II. Le grand jour

Jeudi 1er août 2013

PDV Aria

Ça y est... C'était le grand départ. Cela faisait des semaines que j'attendais ce moment. Ma valise et mes cartons étaient prêts, il ne restait plus que Mathieu pour venir me chercher.
Ce dernier avait tenu parole sur ses visites hebdomadaires. Nous avions pu davantage discuter et il m'avait fait quelques confidences en m'avouant qu'il était atteint de schizophrénie et qu'il devait faire ses preuves pendant un mois auprès de Madame Gilbert et l'association, afin que je puisse rester chez lui. J'avais senti, à ce moment-là, qu'il était très nerveux de me parler de cela.
Je devais avouer que j'étais assez surprise. Je pensais au départ que c'était un personnage qu'il s'était construit pour ses vidéos. Mais visiblement, ce n'était pas le cas et il avait voulu faire preuve d'autodérision au travers de sa caméra.
En tout cas, cela ne me dérangeait pas. J'avais connu deux ou trois personnes dans ce cas au cours de mes convalescences. Toutes avaient été adorables, malgré leurs troubles. Cette maladie était très dur à porter et le soutien était très demandé auprès des proches. Alors, j'avais décidé de le soutenir comme le ferait un membre de la famille et cela lui avait enlevé un poid sur ses petits épaules.
Pour ma part, je n'avais toujours pas réussi à parler de mon passé. Je n'étais pas encore prête, chacun son rythme après tout. Il ne m'avait rien demandé par rapport à cela et quelques part cela m'arrangeait bien au fond.
Actuellement, je venais de m'habiller et j'emballais mon pyjama dans ma valise. Je portais une tenue assez confortable : un jean évasé foncé, un t-shirt à manches longues boutonné prune et des chaussures plateforme brunes en cuir. Enfin, à mon poignet, je portais un bracelet shoker multiples. Cela faisait des années que je le portais et il ne m'avait jamais quitté, c'était une sorte de porte-bonheur.
Alors que je manipulais mon bracelet et le regardais de manière nostalgique, on frappa à la porte. Cela ne pouvais être que Mathieu. Sans plus attendre, je lui ouvrir. Il était clairement en avance et tout sourire.

"Salut, Mat' !

- Salut, alors ? Tes affaires sont prêtes ?

- Oui, depuis hier. J'espère que ton coffre ne sera pas trop encombré avec mes cartons. Dis-je, en frottant ma nuque.

- Ne t'inquiètes pas, ça va le faire."

En effet, j'avais trois, quatre cartons qui était assez encombrant en plus de ma valise. J'avais peur que cela allait déranger, mais visiblement pas du tout. Sur ce, nous commencions à descendre mes affaires et les mettre dans la voiture.

PDV Mathieu

C'était effectivement des gros cartons. Mais je m'y attendais un peu, au vu du nombre de livres qu'elle avait.
En tout cas, j'étais content que ce jour était enfin arrivé. Durant les semaines qui précédaient, avec les gars, nous avions pu nous organiser pour l'accueillir comme il se doit entre deux tournage et mes visites chez Aria. J'avais pu tenir ma promesse auprès de Maître Panda et du Prof en avouant mon trouble. Cependant, j'avais quand même préféré rester vague par rapport à cela. Même si elle était compréhensive et ouverte, je ne voulais pas la brusquer et l'inonder d'information d'un coup. J'étais soulagé qu'elle l'ait bien pris... À voir maintenant quand elle allait voir les autres.
En parlant de mes personnalités, elles étaient à l'appartement. Pour une fois, elles m'avaient dis que ce ne serait pas le chaos avant que l'on arrive. Les mecs étaient très enthousiastes, surtout le Geek... Et le Patron. Pour ce dernier, je leur avais demandé de s'occuper de lui avant qu'Aria n'arrive à la maison. Je me demandais comment ils s'en sortaient d'ailleurs...
Une fois que les cartons et la valise étaient dans le coffre et à l'arrière, je m'étirai un peu le dos. Ce n'était pas parce que je n'étais pas sportif, mais je ne l'étais pas.

