Chapitre 29 - Retour à la réalité

Nous y voilà, l'un des chapitres les plus difficiles - en tout cas il a été assez intense à écrire - de cette histoire. Je pense qu'en avertissements "violence" et "torture" seront largement suffisant (et c'est déjà beaucoup.) Bonne lecture ?

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Mon cou... mon cou me fait tellement mal... Que s'est-il passé ? Où suis-je ? J'essaye d'ouvrir les yeux, mais mes paupières sont lourdes, elles ne veulent pas me répondre. Mon esprit est perdu dans le brouillard. Des sons me parviennent, mais je n'arrive pas à les reconnaître. On dirait des voix, à qui appartiennent-elles ? Je bouge un peu la tête ou du moins, j'essaye, mais une douleur fulgurante me traverse le crâne. J'arrête de lutter et tombe à nouveau dans l'inconscience.

Un bruit strident se fait entendre et me sort de ma torpeur, on dirait une sirène. Cette fois-ci, je ne bouge pas. Je commence à prendre conscience de mon environnement, il y a des gens autour de moi. Je fais semblant d'être encore inconsciente, au moins le temps de pouvoir analyser où je suis et dans quel pétrin je me suis encore embarquée.

Je suis assise sur une chaise froide, sans doute en fer. Mes bras sont tirés en arrière et en essayant de bouger doucement mes mains, je me rends compte qu'elles sont attachées fermement à l'aide d'une corde. Mes poignets sont maintenus entre eux, mais j'ai également l'impression que la corde est reliée à la chaise pour être sûr que je ne puisse pas me relever. Je ressens toujours une brûlure dans le cou, mais je n'arrive pas à déterminer ce qui peut bien causer cette douleur. Ma tête est penchée en avant et je sens mes cheveux recouvrir mon visage.

J'entrouvre les yeux, profitant de l'opportunité d'avoir la tête à demi cachée par ma tignasse, pour observer l'endroit où je me trouve. La pièce est claire et toute blanche, presque aveuglante. J'arrive à apercevoir, quelques pas devant moi, deux escarpins noirs. J'imagine très bien à qui ils appartiennent. Soudain, le mur s'ouvre. Il n'y avait aucun signe qu'une porte se trouvait là... Cela veut-il dire que je suis dans une cellule cachée ? Une personne portant deux grosses bottes noires entre dans la pièce et prend la parole.

— Madame la Directrice ! Il y a encore deux autres patients qui viennent de tenter d'agresser les médecins. Nous avons sonné l'alerte et neutralisé les rebelles, mais les autres sujets semblent être assez perturbés.

J'entends ma mère souffler d'ennui et parler tellement bas que je n'arrive pas à discerner ce qu'elle répond au premier homme. Une fois celui-ci parti, ma mère prend à nouveau la parole, mais parle cette fois-ci d'une voix forte et autoritaire.

— Nous avons attendu assez longtemps ! Depuis que le "patient clé" est arrivé, les autres sujets sont agités. Nous devons la réveiller sans plus attendre et commencer le protocole.

Mon corps se tend, que me réserve donc ma mère ? Des pas venant de derrière moi se rapprochent. J'entends un bras se lever et fendre l'air. Je ferme les yeux juste avant qu'une main ne s'abatte sur ma joue. J'ouvre les yeux et redresse la tête, haletante. Il ne sert plus à rien de faire semblant.

— Ah ! Te voilà enfin réveillée, me dit ma mère.

Je la fusille du regard, essayant d'avoir l'air menaçante. Mais je ne suis pas dupe, je sais très bien que je ne suis pas en position de force. Cependant, je ne compte pas baisser les bras maintenant et lui céder.

— Que me veux-tu, Elsa ?

— Elsa ? Tu ne m'appelles plus Maman ?

Un sourire machiavélique apparaît sur son visage. Cela semble l'amuser.

— Réponds-moi ! Que comptes-tu faire ?

— Ce pour quoi j'ai dédié ma vie. Trouver un remède, changer le monde. Et tu en es la clé. Laisse-toi faire Lola, plus tu lutteras, plus ce sera douloureux.

— Me laisser faire ! Il en est hors de question ! Je ne te laisserai pas perpétrer ces horreurs sans que...

