~Ma raison de vivre~

Ses grands yeux couleur sang me regardent fixement, laissant paraitre sa douleur intense. Simple ombre de lui-même avec ses longs cheveux en bataille, le vampire que j'ai tant aimé semble refléter la folie qui le consume peu à peu.

Ses mains sur sa tête tirent sur ses cheveux, ses ongles tentent désespérément de creuser un trou vers l'intérieur alors que des gémissements de douleur franchissent ses lèvres gercées qui étaient autrefois si belles...

-Tue-moi, souffle-t-il d'une voix brisée, je t'en supplie... C'est dans ma tête, tue-moi...

Ces mots résonnent douloureusement dans ma tête, faisant tordre mon cœur d'une atroce façon. Comment peut-il me demander ça? Je fais un pas à reculons, effrayé par cette demande. Je suis là pour le sauver, pour le ramener à la maison. Il sait que jamais je ne vais l'abandonner! En tant que vampire noble, il doit supporter tout ça encore un peu. On va trouver ce qu'il a. Nous allons le soigner et continuer notre belle histoire lui et moi.

-Lacus, déclare froidement René à mes côtés, fait vite. J'entends des humains qui approchent.

Mon petit ami continue de gémir et de tirer sur ses cheveux qu'il arrache à la poignée, tout en se tordant sur le sol de béton. Qu'est-ce que ces humains lui ont fait? Je ne le reconnais plus. Sa fierté, son sourire, sa prestance... ils lui ont tout enlevé. Est-il encore mon Hiroshi? Celui qui m'a transformé?

Le vampire me supplie toujours de le tuer. Sa voix est tellement déchirée que chacun de ses mots est insupportable à entendre. Je pose ma main sur le pommeau de mon épée que je sors d'un geste tremblant. En suis-je capable? Je suis faible.

-Il faut vite qu'on sorte d'ici, grogne René, ils arrivent...

-Si tu m'aimes vraiment, fais cesser ma souffrance, ajoute Hiroshi.

Je sors mon épée. Les larmes roulent sur mes joues alors que je regarde la lame brillante. C'est donc ainsi que cette histoire va s'achever? Que vais-je devenir sans lui. Je lève d'un geste tremblant l'arme.

-Pardon...

L'homme que j'ai aimé tombe en poussière au contact tranchant de mon arme.

***

Je me réveille en sursaut, le corps couvert de sueur. Où suis-je? Un simple regarde autour de moi me rappelle que je suis dans ma chambre, allongée dans mon lit. Une sieste est censée permette aux vampires de faire une pause dans l'éternité, donc pourquoi ce souvenir vient-il me hanter après 20 ans? Je masse mon front en soupirant avant de quitter la douceur de mes draps.

-Tu es en retard, remarque René en me voyant arriver à notre point de rendez-vous.

Vêtu de mes vêtements de l'armée, je rejoins avec lâcheté mon meilleur ami qui m'attend, les bras croisés. René est une perle dans ce monde de fous. Sans lui, il m'arrive de me demander ce que je deviendrais. N'ayant aucun ami excepté moi, il a un caractère calme et posé qui m'aide souvent à ne pas faire de bêtise. Jamais ce vampire unique ne m'a abandonné et il a toujours tout fait pour me supporter après la mort du noble m'ayant transformé. Ce ténébreux est ce que j'ai de plus cher.

-Je faisais une sieste et je n'ai pas vu le temps passer, me défendis-je.

-Il n'y a que toi pour dormir avant de travailler... et mal se vêtir qui plus est.

René s'avance vers moi en soupirant avant de mieux attacher ma cape que j'ai mise à la vas-vite. Je le regarde s'appliquer à tout bien placer avant de s'éloigner. Quand il est concentré, mon ami à ce petit quelque chose d'unique. Ses beaux yeux reflètent une lueur plus douce que ce qu'il a l'habitude. La même que lorsqu'il m'offre l'un de ses très rares et pourtant si sincères sourires.

-Ça, c'est mieux, affirme-t-il en regardant son œuvre.

