Chapitre 22 - Le départ

Nous sommes allongés l'un contre l'autre dans le noir. Je peux sentir le souffle chaud de Chris me caresser la nuque, ses bras enroulés autour de ma taille. Sa respiration est calme et régulière, il semble dormir paisiblement.

J'essaye de me laisser bercer par le son apaisant de sa respiration, par les battements de son cœur que je peux sentir résonner contre mon dos. Mais rien n'y fait. La réalité m'a à nouveau atteinte et l'angoisse qui l'accompagne est toujours bien présente. Comment va Claire ? Que lui ont-ils fait ? Est-ce que nous allons réussir à la sauver ?

Je dois être en forme pour demain, il me reste encore quelques heures avant que nous ne partions, il faut absolument que je me repose. Je me concentre à nouveau sur la respiration de Chris, le contact de sa peau contre la mienne, sa barbe qui me chatouille le cou. Je cale mon souffle sur le sien et me focalise sur ma respiration. Peu à peu, je sens mes paupières s'alourdir et mon corps commencer à s'engourdir. Mon esprit dérive et mes pensées sont de moins en moins cohérentes. Une partie de mon cerveau semble vouloir rester éveillé. À chaque fois que j'ai l'impression de m'endormir, une décharge électrise ma poitrine et me réveille en sursaut. 

Je me blottis le plus possible contre mon partenaire et prends l'une de ses mains dans la mienne. Je l'entends émettre un léger grognement, mais il ne se réveille pas. J'inspire calmement pour essayer d'atténuer l'angoisse qui grandit en moi. Je serre un peu plus la paume de Chris comme pour m'accrocher à lui. Je fais tout mon possible pour ne pas penser à ma sœur. Il faut absolument que je dorme, mon corps est exténué, il a besoin de récupérer. Enfin, sans que je ne m'en rende compte, mon cerveau cesse de me harceler avec ses pensées intrusives et je m'endors.

Tout est noir autour de moi, j'essaye d'avancer, de lever les bras, mais mes membres ne me répondent pas. J'ouvre la bouche pour crier, appeler à l'aide, je peux sentir mes cordes vocales vibrer à chaque mot que j'articule, mais pourtant aucun son ne parvient à mes oreilles. Soudain, je l'entends : un bip.......bip....... régulier et très reconnaissable. Ce son accompagnait toutes mes journées à l'hôpital, rassurant et terrifiant à la fois. Rassurant, car il est la preuve de la vie, du cœur qui bat et terrifiant parce que ce rythme peut changer à tout moment et être annonciateur d'un drame à venir. Bip.......bip.......bip....... je tourne la tête sur ma droite, d'où provient le son. Une porte est apparue. Comme commandées par une force extérieure, mes jambes me guident vers cette porte. Plus j'approche et plus mon instinct me dit de faire demi-tour. Pourtant, mes pieds ne m'obéissent pas et continuent leur route. J'ai l'impression que cela fait une heure que j'avance, mais ma destination semble toujours aussi loin. Bip......bip......bip...... le son s'amplifie, est-ce que cela signifie que je me rapproche du but ? Je peux enfin apercevoir de la lumière à travers la fenêtre qui se trouve sur le haut de la porte. Bip.....bip.....bip..... mon ventre se tord alors qu'elle se trouve seulement à quelques mètres de moi. Bip....bip....bip.... ça y est, je suis arrivée. Je me mets sur la pointe des pieds pour pouvoir voir à travers la vitre. Mes gestes sont lents, je voudrais aller plus vite, mais mon corps ne répond pas. Je me sens comme une marionnette, incapable d'effectuer le moindre mouvement par moi-même. Pourquoi faut-il que cela prenne autant de temps ? Mes yeux arrivent enfin à la hauteur de la fenêtre. Et avant même d'apercevoir la personne qui se trouve allongée sur le lit d'hôpital qui trône au milieu de la pièce, je sais qui est à l'intérieur : Claire ! Bip...bip...bip elle est là, pâle, les bras étendus le long de son corps, comme si elle dormait paisiblement. Bip..bip..bip.. Je ne m'en étais pas rendu compte, son rythme cardiaque s'accélère de plus en plus ! Mon corps décide enfin de me répondre ! Sans attendre une seule seconde, j'attrape la poignée et la tourne. La porte reste bloquée, elle n'est pas verrouillée parce qu'elle a bougé de quelques centimètres, mais l'interstice n'est pas assez grand pour que je me glisse à l'intérieur. Le son s'amplifie encore, bip.bip.bip. Vite ! Il faut que je me dépêche ! Il faut que je la sauve avant qu'il ne soit trop tard ! Tout à coup, ce que je redoutais le plus arrive : seul un bruit continu se fait entendre. Je pousse la porte de toutes mes forces et crie à m'en déchirer la gorge. Pourtant, je n'entends rien d'autre que ce maudit bruit ! Exténuée, je m'effondre sur le sol au moment même où celui-ci semble se dérober sous mon poids et je sombre dans une chute infinie.

