Chapitre 20 - Lucas

Cette histoire est un thriller classé "contenu mature" les sujets sensibles abordés seront indiqués en début de chapitre par des "!"
Libre à vous de continuer ou non la lecture de cette histoire.

!!! Alcool /drogue

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Les pas se rapprochent de la cuisine. J'attrape Lucas par le bras et l'entraîne derrière moi pour nous cacher derrière l'îlot central. J'entends ma mère passer devant la porte et s'arrêter dans l'encadrement. La lumière du couloir projette son ombre jusqu'au milieu de la pièce. Elle semble scruter la cuisine. Je peux sentir son regard s'arrêter sur notre cachette, comme si elle pouvait scanner les lieux aux rayons X et nous voir derrière le meuble. Instinctivement, j'arrête de respirer et me tiens le plus immobile possible. Je fixe Lucas, il semble être dans le même état que moi. Cela me rend triste de devoir me cacher de ma mère, mais je sais qu'en faisant cela, je la protège.

Au bout de quelques secondes, le son de ses pas reprend. Je jette un coup d'œil rapide par-dessus le comptoir et vois sa silhouette prendre la direction du salon. Je soupire silencieusement et indique de la tête à Lucas la porte qui se trouve au fond de la cuisine. Nous nous glissons à pas de loup vers la buanderie et de là, nous pouvons accéder à l'arrière de la maison par la porte qui donne sur le jardin. À moitié accroupis, nous nous déplaçons tant bien que mal pour regagner le portail et nous retrouvons rapidement dans la rue.

Nous nous redressons et courrons aussi vite que possible pour regagner la voiture. C'est moi qui mène la course étant donné que Lucas ne sait pas où je me suis garée. Heureusement, je connais le quartier comme ma poche et j'arrive à retrouver mon chemin rapidement, ce qui nous fait gagner de précieuses secondes. Une fois arrivés à l'angle de la rue où se trouve la voiture, nous nous engageons dans un sprint final pour atteindre le véhicule le plus rapidement possible. Tandis que nous montons à bord, je peux entendre les sirènes d'une patrouille de police approcher. Le bruit se fait de plus en plus fort et nous avons à peine le temps de nous recroqueviller sur nos fauteuils respectifs, que deux voitures de police s'engagent dans la rue.

Le cou tordu pour pouvoir observer la rue depuis le rétroviseur intérieur, je vois les lumières des gyrophares s'éloigner et disparaître un peu plus loin. Nous restons encore un moment dans nos positions incongrues afin d'être sûrs que personne ne nous ait repéré. Je me redresse lentement et repose mon crâne sur l'appuie-tête. J'inspire en fermant les yeux, mes mains tremblent encore. J'attends que l'adrénaline redescende. Mais Lucas me fait sursauter en posant sa main sur mon bras, ne me laissant pas le temps de récupérer.

— Lola, il faut que nous y allions avant que la police ne revienne dans le coin.

J'ouvre les yeux et acquiesce en silence. Je démarre le moteur et roule doucement entre les maisons pour ne pas attirer l'attention. Il est encore tôt, mais les habitants les plus matinaux vont commencer à se réveiller. Les commérages du quartier vont aller bon train dès qu'ils auront appris qu'une de leur voisine s'est volatilisée.

Je pense à ma mère et à ce qu'elle a traversé. D'abord la mort de son mari, puis celle de sa fille aînée et maintenant la disparition de sa cadette. Mon cœur se serre et je cligne des yeux rapidement pour essayer de supprimer les larmes qui cherchent à se frayer un chemin. J'ai envie de faire demi-tour, de la serrer dans mes bras, lui dire que je suis en vie et que je vais lui ramener Claire. Je pense à mon père et à ce qu'il a laissé, je n'éprouve que de la colère pour lui, il est entièrement responsable de la destruction de notre famille !

Je tiens le volant tellement fort entre mes mains qu'elles sont blanches. Je garde les yeux fixés sur la route et ce n'est qu'après avoir regagné l'autoroute pour nous rendre à la capitale que je me rappelle qu'un passager est assis à mes côtés. Je lance un regard à Lucas et remarque ses prunelles rivées sur moi, il a la mine inquiète.

— Je voulais te remercier d'être venu... et je suis tellement désolée pour tout ça, ma réaction, je veux dire. Je n'aurais pas dû partir sous le coup de l'impulsivité... Je n'aurais pas dû...

— C'est bon Lola, ne t'excuse pas, on a tous compris ta réaction... Même Ella.

— Quoi ??!