C'est sur cette note amicale qu'une journée tout à fait banale débute. Être un garde de la citée peut parfois s'avouer être particulièrement ennuyeux lorsque rien de spécial n'arrive. Entre les regards envieux du bétail volontaire qui rêve d'un jour être transformé en vampire et les balades vantardes des nobles comme Ferid Barthory, le temps semble lent. Heureusement que René est à mes côtés pour chasser l'ennui qu'apporte l'immortalité.

Il n'est ni très drôle, ni bavard, mais même monologuer en sa compagnie parait amusant. La complicité que nous avons développée aux files des années pourrait faire envier n'importe qui. Jamais nous n'avons eu la moindre dispute et même s'il nous arrive de nous agacer sur divers sujets, aucune malice n'est présente. Sans lui, ma vie n'aurait pas de sens.

À la fin de notre travail, nous nous assoyons côte à côte sur un rempart plus élevé qui donne vu sur la ville vampirique. J'adore m'assoir à cet endroit à profiter du moment présent en bonne compagnie. René semble perdu dans ses pensées, surement coincé dans l'imagination débordante qu'il possède.

-Aujourd'hui tu semblais tourmenté, remarque-t-il sérieusement, c'est encore à cause de ce souvenir? Tu sais, après tant de temps tu devrais chercher à l'oublier.

Comment peut-il lire si aisément en moi alors que je n'ai pas dit un mot? Je passe une main dans ma longue chevelure violette en soupirant.

-C'est plus facile à dire qu'à faire. Je ne choisis pas à quoi je rêve lorsque je dors.

-Pourtant, ton cher « amoureux » était loin d'être un saint.

-L'amour est aveugle. Que veux-tu que je fasse?

-Penser à passer à autre chose.

L'air curieusement en colère, René descend du rempart pour rentrer à son appartement. Je le regarde partir sans comprendre, les sourcils froncés. Ai-je dit quelque chose qui lui a déplu? Même si son silence est quelque chose que j'apprécie habituellement, dans ce genre de moment il me rend confus. Il est vrai que Hiroshi n'était pas un bon garçon, mais je n'y peux rien si je l'aimais. Chaque fois qu'il allait voir ailleurs, j'avais espoir qu'il me trouve meilleur et me préfère à son partenaire d'un soir. Ce couple était malsain, je le sais, mais on ne choisit pas ses sentiments.

Abandonné par mon ami, je rentre aussi à mon appartement afin de prendre du temps pour jongler à mes problèmes du moment. Mes cauchemars, ma solitude... Une passion serait bienvenue pour chercher un moyen de passer l'éternité sans ennui. Je n'ai pourtant que 69 ans et j'ai déjà l'impression de manquer de distractions!

Allongé sur mon lit douillet, je fixe le plafond avec ennui. René a déjà essayé de me faire aimer la lecture, mais je perds vite patience lorsque je commence à feuilleter l'une de ses briques qu'il qualifie de « chefs-d'œuvre ». Face à de nombreuses phrases sans but que mon ténébreux trouve si poétiques, moi je ne ressens que le découragement. Comment mon meilleur ami fait-il pour se distraire à lire des milliers de romans?

Plus importante question encore, pourquoi est-ce que je pense continuellement à lui?

Je cache en soupirant mon visage dans mon oreiller face à cette question sans réponse. Il ne faut pas être dupe pour ressentir la tension qui s'est récemment installée entre nous deux! Ce garçon au caractère si posé me plait malgré moi. Pourtant, l'amour ne m'a jamais rien apporté de bon... Quelqu'un cogne à ma porte, ce qui me fait sursauter.

-Entrez!

Sa silhouette se découpe dans l'embrasure et je ne peux m'empêcher de sourire face aux cheveux sombres de René. Ce dernier entre en refermant la porte sur son passage, puis il s'assoit au bout du lit.

-Je te manquais déjà? Rigolai-je, c'est ce que ça fait de partir d'un air boudeur! J'attends encore tes excuses pour m'avoir méchamment abandonné.

