Chapitre 2 - Le Réveil

Je me réveille en sursaut, en sueur. J'ai le souffle court et des courbatures partout dans le corps. "Alors ce n'était qu'un cauchemar ? Ça avait l'air tellement réel". Je regarde par la fenêtre, il fait encore nuit et le temps est calme. Toujours en nage, je décide d'aller prendre l'air sur le balcon. Le froid me saisit. Il fait étonnamment frais pour une nuit d'août. L'orage d'hier n'aurait pas pu refroidir autant l'atmosphère. Perplexe, je vais chercher un gros gilet pour me couvrir. Après avoir retrouvé mon calme, je retourne me coucher et me rendors rapidement.

Je me réveille plusieurs heures après, toujours un peu faible. Mes courbatures sont toujours là et un mal de tête commence à arriver. Je me pose devant la télévision avec un thé en espérant que cela passe. Je regarde par la fenêtre et suis soudain prise d'un sentiment étrange. Le temps est gris et maussade, je remarque que les passants dans la rue ont ressorti leurs mentaux, les arbres ont perdu la plupart de leurs feuilles... J'ai l'impression que des semaines ont passé.

J'essaye de me rappeler de ma journée de la veille. Je me concentre tellement que mon mal de tête empire. Je me rappelle, la pluie, la dispute avec Claire, le dîner avec Damien et ses parents... Non, quel dîner ? Je devais y aller, mais je ne me rappelle pas être arrivée, je me rappelle juste conduire sous une pluie battante, la route sinueuse, l'orage, le manque de visibilité, le fossé.

Ce n'est pas possible ! C'était un rêve, un cauchemar ! Comment ai-je pu avoir un accident et me réveiller confortablement dans mon lit sans aucune séquelle ni aucun souvenir ?

Et ce mal de tête... Je n'arrive plus à réfléchir. Plus j'essaye de me rappeler de la soirée d'hier plus mes souvenirs deviennent flous. Je finis mon thé et prends un cachet d'aspirine en espérant faire passer la douleur.

Je décide d'appeler ma mère, elle a toujours été de bon conseil et sait toujours quoi dire pour me rassurer.

— Allô Maman, ça va ?

— Claire, c'est toi ? Je ne connais pas le numéro, tu as changé de portable ? Sa voix semble étrangement éteinte comme si elle avait pleuré depuis de nombreuses heures.

— Non maman, c'est Lola.

—  Lola ?! s'exclame-t-elle. Non, non, ce n'est pas possible ! Pour qui vous prenez vous ! Pourquoi vous faites vous passer pour ma fille !

Calme-toi maman, qu'est ce qu'il se passe ? Pourquoi quelqu'un se ferait passer pour moi ? je demande, incrédule.

Arrêtez de vous moquer d'une personne en deuil.

— En deuil ?! Pourquoi en deuil ?! Je commence à paniquer. Il s'est passé quelque chose ? Tu as besoin que je vienne te voir ?

— Pour la dernière fois, qui êtes-vous ?!

— Mais c'est moi maman, c'est Lola, ta fille !

— Non, ma fille est morte dans un accident de voiture il y a 2 mois.
Sa voix est sèche, sans émotion. N'essayez plus jamais de me contacter ou j'appelle la police ! Et elle raccroche.

Je reste là, l'oreille collée au combiné, la bouche entre ouverte sous le choc de ses paroles. Morte ? Qu'est-ce qu'elle raconte ? Je suis pourtant bien là. Je vérifie le numéro, peut-être me suis-je trompée en le composant. Non aucune erreur...

Là, du coin de mon œil, j'aperçois le cadre photo accroché au mur, il représente une photo de Claire et moi enfant lors de vacances à la mer toutes deux grimaçantes.

Non, quelque chose cloche. Je m'approche du cadre, il n'y a personne sur la photo, juste une vue de la plage. Je commence à croire que je deviens folle, je regarde les autres cadres photo de mon appartement, ils ont tous été remplacés par des tableaux, des photos quelconques de paysages.

Rien ! Il n'y a plus rien de personnel, je n'ai plus aucune photo de moi ou de ma famille ! Je me précipite dans ma chambre et ouvre mon placard, les albums photos de moi bébé sont toujours là tout en haut de l'étagère. Je soupire, soulagée. Je prends le premier album et l'ouvre. Il est vide ! Je prends le deuxième, vide, le troisième, vide aussi ! Ce n'est pas possible ! Comment 25 ans de vie ont pu être effacés ? Où sont passées toutes mes photos, tous mes souvenirs ?

