Chapitre 13 - Carole Et Juliette.
Cette histoire est un thriller classé "contenu mature" les sujets sensibles abordés seront indiqués en début de chapitre par des "!"
Libre à vous de continuer ou non la lecture de cette histoire.
!!! Alcoolisme /mort/dépression
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Un cri me sort de mon sommeil. Je tends l'oreille, mais n'entends rien. Cela devait probablement être un rêve. Je me retourne et tente à nouveau de m'endormir. Alors que mes paupières se font lourdes, le son d'une porte qui claque au loin me fait sursauter. Je me redresse dans mon lit. Cette fois-ci, je sais que je n'ai pas rêvé.
Je prends un pull et sors de ma chambre. Une ombre passe devant moi rapidement et se dirige vers l'une des dernières pièces du fond.
— Carole ? C'est toi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Je chuchote.
Je l'entends seulement marmonner "Juliette" tandis qu'elle ouvre la porte de la chambre de l'enfant et se glisse à l'intérieur de la pièce. Je la suis sur la pointe des pieds, personne d'autre ne semble être réveillé. J'arrive à attraper la porte du bout des doigts juste avant que celle-ci ne se referme.
De là, je peux voir Carole penchée sur Juliette. La fillette semble terrorisée. Elle gesticule dans tous les sens et des larmes s'échappent de ses yeux encore fermés. Soudain, ses yeux s'ouvrent grands et elle s'assoit précipitamment dans son lit. Son regard est fixé derrière mon épaule, mais c'est comme si elle ne se rendait pas compte de l'environnement qui l'entoure. J'ai déjà vu ce phénomène auparavant ; c'est une terreur nocturne.
— Non... non Maman, pas par là. Le monstre est caché là-bas. Le monstre va nous trouver si on va là-bas. Maman, MAMAN ! Sa petite voix tremble jusqu'à finir par crier et pleurer.
Ce n'est pas une terreur habituelle, elle est probablement en train de revivre un souvenir traumatique. Carole s'assoit doucement sur le lit et commence à lui dire des mots apaisants, lui rappelant qu'elle n'est plus au labo, qu'elle est en sécurité avec une nouvelle famille qui l'aime et qui la protège. La fillette commence à se calmer au doux son de la voix de Carole. Cependant, je peux lire dans les yeux de cette dernière l'impuissance qu'elle ressent face aux peurs de Juliette. Rien de ce qu'elle fera n'apaisera jamais le souvenir douloureux de la perte de la mère de Juliette.
Je frissonne en sentant une présence derrière mon dos. Je me retourne à l'instant où une grande main se pose sur mon épaule et j'aperçois le visage de Chris dans la pénombre qui se penche vers moi pour me parler à l'oreille.
— Juliette fait encore une terreur nocturne. Ça arrive fréquemment ces temps-ci. Elle doit sentir qu'on est tous stressés et ça l'angoisse. Dans ces moment-là, seule Carole arrive à la rassurer.
Nous nous retournons vers Carole et Juliette alors que cette dernière reprend doucement connaissance. Elle semble surprise de nous voir tous les trois dans sa chambre. Puis, elle se jette dans les bras de Carole en pleurant.
— Tante Carole, c'était horrible, ils ont encore fait du mal à ma Maman...
— Chhh... Je sais ma grande. Ce qu'ils ont fait à ta Maman n'est pas acceptable. Mais tu es en sécurité, tout le monde est là pour te protéger. Regarde, Lola et Chris sont là aussi pour toi. Je m'avance doucement vers Juliette :
— Tu as besoin de quelque chose ma puce ? Est-ce que tu veux un bon chocolat chaud pour te réchauffer ?
Juliette acquiesce et essaye de me sourire faiblement. Je quitte la pièce en fermant la porte derrière moi pour laisser un peu d'espace à Juliette. Je prends la direction de la cuisine pour préparer le chocolat chaud tant attendu, Chris sur les talons.
— Tu peux aller te recoucher, si tu veux. Je devrais pouvoir me débrouiller toute seule.
