Je ne me tourne pas vers Damien alors que je l'entends déjà marcher vers moi. Durant mes quelques secondes, avant qu'il n'arrive derrière moi, je réfléchis à mille et une excuse de ma présence ici en train de le regarder. Après tout, je suis chez moi, je pourrais tout simplement lui dire que je me baladais et je suis tombée sur lui ou que j'ai entendu du bruit bizarre et que je suis venue vérifiée ? Cependant, je ne peux pas expliquer pourquoi je suis restée autant de temps planté là à le fixer sans signaler ma présence.

- Lucie ? Demande-t-il, arrêter derrière moi.

Je me tourne enfin vers lui pour découvrir son regard et visage sans expression. Je ne saurai pas dire s'il est curieux, en colère ou perplexe. Peut-être les trois à la fois ou alors aucun de ceux-là.

- Salut. Dis-je simplement.

- Salut. Dit-il finalement après plusieurs secondes.

Un silence plane ensuite entre nous pendant quelques secondes où l'on se fixe. Dehors, la nuit est encore noire, mais on sent que le soleil ne va pas tarder à se lever.

- Je... Dis-je

- Tu... Dit-il en même temps que moi.

On rigole tous les deux et ensuite, on ne dit plus rien.

- Vas-y commence. Me lance-t-il.

- Je voulais te dire que je suis désolée. J'étais en train de boire un verre d'eau et j'ai entendu du bruit. Tu n'étais plus non plus dans le canapé alors je suis allée vérifier. Dis-je en m'interrompant volontairement sur le reste.

Il ne dit rien quelques secondes cependant, il a un petit sourire. Comme s'il était fier ou heureux ? Je m'apprête à lui demander, mais il décide de me répondre.

- Désolé, j'ai oublié de vous préciser que je m'entraîne tous les jours pour ne pas perdre la forme surtout en ce moment.

- Pas de soucis. En réalité, je ne t'ai pas vraiment laissé le temps de nous en parler. Je suis partie assez rapidement hier.

- Oui, j'ai remarqué. Est-ce que ça va d'ailleurs ?

La fraîcheur de dehors commence à se sentir avec mon petit pyjama léger. Alors je serre mes bras autour de mon corps pour me réchauffer, mais aussi en quelques sortes me protéger.

- Oui, dis-je d'une petite voix.

Damien s'en va chercher son gilet posé plus loin et me le tend. J'hésite quelques instants puis je finis par le prendre et le mettre pour me réchauffer. Un petit silence s'installe entre nous alors je décide de relancer la conversation.

- Pourquoi tu t'entraînes aussi tôt ? Demande-je curieuse.

- Je ne dors pas beaucoup depuis un moment. Dit-il évasif.

Lui non plus il ne dort pas beaucoup ? J'ai remarqué dans son regard qui lui manque quelque chose alors c'est sûrement suite à un deuil ? D'où le fait qu'il connaisse si bien les phases d'un deuil. Cependant, j'ai l'impression que lui aussi n'a pas fini. Peut-être qu'au début de cette épidémie, il n'était pas seul finalement. Je décide de ne pas l'agresser de questions sur le sujet, il nous en parlera quand il sera prêt. Je regarde de nouveau le seau par terre et ses entraînements et l'idée ne me quitte plus.

- Tu pourrais m'apprendre ? Demande-je timide après plusieurs secondes de silence.

Il me regarde perplexe quelques secondes et ensuite semble réfléchir à ma proposition.

- Pourquoi ? Demande-t-il finalement.

Je baisse les yeux et je serre un peu plus mes bras contre moi en repensant au mec que j'ai dû tuer. J'y pense souvent à la chance d'être revenue vivante et au fait que j'ai eu de la chance d'avoir ce couteau et de l'avoir atteint, car je n'ai pas su me défendre sans ça. Même avec j'ai eu énormément de chance et je ne veux pas toujours compter sur cette chance.

- Je veux être forte, je veux savoir me défendre. J'ai failli y passer, il n'y a pas si longtemps à cause d'un pervers et ça ne sera certainement pas le dernier. Je n'aurai pas toujours de la chance alors j'aimerais cette fois avoir plus de chance dans mon sac. Je dois apprendre à me protéger, mais aussi à protéger ma petite sœur. On compte sur moi. Dis-je en le regardant à la fin dans les yeux.