Soudain, la panique s'empare de moi. Les photos de mon père ? Où sont-elles ? C'est tout ce qu'il me reste de lui ! Je fouille mon sac à main à la recherche de mon portefeuille, je garde toujours une photo de lui dedans. Le portefeuille est vide aussi, plus de photo, plus de carte bancaire, juste un peu de liquide, plus de carte d'identité non plus. Je sens les larmes qui commencent à monter dans mes yeux et j'ai une boule dans la gorge.

Réfléchis Lola, réfléchis, il y a bien une preuve quelque part que j'existe ? Que j'ai des proches ? Les réseaux sociaux ! Oui, bonne idée, ça peut paraître futile, mais je garde plein de photos sur mes réseaux, je pourrais avoir la preuve que j'ai des "amis" que des gens me connaissent.

Je prends mon téléphone et ouvre l'application. Mon compte n'est pas connecté... Oh non, mauvais signe. Je rentre rapidement mon identifiant et mon mot de passe. Un message s'affiche "aucun compte ne correspond à cette adresse". Non, non, non ! Je réessaye, toujours sans succès.

Cette fois, c'est trop. Je n'ai rien, aucune preuve immédiate que des gens m'ont connu. Ma mère me croit morte, mes photos et effets personnels ont disparu, même mes SMS sont effacés. Je n'existe pas, je n'existe plus. Je n'arrête pas d'entendre une petite voix dans ma tête répéter cette phrase inlassablement. Impossible de me concentrer sur autre chose, mon mal de tête est toujours présent ce qui n'arrange pas les choses. Je commence à pleurer, d'abord de légers sanglots et vite, ils deviennent incontrôlables. Ma gorge est serrée et j'ai de plus en plus de mal à respirer. Je prends ma tête dans mes mains et m'assois par terre dos au mur. J'ai mal, partout, ma respiration est saccadée et me brûle les poumons, j'ai l'impression d'étouffer. Je commence à me balancer d'avant en arrière pour tenter de me calmer. J'ai envie de crier, mais rien ne sort, je reste là à pleurer incapable de faire quoique se soit.

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Après ce qui me semble être une éternité, j'arrive à retrouver un peu le contrôle de ma respiration. Je ferme les yeux en essayant de ne penser à rien d'autre que mon souffle. Les sanglots se calment doucement. Tout à coup, une phrase qu'a prononcée ma mère me revient en mémoire "ma fille est morte dans un accident de voiture il y a deux mois". Deux mois... Je regarde à nouveau par la fenêtre. Mon impressions, que des semaines ont passées, est peut-être justifiée. Anxieuse, je prends à nouveau mon téléphone et vérifie la date : mercredi 12 octobre. Je fixe mon écran, figée, je sens la panique remonter doucement en moi. Comment 2 mois ont ils pu passer sans que je ne m'en aperçoive ? J'essaye d'être rationnelle. Apparemment, j'ai bien eu un accident de voiture. Aurais-je reçu un choc à la tête qui m'aurait fait perdre la mémoire ? Ou alors un choc émotionnel et mon cerveau me protège en effaçant ces dernières semaines de mes souvenirs ? Mais d'autres questions demeurent : pourquoi ma mère prétend que je suis morte et pourquoi cet appartement est vide de toutes mes affaires personnelles ?

Lentement, je déverrouille mon téléphone et tape mon nom dans le moteur de recherche. Là, plusieurs articles de presse apparaissent. Sans réfléchir, je clique sur le premier de la liste.

« TRAGIQUE ACCIDENT DANS LA SOIRÉE DU 17 AOÛT

La nuit dernière de violents orages ont frappé notre région et ont provoqué de nombreux dégâts. Ce matin, un riverain a fait la macabre découverte d'une voiture tombée dans un fossé. Les secours sont immédiatement intervenus sur place pour essayer d'extraire le corps de Lola Lupin, une jeune femme de 25 ans. Toujours en vie la jeune femme est malheureusement décédée suite à ses blessures sur le chemin l'hôpital...»

Je ne prends pas la peine de lire la suite de l'article. Ce sont les photos d'illustration qui attirent mon attention. D'abord celle de la voiture, il s'agit bien de la mienne. Soudain, je me fige en regardant ma photo, enfin d'après ce que dit la légende de l'illustration "Lola Lupin, 25 ans, infirmière à l'hôpital de la ville voisine". Je fixe, incrédule, le regard de l'inconnue figée sur mon écran de téléphone : ce n'est pas ma photo !

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