"Mat', je reviens. Je vais déposer les clés à l'accueil. Dit Aria.

- Ok, ça marche !"

Pendant qu'elle était partie, j'en avais profité pour envoyer un message au Prof pour prévenir que l'on allait bientôt démarrer et savoir si tout se passait bien avec le criminel en puissance.

"Nous allons démarrer pour l'appart. Ça va de votre côté ?"

PDV Prof

C'était chaotique... Mathieu nous avait chargé de cacher le psychopathe le temps que la demoiselle assimile notre présence secrète. On pouvait dire que ce n'était pas une partie de plaisir, que ce soit pour lui, que pour nous. Il nous avait fallu de la ruse et même là, cela avait failli finir en scène de crime.
Nous avions dû nous y mettre à quatre pour l'enfermer dans le placard à balais. Il avait failli nous mordre cette bête enragée ! Mais fort heureusement, nous étions vaccinés contre la rage et nous avions tout de même réussi à l'emprisonner.
Alors que je m'étais assis pour souffler un peu, mon cellulaire émit une vibration. En regardant, je vis que c'était Mathieu qui disait qu'il arrivait avec Aria et comment nous allions. Je lui répondis alors.

"Parfait, tout va bien de notre côté. Faites attention sur la route.

- Ça marche, à tout !"

Je me levai pour aller voir mes collègues afin de les informer du départ de notre hôte psychique. Maître Panda essuyait son front de la sueur dû à l'effort. Le Hippie était assis par terre en convulsant, mais rien d'inquiétant c'était habituel chez lui. Le Geek s'était servi un soda pour se rafraîchir. Enfin, le Patron tentait de forcer la porte fermée à clé.

"Mes chers confrères, je vous annonce que Mathieu et Aria sont en route. Tout est en place ?

- Ouep, tout est propre, tout est rangé, pas d'odeur suspecte. Répondit le Panda.

- J'ai trop hâte qu'elle arrive ! J'ai trop envie de jouer à Mario avec elle ! Dit le Geek impatient.

- N'oublie pas, jeune homme, que tu ne dois pas être envahissant. Lui rappelai-je.

- Oui, mais je suis tellement excité !

- LAISSEZ-MOI SORTIR, PUTAIN ! S'écrit le patron à travers la porte. JE VOUS PRÉVIENS, SI VOUS N'OUVREZ PAS, JE VOUS ENCULERAI TELLEMENT FORT QUE VOTRE FONDEMENT PRENDRA LA FORME DE MA BITE !"

Alors que le criminel proférait des menaces, le panda s'approcha du placard avec un sourire narquois qui ne me disait rien qui vaille.

"Alors ça fait quoi d'être tout seul dans un placard sombre ? N'empêche la vie est bien faite quand même. Oeil pour oeil, dent pour dent, comme on dit.

- Oh toi, tu vas prendre cher !

- Essaie et je te castre. Dit l'ursidé, le dos posé contre la porte et en regardant ses ongles, le tout en étant serein.

- Quand j'aurais défoncé cette porte, tu as intérêt à courir, gamin !"

Les seules réflexions qui passaient par mon occipital étaient "seigneur, Mathieu revient vite..." Oui, je n'en pouvais tellement plus que j'en venais à demander allégeance à une entité.

PDV Aria

Nous étions dans la voiture en direction de l'immeuble de Mathieu.
Ce dernier agissait un peu étrangement depuis quelques minutes, comme si il était nerveux. Pourtant tout à l'heure, il était tout souriant et là il semblait préoccupé. Mais pourquoi ? Était-ce à cause de son émission ou quelque chose du genre ?

"Ça va ? Tu es très silencieux. Demandai-je soucieuse.

- Oh ! Euh... Oui, ça va ! J'étais pensif...

- Ah ? À quel propos ?

- J'ai des amis qui attendent à l'appartement et j'espère qu'il n'est pas sans dessus, sans dessous... Ils sont là pour donner un coup de main pour ton emménagement et te rencontrer...

