Chapitre 20: Une lettre
Une quinzaine de minutes plus tard le deuxième trou était enfin fini et cette fois dans le silence complet. Damien a voulu m'aider à poser les corps, mais j'ai refusé, je voulais faire ça seule. Ça a été long et compliqué puisque c'est tout de même assez lourd mais j'ai fini par réussir. Reboucher les trous n'a pas été compliqué étant donné que la terre a déjà été retournée et Thomas est également venu pour qu'on aille plus vite. Ensuite avec les barricades en bois pour séparer les jardins des voisins, j'ai bricolé une croix où j'ai écrit leurs prénoms et j'ai mis avec leurs tombes. J'ai également décidé d'en faire une troisième, mais cette fois, je n'ai pas écrit son prénom, je n'ai pas pu. Après tout ça, nous nous sommes mis tous les trois devant les trois croix et nous sommes restés comme ça en silence. Au bout d'un moment, les garçons avaient faim et froid et ils sont donc rentrés faire chauffer quelque chose, mais moi, j'ai décidé de rester ici encore un peu alors je me suis assise à genou devant les trois tombes pour faire mon deuil. Cela fait un petit moment que je suis ici quand j'entends une porte derrière moi s'ouvrir. Je me tourne et je vois Thomas venir avec une assiette de nourriture dans une main. Je me retourne pour regarder de nouveau les tombes et pendant ce temps-là, je le sens se mettre à genoux à côté de moi.
- Je suis désolé pour ta famille. Dit-il sincèrement en me donnant mon assiette.
- J'ai l'impression que c'est tout ce que l'on se dit maintenant. Dis-je tristement en la prenant sans rechigner après les efforts que j'ai faits, je commençais à avoir faim pour une fois.
Quelques secondes de silence s'installent entre nous, nous faisons comme une minute de silence pour tous ceux que nous avons perdu.
- Toute à l'heure pendant que vous creusiez, j'ai trouvé quelque chose. Dit-il lorsque je finis mon assiette.
Je le regarde interrogative et je le vois sortir de sa poche de jean une enveloppe qui a une trace de sang et mon nom écrit dessus avec l'écriture de mon père. Je regarde Thomas qui me sourit tristement.
- Peut-être que ça t'aidera. Dit-il en se levant pour me laisser seule.
Je regarde la lettre puis je me tourne vers lui.
- M'aider à quoi ? Demande je lorsqu'il ouvre la porte.
Il se tourne vers moi en souriant.
- À avancer. Dit-il en retournant à l'intérieur sans attendre ma réponse.
Je me retourne vers les tombes en regardant celle pour mon père puis je regarde de nouveau la lettre que j'hésite à ouvrir. Serai-je capable de la lire ? Je repense à ce qu'il m'a dit et il n'a pas tort, je dois avancer. Je ne peux pas être triste et en deuil indéfiniment. Le reste de ma famille a besoin de moi et je compte bien les aider. Je finis par l'ouvrir délicatement et je commence à lire les larmes aux yeux.
Ma fille,
Si tu lis cette lettre, c'est que tu as dû me retrouver dans un état que je ne souhaitais pas. Je sais que je t'ai promis de te rejoindre, mais si tu es en train de lire ceci, c'est que je n'y suis pas arrivé. Je sais que je t'ai promis de te rejoindre, mais malheureusement, j'ai été insouciant. Je pensais qu'elle respirait encore alors je me suis approchée pour sentir son souffle sauf que comme tu me l'as dit ce n'était plus elle et elle m'a mordue. Je me sens de plus en plus faible alors comme je sais que tu es têtue, tu voudras venir me chercher. Je vais me mettre dans le salon pour que tu me remarques avant que je ne te fasse du mal et que tu me laisses partir avec elle. Je suis sincèrement désolé de vous laisser seuls tous les trois, mais je sais que tu sauras t'occuper d'eux. Tu es une fille formidable, intelligente et courageuse et je sais que tu sauras faire les bons choix pour eux je n'en doute pas une seule seconde. Tu es la meilleure personne pour gérer tout ça. Je sais qu'on t'en demande beaucoup, mais il ne reste que toi pour accomplir cette mission alors s'il te plaît prends soin d'eux et prends soin de toi. Dis aux enfants qu'on les aime fort. On vous aime tous les trois très forts. Sois forte ma puce, je compte sur toi et surtout ne perds jamais espoir. Tout ne sera pas toujours tout noir.
