JOUR 4 : la prison de marbre

Jour 4: hôpital.

   Un Bonjour. Pas de réponse. Bruits de pas. Soupir. Début de dialogue avec un mur, mais les murs ont des oreilles....Tout les deux, dans une chambre blanche, l'un dans un lit, l'autre debout, à côté, veillant.
Ça sonne un peu le retour aux sources non?
Ce sont nos débuts à nous. Et dieu que je prie pour que ça ne se finisse pas comme ça, oh, pitié, pas maintenant! Je sais que toi tu y penses, tout les jours depuis l'accident. Je te connais, je sais que même si tu ne veux pas perdre espoir, cette petite voix narquoise te nargues quelque part dans ta tête, tout là bas, à te rappeller ces histoires au tragique Shakespearien et à te comparer à ces personnages au destin pervers.

William Shakespeare aurait probablement aimé notre histoire, c'est vrai....Tu es à la fois si proche et si loin, c'est frustrant comme rien d'autre. Ma main est si engourdie que je ne peut qu'à peine sentir la tienne, et pourtant je sais, je sais si bien qu'elle est là.

Ça fait combien de temps que j'ai commencé à revenir à la surface? À vous entendre? Combien de tes monologues envoyés à mes oreilles endormies comme des bouteilles à la mer n'ai-je pu écouter, tourner dans ma tête pour les y graver?
Et combien de tes "je t'aime" et de tes "tu me manques" vais-je encore pouvoir endurer, avant que quelqu'un, mon corps ou les médecins, abandonnent ? Ou toi ?

Cet hôpital, je le connais comme ma poche. Tout les services, tout les étages. Et comme j'ai appris à connaître ton corps et ta tendresse dans tant de ces pièces perdues !
Je te revois, la gorge offerte, abandonné sur la table de la salle des internes, tes hanches contre les miennes et la bouche entrouverte.
Je te revois endormi d'épuisement dans une chambre vide, la tête sur mon torse . Je te revois les yeux dans le vague, assis sur l'une de ces chaises métalliques bleues à m'attendre, encore, une rose à la main.

Je revois nos disputes parfois si violentes, nos baisers, mes pauses déjeuner sur le pouce et sur tes lèvres, nos sourires, nos soupirs de fatigue, de désir, d'amusement, de colère.
C'est un tel bordel d'amour dans ma tête, Nico, j'ai l'esprit en feu dans un corps de marbre. Je brûle, je brûle tant de m'échapper de cette prison!
À chaque bonjour que tu lances et qui résonnent dans cette salle de mort, j'hurle, j'hurle à mes muscles de bouger, de sortir de leur torpeur, de faire un signe, un seul, de ne pas te laisser sans moi et de ne pas me laisser sans rien, sans mon petit monde d'un mètre soixante-deux aux cheveux noirs !

Je me bat contre cette torpeur, celle qui fait sonner toute les discussions comme lointaines et brumeuses quand on s'endort, celle qui veut m'emmener. J'ai peur de m'endormir, Nico, et qu'elle me fauche dans mon sommeil.

Je me souviens de cette patiente, dont je m'occupais. Elle n'était pas la seule, tu sais, à se plaindre d'être prisonnière entre quatres murs.  Mais là, j'aimerai tellement pouvoir ouvrir mes foutus yeux et les voir. Ma prison est mon corps, Nico. Ce vieil ami qui me trahit...Ce cliché sur les gens dans le coma, ce sentiment d'impuissance, c'est si vrai et dense. Ma prison est mon corps, et la fuite est la mort.

Mais j'y arriverai. Qui sait quand, qui sait si tu n'aura pas fait ton deuil de moi. J'y arriverai.

OoOoOoOoOoO

"- Monsieur?

- Non.

- Monsieur, je dois vous parler.

- Je sais ce que vous comptez me dire. La réponse est non.

- Monsieur, je crois que vous ne vous rendez pas bien compte.

- Pas bien compte que sa vie tiens à ces tuyaux? Oh, croyez moi, j'en suis bien assez conscient. Je les arracherait moi même si ils ne le retenaient pas en vie.

- Monsieur Solace. La seule raison pour laquelle nous n'avons pas retiré ces tuyaux c'est parce que le patient était l'un de nos meilleurs médecins.

-Ne parlez pas de lui au passé.

- Excusez moi. Mais le sujet reste le même. Ça fait deux ans-

- Quatre mois, et dix-sept jours que je vous répète la même chose.
Donnez moi un montant, je vous fait un chèque, un don pour l'hôpital. De l'argent, j'en ai. Mais ne touchez pas à cette machine.

- Je-

- Commettre un meurtre ne m'a jamais fait peur, Docteur. Tuez le, tuez le et vous pouvez être sûr je vous rendrai la pareil.

- Une menace ?

- Une promesse.

- Mais ne se réveillera pas !

- Vous ne le connaissez pas. Il a toujours été en retard... et je l'ai toujours attendu. Cette fois n'est pas une exeption."

Les doigts maigres bougèrent autour de sa main.

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