- Oh mais c'est sympa ! Vaux mieux plusieurs bras avec les cartons. Ça donne envie de les rencontrer, ils ont l'air cool.

- Euh... Oui, à ce propos... Mes amis sont assez spéciaux. Ils peuvent être très taquins, il ne faut pas faire attention. Dit Mathieu avec un sourire crispé.

- Euh... D'accord."

Que voulait-il dire par "speciaux" ? Est ce que c'était dans le bon ou le mauvais sens ? Cette qualification était plutôt étrange pour moi. Mais je décidai de faire confiance à Mathieu, peut-être était-ce affectueux finalement. Un peu comme moi avec Sarah.
Durant le reste du trajet, nous avions continué à discuter pour soulager le stress de mon "tuteur". Une fois garé, nous étions descendu et avions pris ma valise.
J'étais enfin en face de mon futur chez moi. Une boule s'était installée dans mon ventre. Une boule d'impatience et de nervosité. À partir de maintenant, je ne savais pas ce que l'avenir me réservait, il y avait de quoi être nerveuse.
Je sentis quelque chose se posait sur mon épaule. Me demandant ce que c'était, je regardai. C'était tout simplement la main de Mathieu et il m'avait également fait un léger sourire, semblant m'encourager et me rassurer.

"Tu es prête ?

- Plus que jamais."

C'était sur ces mots que l'on monta vers l'appartement. Non seulement j'allais emménager, mais j'allais rencontrer de nouvelles personnes. Cela être beaucoup pour moi aujourd'hui, du moins socialement. Mais j'étais sûre que cela allait bien se passer.
Alors que nous traversions le couloir du troisième étage, un grand bruit et quelques cris retentirent me faisant sursauter. Je regardai Mathieu, qui avait une expression inquiète.

"C'était quoi ça ?! Demandai-je.

- Oh bordel..."

À la place d'une réponse, je le vis se précipiter vers l'une des portes : la n°6. Je le suivis alors, curieuse de ce qui n'allait pas. Lorsqu'il ouvrit la porte, je fus incrédule en voyant ce qu'il se passait. Je ne savais si, à ce moment là, j'étais dans un rêve ou un cauchemar.

PDV Mathieu

En ouvrant la porte, je m'attendais à tout mais pas à ce que je voyais actuellement.
En effet, le Prof, le Geek, le Hippie et Maître Panda étaient dos au placard, poussant de toute leur force. La porte, quant à elle, bougeait de manière brusque. Je ne savais pas ce qu'il se passait.
Le premier qui remarqua notre présence était le panda.

"Ah Mathieu, ça va ?! Et bonjour, Aria !

- Mais qu'est-ce que vous branlez, les mecs ?!

- Tu te souviens de ce que tu nous avais demandé ? Eh bien c'est ce qu'on fait !

- What the..."

Je n'eus le temps de dire quoique ce soit que la porte du cagibi s'ouvrit brutalement, faisant tomber quatre de mes personnalités. À cet instant, je compris ce qu'ils étaient en train de faire lorsque je vis le Patron sortir de manière nonchalante, une aura noire l'entourant. Quand je leur avais demandé de s'occuper de lui, je ne pensais pas de cette manière. Il fallait que j'empêche ce massacre.

"Je vous avais dit que j'allais défoncer la porte, vous devriez commencer à courir. Parce que ça va chauffer pour vos culs ! Dit le Patron.

- Non, personne ne chauffera le cul de personne !" Interceptai-je.

Tous se retournèrent vers moi, voyant enfin notre arrivée et déglutirent, excepté le pervers enragé. Je l'avais dis que c'était impossible de les laisser seuls au même endroit sans qu'il y ait la pagaille.
Je me tournai vers Aria pour voir sa réaction qui était visiblement sans appel. Elle était immobile, comme paralysée. Son regard était focalisé sur mes clones, ne comprenant certainement pas ce qu'il se passait. Je me raclai donc la gorge et je commençai à parler.