Je t'aime, ton papa.
Les larmes silencieuses coulent sur mes joues et je décide de la relire une nouvelle fois puis je sers la lettre contre moi.
- Je t'aime aussi papa. Chuchotais-je dans la pénombre du jardin en serrant la lettre contre moi.
Thomas avait raison, cette lettre m'a aidé, beaucoup plus que je le croyais. Je sais ce que je dois faire maintenant. Je n'ai pas tout perdu. J'ai encore Léonie et Luke avec moi et je vais tout faire pour les sauver. Je range ma lettre dans ma poche de jean avec la photo que je garde toujours avec moi ainsi que les clés de voiture de Stéphane. C'est douloureux, mais quand je me lève étrangement je regarde les tombes sans aucune larme. Ces trois tombes devant moi sont ce que je dois éviter aux restes de mes proches et je compte bien y arriver. Je prends une grande inspiration en fermant les yeux comme pour leur promettre silencieusement que je tiendrai cette promesse puis je me tourne pour enfin rentrer dans cette maison.
Je les entends dans le salon, mais je décide de ne pas les rejoindre toute suite. Je prends juste mon sac d'affaire et je monte à la salle de bain directement. Je me nettoie complètement, je m'habille de façon à l'aise avec un jean et un haut noir avec toujours mes bottines noires avec talon que j'adore. Je sais que ce ne sont pas forcément les meilleures chaussures, mais j'ai toujours supporté les talons. Je mets un crayon noir sous mes yeux pour me donner un air plus sévère et moins triste et quand je me regarde dans le miroir enfin prête, je ne reconnais plus du tout mon reflet. Je suis tellement différente sans réellement être différente et je ne sais pas exactement ce qui a réellement changé. Mon regard ? Mon assurance ? Ou juste une impression que j'ai.
Je descends suite à ça et je les rejoins dans le salon. Ils ont trouvé le moyen de faire un petit feu avec une poubelle pour éviter de faire propager le feu ici. Je vois qu'il reste de la nourriture alors je m'en sers et je m'assois avec eux. J'ai beaucoup de repas à rattraper. Ils ont fait un nid douillé autour de cette poubelle en feu. On a chacun un coin avec couverture et oreiller. Dormir sur le sol n'est pas la meilleure chose avec ce voyage et le lit avec ma sœur me manque terriblement. Je m'assois sur mon emplacement libre avec de chaque côté de moi un garçon. Ils ont cessé de parler en voyant arriver avec une assiette à manger que je dévore assez vite mais ils ont repris assez vite, leurs conversations que j'écoute à moitié. Après avoir mangé, Thomas a proposé de regarder mon pansement dans mes cheveux et de le changer. Heureusement mon nez n'a plus rien lui et selon Thomas ma tête également ça commence déjà à guérir, mais il change quand même le pansement pour éviter que cela s'infecte.
- C'est quoi le plan alors maintenant ? Nous demande Damien au bout d'un certain temps.
On est tous assis en silence depuis un moment et moi je suis juste assise devant le feu mes mains devant pour me réchauffer. On sent le froid venir de plus en plus et ce n'est pas étonnant puisque nous devons nous trouver en octobre maintenant. Enfin, je crois puisque je ne suis plus vraiment les jours qui passent. Je vois que Thomas me regarde attendant que je réponde à sa place.
- Demain matin, nous rentrons et le plus vite possible. On a beaucoup trop de retard les autres doivent s'inquiéter. Dis-je simplement.
- Les autres ? Demande Damien curieux.
- Oui. Il y a ma sœur, mon demi-frère et l'ami de Thomas.
- Je vois. Dit simplement Damien.
Un petit silence s'installe entre nous où seul le feu crépitant parle à notre place.
- Où as-tu appris à tirer ? Demande Thomas curieux.
Damien nous regarde tour à tour puis répond simplement.
- J'étais policier. Dit-il sans précision.
Étrangement, son regard est assez particulier quand il dit ça, mais je ne relève pas étant donné que Thomas ne l'a pas remarqué. Cela ne me surprend même pas lorsqu'il nous le dit puisque j'aurai parié sur ça ou bien militaire.
