Chapitre 34 - Chaos

Avertissement : mort

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J'ouvre les yeux et les referme aussitôt, aveuglée par un nuage de poussière. Je tousse pour évacuer la fumée qui a envahi mes poumons. Ma gorge me brûle et l'air est si épais que respirer semble impossible. Je bouge lentement mes muscles. Mes membres sont endoloris, mais je n'ai rien de cassé.

Doucement, je me relève et ouvre à nouveau les yeux. Je ne vois que le chaos autour de moi, un amas de débris enchevêtrés les uns avec les autres. Je frotte mes vêtements, plus par réflexe, pour enlever la poussière. Cela est bien sûr inutile, compte tenu de l'état de la pièce. Au-dessus de moi, le plafond a quasiment disparu, un trou béant laisse apparaître le bleu du ciel. Je lève mon bras pour recouvrir ma bouche et mon nez afin de me protéger de la poussière toujours présente en quantité.

Mes oreilles bourdonnent à cause de l'explosion et je me rappelle les dernières secondes qui ont précédé l'accident. Ce que Lucas pensait être les équipements pour la prochaine mission, était en fait un colis piégé. Je le revois encore courir vers nous, nous criant de nous coucher à terre. Où sont donc les autres maintenant ?

— Claire ! Chris ! Je crie.

Ma voix parvient à peine à mes oreilles, comme si celles-ci étaient recouvertes d'un casque anti-bruit. Je sens la panique m'envahir. J'essaye de me frayer un chemin entre les débris, appelant toujours mes amis et ma sœur. Soudain, je sens deux fortes mains se poser sur mes épaules. Je me retourne brusquement pour faire face à Chris. Ses cheveux sont blancs à cause de la poussière, et il a un léger filet de sang qui coule le long de son arcade, mais heureusement, cela semble être une blessure superficielle. J'agrippe ses bras, rassurée de voir qu'il va bien. Je vois ses lèvres bouger et décèle le son de sa voix, mais je ne peux pas comprendre ce qu'il me dit. Je secoue la tête et lui fait signe que je n'arrive pas à l'entendre. Chris me rapproche doucement de lui et se penche vers moi pour mettre sa bouche au niveau de mon oreille :

— Ça va ? Tu n'as rien de cassé ? me demande-t-il.

Je comprends ce qu'il dit, bien que j'ai l'impression que les sons me viennent à travers une épaisse couche d'eau. J'acquiesce, mais pour le moment, mon état n'est pas ce qui m'inquiète le plus.

— Claire ? j'articule sans savoir si j'ai murmuré ou crié le nom de ma sœur.

Nous nous retournons, Claire se trouvait juste derrière nous quand l'explosion a eu lieu et je suis persuadée que Lucas a eu le temps de l'atteindre avant que tout ne s'effondre. Nous avançons en silence à travers les décombres. Mon cœur bat la chamade, j'ai tellement peur. Je serre la mâchoire inconsciemment, espérant la retrouver rapidement. Là, entre les amas de béton et de roche, je vois quelque chose bouger. Je tire sur la manche de Chris et pointe mon doigt vers l'endroit où j'ai cru voir du mouvement.

Nous accélérons le pas et je manque de perdre l'équilibre en me coinçant la cheville entre les débris. Chris arrive à me retenir avant que je ne tombe au sol, et doucement, il m'aide à dégager mon pied. Des sons étouffés commencent à nous parvenir. Mes oreilles bourdonnent toujours, mais j'ai déjà l'impression que mon ouïe s'améliore.

À quelques pas de nous, sur notre droite, nous voyons un morceau de plâtre, sans doute l'ancien plafond, se soulever difficilement. Chris lâche ma main et se rue vers l'endroit, essayant tant bien que mal d'aider l'un de nos amis à sortir des décombres. À mon plus grand soulagement, je vois la tête de Lucas apparaître, j'accours vers les deux hommes. Chris a déjà saisi Lucas par le bras pour le relever. Une autre personne se trouve avec lui, et les larmes me montent aux yeux quand j'aperçois ma petite sœur tenter de se mettre debout.

Une fois stabilisé sur ses pieds, Lucas se retourne et tend la main vers Claire, elle semble saine et sauve, tout comme Lucas. Claire remercie son ami et se jette dans ses bras, tremblante. Le jeune homme la serre contre lui et dépose un baiser dans ses cheveux. Je soupire, ma petite sœur semble être entre de bonnes mains.

— C'était quoi tout ce merdier ? demande soudain Chris.

— Je... je ne sais pas, répond maladroitement Lucas. Je jeune homme se gratte l'arrière du cou embarrassé. C'était censé être les équipements pour qu'Ella puisse s'infiltrer chez Hygeïa, mais à la place des minies caméras, il y avait cette bombe... avec un compte à rebours à moins de dix secondes. J'ai à peine eu le temps de vous avertir avant que tout ne s'effondre. Je... désolé, j'aurais dû vérifier qu'il n'y avait aucun danger avant de... Lucas a du mal à parler et à soutenir nos regards.

— Hey, Claire passe une main à travers les cheveux du jeune brun, ce n'est pas ta faute, tu n'as pas à t'en vouloir, tu as fait ce qu'il fallait pour nous avertir à temps.

Chris et moi hochons doucement de la tête pour indiquer que nous sommes d'accord avec Claire.

— Elle a raison Lucas, tu ne pouvais pas savoir, je lui dis.

Lucas relève la tête et nous fait un sourire gêné. Pour moi, le plus important pour l'instant et que nous soyons tous en vie. Le problème, c'est que pour le moment, nous ne sommes que tous les quatre, nous n'avons pas encore retrouvé les autres. C'est à ce moment qu'un cri déchire le silence. Nous sursautons tous, nous regardant les uns les autres.

