Chapitre 35 - Sur la route
Cela fait plusieurs heures maintenant que nous marchons en silence. Chris porte la petite Juliette dans ses bras qui commence à être épuisée par cette longue route. Nous traversons des champs depuis un moment et avons pris la direction d'une forêt afin de pouvoir nous mettre à l'abri. Le soleil brille toujours dans le ciel et je peux sentir quelques gouttes de sueurs perler sur mon front. Une brise légère se lève et soulève mes cheveux me permettant de récupérer un peu mon souffle. J'hume l'air de cet après-midi frais et mes pensées se tournent vers Carole ; qui elle, ne pourra plus jamais sentir le doux parfum de la nature.
J'essuie mes larmes qui commencent à s'accumuler au coin de mes yeux, je dois continuer d'avancer et ce, malgré la douleur. Sur ma gauche, je vois Claire et Lucas marcher main dans la main. Ma sœur me lance quelques regards inquiets de temps en temps, comme si elle avait peur que je lui reproche sa relation naissante avec Lucas. Je tente de lui sourire pour la rassurer et lui montrer que cela me rend heureuse, mais ma bouche reste irrémédiablement crispée en une expression de tristesse.
L'ombre des arbres commence à s'agrandir et nous pouvons enfin nous abriter du soleil. L'orée de la forêt semble être plutôt calme et nous nous arrêtons enfin. Je m'appuie contre un arbre et ferme les yeux, écoutant le chant des oiseaux pour tenter de m'apaiser.
— Où est-ce qu'on va comme ça ?
Claire est la première à prendre la parole depuis que nous avons quitté la base. Nous tournons tous nos têtes dans sa direction. Certains ont la bouche ouverte dans l'intention de répondre quelque chose, pourtant personne ne parle. Au bout de quelques secondes, nous entendons Ella soupirer :
— Nous allons retrouver des alliés...
— Tu veux parler de... la coupe Lucas.
— Oui, je veux parler d'eux. Mais avant tout, nous avons quelque chose de plus important à régler.
La blonde se tourne soudain vers moi et j'ai l'impression que cela ne va pas me plaire.
— Lola, tourne-toi et lève tes cheveux s'il te plaît. Je voudrais voir ton cou.
— Mon cou ? Mais pourquoi...
Avant que je n'aie le temps de finir ma phrase, la blonde est déjà sur moi et, a passé une main derrière ma tête tâtonnant ma peau du bas de ma tête à la base de mon cou.
— Ici... je l'entends murmurer.
— Attends, Ella, on est sûr de rien, commence Chris.
— Viens vérifier par toi-même ! lui répond la blonde.
Chris se rapproche aussi et me fait signe de lui montrer mon cou. Un peu inquiète, je m'exécute et sens que Chris fait la même chose qu'Ella.
— Merde !
Je sursaute en entendant Chris jurer. Je ne comprends toujours pas ce qu'il se passe et pourquoi Chris et Ella semblent aussi inquiets qu'énervés.
— Est-ce que l'un de vous peut m'expliquer ce qu'il se passe ?
— Hygeia t'a implanté un traceur GPS sous la peau. C'est comme ça qu'ils ont pu nous localiser et envoyer ce colis piégé. Nous aurions dû y penser plus tôt !
Ella lance un cri de rage tandis que je la regarde avec incompréhension. Doucement, je lève la main jusqu'à ma nuque. Mes doigts courent le long de ma peau reproduisant les gestes de mes amis et enfin, je sens une petite boule sous ma peau. Je retire ma main d'un coup, comme si j'avais touché quelque chose de brûlant.
— Non ! Il faut m'enlever ça tout de suite !
— C'est ce que je m'apprête à faire.
En disant cela, Ella se baisse et sort un couteau de sa botte et sans me laisser le temps de réagir, elle approche la lame de mon cou. Une douleur vive se fait sentir là où se trouve le GPS. Je sens les doigts d'Ella retirer quelque chose de ma peau et je frissonne, la sensation est tellement désagréable. La blonde tend la main devant moi, et là au centre de sa paume, je peux apercevoir un petit objet argenté d'à peine un centimètre de long.
Sans dire un mot, Ella le jette à terre et l'écrase d'un coup de talon. Je sens un liquide chaud perler le long de mon cou. Claire me tend un mouchoir que je prends et appuie fermement le morceau de tissu contre ma plaie. Heureusement, l'entaille n'est pas profonde et dans quelques minutes, je ne saignerai déjà plus.
