Chapitre 4 : Dans tes yeux

- "Élodie, il est temps que tu grandisses. Arrête tes caprices et commence par jouer d'un vrai instrument. Regarde Marc, lui il joue du violon, tu devrais prendre exemple sur lui ! Tant que tu ne te reprends pas en mains, on ne t'aideras plus à financer quoi que ce soit. Débrouilles toi donc si tu es aussi têtue."

Ce jour là, alors qu'elle avait tout juste vingt ans, Élodie avait compris deux choses.

Premièrement, elle ne sera jamais assez bien pour sa mère, seulement bonne à être comparée à son propre amant que cette même mère critiquait sans vergogne d'habitude. Et deuxièmement, qu'elle ne pouvait plus faire confiance à sa famille.

Malheureusement pour sa mère, son côté têtue ne venait pas de nulle part. Ce serait bien si elle pouvait se remettre en question parfois. Mais Élodie était intelligente, alors elle ferma sa bouche cette fois ci, et partit.

Elle venait de se faire insulter, rabaisser par ce qui était pourtant sa passion. Et ce, par ce qui était sa propre mère. Alors bon, pourquoi rester là ? Élodie avait une fierté, elle ne viendrait pas ramper au sol, même si elle en bavait.

Élodie se trouva un travail et se chargea de modifier ses horaires de cours pour qu'ils coïncident. Elle appela le propriétaire de son appartement et lui expliqua sa situation, lui demandant de changer l'adresse de prélèvement du loyer.

Élodie avait tout réussit. Elle était indépendante financierement, en couple avec Marc qui l'aimait et la soutenait à la place de ses parents, et restait excellente à l'université. La flûte à bec restait son instrument phare et elle jouissait des compliments de son amant sur sa maîtrise.

C'était avant que Marc ne tombe malade.

A sa mort, Élodie était toujours indépendante financièrement et était bonne à l'université. Mais son soutien n'était plus son amant et sa musique plus centrée sur la flûte à bec. La jeune femme avait perdue ce qui faisait d'elle, elle. Le goût amer d'avoir perdu ce à quoi elle tenait vraiment lors du même soir tragique.

- "Élodie, continue d'aimer tes parents. Je sais qu'ils ne m'ont jamais appréciés mais ils partagent ton sang. Sans eux, tu n'existerais pas et ce serait désolant. Tu n'as cependant plus besoin de tourner autour d'eux, laisse les tourner autour de toi. Tu es le centre de ton univers Élodie, tu n'as plus besoin d'essayer de suivre les autres. Tu rayonnes assez par toi-même."

Sur les mots de Marc, Élodie était retournée vers sa famille. Mais elle se sentait emprisonnée et à la fois reniée. Pourtant, maintenant elle était au moins devenue présentable du point de vue de sa mère.

Elle jouait du violon, plus de la flûte à bec.

Son cœur saignait mais ses parents étaient fiers. Élodie n'avait pas à cacher sa souffrance, sa mère et son père étaient aveugles de toute manière, elle n'avait pas besoin de grands jeux d'acteurs.

- On va au coffee book avec Yann, tu viens ? 17h34

- On va au coffee book avec Yann, tu viens ?

17h34

- Avec plaisir.

17h34

- On vient te prendre ?

17h35

- Ça risque d'être compliqué.

17h35

- Comment ça ?

17h36

- J'y suis déjà.

17h36

Élodie sourit en sirotant son café.

La jeune femme avait passé l'après-midi avec ses deux amis. Ils avaient pu partager le contenu de leurs derniers mois avec Yann. Ils l'avaient déjà fait par téléphone mais rien n'égualait les discussions réelles. Le trio s'était retrouvé et ça leur faisait à tous le plus grand bien.

Ils s'étaient quittés vers dix-huit heure trente lorsque la nuit était tombée. Élodie partait travailler et le couple rentrait pour flâner.

Elle profita des quelques minutes où elle était encore seule pour relire ses fiches de cours. Elle était une grande violoniste certes, mais la jeune femme aspirait à une autre profession. Les métiers de la santé était ce qui la passionnait depuis toute petite. Et plus particulièrement, la profession d'assistante vétérinaire. Élodie avait toujours trouvé quelque chose de merveilleux dans la compagnie d'une petite boule de poils. Petite ou grosse d'ailleurs, la jeune femme se souvenait encore très bien du chien de sa grand-mère, Jack. Un vieux toutou nonchalant mais tout simplement adorable lorsque l'envie de vous écrasez ne le prenait pas.

Élodie relu ses notes. Ses professeurs avaient débutés le sujet complexe de l'appareil cognitif des animaux. Le cerveau était sans l'ombre d'un doute l'organe le plus développé du corps, quelque soit l'animal traité. C'était passionnant à découvrir mais évidemment très complexe. Il fallait savoir s'accrocher mais ce n'était pas ce qui dérangeait Élodie.