-J'ai quelque chose d'important à te parler.

Je hausse un sourcil face à ce sérieux intimidant, puis je m'assois en tailleur sur le lit pour regarder mon ami. Je rêve ou il esquive mon regard? Peut-être qu'en le croisant il risque de se changer en jolie statue de pierre que je mettrais en exposition dans ma chambre.

-J'y ai longuement réfléchi, commence-t-il maladroitement, ça fait un bon moment que j'hésite, car je sais que tu n'es pas prêt, mais je suis lassé d'être patient. Après tant d'années à rester en coulisse, je mérite mon tour sur scène.

-René, je ne suis pas certain de comprendre ce que tu racontes.

Mon ami tourne la tête vers moi, plongeant enfin ses yeux dans les miens. J'ai le cœur qui fait un bond étrange face à ce contact visuel. Pourquoi je me sens ainsi?

-Promets-moi que ça ne brisera pas notre amitié, souffle-t-il.

-Tu sais que rien ne pourra la briser! Tu es prisonnier dans ma vie, que tu le veuilles ou non. Ce que tu essaies de me dire est si grave? Je devrais m'inquiéter?

René fait l'un de ses rares sourires. Je vois bien qu'il hésite. Le vampire joue avec ses doigts d'un air songeur, puis je l'entends prendre une grande inspiration. Avant que je ne puisse poser la question, quelque chose de chaud se colle contre mes lèvres. J'ouvre grands les yeux quand je comprends que mon meilleur ami me vole un baiser. Mon ventre se tord agréablement... je ne devrais pas aimer, mais c'est plus fort que moi.

Le ténébreux éloigne un peu son visage pour voir ma réaction. Qu'est-ce que cela signifie au juste? Avait-il seulement envie de goûter mes lèvres? Son front toujours collé au mien, il me regarde droit dans les yeux.

-Je suis tombé amoureux de toi, avoue-t-il.

J'ouvre la bouche de stupéfaction. Réalise-t-il ce qu'il me dit? Dans un soupir, je m'éloigne de mon meilleur ami pour laisser tomber ma tête entre mes mains. Pourquoi rendre les choses si compliquées! Je ne suis pas dupe, moi aussi j'ai de forts sentiments pour lui, mais cela me terrifie. Et s'il mourrait lui aussi? Si une fois en couple il devenait un connard qui ne veut plus passer tout son temps avec moi?

-René, soupirai-je, je ne sais pas.

-Tu n'es pas obligé de me répondre tout de suite. Tu sais que je suis quelqu'un de patient.

-Je le sais, mais là n'est pas le problème! S'il se passe quelque chose entre nous, voudras-tu encore être mon meilleur ami et agir comme tel? Je ne sais pas si je peux sacrifier notre amitié contre une relation amoureuse.

La main du vampire glisse dans mon dos qu'il caresse, ce qui me fait frissonner. Chaque fois qu'il me touche est si agréable. Si j'ai bien compris, René n'a été en couple qu'une seule fois quand il était humain. C'était une fille de son école et il m'a dit que c'était platonique.

-Pourquoi ne pourrions-nous pas rester meilleur ami en même temps? Demande-t-il, rien ne nous en empêche. Si ça ne nous plait pas, nous arrêtons et redevenons comme en ce moment.

Quand il le dit comme ça, tout cela semble si simple. J'ai envie de le suivre, de croire en sa simplicité qui pourra surement m'aider à aller mieux. Qu'ai-je à perdre s'il peut me rendre heureux? Sans réfléchir davantage, je glisse ma main sur sa joue douce avant de sceller à nouveau nos lèvres. René se laisse faire sans résistance, répondant au baiser avec douceur qui lui est unique.

Je crois qu'il peut devenir ma raison de vivre.

J'ai eu l'idée de ce OS sur la communauté ONS dans laquelle je fais partie (vous n'êtes pas obligé d'avoir un fancompte pour en faire partie). J'espère que ça vous a plus? Il est possible que j'ajoute des chapitres sur d'autres moments de leur vie.

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