Chapitre 38 - Le Monde D'après

Je suis allongée sur le lit de notre chambre d'hôtel miteuse. Le soleil perce à travers les rideaux que nous avons fermés pour éviter de nous faire remarquer. Je m'ennuie et mon regard est fixé sur les grains de poussière que je vois danser dans les rayons du soleil. L'odeur de renfermé qui imprègne le matelas et les draps, me donne la nausée, accentuant mon malaise constant depuis que nous avons réussi à fuir l'immeuble en péril.

Cela fait presque une semaine maintenant. Chris et moi sommes parvenus à sortir juste avant que les forces de l'ordre n'envahissent le bâtiment. Diane et Pascal nous attendaient et nous avons réussi à nous enfuir tous les quatre. Au loin, j'ai pu voir Claire et Lucas, ma sœur était déjà dans une ambulance prête à partir pour l'hôpital, son petit-ami à ses côtés.

Je sens Chris bouger dans le lit à côté de moi, il se réveille enfin. D'instinct, il enroule ses bras autour de ma taille et me rapproche de lui, enfouissant sa tête dans mon cou. Je peux sentir ses muscles tendus autour de mon corps. Nous avons peu parlé pendant ces quelques jours, tous les deux perdus dans notre deuil.

La mort de ma mère m'a dévasté plus que je ne le pensais. Claire et moi sommes maintenant orphelines. Ma sœur est toujours à l'hôpital et je n'ai pu communiquer avec elle que via Lucas, Diane ou Pascal. Je sais que cela l'a grandement affecté aussi, mais elle ne m'en veut pas, contrairement à moi. J'ai commis un meurtre et qui plus est, celui de ma propre mère. Je vais devoir apprendre à vivre avec cette culpabilité. Pour le moment, j'essaye de gérer la douleur du mieux que je peux, j'enchaîne les crises de larmes. Heureusement que Chris est avec moi, toujours prêt à me prendre dans ses bras dès que j'en ai besoin, même si lui aussi, doit faire face à ses propres épreuves.

Je n'arrive toujours pas à croire à la mort d'Ella. Nous ne nous sommes jamais aimées et pourtant, son absence me pèse. J'aurais voulu qu'elle vive une vie plus clémente, peut-être aurait-elle eu la chance de s'adoucir et s'épanouir. Chris quant à lui, s'est muré dans le silence. Nous n'échangeons verbalement que très rarement.

Nous passons la plupart du temps à nous embrasser et nous câliner, nous rappelant chacun la présence de l'autre comme soutien. Nous faisons régulièrement l'amour, c'est le seul moyen de nous sentir vraiment en vie, là, toujours présents sur cette terre.

Je regarde l'heure sur le radio-réveil qui est posé sur la table de chevet. Il est bientôt midi, le journal télévisé va commencer. Je tends la main pour prendre la télécommande et allume la télévision qui se trouve à l'autre bout de la pièce.

Comme tous les jours depuis une semaine, nos visages à Chris et moi, apparaissent sur le petit écran. Une photo de mauvaise qualité est diffusée, prise lorsque nous sortions du building, nos armes toujours à la main, du sang sur nos vêtements. La légende est toujours la même : Thomas et Olivia Mills les deux terroristes sont toujours en cavale.

Alice, la réceptionniste de l'hôtel d'en face où nous avions séjourné quelques semaines plus tôt, nous a reconnu. D'après les journalistes, les deux frères et sœurs auraient infiltré Hygeia afin d'espionner leur entreprise et essayer de voler leurs recherches pour pouvoir créer leur propre compagnie. Chris et moi sommes donc maintenant activement recherchés par les autorités et c'est pourquoi nous nous cachons dans cet hôtel depuis des jours.

Les images changent et montrent maintenant l'hôpital dans lequel ma sœur se trouve. Une interview de la nouvelle héritière d'Hygeia doit être diffusée. Je vois l'image de ma sœur, assise dans un fauteuil, de grandes cernes sous ses yeux. Elle raconte la vérité, ou du moins, une partie de la vérité. L'histoire au complet paraît trop invraisemblable pour être révélée au grand public. Elle se contente donc de dire que des médicaments étaient testés illégalement sur des volontaires ayant été dupés par l'entreprise.

Les prisonniers restant ont tous été pris en charge par divers hôpitaux de la région. À terme, ils pourront retrouver une vie quasi normale, mais pas leur ancienne vie. Celle-ci est perdue à jamais.

Claire parle maintenant des projets d'avenir pour Hygeia, elle souhaite donner leur chance à tous ceux qui souhaiterait y travailler, créer un environnement sain. L'entreprise continuerait d'effectuer des recherches médicales, mais cette fois-ci, en toute légalité. Pas de cobaye, pas de prison, pas de laboratoire secret.

Des coups sont frappés à la porte. Chris et moi nous levons et pour la première fois depuis plusieurs jours, nous arrivons enfin à sourire. Claire est sortie ce matin de l'hôpital, juste après la fin de son interview, elle est venue nous rendre visite avec Lucas.