— Oui, elle a dit que pour une fois, tu agissais pour la bonne cause. Mais ne t'emballe pas, je ne pense pas qu'elle t'apprécie plus qu'avant.

— Non, non bien sûr.

Je prends mon temps avant de poser la question qui me taraude. Sans quitter la route des yeux pour ne pas avoir à croiser le regard de Lucas, j'ose enfin demander à mi-voix :

— ... et Chris ?

— Il s'en veut de ne pas t'avoir dit la vérité avant. Ça a été un sujet de dispute entre lui et Ella... Il pense que tu es en colère contre lui et c'est pour ça que je suis venu et pas lui...

— Hmm... Je l'étais au départ, j'étais énervée contre vous tous en réalité. Mais je comprends maintenant pourquoi vous ne m'avez rien dit. Vous aviez peur que je me retourne contre vous une fois que j'aurais appris la vérité, c'est ça ?

— Nous ? Dis plutôt Ella... Elle est très parano. C'est compréhensible, mais la plupart d'entre nous a vite compris que tu ne nous tournerais pas le dos. Chris était partagé entre l'envie de dire la vérité et sa loyauté envers Ella. Depuis le départ, ils sont plus ou moins proches, tu vois...

— Oui, je vois... Dans tous les cas, merci d'être venu, ça me fait vraiment plaisir.

— Oh, pas de quoi ! Mais tu sais, je suis surtout venu récupérer la voiture... Sans elle, je suis un homme mort !

Il me donne un coup de coude amical et se met à rire en disant cela. Pourtant, je sens que c'est encore une façade pour cacher quelque chose de plus sérieux.

— Qu'est-ce qu'il y a avec cette voiture ? D'abord, tu reviens couvert de bleus après l'avoir récupéré et maintenant, tu paniques à l'idée de la perdre...

— Tu sais, je l'ai pas vraiment eu de façon légale... Alors les personnes qui me l'ont prêtée y tiennent beaucoup...

— Comment ça ?

— C'est une longue histoire.

— Il nous reste deux bonnes heures devant nous avant de rentrer, donc...

Lucas ne répond pas et je peux sentir à quel point il est mal à l'aise. Il regarde par la fenêtre, ses yeux n'arrivent pas à se fixer sur un point, on pourrait presque voir les rouages de son cerveau qui s'activent alors qu'il cherche quelque chose à me répondre, ou peut-être souhaite-t-il éviter la conversation ? Je m'apprête à changer le sujet pour lui épargner le soin de le faire quand il prend la parole.

— Disons que j'ai toujours traîné avec des gens pas très fréquentables. C'est utile dans notre situation, mais ça n'est pas toujours sûr...

— Et tu fréquentais déjà ces personnes avant Hygeia ?

— Pas eux exactement, mais oui. J'ai grandi dans ce genre d'environnement.

— Tu veux dire... tes parents faisaient partie d'un gang ou quelque chose comme ça ?

— Ma mère, je ne l'ai jamais connu. Mon père était du genre violent et à aimer un peu trop la bouteille. Elle est partie quand je n'étais qu'un bébé et je n'ai jamais su pourquoi elle ne m'a pas emmené avec elle. Les seules choses que j'ai entendues sur elle, c'est que c'était une "salope égoïste" d'après les dires de mon père. Mais après tout, je n'en sais rien, peut-être que c'est lui qui l'a empêché de m'emmener avec elle. Ce n'était clairement pas facile de vivre à ses côtés, alors je ne peux pas lui en vouloir d'avoir choisi sa liberté à la place d'une vie comme celle-ci.

— Je suis désolée...

— Oh, ne t'inquiète pas ! Ça m'a appris à être assez indépendant et débrouillard. Les amis de mon père traînaient tous dans des trafics un peu sordides, déjà enfant, je devais faire la mule pour eux. Ils aimaient bien se servir des enfants parce qu'on paraissait moins suspects aux yeux de la police donc c'était plus facile pour faire passer de la drogue. En grandissant, j'ai commencé aussi à consommer un peu... à force de me voir proposer toutes ces merdes, j'ai forcément fini par les tester. Ça n'a clairement pas bien fini, un jour la police à débarqué et mon père était trop saoul et défoncé pour faire quoi que ce soit. J'ai eu le temps de fuir, mais pas lui. Je ne sais même pas ce qu'il est devenu et cela ne m'intéresse pas. J'ai vécu dans la rue pendant deux longues années et un matin, je me suis réveillé au labo. Honnêtement au départ, j'ai cru que c'était une bonne chose parce que je n'avais plus accès à la drogue, mais j'ai vite compris que je me trompais. Ils ont réussi à me garder pendant cinq ans et un jour, j'ai vu débarquer un type et une nana armés jusqu'aux dents, ils avaient réussi à forcer l'armurerie du labo. Comme tu peux le deviner, c'était Ella et Chris, j'ai réussi à les suivre en dehors d'Hygeia avec un groupe de personnes. Au bout d'un moment, chacun s'est dispersé, mais nous, on est resté tous les trois.

