Chapitre 3 - Première Enquête

Je fixe le plafond. Il fait nuit, ça fait des heures que je suis allongée dans mon canapé sans bouger. Mon cerveau n'accepte toujours pas la journée qui vient de s'écouler. Mon esprit dérive, mes yeux me piquent à force d'avoir pleuré. La seule chose qui me raccroche à la réalité est le son des gouttes d'eau qui tombent dans l'évier de ma cuisine, "Ploc... Ploc.... Ploc..." Je me concentre sur ce bruit. D'abord, il m'apaise, il me rappelle que je suis toujours en vie malgré les paroles de ma mère "Ploc... Ploc... Ploc..." il faut que je me concentre, que je trouve une explication à cette situation. Il y en a forcément une ! "Ploc... Ploc... Ploc..." Je me lève précipitamment et vais fermer le robinet de la cuisine. Je ferme les yeux et soupire, Lola il est temps de te reprendre !

Après une bonne douche, et un rapide déjeuner qui me permet de reprendre un peu de forces, je décide de préparer un plan d'attaque !
Récapitulons : ma mère me croit morte et je n'ai plus aucun effet personnel chez moi. Il faudrait déjà que je vérifie ses dires. Je pense aller au cimetière ou je suis, soit disant, enterrée. Je pourrais aussi aller voir d'autres de mes proches. Je pense tout de suite à Damien, il ne peut pas m'avoir oublié, si ?
Il y a aussi Mélanie, c'est l'une de mes amies les plus proches. Et bien sûr il y a mes collègues de travail. Avec ces premiers éléments, je suis sûre que je pourrai y voir plus clair à la fin de la journée. Je prends mon manteau et quitte mon appartement.

---------------

Une heure plus tard, j'arrive devant les grilles du cimetière. Je me dirige instinctivement vers la tombe de mon père. Des fleurs fraîches s'y trouvent, ma mère et ma sœur ont dû venir récemment. Un peu plus loin, j'aperçois une autre tombe richement fleurie. Je me dirige doucement dans sa direction et lis l'inscription.

À notre fille et sœur bien-aimée
Lola Lupin
1997-2022

Il s'agit bien de ma tombe. Je frissonne à cette pensée. Mais pourquoi ai-je tous ces souvenirs si Lola est morte ? Est-ce bien moi ? L'idée farfelue d'être un fantôme me traverse l'esprit. Je rigole doucement, j'ai toujours été une personne très cartésienne et me voilà qui m'imagine être un fantôme ! Ceci dit, si c'était le cas, je n'aurais pas pu parler à ma mère au téléphone. J'écarte donc cette idée mi-amusée mi-dépitée. Comme quoi dans des situations extrêmes comme celle-ci l'être humain recherche des réponses dans tous les domaines sans rester rationnel.

Soudain, un frisson parcourt mon corps. Je sens deux yeux posés sur moi, dans mon dos. Je me retourne brusquement, mais ne vois personne. Je scrute les alentours à la recherche d'un autre visiteur qui pourrait être en train de m'observer. J'aperçois une ombre au loin au niveau du bosquet qui longe le cimetière, mais celle-ci disparaît instantanément. C'était sans doute mon imagination. Je décide de poursuivre mon enquête pour découvrir ce qu'il m'est arrivé en me rendant à l'hôpital où je travaille... Enfin, travaillais.

Arrivée à destination, je rentre dans le hall des admissions. Juste en face de l'entrée bien mis en évidence se trouve une photo de la personne qui est censée être moi. Des bouquets de fleurs, des nounours, et des petits mots laissés sans doute par mes collègues et certains des patients que j'ai pu côtoyer sont posés au pied de la photo. Cette fois-ci, je prends le temps d'observer le cliché de l'inconnue qui se trouve devant mes yeux. C'est une brune aux verts également, mais la ressemblance s'arrête ici. Ses cheveux sont longs et soyeux, sa peau est hâlée comme si elle revenait de vacances et on peut distinguer quelques taches de rousseur sur ses pommettes. Enfin, ses yeux pétillent et respirent la joie de vivre. Qui est-elle ? Est-elle la vraie Lola ? Dans ce cas, qui suis-je ?
Une voix me fait sortir de mes pensées et je me retourne en sursautant vers la personne qui vient de s'adresser à moi. C'est Catherine !
Elle a l'air encore plus fatiguée que d'habitude et regarde la photo d'un air triste. Comme elle ne semble pas me reconnaître, je décide donc d'agir comme si je ne la connaissais pas non plus.

— Bonjour, excusez-moi, je n'ai pas entendu ce que vous me disiez.

— Je vous demandais comment vous alliez et si vous connaissiez Lola. Vous fixez sa photo depuis 5 bonnes minutes maintenant.

— N-non, je bafouille, c'est juste que cette personne paraît si jeune... Que lui est-il arrivé ? Elle travaillait ici ?

— Accident de voiture, ça fait environ deux mois. C'était une infirmière très talentueuse toujours à l'écoute de ses patients, malgré le manque de temps, elle mettait un point d'honneur à discuter et rassurer chacun d'eux. Sa voix se brise. Je la regarde surprise, c'est la première fois que je la vois montrer ses émotions, elle semble si vulnérable.