Il finit par hocher la tête avec un sourire.

- À mon avis, vous avez tous besoin de cet entraînement, car je ne serai pas toujours là malheureusement. Mais il faut qu'on en discute tous ensemble lors d'une réunion. Je pense qu'on devrait établir quelques trucs aussi. D'autant que la nourriture et les médicaments nous manquent étant donné qu'on n'a pas pu ramener ce que l'on avait trouvé. Dit-il sérieusement en croisant lui aussi ses bras qui me font jeter un regard rapide dessus.

Bon dieu Lucie reprend toi. Après ça, je sens que j'ai la nausée et je me détourne. Damien semble prendre ça pour la fin de la conversation, car il s'éloigne en me répondant.

- On discutera tous ensemble ce soir quand les plus jeunes seront couchés, je pense pour éviter de les déranger sur ça.

Je hoche la tête en me dirigeant vers les toilettes à une vitesse folle pour vomir ce que j'ai dans l'estomac. Après avoir vidé mon estomac, je m'assois sur le sol à côté des toilettes avec un arrière-goût dans la bouche. Je touche mon front, mais je ne semble pas fiévreuse. Et après avoir vomi je me sens mieux. Alors je réfléchis à ce que je peux avoir. Ce que j'ai mangé ? Non, pourquoi seulement moi vomi ? D'autant que j'ai déjà digéré depuis longtemps et j'en ai déjà mangé avant. Instinctivement, je pose ma main à mon ventre comme pour me soulager et je n'arrête pas de bouger ma main dessus pour me soulager. Mon regard descend sur mon ventre et je le fixe quelques instants. Non... Ça ne peut pas être ça. J'ai toujours été prudente. Ce n'est pas sûr à 100 % dit une voix dans ma tête que je fais taire tout de suite. Ce n'est pas possible, non... Mais malheureusement, je vais devoir en être sûr...

La journée passe rapidement, j'ai profité de ma journée pour discuter avec Luke et j'ai joué avec ma sœur. J'ai failli avoir eu le courage de lui dire pour ses parents, mais mon courage a disparu quand elle m'a regardé de ses jolis yeux noirs. Elle ne me ressemble pas sur ce point, car j'ai eu les yeux bleus de ma mère, mais d'une teinte différente car ils sont bleus gris comparer à mon grand frère. J'ai commencé à me demander où il pouvait bien être avec tout ce qui se passe. Même s'il n'est pas avec nous, j'espère qu'il est en sécurité quelque part quand même. J'analyse encore ma petite sœur en train de faire un puzzle comme elle adore. Ses jolis cheveux blonds comme les miens à son âge sont attachés en une queue-de-cheval et je repense à quelque temps auparavant quand je m'amusais à la coiffer en laissant ses longs cheveux pendre comme j'adorais. Maintenant je les attache toujours ce qui l'a fait râler mais on doit toujours être prête à fuir et les cheveux baladant ne sont pas une bonne idée.

Nous avons fini de manger y a quelque temps et nous étions tous dans le salon devant le feu comme à chaque fois ce qui nous permet de nous réchauffer avec ces températures d'octobre qui commencent à se faire sentir. Je regarde l'heure sur ma montre et je me rends compte qu'il est déjà tard alors je propose à ma sœur d'aller se coucher et à Luke également. Elle commence à râler alors je me fâche légèrement et elle finit par accepter les larmes aux yeux. Je promets de la rejoindre bientôt après lui avoir dit bonne nuit. Une fois dans le couloir à l'étage, je croise Luke me regarder furieux.

- Pourquoi je ne peux pas assister à votre réunion ?

En effet, la raison pour laquelle je leur ai demandé de se coucher à tous les deux, c'est que nous allons nous réunir entre adultes pour discuter des choses que nous allons faire prochainement. Damien leur a suggéré l'idée après notre discussion de ce matin.

- Parce que tu es encore jeune. Je peux te parler de certaines choses que Léonie ne peut entendre, mais il y a certaines choses pour lesquelles je souhaite que tu restes à l'écart. De toute façon, si l'on prend des décisions, je te tiendrai au courant.

