ce qu'était Surma.

Elle qui ne voulait qu'être aimée.
Elle qui ne voulait qu'être aimée.
Elle qui ne voulait qu'être aimée.

Elle qui ne savait pas qui elle était.

Pour des non-dits, des oublis ou plutôt des incompris. Elle ne comprit jamais ce qu'étaient toutes ces formes sans aspect, ces voix sans sons. Cette folie qui n'en était pas une.

Pourtant, Surma a demandé de l'aide à Darkisde. Elle lui a parlé de ces voix, de ces aboiements dans sa tête, ces inflexions lui hurlant son dégout pour sa propre personne, ces cris pleins d'une opinion altérée.

« On en a parlé avec Ying. On pense que la meilleure chose à faire est d'aller voir un psychologue et si besoin par la suite un psychiatre. N'ai pas peur ma chérie. Ça arrive à beaucoup de monde. On appelle cela la schizophrénie. Je suis sûre qu'avec un traitement adapté et notre soutien tu vas t'en sortir. » dit un jour sa mère adoptive.

Peut-on leur en vouloir d'avoir tenté ce genre d'action ? Était-ce une façon de se dédouaner de cette possible « charge » supplémentaire ? Déléguer ainsi les problèmes, n'était-ce pas une merveilleuse façon de les faire passer sous silence ?

Dans tous les cas, la jeune squelette n'alla jamais chez le psychologue. Elle avait mieux à faire de toute façon. Notamment de l'autre côté de cette rambarde, surplombant cette étendue liquide aux flots vigoureux.

« Fais-le ! Saute ! Si tu veux me montrer que tu vaux la peine que je daigne m'intéresser à toi Surma, saute de ce pont. » susurra  la voix de la squelette aux os gris et tentacules noirs, squelette qui poussa un petit cri quand elle fixa le vide d'où venait de se jeter sa petite sœur si crédule.

Encore une fois, elle eut peur pour elle, se jetant contre la balustrade pour chercher du regarder une petite forme dans la corruption blanche aurait dû déjà réapparaître à la surface de l'eau.

Une seconde.
Deux secondes.
Trois- cinq- dix secondes.

Et Shadow ne faisait que hurler le nom de la disparue, l'implorant de remonter à la surface, la suppliant de ne pas mourir. Mais pour quoi ? Par culpabilité ? Par peur de perdre son jouet favori ?

Elle ne le sut probablement jamais, trop préoccupée par ce que diraient leurs parents et les autorités qu'elle appela paniquée. Oh bien sûr, elle déforma la vérité. Surma ne fut retrouvée par Ying que plusieurs heures après.

Un petit corps blanc lavé de magie rouge, échoué entre deux rochers.

La figure paternelle eut des doutes. Il aimait Surma et son état mental se dégrada encore après cet événement. Shadow aurait pu comprendre. Ne pas aller encore plus loin. Saisir cet ultime avertissement sur la vie de sa sœur.

Il lui fallait aller plus loin, passer la limite, l'exploser en un millier de fragments qui auraient enfin pu espérer réduire l'âme de corruption blanche a l'état végétatif de simples poussières.

« Un premier verre et il s'est assis à côté d'elle.
Un second verre et il la complimentait sans qu'elle ne s'en sente flattée, dérangée tout au plus.
Un troisième verre et son genou a touché le sien sans qu'elle ne réagisse mis à part un grincement de dents.
Un quatrième verre et sa main s'est posée sur la cuisse pour une caresse qui la répugnait malgré son sourire.
Un cinquième verre et il lui a murmuré ses fantasmes au conduit auditif avant de poser ses dents sur ses cervicales pour les baiser doucement d'abord.
Un sixième verre et elle était sur ses genoux sans ne rien y comprendre sentant sa main poisseuse sous sa jupe, son regard perdu dans les deux émeraudes qui la déshabillaient.
Un dixième verre qu'il lui offrit ayant été attifement téléportés à l'hôtel sans réaction de sa part.

Ce verre à la couleur étrange qui accapara ses pensées quand il la déshabilla murmurant ses idées qui salissaient déjà son corps formé des vapeurs alcoolisées. »

La suite n'a besoin de mots. L'acte ne peut en somme être qualifié de mots qui vulgarisent l'ignoble vérité. Cette absence d'accord, cette absence de volonté, ce garde-corps de son esprit vierge qui avait volé en éclats.

Elle n'a même pas pleuré, crié, supplié. Tant de choses futiles face à elle. Puisque c'était bien ELLE qui était venue savourer l'accomplissement maladif de cette malédiction multigénérationnelle.

La Grâce féline avait beaucoup aimé être acteur de la malédiction, partager avec Providence et Fatalité ce désespoir qu'eux seuls créaient chez cet être perdu entre des mondes qui n'étaient siens.

Le soir même, Surma alla beaucoup pleurer dans les bras de Darkside.

« Ce n'est rien ma princesse. Je ne sais pas pourquoi tu es dans cet état mais ne pleure plus. Tu as juste bu trop d'alcool. Tu bois d'ailleurs trop ma chérie. On peut contacter un addictologue tu sais ? Surma tu m'écoutes ? » proposa la presque mère de l'enfant incomprise.

Personne ne comprit ce qu'il s'était passé ce soir-là. Surma était seule face à son secret le plus inavouable. Un secret qui enfla en elle, un secret qui la fit cependant arrêté l'alcool, un secret qu'elle mit au monde plusieurs mois plus tard. Seule, dans une maison abandonnée pour que rien ni personne ne vienne et ne soit constat de son secret le mieux gardé.

Un joli petit oiseau sans aile paré de violet. Un petit astre d'une lumière jadis éteinte dont la reine mère ne pouvait s'avouer la filiation. Ce n'était pas de sa faute mais c'était ainsi.