— Vous étiez proche ? Vous semblez triste.

— Proche n'est pas le terme que j'utiliserais, mais je l'appréciais beaucoup. J'aurais dû être moins dure avec elle, elle était toujours la première à rendre des services et j'avoue que cela m'arrangeait parfois... C'était une erreur de ma part.

— Comment ça ?

— Le jour de son accident, je lui avais demandé de remplacer une de ses collègues. Je savais qu'elle ne dirait pas non. Si son planning n'avait pas été modifié, jamais elle n'aurait pris la route à ce moment-là...

Je reste bouche bée pendant quelques secondes. Catherine culpabilise ? Je n'en crois pas mes oreilles. Mais pourquoi ? J'essaie maladroitement de la rassurer.

— Ce n'était pas de votre faute, vous ne pouviez pas savoir, ni elle, ni personne. Ce n'est qu'un tragique accident. C'est injuste, mais on ne peut rien y faire. Vous tourmentez en vous demandant comment les choses auraient tourné si d'autres décisions avaient été prises ne la fera pas revenir. La seule chose à faire est de vous laisser le temps de faire le deuil.

Catherine me regarde les yeux écarquillés :

— Vous savez trouver les mots, c'est le genre de choses qu'elle aurait pu dire...

Ses yeux sont pleins de larmes, mais elle secoue la tête comme pour les chasser.

— Humm, assez parlé de cet accident, reprend-elle, pourquoi êtes vous ici ? En quoi puis-je vous aider ?

— J'ai euh... je n'avais pas anticipé cette question et j'ai du mal à trouver un mensonge plausible, je viens rendre visite à... Euh à ma grand-mère. Mais il est temps pour moi d'y aller.

Catherine me regarde perplexe pendant que je m'éloigne maladroitement "Bravo Lola ! C'était très convaincant !"

---------------

En sortant de l'hôpital, je prends la direction de l'école où travaille Damien. Sur le chemin, je ne peux pas m'empêcher de me sentir à nouveau observée, comme un peu plus tôt dans le cimetière. Mais à chaque fois que je me retourne, je ne vois personne.

Arrivée à l'angle de la rue où se trouve l'école de Damien, je l'aperçois assis à un café avec Mélanie, ma meilleure amie. Je décide de m'installer à la table voisine et commande un café. Ce n'est pas dans mes habitudes d'espionner les gens, mais pour le moment, je n'ai pas d'idée sur la façon de les aborder.
Je fais semblant de consulter mon téléphone pendant que j'écoute leur conversation.

— Alors cette journée ça a été ? La 4ème B ne t'en a pas fait trop voir de toutes les couleurs ? lui demande Mélanie.

— Non aucun souci, depuis le contrôle surprise de la semaine dernière, ils sont étrangement calmes, rigole-t-il.

— Aaahhhh tant mieux répond-elle en baillant. Je suis épuisée, ça te va si ce soir, on reste chez moi pour se faire une soirée tranquille ? On commande des sushis et on regarde un bon film ?

— Pas de souci ma puce, rien ne vaut une soirée sous la couette en amoureux.

Je le vois lui faire un clin d'œil et se pencher vers elle pour l'embrasser.

Quoi ?! Damien et Mélanie, ensemble ?! Mon petit ami et ma meilleure amie ? Quel cliché ! Je me sens tout à coup nauséeuse. Je sais qu'il me croit morte lui aussi, mais là... Ça ne fait que deux mois et il est déjà passé à autre chose ! Certes, notre relation n'était pas toujours au beau fixe, mais nous sommes restés ensemble pendant deux ans tout de même ! Cela ne signifiait rien pour lui ? Bien sûr, je ne demande pas à le voir triste et à pleurer ma perte tous les jours, je devrais être heureuse qu'il ait réussi à tourner la page, mais je ne peux pas empêcher la colère de bouillir en moi.

Je me lève brusquement en renversant ma chaise, laisse la monnaie sur la table pour payer mon café et part presque en courant.
Assez d'émotions pour aujourd'hui, je rentre chez moi.

Comme tout le reste de la journée, j'ai toujours l'impression que quelqu'un me suit. Arrivée dans une rue déserte, je pense même entendre des bruits de pas derrière moi. Cette fois-ci j'explose :

— Mais laissez moi tranquille !! Je crie. Arrêtez de me suivre ! Montrez-vous ou allez vous en !

Toujours personne, mis à part les quelques passants qui m'ont entendu crier et me regardent comme si j'étais folle... Ce que je commence sérieusement à croire.

De retour chez moi, je me sers un grand verre d'eau et m'assois dans le canapé. Je n'ai pas le choix, il me reste une personne à voir. La personne que je crains le plus de rencontrer parce que je sais que dès que je vais l'apercevoir, je vais pleurer. Dès que je me rendrai compte qu'elle non plus ne me reconnaît pas, je me sentirai totalement détruite. Pourtant, à cet instant je ne vois personne d'autre à qui parler et j'ai besoin de savoir comment elle va. C'est décidé, demain, je vais essayer de parler à Claire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top