Chapitre 21: Tout est ta faute
- Stéphane ? Criai-je.
Je ne vois que du noir autour de moi, il fait si sombre, mais je sais qu'il n'est pas très loin de moi. Je le sens... Si près et pourtant si loin. Je n'arrive pas à voir plus loin que deux centimètres devant moi, c'est étrange. Je ne vois rien pourtant ,je sais qu'il est quelque part ici.
- Stéphane répond moi s'il te plaît. Hurlais-je en tournant autour de moi à sa recherche.
Je ferme mes yeux pour essayer d'écouter plus attentivement et je commence à entendre un bruit sur ma droite. Sans aucune réflexion, je commence à courir vers ce bruit qui se fait de plus en plus fort en m'approchant. Je trébuche très souvent à cause de la pénombre et du sol instable, mais je continue de courir toujours plus vite. Plus je m'approche plus je distingue quel est le bruit. C'est un cri à l'aide. Je cours encore plus vite et j'arrive enfin devant un arbre et quelqu'un allongé dessus plein de sang. Je m'approche et je vois Stéphane.
- Stéphane !
Je cours vers lui les larmes aux yeux en posant mes mains sur sa blessure par instinct en l'empêchant de mourir.
- Non, non, ça va aller, je suis là maintenant. Dis-je en regardant partout sur sa blessure ne sachant quoi faire de plus.
Tellement de sang en coule entre mes doigts et les siens. Non, ce n'est pas possible...
- Lucie... Dit-il mal en point en approchant sa main avec difficulté vers moi.
- Non ,je ne vais pas te laisser, pas cette fois. Dis-je en continuant d'appuyer sur sa blessure pour éviter qu'il perde tout son sang.
- Lucie... Dit-il en posant sa main pleine de sang sur ma joue ce qui me force à le regarder.
Mes larmes se mélangent au sang et à la terre, mais je le regarde tout de même.
- Tout est ta faute... Dit-il simplement.
- Quoi ? Dis-je en ne comprenant pas.
Cette fois, il ne grimace plus de douleur et me pousse ce qui me fait tomber en arrière. Je le regarde et je le vois se mettre debout devant moi et à côté de lui se trouve mon père et ma belle-mère.
- Tout est ta faute. Disent-ils.
- Non... Dis-je en reculant sur les fesses pour m'éloigner d'eux.
Ils sont tous en sang et en perdent sans arrêt, mais pourtant, ils continuent de s'approcher de moi en continuant de répéter. « Tout est ta faute ». Je finis par fermer les yeux incapables de continuer à les voir tout en continuant à les entendre dire cette phrase encore et encore...
Je me réveille en sursaut et je regarde autour de moi. Où sont-ils ? Je commence à reprendre mes esprits et je me rends compte que je n'ai pas bougé de la vieille. Je suis toujours dans mon ancienne maison où j'y ai enterré les deux cadavres de mes parents et une tombe vide pour celle de mon petit ami potentiellement mort. Tout ça n'était qu'un mauvais rêve... Pourtant... Même en sachant ça, je ne peux m'empêcher d'entendre encore l'écho de leurs voix au loin. Ma faute...
Je finis par regarder mes vêtements qui sont tout humides et me colle sur le corps. Ce n'était qu'un mauvais rêve me répétais-je quand même. Je me lève enfin de ce lit fabriqué à la va-vite la vieil avec les deux autres en reprenant mon souffle puis je me dirige vers la cuisine. Je prends un verre, de l'eau au robinet et je commence à boire doucement. La fraîcheur me soulage instantanément et m'aide à me détendre. Je ne me rends compte qu'à ce moment-là à quel point j'étais tendue jusqu'à ce que je boive ce verre alors je décide d'en prendre un deuxième. Quand je le finis, j'entends du bruit derrière moi, je me retourne encore sur mes gardes et je vois juste Damien se frotter les yeux en me regardant. Il est torse-nu pour dormir. C'est étrange, Stéphane lui détestait dormir sans tee-shirt ou se montrer comme ça, même devant moi. Je me secoue la tête et je retourne regarder dans le vide en l'esquivant du regard.
- Tu n'arrives pas à dormir ? Demande-t-il en se servant de l'eau également proche de moi, trop proche.
Je me recule de lui pour lui laisser de la place et avoir une distance de sécurité entre nous. Je le fais assez brusquement ce qu'il remarque très vite, mais ne fait aucun commentaire. Pendant qu'il se verse de l'eau mes pensées se dirige vers Stéphane. S'il avait été là, il n'aurait sûrement pas apprécié que je me trouve près d'un homme torse-nu et encore moins que je dorme dans une pièce commune à lui. Mais tout est différents maintenant, maintenant, il est ...
- Lucie ? Demande Damien en me sortant de ma rêverie.
Il est appuyé contre le plan de travail à côté de moi de nouveau et me regarde inquiet cette fois. C'est la première fois que je l'entends prononcer mon nom et c'est assez étrange comme sensation. Il l'a dit d'une façon douce et rassurante.
- Excuse-moi... Dis-je en reprenant mes esprits et la parole. Je regarde le sol pour éviter son regard noisette. Si j'arrive à dormir, mais pas très bien.
- Des cauchemars hein ? Demande-t-il d'une façon qui suggère qu'il voit très bien ce que je vis en ce moment.
Je le regarde de nouveau curieuse et mon regard interrogateur suffit à le faire continuer à parler.