Je me redresse en sursaut sur le lit. Je regarde autour de moi, perdue, avant de me rappeler de l'endroit où je me trouve. Je sens Chris bouger à côté de moi. Il s'assoit lentement frotte ses yeux fatigués et tente aussi de reprendre ses esprits.

— Lola... Tu vas bien ? Sa voix est encore toute endormie alors qu'il passe un bras rassurant autour de mes épaules pour me serrer contre lui.

— Oui, oui, ça va. J'ai juste fait un cauchemar.

— Tu veux en parler ?

Je secoue la tête, je n'ai pas envie d'en parler pour le moment. Je me penche pour prendre mon téléphone et regarder l'heure. 04h13, j'imagine que nous n'allons pas tarder à partir, il ne sert à rien de nous rendormir maintenant.

— Ça va aller, ne t'inquiète pas, Chris. Je voudrais me concentrer sur le sauvetage de Claire maintenant.

— Je comprends. Tu as l'air d'être très proche de ta sœur n'est-ce pas ?

— Oui, nous avons toujours été proches. Surtout depuis la mort de notre père. Claire était encore très jeune à ce moment-là, et ma mère était tellement déprimée qu'elle rentrait peu à la maison. Je crois qu'elle s'est beaucoup plongée dans son travail pour essayer d'oublier sa peine alors... C'est moi qui ai pris le relais et me suis occupée de ma petite sœur. Après tout ce que l'on a traversé... Je ne peux pas permettre qu'il lui arrive quelque chose.

— C'est normal, et je peux t'assurer que nous ferons tout notre possible pour la sauver.

— Je sais.

Je lui fais un petit sourire et Chris se penche vers moi pour m'embrasser. Je me sens apaisée et heureuse de partager cette intimité avec lui, même si je ne sais absolument pas où tout cela va nous mener. Connaissant très bien le fait qu'il a eu - ou peut-être même a encore - une relation avec Ella, je ne me fais pas de grands espoirs sur la suite de notre relation. J'ai le cœur lourd en y pensant, parce que je sens que je commence à développer quelques sentiments pour Chris, mais il ne faut pas que je me laisse atteindre par tout cela. Pas maintenant en tout cas.

Des coups se font entendre à la porte de la chambre et la voix d'Ella nous parvient de l'autre côté de la pièce.

— Lola, réveille toi ! Nous n'allons pas tarder à partir !

Dès que Chris entend sa voix, il retire son bras de mes épaules et je sens le froid m'envahir. Je peux déceler, dans la pénombre, ses yeux qui trahissent des émotions contradictoires. Nous, nous détournons l'un de l'autre embarrassés, et je hausse la voix pour répondre à Ella.

— Je suis réveillée, j'arrive !

Nous nous levons et nous habillons en hâte. Alors que je mets la main sur la poignée de la porte pour l'ouvrir, Chris m'attrape le poignet et me tourne vers lui. Il plonge son regard perçant dans le mien avant de se mettre à chuchoter.

— Lola, tu sais entre Ella et moi ce...

— Pas maintenant Chris, nous n'avons pas le temps, nous en discuterons plus tard.

Il hoche la tête et me relâche le bras. Quand j'ouvre la porte, je suis surprise de voir qu'Ella se trouve toujours derrière celle-ci. Ses yeux se figent derrière mon épaule, sûrement fixés sur Chris. Je peux y apercevoir un trait de tristesse les traverser, ils brillent plus que d'habitude. Mais elle ne laisse pas ses émotions transparaître longtemps et très vite, sa mâchoire se crispe et son regard retrouve sa froideur naturelle.

— Allez vous préparer, nous partons dans moins d'une demi-heure.

Sur ce, elle tourne les talons et regagne la salle commune sans un autre regard vers nous.

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Il est 05h30 quand nous arrivons à l'angle de la rue où se trouve Hygeia. Lucas se gare en double file, la ville est encore endormie et aucun témoin ne vient perturber notre dernière mise au point.

— Mon contact vous a laissé son badge dans le local réservé à l'équipe de ménage. Il se trouve dans son casier qu'il n'a pas pris soin de verrouiller. Vous êtes prêts ?

Nous hochons tous la tête avant de sortir du véhicule. Le froid est saisissant, je frotte mes mains l'une contre l'autre pour essayer de me réchauffer. Les pare-brise des voitures autour de nous sont couverts de givre. La buée sort de nos bouches à chaque respiration et alors que nous regardons la voiture de Lucas s'éloigner et disparaître au bout de la rue, nous nous retrouvons seuls dans le silence.