Inavouable petit secret caché de tous. Petite honte qu'elle ne voudrait qu'aimer. Mais l'amour lui fait des frayeurs, la terrifie et l'amène au bord du précipice qui l'appelle et la flatte de sa voix douceâtre.

« Viens, rejoins moi et de mes ailes, je te protégerai de ce sentiment infecte. Laisse toi glisser et emmenons ensemble le fruit de notre secret commun. »

La plume du secret bruissait avec le vent qui emporta ses derniers doutes.

L'oiseau s'en était allé sans voler.

Il n'y eut ni la douleur des bras d'un père pour la retenir ni les larmes inconstantes d'une mère qui aurait essayé, réussissant probablement, à empêcher la jeune blanche de commettre l'irréparable.

Ce ne fut plus l'ombre d'une corruption insoupçonnée qui sauva sa forme passive. Ce ne fut plus une anonyme sans réelle forme mais une squelette faite d'os et de corruption qui accueillit sa jumelle contre elle pour que plus jamais elle n'ait mal.

Elle n'avait point besoin qu'elle lui parle d'elle, qu'elle lui partage ses rêves et ses doutes. Elle savait déjà tout d'elle comme l'autre connaissait l'une sur le bout des phalanges.

Pour arracher les mauvaises herbes sur sa route et qu'importe ce que dit ou pense le monde, Surma était la plus forte et la plus belle à ses yeux et elle ne la laissera jamais être rabaissée par les autres.

Pourquoi maintenant ? Pourquoi après toutes ces années d'errances, ces années de solitude, ces années de torture psychologiques, pourquoi ce ne fut qu'après tout cela que la forme corrompue arriva seulement ?

Pourquoi il fallut que Surma endure tant de souffrances avant d'avoir une main tendue ? Pourquoi faut-il que les suppliciés ploient sous les coups des bourreaux pour que l'assemblée ne daigne huer celui qui ne fait qu'appliquer la sentence ?

Certains diront que le monde est ainsi. Que Pitié n'existe point si elle n'est convoquée. Que Providence ne peut contrer Fatalité avec qui elle œuvre en secret pour que le monde des Hommes soit moins dur aux hommes.

Mais les Hommes aiment voir les hommes plier sous le joug. Ils aiment voir la minorité écrasée ; mais au nom de qui, de quoi ? Que d'un coup d'un seul, Ils régissent un monde à leur image pour que jaillisse une réplique de Perfection.

Mais Perfection n'est que le verso de la distopique Désillusion. Toutes deux ne sont que factices et illusoires. Ni l'une ni l'autre n'a de réelle existence que pour ceux qui s'abîment à déifier le mensonge et diviniser la tromperie.

Tout comme Elles, la forme corrompue n'avait eu de corps. Cet abîme de contradiction entre les deux formes empêchait Nobody d' « être ». Ce n'est que lorsque la Mort jugea bon de lever la malédiction que la squelette à la  corruption noire pu enfin s'élancer sur sa jumelle.

Le temps que leurs regards s'effleurent, leurs âmes battaient déjà la chamade et elles sentirent une douce chaleur les envahir sans le vouloir. L'oiseau blessé qui voletait autour de la blanche innocemment brusquement a replié ses ailes pour choir dans ta main de la noire.

Son corps qu'elle ne pouvait s'empêcher d'enlacer, son visage qu'elle embrassa pour la première fois passionnément. Leur amour jamais elles ne pourront l'expliquer.

Enfin ce n'est pas comme si elles essayaient.

« Je t'en prie, enlace-moi ! Et fais-moi oublier tout ça ! »

Déconnectées de la réalité, elles voulaient croire que leur amour n'était pas anormal. Elles voulaient tout simplement s'aimer. Alors si ce qu'elles faisaient était impardonnable ; elles ne voulaient pas être pardonnées.

Où est le bien ? Où est le mal ? Elles étaient complètement perdues. Mais dans ce doute perpétuel, chacune savait que l'autre sera toujours là. Un amarre à la vie réelle, celle pour qui elle combat.

Elles avaient l'impression de perdre l'esprit, comme leur âme qui n'était déjà plus à prendre. Ce n'est pas ce qui avait été depuis longtemps espéré par les uns et les autres. C'était juste la réalité.

Dure et cruelle, elles le savaient mais pourtant... Mais s'il faut cela pour que Surma puisse rester dans ses bras pour l'éternité ; Nobody pourrait endurer n'importe quoi ! À peine éveillée au monde, elle n'était déjà que toute à elle.

Aussi, quand Surma eut détourné la tête pour cacher ses larmes qui coulaient, elle l'a enlacée. « Ne t'en fais pas. » lui a-t-elle murmuré tout bas. Au fond, elle était aussi inquiète qu'elle.

Si Nobody brisa tous les interdits, c'est parce que Surma et sa fille étaient toute sa vie. Elles l'attiraient comme le plus magnétique des aimants. Cet interdit tant de fois transgressé, elles ne pouvaient plus reculer. Même si elles le pouvaient, elles ne le feraient pas.

Secret, la fille de Surma et Nobirth, gazouilla donc gaiement à cette nouvelle squelette qui pansait avec une attention particulière, comme tant de fois par le passé, les innombrables blessures de la squelette à la pomme fissurée.

Et si un fil rouge reliait désormais les deux jumelles, et si un baiser scellait à jamais cette promesse d'éternité ; ce fut le petit chat noir aux pupilles émeraudes qui attisa la curiosité de l'enfant nouveau-né.

Le chat qui sourit à sa fille avec une infinie tendresse emplie de regret de s'être obstiné à détruire ce qui était déjà bien trop fracturé.

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