— Non, c'est bon. Je n'ai plus envie de dormir. Tu as l'air fatigué Lola, est ce que tu souhaites que je prenne le relais ? me propose-t-il.
— Tu n'as pas vu ta tête ! Je pense que tu es au moins aussi fatigué que moi !
Il ne répond pas et se contente de me donner la bouteille de lait pour que je le fasse chauffer à la casserole.
— Quel âge avait Juliette quand sa mère est morte ? Lucas m'a dit qu'elle est née au labo. Elle n'a pas dû avoir une enfance facile.
— Non, c'est le moins qu'on puisse dire. D'après ce que Carole m'a raconté, la mère de Juliette l'a eu quand elle avait 16 ans. Ses parents l'avaient mis dehors quand ils ont appris qu'elle était enceinte et c'est comme ça qu'Hygeia a mis la main sur elle. La petite Juliette est née la bas... Au départ, ils l'ont laissé tranquille et quand elle a eu 6 ans, ils ont décidé de commencer les expériences sur elle. Sa mère s'y est opposé et elle a tenté de fuir avec son enfant. Comme tu t'en doutes, ça n'a pas fonctionné et la pauvre jeune fille a perdu la vie en essayant de protéger Juliette. Carole ayant vu tout ça a pris l'enfant sous son aile et quelques mois plus tard, lors d'une mission, nous avons réussi à les faire sortir. Enfin, Max et Simon ont fait le plus gros du boulot.
— C'est horrible... Je comprends que Juliette continue de faire des cauchemars à ce sujet. Ils ne s'arrêtent vraiment devant rien.
Ma gorge est serrée, j'essuie discrètement une larme qui est apparue au coin de mon œil. Chris me fixe étrangement puis fait la dernière chose à laquelle je m'attends : il me prend dans ses bras. Au départ, je suis tellement surprise que je n'ose pas bouger. Puis je sens mon corps se détendre petit à petit à son contact. Après tout, ce geste est sans doute anodin, nous sommes juste deux amis qui traversent une période difficile et essayent de se réconforter. Je niche ma tête contre son épaule et l'étreints en retour. Je sens son menton qui se pose sur le haut de ma tête, doucement.
La porte s'ouvre à la volée et Ella entre dans la pièce. Nous nous séparons l'un de l'autre à la hâte et je reprends la préparation du chocolat chaud comme si rien ne s'était passé sous le regard noir d'Ella. Je m'attends à une réplique cinglante de sa part, mais elle ne me dit rien.
Une fois la tasse prête, je quitte la cuisine pour la porter à Juliette. En sortant de la pièce, je ne manque pas de remarquer le regard qu'Ella lance à Chris. Je ne l'aurais pas cru si possessive, on dirait que Chris va passer un mauvais quart d'heure. Je lui fais un sourire d'encouragement qui ressemble plus à une grimace et referme la porte derrière moi.
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La journée s'écoule lentement. Depuis la réunion d'hier soir, je n'ai plus rien à faire et je m'ennuie. Je n'ai pas revu Chris depuis les événements de ce matin et celui-ci semble introuvable. Cela ne m'arrange pas, je voulais lui parler de la préparation de la mission. Tant pis, s'il n'est pas là, j'irai voir Carole. Ella a précisé hier que c'était elle qui s'occupait de la logistique.
Comme à son habitude, Carole se trouve dans la cuisine. Je la retrouve accoudée à la petite table les yeux rivés sur un écran d'ordinateur.
— On a un ordinateur ici ? D'où il sort ?
— Lucas a pu s'en procurer un.
Comme à son habitude, Carole va droit au but et ne cherche pas à faire la conversation. Si je veux en savoir plus sur ce sur quoi elle travaille, je vais devoir lui faire passer un interrogatoire.
— Au fait, Ella a dit hier que tu devais t'occuper de la logistique de la mission. En quoi cela consiste.