- Il y a plusieurs étapes à suivre en quelques sortes après un... Deuil. Ce n'est pas une partie de plaisir surtout quand cette tragédie est causé par un traumatisme violent comme toi. D'autant que faire le deuil d'une personne est difficile, alors plusieurs en même temps, c'est d'autant plus... Difficile.
Il a dit tout ça sans me regarder au contraire son regard était droit sur le mur en face de nous, son verre d'eau à la main. Il a l'air de savoir exactement de quoi il parle, l'a-t-il vécu lui aussi ?
- Je vais bien. Dis-je simplement.
- On dit tous ça, mais rien ne va plus depuis plus de deux semaines maintenant. Alors si tu disjonctes un peu, c'est tout à fait normal au vu de la situation et de ce qu'il t'arrive, tu sais. On reste humain malgré tout ça.
On se tait quelques instants et j'écoute autour de moi. J'entends nos respirations, les gémissements encore assez nombreux dehors, leurs nombreux pas se déplacer près d'ici et les ronflements de Thomas dans le salon à côté.
- C'est quoi les fameuses étapes de deuil dont tu me parlais ? Demande je curieuse.
- Il y en a cinq en général : le déni, la colère, l'abattement, l'acceptation et la reconstruction. Mais cela dépend surtout des personnes et de leur façon de faire face à ça. La durée entre chacun est différente selon les personnes et le choc.
- Et d'après toi j'en suis où moi ?
Il me regarde longuement en silence en m'analysant tout le corps ce qui me fait un peu rougir étant donné que je porte juste un tee-shirt long de Stéphane pour dormir. Je commence à me dire qu'il ne va pas me répondre mais finalement commence sa réponse de façon simple et sincère.
- Le déni tu l'as eu au début quand tu as voulu aller chercher tes proches et dire que ton petit ami n'était pas mort. Même si je n'ai pas l'impression que tu en es réellement sorti.
Je m'apprête à donner mon avis mais il poursuit. J'écoute alors attentivement ce qu'il dit. Qui peut être meilleur juge qu'une personne qui ne vous connait pas ?
- Ensuite tu as été en colère quand tu m'as menacé avec ton arme par exemple pour me faire sortir de la voiture. Dit-il avec un sourire mesquin.
Il sourit vraiment ? Je l'ai menacé, j'aurai réellement pu le tuer à ce moment-là je le sais et pourtant lui il sourit. Je le regarde un peu perdu mais sans pour autant l'interrompre.
- La tristesse aussi tu l'as passé notamment quand ton père devant nous est... Dit-il sans finir sa phrase.
En y repensant j'évite son regard en regardant devant moi, posée contre le plan de travail à côté de lui mais en ne voyant que la scène se répétait dans ma tête. Je décide de changer de sujet en finissant avec le dernier.
- Alors maintenant je suis dans l'acceptation et la reconstruction ? Dis-je en le regardant de nouveau.
- Là, je ne sais pas. Je dirais que tu es dans une phase d'acceptation. Ton corps l'a accepté mais...
- Mais ? Demande je curieuse.
- Mais on dirait que tu restes quand-même bloqué dans cet évènement sans pouvoir en sortir. Comme si ton esprit lui refuse de sortir de cette boucle. Tu te montres forte car tu penses que tu le dois aux autres. Du moins c'est l'impression que j'ai eu hier après que Thomas sois venu te voir avec ce bout de papier.
Je le regarde longuement ne sachant quoi répondre. Serait-ce pourquoi j'ai fait ce cauchemar ? Je ne réponds pas et le silence se pose entre nous, mais il l'interrompt en finissant son verre d'un coup et en se dirigeant vers le salon.
- Bonne nuit. Dit-il simplement sans attendre de réponse.
Bonne nuit ? Il me dit juste bonne nuit après tout ça ? C'est tellement... Étrange. Je regarde mon verre d'eau à moitié vide en repensant à ce qu'il a dit et plusieurs questions se bousculent en moi. A-t-il raison ? Suis-je réellement bloquée dans ces événements traumatisants ? Mais surtout comment sait-il toutes ces choses ? Si c'est juste en nous analysant alors il devait être vraiment bon comme policier. Je finis mon verre également d'une traite et je décide de sortir de mon sac ce qui ne me quitte pas : les clés de voiture de mon petit ami, ma lettre et la photo de mes parents ensemble avec ma sœur que j'ai promis de donner un jour à ma sœur. Je sors ensuite le couteau de mon petit ami que nous avions à l'appartement encore avec le sang sec de l'homme que j'ai tué. Je pose tous les objets devant moi qui constituent tout mon trajet jusqu'à aujourd'hui même. Chacun de ces objets à une valeur importante et différente pour moi. Peut-être même que ce sont ces objets qui m'empêchent d'avancer ? J'envisage de les jeter, mais arriver devant la poubelle, j'en suis incapable. Je sais que si je garde tout ça et que je retourne dormir, je risque de recommencer ces rêves, je risque de le revoir... Après cette réflexion, je range tout dans mes poches sauf mon couteau que je garde près de moi au cas où. Je retourne m'allonger avec mes objets précieux. Je sais que c'est mal, mais pourtant au fond de moi je me sens responsable alors j'essaye de me punir avec ces rêves. Peut-être que si je le revois, je pourrais lui parler... Peut-être que je le reverrai une dernière fois pour m'excuser... Car tout est ma faute...
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