Le rire de ma mère remplit la pièce et je frissonne. Mais qui est cette femme ? Comment ai-je pu grandir avec une personne comme elle ? Elle me toise et s'approche de moi. Doucement, elle met sa main sous mon menton et me force à la regarder, abaissant son visage à ma hauteur. Elle parle tellement bas que je suis sûrement la seule à pouvoir l'entendre.

— Parce que tu penses être en mesure de faire quoi que ce soit pour m'arrêter ? son ton est calme et glacial, elle semble plus menaçante que jamais, aucun de tes amis ne viendra. Tu n'as personne ici pour te venir en aide.

Un électrochoc m'atteint. Max ! Où est Max ? Je me rappelle l'avoir vu tomber sur le sol. Que lui ont-ils fait ? Je sens la panique monter en moi, mais j'essaye de me contrôler pour qu'Elsa ne remarque rien.

— Max, dis-je dans un souffle, que lui as-tu fait ?

— Moi ? Rien. Mais ton ami n'est plus un problème pour nous maintenant.

Qu'est-ce que cela est censé dire. L'ont-ils tué ? Enlevé ? Une colère noire monte en moi. Je suis pieds et poings liés et je ne peux rien faire. De dépit et de rage, je crache au visage de ma mère. Celle-ci lâche immédiatement mon menton et se redresse avec dégoût. Elle sort un mouchoir de sa poche et s'essuie le visage. Sans un regard vers moi, elle fait un signe de tête à quelqu'un que je ne peux apercevoir.

L'homme qui m'a frappée au visage un peu plus tôt, se rapproche de moi et me tient fermement la tête exposant le côté de mon cou.

— Qu'est-ce que vous faites ? ma voix semble trahir mon inquiétude.

— Ne bouge pas sujet n°1. Tout à l'heure dans le café, tu as eu le droit à une dose de tranquillisant, cette fois-ci l'injection sera un peu plus... corsée. Si tu ne veux pas souffrir, je te suggère de rester sage, me répond l'homme.

Je ne sais pas ce qui me glace le plus. Me faire appeler par un numéro, ou avoir une injection dont je ne connais pas le contenu. Du coin de l'œil, je vois un autre homme - que je n'avais pas remarqué plus tôt - s'approcher de moi, une seringue contenant un liquide jaunâtre à la main.

Ma respiration se fait difficile, je sens la panique me gagner. Je ne peux pas bouger, je ne peux pas me défendre. Je me sens tellement impuissante. Une piqûre se fait sentir dans mon cou et je ferme les yeux, retenant ma respiration. Je sens le liquide se répandre dans mon corps. Tout d'abord, je remarque une sensation de brûlure à l'endroit de l'injection, puis très vite, cette perception s'étend en moi. Ma tête, mon thorax, mes bras, mes jambes, j'ai l'impression d'être en feu.

J'ouvre la bouche pour crier de douleur, mais mes oreilles bourdonnent tellement que je ne m'entends même pas. Je sens qu'on me détache. Entre mes yeux mi-clos, je vois ma mère sortir de la pièce. Les deux hommes me portent et m'allongent sur un lit dans un coin de la pièce. Je me recroqueville sur place, agrippant ma tête avec mes mains, priant pour que la douleur s'arrête. À mon grand soulagement, je finis par perdre conscience.

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Je me réveille, mon corps est en sueur. Je suis toujours allongée dans le lit en position fœtale. Je tremble et j'ai la tête qui tourne. Une lumière tamisée émane de spots près de l'endroit ou devrait se trouver la porte. Je m'assois sur le lit lentement et tente de reprendre mes esprits. Face à moi, se trouvent un petit lavabo et des toilettes. Je me lève, chancelante, et me dirige vers le lavabo. J'ouvre le robinet et passe ma tête sous l'eau essayant de me rafraîchir. J'en profite pour boire, beaucoup. Ma gorge est tellement sèche, mon corps est courbaturé. Que m'ont-ils injecté ?

Je me redresse et avance vers la porte. Les poings serrés, je commence à tambouriner dessus pour attirer l'attention. Criant, injuriant mes ravisseurs. Je frappe contre la porte, encore et encore jusqu'à ce que mes forces me quittent. Jusqu'à ce que, tremblantes, mes jambes cessent de supporter mon poids. Alors, je m'effondre au sol telle une poupée de chiffon. Des larmes chaudes ruissellent le long de mes joues. Comment vais-je faire pour me sortir de là ?