La jeune femme travaillait pour pouvoir subvenir à ses besoins dont le coût de ses études. Elle ne se donnerait jamais autant de mal sans être motivée et résolue à travailler dure.

Thibault attendait devant la mairie

Thibault attendait devant la mairie. Cette fois ci, c'était lui qui était en avance et il apprécia le vent frais sur son visage. Il aimait assez prendre le temps d'observer le paysage, seul, tranquillement pour penser et admirer calmement.

Il se montra donc assez réticent lorsqu'un jeune homme se présenta à lui.

- "Tu attends quelqu'un ?

- Oui.

- Hum, fredonna pensivement l'individu. Et qui est-ce ?"

Thibault fixa de ses yeux onyx l'homme à côté de lui. Il était de sa taille, peut-être un peu plus jeune. Ses longs cheveux bruns attaché en une queue de cheval alors que ses yeux bleus fixaient son téléphone. Des écouteurs étaient plantés dans ses oreilles et il ne cessait de fredonner un air de musique.

- "Et toi, qui es tu ? préféra demander Thibault en ne le quittant pas du regard.

- Yamine, je travaille en tant que bibliothécaire pour la ville. Hésites pas à passer me voir si tu veux trouvez des livres."

Le brun continua de le regarder, assimilant ses paroles. Ce type était complètement étrange.

- "Alors, qui es tu toi ?"

Les yeux bleus de Yamine se tournèrent enfin vers Thibault qui se perdus dans ce regard. Le petit bourdonnement incessant qui sortait des lèvres de Yamine disparu sous une brise de vent violente.

- "Moi c'est Thibault, enchanté."

Une autre brise de vent frappa la place de la mairie.

- "Je dois aller à la bibliothèque, à bientôt Thibault !"

Et aussi vite qu'il était apparu, Yamine disparut. Le jeune homme l'observa disparaître au coin d'une rue parmi la foule.

Le téléphone de Thibault sonna, tirant le brun de ses pensées.

- Désolé, il y a eu un accident sur les railles, je viens seulement d'arriver à la station.

16h36

- Je t'attends.

16h36

Thibault observa Élodie arriver là où Yamine avait disparu.

- "Encore désolé pour le retard, on y va ?

- Avec plaisir."

Règle n°4 : L'univers est infini mais le monde tout petit. On n'est jamais à sept personnes de tout à chacun, que ce soit positif ou négatif.

- "Tu aimes bien la lecture ? demanda le brun en s'installant dans le petit café.

- Oui assez, c'est pour ça que j'aime bien cet endroit. C'est relaxant."

Thibault sourit à la jeune femme, d'accord avec elle. Lorsqu'Élodie lui avait parlé d'un café mixé avec une librairie, sa curiosité s'était éveillée. C'était la première fois qu'il voyait ça et il devait avouer être conquis.

Il but une gorgée de son café en écoutant la musique de fond. Un air calme et doux qui renforçait le côté chaleureux de l'endroit. Face au froid du dehors, c'était agréable.

Élodie sortit de son sac un trieur et une petite trousse en cuir.

- "Tu es toujours d'accord pour m'aider avec mes partitions ?

- Toujours. Tu veux commencer par quoi ?"

Élodie s'empressa de sortir un chapitre de ses affaires, le sourire aux lèvres. Et débuta alors une après-midi où les deux jeunes gens purent apprendre mutuellement grâce à l'autre. La jeune femme avait apprit que Thibault suivait des études de musiques en plus de ses cours à la fac. Elle ne s'attendait sûrement pas à que le jeune homme ai un tel niveau ; c'était complètement bluffant.

Tant et si bien que les heures passèrent et qu'ils ne s'arrêtèrent que vers dix-sept heures, lorsque la fatigue et la faim se firent sentir. Ni l'un ni l'autre n'avait apparemment beaucoup mangé à midi et couplé à un effort si intense de l'intellect, leur estomac criait famine.

Le coffee book fermait tôt ce jour là alors ils étaient rentrés chez le brun.

Thibault s'était levé en partant mettre de l'eau à bouillir et sortir quelques gâteaux des placards. Élodie était restée bien sage à sa place, ayant appris au moins une chose sur son ami ; il n'était pas tactile et avait besoin de son espace vitale. Assise dans son appartement, la jeune femme savait qu'elle avait déjà pénétré dans la zone de confort de Thibault. Jamais elle ne se permettrait de faire quoi que ce soit sans l'autorisation du jeune homme. Ce dernier lui en remercia d'ailleurs silencieusement.

- "Qu'est-ce qui t'attires autant dans la musique ancienne ?"

Le brun se laissa tomber dans son fauteuil, ayant déposé au préalable à manger sur la table basse. Deux tasses de thés reposaient sur un grand plateau, accompagné de différentes sucreries et de fruits. Thibault pencha pour une pomme tandis qu'Élodie se laissa aller aux niaiseries chocolatées.