"Alors les mecs, je vous présente Aria. Aria, je te présente mes dédoublements de moi-même : le Geek, le Prof, Maître Panda, le Hippie et le Patron. Ne t'en fais pas, sous couvert de leur caractère, ils sont très sympas.

- Salut, grosse/gamine." Dirent-ils tous en coeur.

Elle fit un léger signe pour dire bonjour, mais elle ne disait toujours rien. Ce qui m'inquiètait un peu.

"Elle est un peu pâle, gros.

- Eh d'habitude tu es sympa. Dis-je incrédule envers le camé.

- Non Mathieu, il veut dire qu'elle va tomb..."

Le Prof n'eut le temps de finir sa phrase qu'un bruit sourd se fit entendre. Je me tournai vers Aria qui... Était allongé sur le sol inconsciente ?! Qu'est ce qu'elle avait ?! Cela commençait bien !
Ni une, ni deux, je tentai de la ramasser pour la mettre sur le canapé, sous le regard médusé de mes "colocataires". Je pensais qu'elle était légère en la soulevant, mais en fait pas du tout. J'avais oublié que quand les muscles se détendaient, notre masse était doublée.

"Eh les mecs ! Un coup de main ne serait pas de refus !

- Ah merde ! Oui, attends !" Dit le panda, en acourant pour m'aider.

Nous avions pu la déposer sur le sofa. Je m'étais un peu senti coupable, j'aurais dû la prévenir de la présence de mes personnalités et non pas de "potes spéciaux". Même si au fond c'était un peu vrai.
Nous nous regardions tous ne sachant que faire, excepté le Prof qui avait pris l'initiative de contrôler l'état d'Aria. J'espèrais juste qu'elle n'ait pas fait une attaque.

"Bon les gars... Qui prend le cul ? Demanda le Patron, en prenant une latte de sa cigarette.

- C'est tout ce qui te vient à l'esprit ?!... Non, en fait je ne suis pas surpris. Rends-toi utile, va chercher les cartons avec le Geek et Maître Panda. Lui ordonnai-je.

- Ça marche ! Dirent-ils les deux derniers cités, avant de partir.

- Eh pourquoi tu ne demandes pas au camé, gamin ?!

- Peut-être parce qu'il fait la limace sur le sol. Dis-je blasé.

- 'tain, ça fait chier."

Le Patron sortit alors avec une expression boudeuse. Bon dieu, qu'est ce que j'avais fait pour mériter cela ? Encore une fois, je les adore mais il fallait tout leur dire. Les seuls qui avaient un minimum de maturité c'était le Prof et Maître Panda.
Je me tournai vers ce dernier qui avait lâché le poignet, tombant mollement sur le coussin du canapé.

"Bien mon cher Mathieu, premièrement elle ne nous a pas fait un arrêt cardiaque. Commença le scientifique, me soulageant un peu. Cependant elle a subi une baisse soudaine de sa pression artérielle et du rythme cardiaque.

- C'est-à-dire ?

- En gros, elle a tellement été choquée en nous voyant qu'elle a fait un malaise vasovagal. Ne t'en fais pas, ce n'est pas dangereux pour elle.

- Il faut faire quoi dans ces cas là ?

- Tout ce que nous pouvons faire c'est surélever ses jambes pour que sa tension remonte et que l'afflux sanguin se régularise.

- T'es sûr qu'il faut faire ça ?

- Fais-moi confiance et fais ce que je dis ! S'emporta le professeur.

- D'accord, d'accord !

- T'en as trop pris, gros !"

Sans plus attendre, je suivis les conseils du Prof, bien qu'ils soient étranges. Mais je n'allais pas le remettre en cause, après tout c'était notre "médecin" et jusqu'à présent ses "traitements" marchaient plutôt bien.
Je pris alors les chevilles d'Aria et les surélevai comme on me l'avait dit. J'espèrais seulement qu'elle se réveille et que ce ne soit pas sorti de son contexte, même si cela ne devrait pas être gênant. Quelques instants plus tard, les "déménageurs" reviennent, les bras chargés de cartons. J'avais reçu quelques regards lubriques de leur part, ce que je redoutais le plus.

