Chapitre 37 - La dernière bataille
Avertissements : violence, mort
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Je pousse les portes et nous rentrons tous les quatre dans la pièce. Chris et Ella semblent subjugués par les mètres et les mètres d'étagères qui s'étendent devant eux. Je regarde mes environs avec surprise, la première fois que j'étais venue, je ne m'étais pas rendu compte de l'étendue de la pièce. Mes deux amis commencent à s'activer autour de moi et Ella me lance un regard par-dessus son épaule.
— Lola, garde un œil sur elle.
J'acquiesce et lève à nouveau mon arme vers ma mère, ne la quittant pas des yeux. Chris s'approche de moi et tend la main. Je devine assez rapidement qu'il attend que je lui donne les quelques explosifs que j'ai gardé sur moi. D'une main, je les lui tends, tout en gardant mon attention sur Elsa.
Je n'arrive pas à déchiffrer l'expression sur son visage. Elle ne semble ni triste, ni en colère, ni abattue. Elle a l'air vide, totalement dénuée d'émotion, comme si elle avait renoncé.
Mon cœur se serre. Tout aurait pu se passer différemment, nous aurions pu avoir une famille normale, heureuse, stable. Mais nous ne pouvons pas revenir en arrière et bientôt, tout sera fini. Hygeia aura disparu et ma mère croupira derrière les barreaux jusqu'à la fin de ses jours.
Elsa regarde autour d'elle, elle semble dire adieu en silence à l'œuvre de sa vie. Chris et Ella disposent des explosifs un peu partout dans la pièce. Dans quelques minutes, ils auront terminé et nous n'aurons plus qu'à sortir tous les quatre avant de détruire cet endroit et de livrer la Directrice aux autorités.
— Pourquoi...
La voix de ma mère est brisée quand elle parle, elle a perdu toute son assurance. Ses pupilles vertes me fixent cherchant une réponse en moi.
— Pourquoi ? Pourquoi me fais-tu cela, Lola ?
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Ma mère pousse un soupir et écarte les bras, embrassant du regard le reste de la pièce.
— Pourquoi tout ceci ? Tu sais à quel point ce projet me tiens à cœur, tu sais que j'y ai consacré la majeure partie de ma vie. N'as-tu donc plus aucune estime pour moi ? Je suis pourtant ta mère...
— Ma mère ?!
Je hausse le ton sans m'en rendre compte et un sourire sans joie m'échappe.
— La femme que je pensais être ma mère est morte ! Je ne sais même pas si elle a déjà existé ! Toutes ces années, ce n'était qu'un mensonge ! Tu ne nous as jamais aimé !
— Bien sûr que si je vous ai aimé ! Je t'aime Lola, je t'aime tellement... Tu es ma plus grande fierté.
Je vois ses yeux se remplir de larmes. Je devrais être émue, triste de voir ma mère dans cet état. Mais la voir pleurer ne fait que faire grandir la colère qui est en moi.
— Non, c'est faux. Tu ne m'aimes pas ! Ce que tu aimes, c'est ce que tu as fait de moi, le "patient clé", le cobaye parfait qui te permettra d'arriver à tes fins. Ce n'est pas de l'amour, c'est de l'avidité ! L'amour, tu ne sais pas ce que c'est, tu ne l'as jamais su !
Je la foudroie du regard, haletante. Mon cœur bat la chamade, la haine commence à prendre le dessus sur moi et mes mains tremblent autour de mon arme. Le regard d'Elsa change soudain, elle retrouve son regard perçant et froid, comme si sa vulnérabilité n'était en réalité qu'un masque, une supercherie. Elle éclate de rire. Sa voix ricoche comme un écho dans la pièce et me glace jusqu'à l'os.
— Tu es moins stupide que ce que je ne le pensais ! Tu as raison, je ne t'aime pas. Mais j'ai besoin de toi ! Toutes les deux, nous pourrions accomplir tellement de choses. Tu es la seule qui ne m'a jamais déçue. Je ne t'aime peut-être pas de la même manière dont les autres mères aiment leur progéniture, mais ce que je sais c'est que tu es importante pour moi, pour que mes rêves se réalisent enfin.