— Hmmm... Oui, c'est ce qu'elle a dit. Là, je recherche un hôtel à coté d'Hygeia où vous pourriez loger et les espionner sans trop de risque de vous faire remarquer.
— Et ? Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ?
— Hmm...
OK, la conversation va être longue. Je change de tactique.
— Tu es d'habitude si discrète, tu as travaillé régulièrement sur ce genre de tâche ?
— Je suis comme tout le monde ici, je veux les faire payer. Pour ce qu'ils nous ont fait, pour ce qu'ils ont fait à Juliette.
— Vous êtes vraiment proche toutes les deux. Chris m'a raconté que tu l'avais connu là-bas. Que tu avais connu sa mère... On dirait qu'elle est comme une fille pour toi.
Carole ne répond pas, mais ses yeux ne bougent plus. Je les vois qui commencent à s'embrumer. Soudain, elle se tourne vers moi et s'adosse au mur en fermant les yeux.
— Oui, oui, on peut dire ça. Sa voix n'est pas comme d'habitude, elle est beaucoup plus douce.
J'avais une fille avant. Une jolie famille. Il y avait mon mari, Coralie et moi. Elle était toute ma vie. On était heureux, je pensais que cela était éternel, qu'on serait soudé pour toujours. Bien sûr, je me trompais. Philippe a fini par se lasser et m'a quitté pour une autre. Comme si cela ne suffisait pas c'est lui qui a eu la garde de Coralie. Je n'avais pas de travail à l'époque, il gagnait bien sa vie et avait insisté pour que je reste à la maison m'occuper de notre enfant. Cela m'allait très bien à l'époque, mais après notre divorce, je n'avais pas les moyens d'élever Coralie seule. Le juge avait promis une garde alternée dès que j'aurais trouvé un boulot stable. Mais ce n'est jamais arrivé... J'avais dit à Philippe que quand il ne pouvait pas aller chercher notre Coralie à la sortie de l'école qu'il m'appelle. Que je la ramènerai chez lui ! Je ne voulais pas qu'elle rentre seule. Mais il ne m'a pas écouté. Il m'a dit qu'à 11 ans, elle pouvait bien faire 2 kilomètres à pied toute seule de temps en temps. Alors un soir d'hiver alors qu'une réunion de travail de son père s'est éternisé, elle est rentrée seule dans la nuit. Le conducteur nous a dit qu'il ne l'avait pas vu, qu'elle n'avait pas de gilet réfléchissant, et que quand il a freiné, c'était déjà trop tard. Il a dit que nous étions des parents irresponsables ! Mais c'est lui qui était au volant ! C'est lui qui a tué mon petit bébé !
Carole explose en sanglots. Ses pleurs me déchirent le cœur. Je me précipite vers elle et la prends dans mes bras pour la consoler. Elle me sert tellement fort dans ses bras que cela me fait mal, mais je n'ose pas bouger. Ma douleur est tellement moindre comparée à la sienne. Au bout de plusieurs minutes, elle parvient enfin à se calmer. Je pensais qu'elle terminerait son histoire ici, mais elle reprend.
— Après cela, le whisky est devenu mon meilleur ami et mon pire ennemi à la fois... Je me suis totalement coupée de ma famille, de mes amis et un jour, je me suis réveillée au labo. Ils m'ont gardé pendant 10 ans. Dix longues années dont je ne me rappelle presque rien. Les autres avaient peur de mourir. Moi, j'étais déjà morte. Jusqu'au jour où j'ai entendu les pleurs d'un bébé. Lucie venait d'avoir un enfant, une petite fille qu'elle a appelé Juliette. J'ai fait tout mon possible pour les protéger, j'avais trouvé une nouvelle raison de vivre. Alors quand la petite Juliette s'est retrouvée orpheline... je l'ai comme adoptée. Nous n'avions que nous deux à ce moment-là.
Je tiens toujours les mains de Carole dans les miennes. Carole me serre les mains fermement et rouvre les yeux, les plongeant dans les miens.