"Mathieu ? Qu'est ce que tu fais ?! Demanda le Geek avec un mélange de panique et de choc.

- Et on dit que c'est moi le tordu. Tu me déçoit, gamin.

- Alors non désolé, c'est toi le plus tordu. Je ne fais que l'aider là ! Dis-je indigné.

- C'est ce qu'on dit au début, gamin. Puis après...

- On met où les cartons ? Coupa l'ursidé.

- Dans l'ancienne chambre de la fille.

- Ok, messieurs allons-y ! Et Attention au hippie, il est au sol."

Je voulais tellement remercier Maître Panda de ne pas envenimer les choses. Bien évidemment, il pouvait plaisanter mais il savait quand il atteignait la limite.

PDV Aria

Tout était sombre autour de moi. Je ne savais pas ce qui s'était passé. Tout ce dont je me souvenais était que j'entrais dans l'appartement de Mathieu et que j'étais tombée nez à nez sur les personnages de son émission. J'étais forcément en train de rêver... Oui c'était cela, c'était forcément cela ! Cela expliquerait pourquoi j'avais un mal de crâne ! J'avais trop dormi, ce qui faisait que j'avais du mal à émerger.
Peu à peu, je sentais que la lumière du jour m'éblouissait un peu malgré les yeux fermés. Attendez... Si je dormais... Mathieu allait bientôt arriver et j'étais encore en pyjama ! Il fallait que je me réveille maintenant et faire les derniers préparatifs !
Alors que j'essayais d'ouvrir les yeux, j'avais l'impression que l'on m'avait mis un filtre qui floutait mon environnement et mon ouï était étouffer comme si de l'eau s'y était infiltrée. J'étais autant fatiguée ? Pourtant, je m'étais couchée tôt. Mais au fur et à mesure, ma vision s'éclaircit et mon écoute devint plus clair. Cependant, ma douleur au niveau de la tête y était toujours et centralisée à l'arrière de mon crâne.
La première chose que je vis, ou plutôt personne, se fût Mathieu. Sur le moment, j'étais prise de panique.

"Ah, tu es enfin réveillée... Ça va ?

- Euh... Oui, ça va... Je me suis rendormie, je suis vraiment désolée. J'ai fais un rêve bizarre en plus... J'ai rêvé qu'on faisait le déménagement et que les personnages de Salut les geeks étaient là et...

- Je suis désolée ma chère, mais ce n'était pas un rêve." Dit une voix nasillarde à ma gauche.

Je tournai doucement la tête et vit un clone de Mat' avec des lunettes, une chemise blanche ornée d'un nœud papillon damier et une blouse de laboratoire. Je le fixai longuement et pour vérifier si je ne rêvais pas une seconde fois, je portai mon doigt pour toucher son poignet.
Contre toute attente, c'était palpable. Je regardai alors autour de moi et je vis que nous n'étions pas du tout dans ma chambre au foyer, mais bien dans un appartement. Je ne rêvais pas... Le Prof existait... Le putain de Prof existait... Et si il était là, c'était que...

"On a entendu du bruit, est-ce que tout va bien ? Demanda le supposé Geek, suivit de Maître Panda et du Patron. Ah, mais elle est réveillée !"

Alors que "le gamin à la casquette" s'approchait de moi, je voulu me redresser pour reculer, mais cela me provoqua de gros vertiges en plus de mon mal de crâne. Je n'avais envie que d'une chose, c'était de crier et de me cacher.

"Geek ! Tu vois bien que tu lui fais peur, donne lui de l'air ! S'écria Mathieu, ce qui fit reculer le concerné.

- Si elle a peur du gamin, imagine moi et mon...

- Toi n'en rajoute pas, s'il te plaît !

- Mathieu a raison, laissez lui le temps d'assimiler, la pauvre ! Imaginez vous vous retrouvez face à six mecs identiques dont cinq que vous pensiez qu'ils étaient fictifs. Mettez vous à sa place, putain !

- Merci, Panda !

- De rien, mec.

- Ex... Excusez-moi ?" Commençais-je.