Il s'arrête quelques secondes perdu dans ses pensées, avant de reprendre.

— En réalité, je trouve que je m'en suis plutôt bien sorti. J'ai gagné une famille bien meilleure que celle que j'avais à l'origine et mes anciennes... compétences nous sont utiles. J'ai réussi à sympathiser avec un agent d'entretien d'Hygeia. C'est lui mon contact, je lui apporte de la cocaïne en échange de quelques renseignements. Ce n'est pas très louable comme façon de faire je suis d'accord, mais pour le moment, c'est le seul moyen que nous ayons pour espionner notre ennemi.

— Et tu n'as pas peur qu'il finisse par te trahir ?

Non... Hygeia en a déjà après moi donc ça ne changerait rien à ma situation. C'est plutôt pour sa vie qu'il faut avoir peur. S'ils apprennent d'une manière ou d'une autre que cela fait des années qu'il nous livre des infos sur eux...

— Il pourrait très bien être un agent double !

C'est vrai... mais nous le saurions déjà. Jusqu'ici, tout ce qu'il nous a dit s'est révélé exact et a toujours été en notre faveur. Nous prenons également toujours ses informations avec prudence. C'est d'ailleurs grâce à lui que nous avons eu connaissance de ton existence.

— Je comprends mieux la méfiance d'Ella à mon égard... Tout cela pourrait très bien être un coup monté... Je pourrais très bien être du côté d'Hygeia et vous espionner...

— C'est le cas ? me demande Lucas, un sourire taquin aux lèvres.

Bien sûr que non ! je rétorque.

— Alors tu vois, il n'y a pas de quoi s'inquiéter.

Tu vas te contenter de ma réponse sans essayer d'en savoir plus ?

— J'en sais déjà plus, Lola ! Tu nous aurais déjà trahi si tu n'étais pas de notre côté.

Et sur ces paroles, nous regagnons chacun nos pensées et poursuivons notre périple en silence.

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Les premières lueurs de l'aube me réveillent. Lucas a pris le volant peu après notre conversation alors que je commençais à piquer du nez. Je ne me suis pas fait prier et me suis endormie dès que ma tête a touché le fauteuil.

Nous traversons les derniers kilomètres qui nous séparent de la capitale. Les champs sont couverts de givre au petit jour. Les brins d'herbe blancs reflètent la lumière du soleil matinal qui m'éblouit. Je me frotte les yeux et tente de m'habituer à la luminosité. Une belle journée ensoleillée s'annonce. Le paysage change radicalement alors que nous nous rapprochons de la civilisation. Les buildings de la ville se dressent fièrement sur l'horizon et l'air semble trouble au-dessus des bâtiments, signe de la pollution ambiante.

Lucas ne s'engage pas avec la voiture dans les gros boulevards et préfère prendre la route qui longe le fleuve. Un chemin beaucoup plus court et moins encombré pour regagner notre refuge au cœur du port. Nous arrivons quelques minutes plus tard et à peine la portière du véhicule refermée, j'entends quelqu'un m'appeler.

— Lola ! Lola ! Tu es revenue !

Juliette se jette dans mes bras et me serre fort. Je lui rends son étreinte en retour.

— J'avais peur que tu ne reviennes pas et qu'ils t'aient attrapée.

— C'est bon, ne t'inquiète pas, je suis rentrée à la maison.

Je lui fais un sourire qui se veut rassurant. Lucas passe devant nous en ébouriffant les cheveux de Juliette.

— Je t'avais bien dit que je la ramènerais !

L'enfant rigole doucement et me prend par la main pour me guider vers les grandes portes de la base. Une fois à l'intérieur, je remarque que tout le monde m'attend. Carole se dirige vers nous deux tasses de café chaud à la main et nous les tend. J'aperçois Chris à l'autre bout de la pièce, le visage fermé, mais le regard résolument fixé sur moi. Je ne peux empêcher le rose de me monter aux joues et m'efforce de soutenir son regard jusqu'à ce que la voix forte et déterminée d'Ella brise le silence.

— Vous voilà enfin ! Prenez le temps de manger et de boire votre café, vous allez en avoir besoin pour les jours à venir !

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En me relisant, je me dis que les personnages n'ont pas eu des vies faciles, faciles...

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