- "Ça fait bidon n'est-ce pas ? rigola-t-elle de bon cœur, trop habituée aux petites piques que lui faisait Amélie à ce sujet, et aux reproches douloureuses que lui lâchait sa mère. En vérité je ne saurais pas trop te dire. Pourquoi faudrait-il expliquer tous nos goûts ?

- Je trouve ça intéressant au contraire, répondit avec un sourire le brun, comme je trouve ça intéressant d'essayer d'expliquer ses goûts. Je pense que ça permet d'en apprendre plus sur nous-mêmes. Comprendre le lien qu'il existe entre toutes les choses que nous aimons, l'analyser et en tirer des traits de notre personnalité ; c'est passionnant. Avec ces connaissances, on peut même faire des statistiques pour essayer de découvrir quels autres sujets seraient susceptibles de nous intéresser.

- C'est bien un discours de matheux ça, sourit Élodie en tirant la langue d'une manière enfantine.

- Le tien manque cruellement d'argumentation pour une littéraire alors, répliqua Thibault sur le même humour."

Les deux jeunes gens se toisèrent dans un échange à la fois amusé et taquin avant de reprendre une attitude plus décontractée. Élodie bu une gorgée de son thé en réfléchissant de nouveau à la question.

- "Je pense que l'Histoire en général m'a toujours fasciné. Je trouve ça incroyable de se dire que ce sont des suites d'événements étalés sur des millénaires qui ont permis au monde d'être tel qui l'est aujourd'hui. Sans l'homme des cavernes, nous ne saurions pas là où nous sommes en ce moment. L'évolution me fascine, notamment dans la musique où elle est frappante. C'est un art comme un autre mais il est ancestrale. La musique est née en même temps que le monde avec le bruissement de l'eau et le vent, elle était là à la naissance de l'Homme. C'est presque mystique tellement la musique est là pourtant, en tout temps et en tout lieu.

- Houla, je ne voulais pas provoquer la littéraire, s'amusa le brun en finissant sa pomme. Je te demandais simplement une réponse, pas une thèse de dissertation tu sais ?"

Élodie du contenir son rire, nullement outragé mais bel et bien amusé. Elle n'était pas idiote au point de n'avoir pas remarqué l'attention de Thibault à chacune de ses paroles. Le brun avait faussement l'air désintéressé de tout et ça en devenait comique.

- "Enfin bref, reprit la jeune femme en buvant une autre gorgée, le présent n'aurait jamais pu être ce qu'il ai sans le passé. Pour la musique c'est pareil. Je pense qu'il est important de ne jamais oublier ce qu'il s'est passé parce que c'est une mine de savoir, d'essais sur lesquels repose notre société. Il est important de mettre en avant la musique ancienne, parce qu'elle est la base de celle d'aujourd'hui et celle de demain.

- Un peu comme un devoir de mémoire ? résuma le brun, son sourire disparu pour une mine plus concentrée."

Élodie hocha la tête.

- "Et pour ton violon, c'est pour quoi que tu en joues ?"

La jeune femme se tendit sous le regard observateur du brun. Sujet sensible, pensa-t-il simplement. Mais il l'avait déjà plus ou moins compris.

- "Tu es douée, c'est évident, reprit-il pour tenter de calmer Élodie. Mais ce n'est pas ton cœur qui joue, ou plutôt, c'est lui mais emprisonné. C'est très discret, mais je l'ai entendu. Ton violon pleure quand tu en joues."

Élodie fixa Thibault qui ne la lâcha pas du regard en retour. Les épaules de la jeune femme étaient tendus, légèrement voûtées. Son sourire avait quitté ses jolies lèvres et le brun maudit son manque de tact. Ça n'avait jamais été son fort mais ça ne s'améliorait pas.

- "Je ne suis pas encore prête à en parler pour le moment."

Le brun sourit doucement en réponse à son amie. Il l'avait comprit dès le début mais c'était flagrant en cet instant ; Élodie était l'image de la femme un peu simplette mais pourtant pleines de rebondissements si l'on regardait avec assez d'attention. Il sourit une nouvelle fois.

- "Tu connais la bibliothèque de la ville ?

- J'y vais de temps en temps, pourquoi ?

- J'ai rencontré quelqu'un qui y travaillait en t'attendant. Je penses que j'irais y faire un tour.

- Tu veux que je t'y emmène ?

- Ça ira merci."

Élodie sourit. Le mystère que laissait volontairement planer Thibault était forcé. C'était une manière de lui dire que lui aussi avait ses craintes et ses blocages. Et la jeune femme le remerciait silencieusement de son attention.

Thibault raccompagna finalement Élodie à la porte alors qu'ils se quittaient. L'après-midi avait été agréable et douce. C'était plaisant.

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