— Mais tes rêves n'ont même plus lieu d'être ! Tu ne te rends pas compte que c'est fini ?! Ça y est Elsa, tu as perdu. Il est temps pour toi te renoncer !
Ma mère secoue la tête, un léger sourire sur ses lèvres.
— Non, tu te trompes, j'ai encore de l'espoir.
Au même moment un coup de feu retenti, suivi d'un cri. Je fais volte-face pour savoir d'où vient le son. Dans l'embrasure de la porte, se tient un homme blond, une arme à la main. Je devine rapidement qui il est grâce à la cicatrice qui lui traverse le visage, Victor, l'ex d'Ella. Il a un regard triomphant, ses yeux sont fous, ils me font presque peur.
— Espèce de salopard !
La voix de Chris me ramène à la réalité et quand je me retourne vers lui, je le vois courir de l'autre côté de la pièce vers Ella. La jeune femme gît par terre, elle bouge encore, mais une tache de sang s'agrandit au niveau de son flanc. Chris enlève sa veste et la presse contre la blessure d'Ella.
— Bien, ça fait déjà une de moins, ma mère sourit, satisfaite.
Victor recharge son arme et s'avance d'un pas assuré vers l'endroit où se trouvent Chris et Ella.
— Chris !
Je hurle pour l'avertir et vise Victor avec mon arme. Mes mains se crispent sur mon arme. Chris se relève vite, au même moment où je presse la détente. Le recul me prend de court et je manque de perdre l'équilibre. Quand je relève les yeux vers ma cible, je me rends compte que je l'ai loupé. Cependant, mon action aura au moins servi de diversion.
L'attention de Victor n'est plus portée sur mes amis, c'est moi qu'il regarde maintenant, surpris. Avant qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, Chris est arrivé à sa hauteur et lui assène un coup derrière la tête. Les deux hommes commencent à se battre et Chris prend rapidement le dessus sur son adversaire. Il sort son arme et la pointe vers Victor.
— Attends !
La voix d'Ella retentit à l'autre bout de la pièce. Elle s'est relevée tant bien que mal et avance vers les deux hommes en s'aidant du mur d'une main pour tenir debout. Son autre main est toujours pressée contre son flanc, où l'on peut voir la tache de sang s'agrandir de secondes en secondes.
Une fois arrivée à leur hauteur, elle lâche le mur et fait un pas vers eux, prenant son arme. Ses mains tremblent lorsqu'elle les lève les vers Victor, mais son regard est déterminé.
— C'est à moi d'en finir avec lui...
Sa voix n'est qu'un murmure et je ne suis même pas sûre de l'avoir comprise. Victor tente de se relever, mais en vain. Ella a été plus rapide que lui et a pressé la détente. Sans surprise, elle a visé juste, son ex compagnon est maintenant étendu sur le sol, les yeux grands ouverts fixant le plafond qu'il ne peut plus voir.
Ella perd l'équilibre et Chris arrive à la rattraper de justesse avant qu'elle ne s'effondre sur le sol.
— Merde ! Lola, vite il faut qu'on sorte d'ici ! Ella a besoin d'aller à l'hôpital !
Je hoche la tête fébrilement, je sais à quel point Chris doit être inquiet, Ella et lui sont proches depuis longtemps. Je me retourne vers ma mère et la menace à nouveau avec mon arme.
— C'est fini maintenant. Sortons d'ici, dépêche-toi !
Je m'approche d'elle un peu plus et lui fait signe de passer devant moi, mais elle ne bouge pas. Ses yeux sont rivés vers le corps sans vie de Victor. Cette fois-ci, elle ne feint pas sa détresse, elle comprend qu'elle a perdu.
Après quelques secondes, Elsa lève les yeux vers moi, une larme coule sur sa joue.
— Mais qu'avez-vous fait ? Vous avez tout détruit, tout ! Moi... moi tout ce que je voulais, c'était rendre la vie meilleure en trouvant enfin un remède contre la mort.
— Un remède contre la mort ? je répète, mais c'est justement la mort qui donne un sens à la vie ! Même si c'est effrayant, c'est ce qui nous permet d'apprécier la vie, d'en profiter parce que personne n'est éternel.