Tous se tournèrent vers moi, semblant attentifs à ce que j'allais dire bien que j'étais encore sous le choc.

"Si... Si vous êtes bien réel et que je ne rêve pas, il m'est arrivé quoi du coup... ?

- Eh bien c'est très simple. Tu as fait un malaise vasovagal, ce qui t'as causé au passage une commotion cérébrale. Dit le Prof en accumulant des termes médicaux de part et d'autre.

- En gros, tu es tombée dans les pommes et tu t'es cognée la tête en tombant." Résuma Maître Panda, voyant mon regard perdu.

J'avais hoché doucement la tête à l'explication. Je comprenais maintenant pourquoi j'avais mal au crâne. Mais beaucoup de questions étaient apparues quant à la présence de ces étranges personnages. J'avais connu des cas de schizophrènie, mais jamais d'une telle ampleur. Cela dépassait le fantastique et le surnaturel réunis.
Je me redressai pour me mettre en position assise, avec un peu d'aide du Prof.

"Je suis désolé de ne pas t'en avoir parlé, disons que te dire que je suis schizophrène était délicat... Alors, dire que eux existent ça l'était encore plus. Je savais que tu n'allais pas me croire..."

Mathieu avait l'air de beaucoup s'en vouloir par rapport à cette cachotterie. Même s'il n'avait pas dû, il n'avait pas tort en disant que je n'allais pas le croire s'il me l'avait dit. Mais concrètement, je ne lui en voulais pas. C'était une situation bizarre certes, mais rien ne disait que cela n'allait pas bien se passer. Si ?

"Ne t'en fais pas, je le prends bien. Bon c'est vrai que c'est... Euh... Comment puis-je dire ça ?... Dis-je en cherchant mes mots.

- Insolite ? Demanda le Geek.

- Oui, c'est ça, merci ! Je veux dire, comment c'est possible d'ailleurs ? Parce que je sais que la schizophrénie cause des hallucinations que ce soit visuel ou auditif. Mais ça... C'est du jamais vu.

- C'est compliqué à expliquer... Comme je te l'ai dit il y a quelques semaines, je le suis depuis mes 13/14 ans, on n'a jamais pu comprendre ce qui a pu la provoquer et encore moins à un tel stade. Mais une chose est sûre, je suis un cas unique.

- Considère ça comme un super pouvoir en sommes. Rajouta le Prof.

- Comme spiderman ? Demanda le garçon à la casquette.

- Je vois... Et d'autres personnes le savent ? Mis à part la famille j'entends.

- Des personnes proches de nous, quelques amis, du moins ceux qui n'ont pas fui à cause de lui. Répondit Mathieu en montrant le Patron.

- Eh ! Ce n'est pas ma faute si ce sont des couilles molles !

- Tu vois ? C'est ça ton problème ! Tu ne te remets jamais en question ! Dit le Panda.

- Vous ne pouvez pas arrêter de vous engueuler deux minutes ?!"

Je vis alors l'homme au kugurumi baisser la tête, murmurant des excuses à leur hôte, tandis que le Patron grognait un peu à la réprimande. Effectivement, je n'allais pas m'ennuyer avec eux. Cela me changera d'une pièce seule avec moi même, mais j'espérais ne pas me sentir de trop. Après tout, cela faisait des années qu'ils se côtoyaient, je ne voulais pas être une pièce rapportée qui allait gêner.

"Je suis content de te rencontrer en personne ! Comme les autres d'ailleurs. Mathieu ne nous a raconté que du bien et je te souhaite la bienvenue chez nous !

- Merci, c'est hyper gentil, Panda. Je peux t'appeler comme ça ou tu préfères Maître Panda ?

- Peu m'importe."

Alors que l'ursidé et moi discutions, le Patron s'était approché et s'était assis à côté de moi de manière très proche. Tellement proche que je pouvais sentir l'odeur de la cigarette et d'eau de Cologne épicé et sec imprégnée dans ses vêtements sombres.