— Bien, maintenant nous sommes sûrs qu'Hygeia ne pourra plus nous localiser, Ella parle tout en recommençant à marcher, il faut nous dépêcher, je voudrais que nous atteignions le refuge avant la nuit.
Tous acquiescent et reprennent la marche. Je m'apprête à suivre mes amis, quand Chris me retient par le bras.
— Fais-moi voir, me dit-il en soulevant doucement mes cheveux.
Chris observe mon cou, faisant courir ses doigts le long de ma peau, un frisson me parcours et je ferme les yeux. Il se penche vers moi et je peux sentir son souffle chaud sur mon oreille, je souris. Il relâche mes cheveux et encercle ma taille de ses bras, je laisse mon dos aller contre son torse.
— C'est bon, ça ne saigne presque plus, me dit-il dans un souffle.
Mes mains agrippent ses bras et un soupir échappe mes lèvres quand il m'embrasse sur la joue, juste au coin de la bouche. Je me retourne dans ses bras pour lui faire face et lève la tête pour pouvoir plonger mon regard dans ses yeux gris. Chris lève une main et la pose su ma joue. Je presse mon visage contre sa paume et apprécie ce moment de réconfort.
— Ça va ? me demande-t-il.
Je hoche la tête et laisse mes yeux se perdre au loin, en direction de notre ancienne demeure, là où nous avons laissé Carole.
— J'ai toujours du mal à y croire, je me mords l'intérieur de la joue pour éviter que les larmes me montent aux yeux.
Chris soupire et pose son front contre le mien, frottant légèrement le bout de son nez avec le mien.
— Je sais... Laisse-toi le temps d'assimiler la nouvelle, Lola. Ça prendra du temps, mais un jour, tu finiras par accepter.
Le jeune brun se penche un peu plus vers moi et m'embrasse. J'ouvre la bouche, sa langue se glisse entre mes lèvres à la recherche de la mienne et bientôt nous nous embrassons passionnément. Nous nous perdons dans notre étreinte oubliant le reste. C'est comme s'il ne restait que Chris et moi sur terre et que rien ne pouvait nous séparer. Au bout d'un moment, nous nous éloignons de quelques centimètres, le souffle court, les yeux embuer par nos sentiments. Après un dernier baiser sur mon front, Chris se redresse et prend ma main. Il est temps de continuer notre route.
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Nous marchons encore pendant plusieurs heures et finissons par rejoindre une petite ville. Le soleil commence à se coucher et donne aux bâtiments de pierres un air de carte postale. Au loin, je peux entendre l'église sonner six heures. Mon ventre gronde, nous n'avons rien mangé de la journée et n'avons fait que marcher en silence. Tout le monde semble exténué.
Alors que je prends instinctivement la direction des habitations, je vois mes compagnons prendre le chemin opposé. Je fronce les sourcils, mais les suis. Lucas mène la marche, il nous fait prendre un chemin pédestre à travers champ. J'hume l'air de la campagne, un mélange d'herbe fraîchement coupée et de bois, un réel changement en comparaison de l'odeur des pots d'échappement de la ville. Au loin, je vois deux lièvres détaler, trouvant refuge dans leur terrier, bien à l'abri de ce groupe d'inconnus venus profaner leur territoire.
Alors que la nuit tombe, nous nous approchons d'une vieille ferme en bois et torchis. De la fumée s'échappe de l'une des cheminées et nous pouvons apercevoir la lumière au travers des fenêtres. La bâtisse est immense et semble pouvoir accueillir plusieurs dizaines de personnes. Nous commençons à nous approcher, mais Ella nous fait signe de nous arrêter au beau milieu de la cours.
— Nous sommes arrivés, chuchote-t-elle. C'est une petite communauté de personne comme nous, nous connaissons les premiers membres, se sont eux qui ce sont enfui avec Chris Lucas et moi. Le plus simple, serait que nous allions d'abord leur parler tous les trois. Attendez-nous ici.
Sans un autre mot, les trois amis se dirigent vers la ferme. Nous les entendons frapper à la porte, qui s'ouvre doucement laissant passer un rai de lumière. Puis, quelques secondes plus tard, nos amis disparaissent à l'intérieur du bâtiment. Simon, Claire, Juliette et moi restons là, plantés dans le noir à attendre les autres. La fillette, épuisée, a trouvé refuge dans les bras de Simon et commence à somnoler. Claire et moi sommes adossées à la barrière en bois et ma petite sœur a posé sa tête sur mon épaule. J'ai les yeux rivés vers la porte de la maison, attendant à tout instant que celle-ci s'ouvre de nouveau. Je me laisse bercer par la respiration paisible de Claire me concentrant sur son souffle pour ne pas me laisser gagner par l'inquiétude.