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Je me réveille, je suis à nouveau dans le lit. Comment suis-je arrivée ici ? J'essaye de me redresser, mais mes chevilles et mes poignets sont accrochés au lit. Je tourne la tête et vois ma mère, assise sur une chaise, les yeux plongés dans un tas de papiers. Elle lève le regard vers moi et me sourit.

— Très bien. C'est très bien. Tu as réagi parfaitement au produit. La plupart des autres patients sont morts, ou ont mis plusieurs semaines avant que leur fièvre ne baisse. Mais, toi, en moins de 24 heures, tu ne présentes plus aucun symptôme. Je dois dire que je suis assez impressionnée.

Elle a l'air fière, satisfaite. Tout cela me dégoûte, je me dégoûte. Je n'ai aucune envie que ma contribution, consentante ou non, lui permette d'atteindre ses objectifs.

— Détache-moi, dis-je d'une voix froide.

— Oh oui. Excuse-moi ma chérie, j'avais oublié. Nous t'avions attachée, car tu t'agitais de trop, tu aurais pu te blesser.

Ma mère claque des doigts et un homme en blouse blanche apparaît et enlève immédiatement mes liens. L'homme sort et revient quelques secondes plus tard avec un plateau rempli de victuailles dans les mains ; croissants, pain complet, confiture, fruits, thé et jus d'orange. L'homme pose le plateau à côté de moi et part à nouveau. Ma mère pointe le petit-déjeuner du doigt.

— Mange, tu as besoin de force. Ne t'inquiète pas, il n'y a pas de sédatif ou autre substance dedans.

Comme pour confirmer ses dires, Elsa prend une pomme et croque à pleines dents dedans. Je me redresse doucement sur le lit et lui jette un regard perplexe. Pourquoi est-elle si gentille avec moi ? D'où peut bien provenir un tel revirement de situation. Essaye-t-elle une autre tactique pour m'amadouer ? Elle se met le doigt dans l'œil si elle pense réussir avec cela.

Je mange en silence, estimant qu'avant de tenter la moindre fuite, reprendre des forces serait une bonne idée. Ma mère finit par se lever et prend la direction de la porte. Avant de sortir, elle se tourne vers moi.

— J'ai demandé à Gregory de t'amener jusqu'à la salle de bain. Une bonne douche te fera le plus grand bien. Je tiens au bien-être de mes patients.

Deux minutes plus tard, l'homme de la veille, celui qui m'avait frappée et tenu la tête, vient dans la pièce une paire de menottes à la main.

— Debout, sujet n°1 !

Je le fixe, essayant de le défier du regard. C'est un homme grand, plus proche des quarante ans que des trente ans. Ses cheveux sont poivre et sel et la moitié de son visage est caché par une barbe de la même couleur. Ses yeux bleu acier, tranche avec le reste de son apparence. Il semblerait que n'ai pas réagi assez vite à son goût, car l'homme s'approche de moi, me tord les bras dans le dos et me menotte.

Il me pousse vers la sortie et nous marchons en silence. Nous traversons plusieurs couloirs le long desquels se trouvent les autres cellules des patients. J'ai l'impression qu'il me fait tourner en rond, comme s'il essayait de m'embrouiller. Au bout de quelques minutes, il ouvre une porte sur laquelle un pictogramme de douche est affiché.

L'intérieur de la pièce est blanc comme tout le reste du labo. Plusieurs douches sont alignées le long des murs, uniquement séparées par des rideaux, blancs eux aussi. Grégory me guide jusqu'à l'une des douches les plus au fond de la pièce. Un tabouret en bois, qui détonne vis-à-vis du reste du mobilier, est placé à côté de la douche. Une serviette blanche, ainsi qu'une blouse et un pantalon blanc reposent dessus.

— Dépêche-toi de te laver et de te changer. Je t'attends près de la porte.

Je me place sous la douche et ferme les rideaux avant de me déshabiller. Je n'ai pas envie que Grégory me voie nue, le manque d'intimité de la pièce est déjà assez embarrassant. J'ouvre le robinet m'attendant à de l'eau chaude, mais celle-ci est gelée. J'attends quelques secondes espérant qu'elle chauffe, mais voyant qu'il n'en ait rien, je prends une grande inspiration et commence à me laver sous l'eau froide.