Ella prend la tête de notre petit groupe, Max et Chris sur les talons. J'accélère le pas pour les rattraper au moment où je vois le logo de l'entreprise clignoter dans la nuit. Quelques voitures passent devant nous sans s'arrêter. Mis à part les vigiles, le personnel de ménage est le seul à travailler aussi tôt dans l'entreprise. Alors que nous arrivons devant les portes du bâtiment, j'ai soudain la nausée. Et si quelqu'un nous reconnaissait ? Fort heureusement, l'uniforme que nous portons est pourvu de casquettes qui couvrent partiellement nos visages. Après un regard pour mes trois acolytes, je me rends compte que je suis la seule à paraître inquiète. Confiants, ils s'approchent des portes coulissantes et entrent dans le building. Je prends une dernière bouffée d'air glacé avant de leur emboîter le pas.

Une fois à l'intérieur, nous arrivons devant un tourniquet qui donne accès au reste du bâtiment. Le vigile assis à côté, nous lance un coup d'œil à peine perceptible et replonge dans son demi-sommeil. Max est le premier à s'avancer. Il tend son badge devant un lecteur. Un "bip" sonore retentit et une lumière verte apparaît sur le petit écran du lecteur et Max passe le tourniquet sans encombre. Ella et Chris l'imitent rapidement. Arrivée à mon tour, je m'avance et présente également mon badge au lecteur électronique. En faisant cela, je jette un regard au veilleur de nuit. Je tente de lui sourire, mais celui-ci a les yeux clos et je peux entendre un léger ronflement émaner de sous sa moustache. Pour une entreprise si secrète, leur système de sécurité laisse vraiment à désirer !

Une fois de l'autre côté, je me dirige vers les autres qui attendent devant l'ascenseur.

— Je m'attendais à plus de sécurité de leur part... Comment cela se fait que personne ne vérifie nos identités ? je chuchote.

— L'équipe de remplacement était attendue, c'est pour cela que le gardien n'a pas été surpris. Et comme les badges fonctionnent... cela ne l'a pas alarmé. Mais si nous arrivons à mener à bien notre mission, je parie que la prochaine infiltration sera beaucoup plus difficile ! me répond Chris.

Nous entrons tous dans l'ascenseur et descendons au deuxième sous-sol où se trouve le local technique. Une fois dans la pièce, Chris commence à inspecter les casiers et à tenter de les ouvrir. Il n'y a pas de nom sur les portes, seul le matricule de l'agent y figure et nous ne connaissons malheureusement pas celui qui nous intéresse. Rapidement, Chris finit par trouver le bon casier et, avec un sourire triomphant, nous montre le badge qui nous permettra d'accéder au labo. Max se tourne vers Ella qui a la mine préoccupée.

— Il y a quelque chose qui ne va pas ?

— C'est beaucoup trop simple... Je suis d'accord avec Lola, leur système de sécurité me paraît trop faible. Quoiqu'il en soit, nous ne pouvons pas reculer maintenant.

— Tu es sûre que ce n'est pas un piège ou quelque chose comme cela ?

La panique commence à me gagner. J'ai un très mauvais pressentiment à ce sujet.

— Tu veux retrouver ta sœur ou pas ? m'interroge la blonde. Il faut absolument que nous restions sur nos gardes ! Allez, venez !

Une fois sortis du local, nous prenons un nouvel ascenseur. À l'aide de notre nouveau badge, Chris nous fait descendre jusqu'au quatrième sous-sol. La cabine se met à trembler légèrement sous nos pieds, signe que l'accès nous a été accordé. Je repose ma tête contre le mur derrière moi et je sens Chris prendre ma main. Nous nous regardons sans un mot nos doigts entrelacés. Ella se penche et ouvre le sac qu'elle porte avec elle. Elle en sort quatre armes à feu et nous en tend une à chacun. D'une main tremblante, je prends la mienne en espérant ne pas avoir à m'en servir. Les leçons de Max ne m'ont pas été d'une grande aide à ce sujet et je n'ai aucune envie de devoir l'utiliser contre quelqu'un, ennemi ou pas !

— Afin de couvrir le plus de surface possible, nous allons nous séparer. Chris, tu partiras avec Max et Lola et moi irons de notre côté.

Je me retourne vers Ella l'air interrogateur, mais elle se contente de m'ignorer. Les deux hommes n'ont pas l'air inquiet par le fait de se séparer et se contentent d'acquiescer. La cabine finit par s'immobiliser et les portes s'ouvrent sur un couloir désert. Chris me lance un dernier regard et serre ma main dans la sienne une dernière fois, avant de nous séparer.

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