Après de longues minutes, nos amis reviennent enfin. Ella avance vers nous d'un pas déterminé. Elle a l'air plutôt en colère, ce qui n'est pas bon signe. Tout ne semble pas s'être passé comme prévu. Avec un soupir, elle nous explique la situation.
— Nous leur avons raconté ce qu'il s'est passé. Ils veulent bien accueillir Juliette et Simon, mais pas les autres. Ils trouvent cela trop dangereux.
Son regard se pose sur moi et je lève les yeux au ciel. Il fallait s'y attendre. S'ils savent que Claire et moi sommes les enfants d'Elsa, leur réticence à l'idée de nous héberger semble logique. Ella ne paraît pas abattue pour autant.
— Il y a un hôtel en ville, nous pourrons nous cacher là. Pascal et Diane nous rejoindrons plus tard là-bas. Ils veulent bien venir nous prêter main forte.
— C'est quoi le plan ? je demande soudain coupant la parole d'Ella
— Le plan ? En finir avec tout ça ! me rétorque-t-elle. Maintenant que nous savons où se cache leur pièce secrète comprenant toutes les avancées de leurs travaux, nous allons pouvoir les détruire. Nous allons faire deux groupes. Lucas, Claire, Pascal et Diane, vous vous occuperez de faire fuir les prisonniers. Claire, afin que les soupçons ne pèsent pas contre toi, tu te feras passer pour l'un des prisonniers, comme ça notre plan de te faire hériter de la compagnie reste le même. Quant à nous, Ella nous désigne Chris moi et elle, nous allons détruire leur laboratoire.
Nous hochons tous les tête la peur au ventre. Simon et Juliette commencent à s'avancer vers la maison, une femme les attend sur le seuil de la porte. Mon cœur se serre, je crains que ce ne soit la dernière fois que je les vois. Je m'imprègne une dernière fois de leur image avant que la porte de la ferme ne se referme derrière eux.
En silence, nous reprenons le chemin vers la ville et moins d'une heure plus tard, nous nous retrouvons dans une chambre d'hôtel bas de gamme, un sandwich à la main. La pièce est composée de plusieurs lits superposés, ce qui nous permet de tous loger au même endroit. Après ce qu'il s'est passé, nous ne souhaitons pas nous séparer. L'ambiance est lourde et pesante. Pascal et Diane, les amis de Chris Lucas et Ella, sont censés nous rejoindre plus tard dans la nuit. Demain matin, nous attaquerons aux premières heures de la journée.
Nous utiliserons le tunnel par lequel je me suis échappée. Le but est d'arriver au moment du petit-déjeuner pour réussir à faire évacuer un maximum de personnes. Lucas a toujours le badge que nous nous sommes procuré grâce à son contact qui nous avait permis d'infiltrer le labo la première fois. Nous voulons faire évacuer les prisonniers par la grande porte, c'est risqué, mais cela devrait attirer un maximum de monde. Dès l'instant où les médias s'en mêleront, Hygeia sera en position de faiblesse.
Pour le reste du plan, c'est assez simple. Trouver ma mère, la forcer à ouvrir leur pièce secrète et détruire tous leurs travaux. Le but étant de les empêcher de continuer, nous savons bien que nous ne sommes pas assez forts pour tous les mettre derrière les barreaux, mais en détruisant la réputation de ma mère et de ses scientifiques et en anéantissant toutes leurs recherches, nous espérons stopper leur progression et surtout les empêcher de recommencer.
L'église de la ville sonne à nouveau, onze coups cette fois-ci. Je suis allongée sur l'un des petits lits dans les bras de Chris et scrute le sommier du lit du dessus. D'une main distraite, il me caresse les cheveux. J'essaye d'apprécier au maximum ces derniers instants, inquiète que ce soit notre dernière nuit passée ensemble. Je n'ai pas de regret cependant, je sais que nous faisons ce qui est juste.
Soudain, nous sortons tous de notre torpeur. Des coups sont frappés à la porte, Diane et Pascal sont arrivés, le compte à rebours a commencé.
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