- Mais moi aussi, je veux donner mon opinion. Dit-il en croisant les bras mécontents.

- Un jour peut-être, mais tu es toujours sous ma responsabilité jusqu'à nouvel ordre alors pour l'instant, je te dis non. Dis-je moi aussi en croisant les bras mécontentes.

Il me fixe quelques secondes sans rien dire puis finit par soupirer et partir dans la chambre qui lui a été attribuée. Je pousse moi aussi un soupir de soulagement quand il ferme la porte. Ensuite je regarde l'escalier et je soupire de fatigue. Je sens que cette conversation sera longue et épuisante avec nos avis différents. Quand je décide d'enfin descendre, je les trouve tous assis près du feu autour de la table du salon. Thomas est assis à côté de Clément qui lui se trouve en face de Damien. Il reste une place pour moi à côté de Damien, face à Thomas. Je m'installe sous leurs regards et la conversation commence. Je ne dis rien en les écoutant à moitié discuter de la nourriture et des médicaments qui nous manque, de ce qui se passe dehors et de leurs hypothèses concernant ce qui se passe dehors et où se trouvent les gens.

Je ne les écoute pas vraiment sans participer, car instinctivement, ma main s'est trouvée sur mon ventre sous la table et je repense à ce matin. J'ai vomi une seconde fois dans l'après-midi, mais ça ne veut probablement rien dire. Cependant, je dois savoir, j'ai besoin de savoir si c'est ce que je pense. Si je suis enceinte... Cette possibilité m'a traversé l'esprit toute la journée et ce qui a fait que j'étais ailleurs toute la journée. Plusieurs les garçons l'ont remarqué, mais ils n'ont rien dit de particulier. Si je suis enceinte qu'est-ce que je vais faire ? Stéphane n'est plus là, je ne peux pas l'avoir sans lui. D'autant que nous n'en voulions pas maintenant. Cependant...

- Lucie ? Demande Damien interrompant mes pensées.

- Oui ? Dis-je en sortant de ma torpeur.

Ils me fixent tous pendant quelques secondes sans rien dire devant mon comportement, mais finalement Thomas prend la parole.

- On disait qu'on voulait faire une sorte de programme de nos journées le temps de nous réapprovisionner. Ensuite, on partira en direction de cette grande ville. Dit-il en montrant sur la carte notre prochaine destination. On pense que les gens se sont sûrement dirigés là-bas dès le début et que les secours nous attendent sûrement là-bas.

Je regarde la distance qui nous sépare de l'endroit où nous sommes déjà et ça me fait grimacer.

- Pourquoi on devrait partir si vite ? Dis-je.

- Ça devient dangereux ici, on a réussi à les éloigner, mais ils risquent de revenir et s'ils envahissent ici alors on ne pourra pas s'en sortir. Dit Damien pour ajouter.

- Et on doit trouver les secours. Ajoute Clement.

Je le regarde perplexe. Les secours ? Vraiment ? Comment ça, c'est à nous d'aller les chercher ?

- Ce n'est pas censé être leur travail de venir nous chercher plutôt ? Dis-je un peu froidement.

- Regarde dehors, comment pourrait-il voir qui a besoin d'être sauvé et qui est contaminé. Ils ont dû faire une zone en dehors d'ici dans une grande ville ou encadrer la zone contaminée où on se trouve pour éviter que l'infection se répand. On doit juste la trouver et sortir. Ajoute-t-il.

- Juste la trouver et sortir ? C'est vrai que c'est tellement simple hein. Dis-je méchamment. Tu n'as pas été dehors une fois et tu dis ça comme si on allait juste nous promener. Nous, on y a été ok ? Et c'était juste pour ramener des gens. À la place, on a failli y rester chaque seconde.

- Mais vous avez survécu et on l'a lui maintenant. Dit-il méchamment en montrant Damien.

Damien et Thomas nous regardèrent sans rien dire choquer. Je ris alors de façon un peu méchante.