J'ouvre la porte et ma petite sœur se précipite dans mes bras :

— Claire !

Je la serre fort contre moi et je sens ses larmes commencer à couler dans mon cou. Nous nous séparons et prenons le temps de nous regarder, heureuses de nous retrouver. Lucas entre derrière elle et referme la porte.

— Comment allez-vous ? nous demande-t-il

Chris hausse les épaules :

— On fait comme on peut.

Lucas pose une main sur l'épaule de Chris. Lui aussi semble affecté par ce qu'il s'est passé, Ella faisait également partie de sa famille. Nous nous asseyons tous les quatre autour de la petite table présente près de la télévision.

— Vous allez devoir quitter le pays.

Lucas nous annonce la nouvelle de but en blanc. Nous nous en doutions, il ne sert à rien de retarder l'inévitable. Je vois les yeux de Claire se remplir de larme et je pose l'une de mes mains sur la sienne.

— Nous l'avions deviné, je réponds. Tu dois nous fournir de nouvelles identités, j'imagine ?

— Oui, j'y travaille. Simon m'aide aussi à trouver un moyen de passer la frontière. Une fois que vous serez à l'étranger, vous serez en sécurité et pourrez repartir à zéro.

— Il n'y a pas d'autre solution ?

La voix de Claire est tremblante et je ressers ma main autour de la sienne. Nous nous tournons tous vers elle, l'air désolé.

— Non Claire, c'est le seul moyen pour nous de pouvoir vivre à nouveau librement.

Ma sœur hoche la tête. Je sais qu'elle est déçue, abattue, mais nous n'avons malheureusement pas le choix. Lucas sort son téléphone :

— Je vais avoir besoin de photos de vous pour pouvoir créer vos nouvelles identités. Cela risque de prendre du temps. J'ai bien un contact qui veut m'aider, mais ça ne sera pas simple. Essayer de faire profil bas d'ici là.

Nous acquiesçons et passons le reste de l'après-midi à peaufiner les derniers détails. Nous convenons de nous retrouver une fois toutes les deux semaines ici afin de discuter de l'avancée du projet. Il n'est malheureusement plus prudent de ne plus utiliser nos téléphones pour communiquer. Avant de partir, Claire et moi nous prenons une nouvelle fois dans les bras :

— Nous avons encore un peu de temps devant nous, nous allons nous revoir ne t'inquiète pas.

J'essaye de la rassurer et cela semble fonctionner. J'ai envie de profiter des quelques instants qu'il me reste à passer avec ma sœur le plus possible. Sans penser que ceux-ci seront les derniers.

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Une fois à nouveau seuls dans la chambre, je me poste devant la fenêtre et regarde Lucas et Claire monter dans leur voiture. Chris vient derrière moi et m'enlace.

— Ça va aller ? me demande-t-il. Tu viens de perdre ta mère et bientôt, tu ne pourras plus revoir ta sœur.

— Je sais... Mais je sais aussi qu'elle est en sécurité auprès de Lucas, tout ira bien pour elle. Et puis, je t'ai toi.

Je me retourne dans les bras de Chris pour lui faire face et lui souris. D'une main, il repousse une mèche de cheveux qui m'était tombée dans les yeux et se penche pour m'embrasser. Ses lèvres sont chaudes, demandeuses. D'un coup, je sens qu'il me soulève et j'enroule mes jambes autour de sa taille. Il me porte jusqu'à la petite table et me pose dessus. Ses mains s'affairent à retirer mon t-shirt pendant que j'enlève la ceinture de son jeans.

Nous nous perdons une nouvelle fois dans notre étreinte, nous abandonnant l'un à l'autre. Nos mains explorent l'autre attendant toujours plus, demandant toujours plus. Je peux sentir mon cœur battre dans ma poitrine, tellement fort, qu'il semble être sur le point d'exploser. Son souffle chaud se mélange au mien et nos corps se rencontrent pour ne former plus qu'un.

Notre existence n'est que chaos maintenant. Nous avons perdu notre ancienne vie et sommes sur le point de perdre aussi celle-ci, tout recommencer à nouveau une seconde fois. Et pourtant, nous continuons de nous battre, de nous accrocher l'un à l'autre désespérément.

Nous sommes devenus le repère de l'autre, la seule constante positive, immuable dans ce monde. Nous avons traversé tellement de choses ensemble en si peu de temps, qu'il me semble que nous nous connaissons depuis une éternité.

Plus tard, cette journée-là, nous sommes allongés l'un à côté de l'autre. Je me suis blottie dans les bras de Chris me laissant bercer par sa respiration calme. Je ferme les yeux et repense à tout ce que nous avons vécu ensemble. Notre aventure ici touche à sa fin, et j'espère que nous réussirons enfin à trouver un endroit où nous pourrons vivre librement l'un avec l'autre.

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