— Je n'avais jamais raconté tout cela à quelqu'un... Merci Lola, cela m'a fait du bien de parler de ma petite Coralie.
Sans dire un mot, je la prends une nouvelle fois dans mes bras. De toute façon, il n'y a rien à ajouter. Carole n'avait pas besoin d'entendre de mots réconfortants, aucune phrase ne pourra jamais refermer la plaie qu'a causée la perte de son enfant. Non, elle avait juste besoin d'une oreille attentive. Nous restons là à nous regarder pendant encore plusieurs minutes. Puis, sans prévenir Carole se retourne doucement vers l'ordinateur et reprend ses recherches.
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En sortant de la cuisine, je vois Lucas qui enfile sa veste et qui s'apprête à partir de la base.
— Lucas ! Où vas-tu ?
— Je dois juste aller en ville voir mon contact pour les micros et récupérer deux ou trois autres choses. Je devrais être de retour d'ici trois jours maximum.
— Trois jours ?! Je m'étonne. Et tu pars tout seul ? Tu ne seras pas en danger ?
— Non, non ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude !
Il me donne une tape amicale sur l'épaule et s'en va. Je ne me sens pas rassurée pour autant. Je ne sais pas ce qu'il manigance, mais j'ai comme l'impression que son escapade n'est pas aussi sûre qu'il le prétend.
J'entends des bruits de pas derrière moi et une voix qui m'interpelle. C'est Ella.
— Qu'est-ce que tu fais plantée là ? Tu n'as donc rien à faire !
— Pardon !? Ce n'est pas moi qui passe mon temps enfermée dans mon bureau à prétendre travailler sur on ne sait quoi !
— Hey, doucement avec tes accusations. Je n'ai certainement pas à me justifier devant toi. J'ai plein de boulot à régler pour préparer la prochaine mission, je n'ai pas de temps à passer à faire les yeux doux aux hommes comme tu le fais !
Je n'y crois pas ! Ella est jalouse de ce qu'il s'est passé ce matin. C'est tellement surréaliste ! Le souci, c'est que j'ai l'impression qu'elle a décidé de se venger. Mais je ne compte pas me laisser impressionner pour autant.
— Alors comme ça, l'impitoyable Ella serait jalouse ? Ne t'inquiète pas, comme tu le dis, il y a beaucoup à faire. J'ai d'autres priorités que te voler ton amant !
— Comme si j'avais peur que ce soit le cas ! Tu es bien trop faible pour l'intéresser. Il t'a pris en pitié, c'est tout. Il s'en rendra vite compte quand tu auras fait lamentablement foiré la prochaine mission.
J'ai tellement envie de la gifler. Je serre les poings et essaye de me contenir. Je n'ai aucune envie de me disputer pour un homme, nous avons passé l'âge. Par contre qu'elle m'insulte et me traite comme une moins-que-rien m'insupporte de plus en plus.
La porte d'entrée s'ouvre et nous voyons Chris entrer les bras chargés de paquets. Il nous dévisage tour à tour, se doutant bien qu'il vient d'interrompre une altercation.
— Lola, ça va ? Demande-t-il.
J'acquiesce sans quitter Ella du regard.
— Ella, qu'est ce que tu as encore fait !? Quand vas-tu arrêter de pourrir la vie de Lola comme ça !?
Ella me lance un sourire machiavélique et me dit :
— Tu vois, c'est de la pitié.
Elle nous lance un dernier regard noir avant de remonter à l'étage et de s'enfermer à nouveau dans le bureau. Chris tente de me dire quelque chose, mais je l'ignore. Je peux entendre encore le sang qui bat à mes oreilles. Je traverse la salle et me dirige vers l'espace nuit. Sans même frapper, je rentre dans la chambre ou je sais trouver Max et Simon.
— Max, il est grand temps que tu m'entraîne pour la prochaine mission !
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Ça y est Lola se rebelle !
J'espère que ce chapitre vous aura plu et que vous aurez aimé en savoir plus sur Carole et Juliette, même si leurs histoires sont tristes...
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