- Survécu ? Ça oui, on a survécu, mais avec énormément de chances. Si on était tombé sur d'autres connards à la place de Damien ou que Damien n'était pas aussi entraîner, je ne serai sûrement pas là pour te dire comme tu es stupide.

- Ok, on va se calmer. Dit finalement Thomas empêchant Clément de me répondre. Écoute Lucie, on ne peut pas rester ici, tu en as conscience ?

Je le regarde méchamment sans rien dire et il ajoute ce que je ne voulais pas entendre et que je refusais d'admettre moi-même.

- Je sais que dans le fond tu as un petit espoir qu'il revienne ici et je comprends que tu ne veux pas partir car vous vous êtes donné rendez-vous ici mais il faut être raisonnable. Il n'y a qu'un pour cent de chance que ce n'était pas lui dans le véhicule et qu'il soit en vie, mais très franchement ça fait plus d'une semaine que nous sommes ici et s'il devait revenir, il aurait déjà été là, tu ne crois pas ?

Comment a-t-il su que c'était pour cette raison ? Je croise les bras et je me pose contre le dossier de ma chaise.

- Comme tu l'as dit y a un pour cent de chance qu'il soit en vie, c'est suffisant pour que j'y croie toujours.

Je repense alors à ce moment-là à mon rêve que je pourrais utiliser comme argument pour justifier pourquoi je crois autant en ce un pour cent mais ils ne comprendraient pas et me prendraient pour une folle. Et j'ai une promesse à tenir pour le revoir alors je me contente de ne rien ajouter.

- Pourtant, tu l'as enterré non ? Dit-il tristement et mon cœur se serre. Si tu l'as fait, c'est qu'au fond de toi, tu sais qu'il est...

Je détourne mon regard et un silence pesant se pose entre nous tous. Après quelques minutes, Damien se gratte la gorge et se redresse pour prendre la parole alors on le regarde tous.

- Pour le moment, on n'est pas prêt à partir de toute façon. Ça servirait à quoi de partir pour mourir le lendemain ? Je pense qu'on devrait s'entraîner et s'occuper du problème principal : la nourriture. Dit-il pour nous faire changer de sujet.

Ce sujet a l'air de détendre l'atmosphère alors on reprend notre débat pendant quelque temps pour savoir quoi faire. On finit par se mettre d'accord sur plusieurs choses. Nous allons tous apprendre à nous défendre même Clément et Luke que j'ai proposé à Damien de façon plus douce, car il est jeune, mais il doit apprendre aussi. Léonie cependant, je vais lui apprendre moi-même quelques trucs qu'elle devra sûrement si on doit partir. Clément n'était pas d'accord avec ça, il ne voulait pas qu'on lui apprenne à se défendre avec sa fierté masculine alors Thomas lui a dit qu'il ne faut pas jouer avec ça et accepter notre apprentissage. Nous avons donc organisé nos journées de cette manière. Une personne part en ravitaillement pendant que les deux autres s'entraînent avec Damien. Sauf quand c'est au tour de Clément de sortir, nous avons décidé de laisser une journée de repos pour tout le monde afin de l'accompagner. Damien était assez dégoûté de ne pas faire partie des « patrouilles » mais nous avions trop besoin de son entraînement et lui aussi, il avait besoin de repos.

Dès demain, c'était Thomas qui partait chercher des objets de première nécessité pendant que je m'entraîne avec Clément. Luke quant à lui surveillera Léonie. Nous continuons notre conversation sur le sujet et délimitant des endroits autour que nous pouvons explorer pour rapporter des choses. Pas trop loin pour pouvoir revenir rapidement à pied, mais pas trop proche, car nous avions déjà exploré légèrement les maisons autour. Ensuite, la conversation devient plus agréable, ils sortirent même une bouteille de vodka presque pleine trouvée quelque part dans la maison. Les parents de Stéphane ne buvaient pratiquement pas ce qui expliquait qu'elle était aussi remplie. Cependant, je décide de me retirer à ce moment-là et de les laisser profiter sans moi pour aller me coucher. Je regarde une dernière fois la carte en remarquant où se trouvait la cible de ma prochaine destination cette nuit... Elle est assez loin et ne fait pas partie de nos secteurs, mais je vais y arriver... Je devais vérifier...