" Tu sais, gamine. J'avais tellement hâte de t'accueillir que j'ai préparé un cadeau de bienvenue. Le seul problème c'est qu'il est tellement imposant que je ne peux pas le sortir de ma chambre. Tu veux voir ?"

Cela aurait pu être une belle attention de sa part, si le sourire qu'il abordait n'était vicieux. Ce qui était dommage pour lui, c'était que je n'étais pas aussi naïve. La méfiance était de mise. Je restai impassible, en essayant de cacher ma nervosité.

"Patron, on avait dit quoi déjà ? Ah oui, que tu ne tenterais rien. Dit Mathieu.

- Voyons, gamin. Je suis sûr que je lui ferai passer un très bon moment.

- Ne t'en approche même pas.

- Sache que tous ici se sont retrouvés entre mes mains expertes. Y compris toi, tu te souviens ?" Répondit le criminel aux lunettes de soleil.

Au cours de leur diatribe et provocation, mon regard faisait des allers et venues entre les deux hommes. Qu'avait fait le patron sur Mathieu et les autres ? Bien que je m'en doutais, j'espèrais que ce n'était pas cela.

"Ne me rappelle pas ça, s'il te plaît ! Ce n'est pas pour rien si j'ai voulu l'effacer de ma mémoire. Je n'ai pas envie que ça lui arrive aussi.

- Ça ne te tente pas, gamine ?" Demanda le Patron, en se tournant vers moi.

Alors qu'il me faisait cette proposition, il avait entrepris de mettre son bras autour de mes épaules. Il voulait probablement montrer son emprise et sa domination, afin d'énerver Mathieu et aussi m'impressionner, installer la peur. Mais cela ne fonctionnerait pas avec moi.
En réponse, je me décalai de lui pour m'éloigner, cachant encore une fois ma nervosité et mes rougeurs de malaise.

"C'est gentil, merci mais non merci." Dis-je froidement.

Il me fixa alors que je lui répondais, les yeux dans les yeux. Je ne pouvais pas lire son regard qui était la fenêtre de l'âme, à cause de ses verres sombrement teintés. Cependant, l'expression de ses sourcils avait changé. Ce n'était pas de la colère, ni de la défiance, c'était difficile à décrire. À quoi pensait-il ?
Alors que je m'attendais à ce qu'il insiste, il soupira et se leva avant de se dépoussiérer.

"Dommage pour toi... De toute façon, ça va arriver tôt ou tard."

C'était sur ces mots qu'il quitta la pièce en sifflotant une comptine parlant de fruits de mer. Je ne savais pas ce qu'il voulait dire et j'espérais qu'il plaisantait. Je me tournai vers Mathieu et ses autres personnalités avec un sourire légèrement crispé.

"Il... Il est toujours comme ça ? Demandai-je.

- Tu nous croirais si on dirait non? Dit le garçon à la casquette.

- Je suppose que non... Mais rassurez-moi, il plaisante quand il dit des trucs comme ça ?"

À ma question, ils se regardèrent un à un et se fut Mat' qui prit la parole.

"Et si je te faisais visiter ? Dit-il voulant changer de sujet et en se levant.

- Oh euh... D'accord et pour les cartons ?

- T'inquiète, on s'en est chargé avec le Geek et le Patron. Répondit Maître Panda.

- Ah bah c'est cool ! Merci.

- De rien, meuf."