Le visage de ma mère est maintenant déformé par la haine.
— La mort donne un sens à la vie ? Voyons voir si sa mort te permettra de trouver un sens à ton existence.
Tout va très vite, ma mère glisse la main dans l'une de ses poches et en sort un révolver, si petit qu'il nous était impossible d'en connaître l'existence. Elle se tourne vers Chris et le tient maintenant en joue, prête à se salir les mains. Je sens mes doigts bouger seuls et avant que je m'en rende compte, j'ai tiré.
Les yeux de ma mère s'écarquillent de peur alors que son tailleur blanc commence à s'imbiber de son sang. Nous lâchons nos armes au même moment, elle tombe au sol et je m'écroule à genoux à côté d'elle.
— Maman !!! mon cri me perce les tympans. Non, non non... Mais qu'est-ce que j'ai fait ?
Je commence à pleurer alors que je vois les couleurs quitter le visage de ma mère. Je l'attrape par les épaules et la berce doucement contre moi. Mon corps tremble et ma respiration me brûle les poumons.
Elsa ouvre la bouche et tente de parler, mais elle ne peut plus former la moindre phrase cohérente. J'ai visé en plein cœur, je sais qu'il n'y a plus rien à faire, dans quelques secondes elle ne sera plus là. Nos pupilles vertes se croisent une dernière fois et alors que je plonge mon regard dans le sien, je vois l'éclat dans ses yeux disparaître alors qu'elle s'éteint. J'ai tué ma mère.
Je ne sais pas combien de temps je reste ici à pleurer, mais au bout d'un moment la voix de Chris qui m'appelle me ramène à la réalité. Je me relève, les jambes tremblantes, l'esprit embué et m'approche de lui et d'Ella.
— Vous devez y aller, murmure Ella.
Elle a l'air encore plus faible que tout à l'heure. Son hémorragie s'est aggravée et elle semble sur le point de perdre connaissance.
— Comment ça, vous ? lui répond Chris.
Ella le regarde un sourire aux lèvres.
— Il faut que quelqu'un reste pour activer le détonateur. Nous avons besoin de détruire la pièce, pas tout le bâtiment. Vous devez fermer les portes derrière vous pour contenir l'explosion, et si je viens avec vous, je serai trop loin déclencher les explosifs.
Je la regarde et je comprends. Elle le savait, c'était son plan depuis le début. Quand elle disait qu'elle voulait en finir, elle savait qu'elle ne s'en sortirait pas non plus.
— Mais il doit y avoir une autre solution ? la voix de Chris se brise.
— Non. De toute façon, avec cette blessure, je ne suis pas sûre de m'en sortir. N'est-ce pas Lola ?
Mes deux amis se tournent vers moi, l'un espérant que je démente ces propos, l'autre souhaitant que je les confirme. À contre cœur, je hoche la tête. Ella à raison, nous prendrions trop de temps à la remonter là-haut, risquant nos vies alors qu'elle serait sans doute morte avant que nous ne réussissions à atteindre les secours.
— Allez-y, ce serait dommage que je perde connaissance maintenant.
Chris reste silencieux, mais son regard vaut mille mots. Doucement, je le tire par le bras pour le forcer à se relever.
— Merci Lola... la voix d'Ella se fait de plus en plus faible, mais pour une fois je n'y perçois aucun sarcasme.
Nous nous dirigeons vers la porte. Je me retourne une dernière fois et je vois qu'Ella nous sourit. J'essaye de lui rendre son sourire, afin de l'apaiser un peu. Je n'aurais jamais cru dire cela un jour, mais je crois qu'au fond, j'admire Ella. Chris n'a même plus la force de réagir lorsque je le pousse de l'autre côté de la porte et la referme doucement derrière nous.
Nous avançons dans le couloir en silence quand une énorme détonation retentit. Les larmes perlent sur mes joues et Chris pousse un cri de douleur. Les murs se mettent à trembler de tous les côtés. Nous nous serrons l'un et l'autre et nous nous dépêchons de sortir de cet enfer.
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