Une fois ma toilette terminée, je tends un bras de l'autre côté du rideau pour attraper la serviette. Je remarque ainsi que mon geôlier a le dos tourné à moi. Je me sèche vite fait en inspectant mes environs à la recherche d'une issue. Rien. Il n'y a rien qui semble pouvoir me venir en aide. Tout est lisse, il n'y a pas d'échappatoire. La voix de Grégory me fait sursauter.

— Dépêche-toi sujet n°1 ! Je n'ai pas tout le temps devant moi.

Je m'habille à la hâte. Peut-il arrêter de m'appeler ainsi ? J'imagine qu'il s'agit d'une technique pour dépersonnaliser les patients. D'abord, on les fait passer pour mort. Ensuite, on leur enlève même leur ancienne identité, ne leur affiliant que des numéros. Je comprends le traumatisme qu'ont subit mes amis. Moi-même, je ne sais pas combien de temps je vais tenir avant de sombrer dans la folie.

Je m'approche doucement de la sortie et repère une arme coincée dans la ceinture de Grégory. Si je suis assez rapide peut-être que... À peine ai-je fait un pas de plus que l'homme m'a déjà attrapé par les épaules et plaquée face au mur. Sa bouche est collée à mon oreille.

— Que comptais-tu faire, hein ? son souffle chaud contre ma peau me fait frissonner, ne pense même pas à t'enfuir sujet n°1. Cela rendrait les choses beaucoup plus difficiles pour toi.

D'un seul geste, Grégory m'attrape les bras et me passe à nouveau les menottes. Il me tire par le bras et m'emmène à nouveau dans les couloirs. Je tourne la tête vers lui et le surprends en train de me sourire. Ce n'est pas un sourire amical, non, c'est un sourire fourbe. Il a une idée derrière la tête et cela ne me rassure pas.

— On va faire un petit détour par la cafétéria, comme ça, tu pourras voir tes nouveaux copains.

En disant cela, il m'entraîne devant une double porte à battant. La nouvelle pièce est remplie d'hommes et de femmes, tous des patients. La plupart avancent le regard vide, un plateau à la main. D'autres sont prostrés sur eux même évitant tout contact humain. Mon ventre se tord, ils ressemblent à de vrais zombis.

Soudain, je sens que quelqu'un me tire par la manche. Je me retourne vivement, surprise et vois une femme dans la quarantaine agenouillée devant moi.

— C'est toi ? C'est toi le patient clé ? Sauve-nous s'il te plaît ! Sauve-nous !

Je lis le désespoir dans son regard. Ses yeux sont tellement secs d'avoir tant pleurer, que plus aucune larme ne semble pouvoir couler.

Pourquoi m'a-t-elle dit ça ? Comment veut-elle que je les sauve ? Les mots de la femme semblent avoir réveillé d'autres personnes. Certains me supplient de les sauver et d'autres me fusillent du regard. Un homme prend le contenu de son assiette et me jette la nourriture au visage, les yeux remplis de haine.

— C'est de ta faute ! Regarde ce que tu as fait ! Si tu n'avais pas existé, jamais nous ne serions ici !

Je passe en silence sous les cris et les supplications des patients, toujours soutenue par le bras par mon geôlier. Ce dernier semble ravi et une fois avoir quitté la pièce, il se tourne vers moi.

— Alors ? Ils te plaisent tes nouveaux copains ?

Je ne réponds même pas. Je ne sais pas quoi penser de toute façon. Ces personnes sont tellement désespérées, je ne peux pas leur en vouloir. Il va pourtant falloir que je me trouve des alliés si je veux sortir d'ici. En attendant de trouver un plan, je vais devoir faire profil bas. Je préfère ne pas compter sur mes amis de l'extérieur. J'ai confiance en eux, mais je ne sais pas comment ils vont faire pour venir me chercher, c'est bien trop dangereux et je n'ai pas envie qu'ils risquent leurs vies pour moi.

Grégory s'arrête et tend son badge pour ouvrir la porte de ma cellule. Il enlève mes menottes et me pousse dans la pièce fermant la porte derrière moi, me laissant seule dans le noir.

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