Je me levai du canapé et nous commencions la visite de l'appartement.
C'était assez cosy et chaleureux. J'avais pu voir les chambres de chacun, excepté celle du Patron pour une raison particulière. En effet, Mathieu m'avait dit de ne jamais y pénétrer, même si cela relevait de l'urgence. Apparemment, beaucoup de choses s'y passaient à l'intérieur et il ne voulait pas que je sois "traumatisé". Je me disais au fond qu'il devait sûrement exagérer mais au vu de sa proposition quelques minutes auparavant, je pouvais comprendre.
En premier, j'avais vu celle de Mathieu. Elle était très simple, dans les tons gris et blanc. J'avais pu constater que c'était là qu'il faisait ses montages vidéos, au regard du PC et du mug avec encore du café noir de la veille.
Ensuite, j'avais vu la chambre du Geek qui était remplie de posters de jeux vidéo de toute horizon accroché aux murs, des magazines d'astuce qui traînaient sur le sol et la bibliothèque qui était encombré de jeux et de console de toute génération confondue.
La chambre du hippie était assez original. Les couleurs de la Jamaïque étaient au rendez-vous. Contrairement aux autres, il n'y avait pas d'ordinateur ou télévision, il avait seulement un lecteur radio avec une pile de CD sur le reggea. Il y avait également une micro-serre avec une lampe chauffante, dans laquelle se trouvait une plante communément appelé canabis. Étrangement, je n'étais pas surprise.
Celle de Maître Panda avait une ambiance assez zen. Le vert bambou et le blanc dominaient la pièce. Une grande pousse de bambou se tenait à côté de son bureau. Sur ce dernier, il y avait un ordinateur, une mini table de mixage et synthétiseur miniature. On pouvait dire que c'était à son image
La chambre du Prof était littéralement un laboratoire. Un grand tableau noir était accroché au mur et était remplie de schémas et d'équations. Son bureau était une paillasse au sens propre du terme, sur laquelle jonchait des gouttes et des tubes à essai avec des substances probablement dangereuses. J'espèrais qu'aucun accident se produira, car, d'après Mathieu, il pouvait arriver qu'ils doivent sortir l'extincteur.
Pour finir, nous nous étions retrouvé dans ce qui allait être ma chambre. Tout était d'un blanc immaculé. Une bibliothèque était encastré dans un des murs. J'avais enfin un bureau qui ne me servirait pas de table pour manger et un grand dressing qui n'était pas une petite armoire étriqué dans un coin de la pièce. Je ne savais que dire. J'avais enfin une vraie chambre et j'avais du mal à réaliser.

"Voilà ta chambre. On vient tout juste de la rafraîchir, on s'était dit que le rose bonbon ne devait pas être ta tasse de thé. Alors on a tout repeint, comme ça tu pourras décorer comme tu veux. Dit Mathieu avec un sourire.

- Mais il ne fallait s'embêter. Si elle était rose, ce n'était pas grave tu sais. En attendant, je mettrai des posters et je verrai pour la déco dans un mois.

- C'est vrai que tu ne peux pas te projeter pour la déco, j'espère que tout va bien se passer et que tu pourras rester avec nous.

- T'inquiète, je vais m'adapter. Ce n'est pas comme si je n'en avais pas l'habitude avec mes changements de situation. Et puis "tes potes spéciaux" ont l'air sympa, je ne vois pas pourquoi ça se passerait mal.

- En parlant de ça, j'ai un petit quelque chose pour toi."

Je le vis alors sortir de la chambre et revenir avec un paquet très grand en longueur. Quand il disait "un petit quelque chose " , on n'avait pas la même définition du mot "petit".

"Tien.

- Qu'est-ce que c'est ? Il ne fallait pas.

- Ouvre, tu verras bien."

Sans plus attendre, j'ouvris alors le cadeau, pleine de curiosité. C'était une batte de baseball. Pour le coup, j'étais assez surprise et je me demandais pourquoi il me l'avait offert. Je ne me souvenais pas d'avoir dis que j'aimais ce sport, très peu pratiqué en France d'ailleurs.

"Euh... Merci, mais pourquoi une batte ?

- Alors, c'est préventif. C'est au cas où que, quand je vais faire les courses ou autre, tu te retrouves seule avec le Patron.

- Tu es sûr que ce n'est pas un peu trop excessif ?

- On n'est jamais trop prudent. Petit conseil, ferme le verrou la nuit, on ne sait jamais.

- Euh... D'accord...

- Du coup, je vais te laisser t'installer. Si tu as besoin de quoique ce soit n'hésite pas. Fais comme chez toi."

C'était sur ces mots qu'il partit de la chambre, me laissant seule pour pouvoir ranger tranquillement mes affaires. C'était à ce moment-là que je m'étais dit, qu'à présent, mon avenir allait être plein de surprises.

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