- Et vous ? Demande-t-il pour changer de sujet.
- Moi pas grand-chose, je prenais des jobs par-ci et là comme... Dit Thomas en s'arrêtant en me regardant puis s'arrête de parler.
Damien nous regarde étrangement de nouveau et je poursuis pour changer de sujet.
- Moi, j'étais étudiante. Dis-je.
- Dans quel domaine ?
- Je finis ma licence économique pour partir en master de l'enseignement. Je souhaite... Enfin, je souhaitais devenir enseignante. Dis-je en prenant une gorgée d'eau.
- Wouah tu as du courage. Ajoute-t-il.
- Merci. Mais je n'ai jamais compris que les gens me disent ça à chaque fois.
- Peut-être par rapport aux études longues ou pour le fait que tu aurais dû supporter des gamins infernaux ? Dit-il en riant.
- Probablement les deux. Riais-je aussi.
- Et... Comment vous vous êtes connu alors ? Demande Damien après un certain temps.
Thomas me regarde ne sachant quoi répondre. Je regarde Damien et décide de répondre à sa place.
- Son meilleur ami, c'est mon petit ami. Dis-je simplement.
Je sais que ma réponse lui donne beaucoup d'informations sur ce que nous avons discuté dehors et avec son regard, je vois qu'il comprend tout. Le trajet, nos questions, quand on l'a rencontré, la voiture, nos réactions face à ça et le nom mystérieux que l'on prononce jamais. Je vois qu'il a beaucoup de questions, mais il se retient de les poser et je lui en suis reconnaissante. Après quelques secondes de silence, on entend une alarme retentir dehors. On se lève tous silencieusement et Thomas me dit d'éteindre le feu. Je jette de l'eau dessus et nous nous approchons des fenêtres. Lorsqu'on ouvre, on remarque beaucoup de rôdeurs près d'une voiture à quelques mètres de nous sonner.
- Il y en a sûrement un qui a tapé dessus et elle s'est mise à sonner. Dit Damien derrière moi en observant dehors.
Je sens involontairement son souffle sur mes cheveux et mon corps frissonne sans que je ne m'en aperçoive alors je me recule tout de suite.
- On ferait mieux de tous dormir pour partir au plutôt demain. En espérant que la plupart seront partis de là et que l'alarme va vite cesser.
- On ferait mieux de ne plus faire de bruit et éteindre les lumières au cas où. Dis-je en chuchotant.
- Je vais prendre le premier tour de garde. Propose Thomas.
- Non, dis-je en chuchotant comme eux. On ferait mieux de tous dormir, on en a besoin. Si quelque chose arrive dans la nuit, on l'entendra et ça nous réveillera avant que ça ne nous tombe dessus. D'autant que toutes les portes sont barricadés.
Je sens que Damien est reconnaissant que je dise ça, car ça veut dire que je commence à lui faire confiance et Thomas le remarque aussi, mais heureusement personne ne dit rien. On s'allonge alors tous dans la même pièce sur le sol. Avant de nous coucher nous avons éteint toutes les bougies de la maison et pendant ce temps-là l'alarme a cessé. Une fois toute la pièce dans le noir et tous dans nos couchettes, je m'allonge sur le côté, étant donné qu'avec ma blessure, je ne peux pas dormir sur le dos directement, puis je repense à ma journée. Je sors une dernière fois les clés de Stéphane avec le sang qui a fini par sécher et je me décide à leur chuchoter comme si je lui parlais à lui directement.
- Je suis désolée de t'avoir abandonné. Si j'avais pu faire autrement, je l'aurais fait. On n'aurait jamais dû se séparer quitte à aller voir ta famille d'abord puis la mienne ensemble. Malheureusement, je sais que cela n'est jamais arrivé. On a toujours été trop têtu l'un et l'autre. J'ai du mal à croire que tout ce qui m'est arrivé était évitable et je sais que je vivrai avec ça toute ma vie, je vais passer le reste de mes jours à chercher où je me suis loupée ou comment j'aurai pu t'avoir ici, auprès de moi.
Je sers les clés contre moi en fermant les yeux.
- Je t'aime Stéphane où que tu sois. Dis-je simplement.
Puis je finis par m'endormir comme ça, ces clés contre mon cœur comme s'il était ici contre moi...
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