Je fais volte-face pour essayer de déterminer d'où vient le cri et à qui il appartient. À l'autre bout de ce qu'il reste de la pièce principale, se tiennent deux silhouettes. Grâce à ses cheveux blonds, je peux facilement reconnaître Ella, la personne à côté d'elle étant un homme, il ne fait aucun doute qu'il s'agit de Simon. Nos deux amis se tiennent debout et semblent regarder quelque chose à proximité d'eux.

Luca, Chris, Claire et moi commençons à nous diriger vers eux, la peur au ventre. Un deuxième cri retentit et cette fois-ci, je reconnais la voix d'un enfant, Juliette ! Ma gorge se serre, pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé. J'avance machinalement, accélérant le pas de plus en plus, uniquement guidée par l'adrénaline qui traverse mon corps.

Plus je me rapproche et plus les bruits me parviennent clairement. Mon ouïe semble revenir à mesure que les cris de Juliette s'amplifient. Je vois Simon se retourner lentement vers nous, le visage décomposé par la peur et la douleur. Lorsqu'il m'aperçoit, une lueur d'espoir luit dans ses yeux.

— Lola ! me crie-t-il, viens vite ! Nous avons besoin de toi ici !

Je ne réponds pas, mais me mets à courir de plus belle. Ella finit également par se retourner et vient vers moi. Quand elle arrive à ma hauteur, elle pose la main sur mon épaule.

— C'est inutile Lola, il est déjà trop tard. Sa voix est à peine audible, et je vois la jeune femme ravaler des larmes de tristesse.

Elle s'éloigne de moi et se rapproche des trois autres qui sont restés derrière. De plus en plus inquiète, j'arrive presque à la hauteur de Simon. J'entends encore les pleurs déchirant de Juliette et je me rends vite compte que ce n'est pas elle qui est blessée.

Là, devant moi, est étendu un lourd morceau de béton qui s'est probablement décroché du plafond lors de l'explosion. J'étouffe un haut le cœur quand je vois une tache cramoisie s'étendre de part et d'autre du bloc de béton. Le bloc recouvre tout le bas de corps de Carole, et je vois Juliette agrippée au pull de la femme.

— Tante Carole, s'il te plaît, réveille-toi... réveille-toi...

Une larme coule le long de ma joue, la scène est déchirante. Juliette ne cesse de répéter les mêmes mots encore et toujours, mais il est déjà trop tard. Au vu de la quantité de sang, je me rends bien compte que personne ne peut survivre à cela. Je m'agenouille à côté de l'enfant et la prends doucement dans mes bras, essayant de desserrer ses poings des vêtements de Carole. Après quelques efforts, je parviens enfin à l'éloigner quelque peu de sa mère adoptive. Je la serre plus fort contre moi, essayant de bloquer la vue de l'enfant pour qu'elle ne puisse plus regarder Carole. Son traumatisme est déjà bien trop lourd. Je lui caresse doucement les cheveux pour tenter de l'apaiser et me retourne vers Simon.

— Simon, s'il te plaît, emmène-la près des autres.

Mon ami se penche vers nous et prend doucement la jeune enfant par les épaules.

— Viens avec moi, Juliette, lui dit-il avec bienveillance.

Je regarde Simon et Juliette s'éloigner lentement. En jetant un coup d'œil par-dessus mon épaule, je peux voir les quatre autres se tenir par la main, le visage défait. Ella a déjà dû leur annoncer la mauvaise nouvelle et tout le monde essaye de se réconforter du mieux qu'il peut.

Je me tourne à nouveau vers Carole, les yeux embués par mes larmes. Je prends sa main déjà froide dans la mienne et fixe son visage. Les couleurs ont quitté ses joues, et ses yeux sont grands ouverts, semblant fixer l'infini qui s'étend maintenant devant elle.

Les larmes ruissellent maintenant le long de mon visage en me remémorant les rares moments que nous avons partagés. Ses bons petits plats, ses regards tendres et son caractère toujours calme et aimant vont me manquer. Carole était un peu notre maman à tous ici, surtout celle de Juliette et son absence se fera toujours ressentir. Je sens la colère monter en moi alors qu'un grognement de rage s'échappe de mes lèvres ! Encore une fois, Hygeia nous a pris quelqu'un de cher, un membre de notre camp, de notre famille.

Au loin, je peux entendre le bruit des sirènes se rapprocher, les pompiers et la police. Chris se trouve maintenant derrière moi et pose une main réconfortante sur mon épaule. D'une voix enrouée par le chagrin, il me dit :

— Il faut y aller maintenant, Lola.

Je me penche vers le corps sans vie de Carole et dégage quelques mèches de ses cheveux qui lui tombaient devant le visage.

— Ne t'inquiète pas Carole, nous veillerons bien sur Juliette.

Je lève une main tremblante et la passe devant ses yeux pour les lui fermer, définitivement. Je me redresse lentement et l'observe, elle semble à présent tellement sereine, comme si elle avait enfin trouvé la paix. Le bruit des sirènes se fait de plus en plus proche et je sais que je n'ai pas de temps à perdre, je vais devoir quitter Carole, la laisser là, parmi les débris. Un sanglot m'échappe à la pensée que nous ne pouvons même pas lui offrir une sépulture décente. Elle sera enterrée anonymement, sans personne pour lui rendre hommage.

Je la regarde une dernière fois, gravant son visage dans ma mémoire, tentant de garder les souvenirs de ses sourires. Enfin, je me retourne et commence à marcher vers le reste de mes amis qui ont déjà pris de l'avance sur moi. Je cours pour les rattraper, laissant derrière moi Carole et les souvenirs de nos jours passés dans ces lieux, qu'elle emporte avec elle.

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Désolée pour Carole.

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