Chapitre 3

- tu es disponible cette aprèm ? Je dois te jouer un morceau après tout.
11h48

- Je ne connais même pas ton nom, je ne vais pas pouvoir :(
11h49

- Des choses à faire ?
11h49

- Oui, je vais voir mon père, je ne sais pas combien de temps ça va durer.
11h50

- Et maintenant ?
11h50

- Je travaille.
11h50

- En me parlant ? Pourrait être plus sérieuse.
11h51

- Je suis libre demain à midi.
11h52

- À demain alors, midi devant la mairie ?
11h53

- Midi devant la mairie.
11h53

- Thibault :)
11h53

Élodie sourit en rangeant son téléphone dans sa poche. De nouveaux clients entraient dans le café où elle travaillait. Son petit temps de latence était terminé. Elle continua son rôle qu'elle avait commencé à six heures et qu'elle terminait dans une heure.

L'heure du midi était toujours celle du rush. Ça plaisait étrangement à Élodie. Elle s'était reposé ce week-end et était d'attaque en ce lundi. Plus honnêtement, elle dirait qu'être sans cesse demandée lui permettait de ne pas penser.

Pas penser à la visite de cette après-midi à l'hôpital. Voir le brun d'hier soir paraissait beaucoup plus attrayant que cette endroit beaucoup trop blanc, trop froid, puant la mort et le désinfectant.

A la fin de son service, elle se dépêcha de sauter dans un train pour le cours de treize heure trente à quatorze heure trente. Son université était juste à côté alors elle pouvait se permettre de travailler juste avant. Assise dans le métro, elle mangea le sandwich acheté à son travaille. En quinze minutes, elle était à la station 5 qui se trouvait à deux rues de son établissement. Elle marcha rapidement pour l'y rejoindre et ne pas avoir les places tout devant.

Élodie arriva à treize vingt et reconnu Allan qui lui avait réservé une place à ses côtés. La jeune femme salua ses amies en passant et s'écroula sans grâce sur sa table en y laissant tomber son gros sac gris. Elle salua rapidement Allan qui se moquait gentiment de son apparence de femmes d'affaires.

Mme Rusulo arriva tout de suite après et le cours commença.

Ce ne fut que lorsqu'elle en fût sortit que la course reprit. Elle quitta ses amis et se dirigea de nouveau vers la station de métro. Elle descendit deux arrêts plus loin à la station 3 et finit à pied le trajet jusqu'à l'hôpital.

Élodie soupira un grand coup avant d'entrer. Ça ne lui plaisait pas d'être ici mais elle le devait bien. Enfin, sa mère la reprimandait avec assez de force pour qu'elle comprenne bien qu'elle devait venir. La jeune femme soupira à nouveau mais entra dans le bâtiment trop blanc.

Elle n'avait plus besoin de demander à l'accueil le moindre renseignement. Ses pas la menèrent avec habitude vers l'étage des hospitalisations et ne s'arrêtèrent que devant une porte précise. Élodie toqua puis entra dans la même seconde.

Règle n°3 : Les personnes qui gravitent autour de nous tournent autour d'autres et autour d'elles-mêmes. Comme les planètes autours du soleil, chacune a plusieurs fasses, une dans l'ombre, une mise sous la lumière. Ne jamais croire que l'on connaît parfaitement une personne.

- "Salut papa, comment tu vas ? demanda Élodie en prenant place dans le fauteuil mitoyen au lit.

- Bien, merci. Le nouveau traitement fait déjà effet. Je me sens super bien."

La jeune femme lui sourit, mais c'était fade. Elle sourit à cet homme dans la cinquantaine, au visage fatigué et blanchâtre. Son père était quelqu'un d'assez corpulent mais il paraissait minuscule dans cet univers trop blanc. Différentes machines imposantes étaient reliées à lui.

- "Tu pourras sortir bientôt ?

- Les médecins m'ont dit qu'ils me laisseraient partir la semaine prochaine si tout va bien.

- C'est une bonne nouvelle. Maman sera là ?

- Elle devrait rentrer en fin de semaine, mais tu sais combien elle est occupée.

- Oui."

Oui Élodie le savait plus que bien. Elle garda cependant ça pour elle.

- "J'ai apporté des fruits, je connais pas assez les fleurs pour t'en apporter. Tu veux que je t'en prépares ?

- Avec plaisir."

Élodie se contenta d'hocher doucement de la têteà son père. Elle sortit un petit plateau de fruit qu'elle avait acheté juste avant de venir. Une belle pomme fut sortie du panier qu'elle vint éplucher entre ses doigts fins. La jeune femme avait ramené tout ce dont elle pourrait avoir besoin. Les quartiers du fruit furent coupés et elle les tendis à son père.

- "Merci ma chérie, qu'est-ce que je ferais sans toi."

De nouveau, Élodie lui sourit simplement et continua à lui donner les morceaux de fruit.

- "Il faut que tu reprennes des forces, tu pourras peut-être sortir plus vite comme ça. Je vais essayer de repasser à la maison pour ranger ce qui doit l'être et refaire les draps."

Son père acquiesça.

- "Tu n'as pas pris ton violon ?

- Non, je sors d'un cours et j'étais au travaille avant. Je n'ai pas pu l'emmener.

- Quel dommage, j'aime tellement t'écouter en jouer. Je suis déçu de ne pas avoir pu venir te voir lors de l'audition, ta mère aussi d'ailleurs. Mais que veux-tu, c'est la vie.

- Ce n'est rien, assura Élodie en s'essuyant les mains, je l'emmènerais la prochaine fois, promis."

Dans cette histoire, c'était Élodie qui était déçue.

Elle resta peut-être une heure supplémentaire avant de quitter son père. Le téléphone de son paternel avait sonné à ce moment là et Élodie l'avait laissé. Pourtant, adossé contre la porte trop blanche, elle entendit distinctement les mots de son père.

- "Oui elle est venue, on a bien discuté, c'était super. J'ai hâte de rentrer...."

Élodie partit. Elle était intelligente, sans besoin d'en entendre plus. C'était pourtant douloureux de voir combien sa mère ne lui faisait pas confiance même pour un sujet aussi important que sa famille. Sa génitrice n'en avait jamais trop eu grand chose à faire d'elle, Élodie le savait depuis toujours.

Elle sortit de l'hôpital fatiguée, surtout émotionnellement. La jeune femme hésita un instant à appeler Amélie pour qu'elle vienne la chercher et lui éviter la peine du métro. Mais sa meilleure amie devait être avec son amant en ce moment, elle ne voulait pas la déranger. Alors elle pris son mal en patience et se dirigea vers la station 3, pour descendre à la 8.

Il était déjà dix-sept heure et le crépuscule tombait. Le ciel teinté d'un dégradé flamboyant observa en silence Élodie rentrait chez elle.

Élodie se prépara à sortir du métro. Elle arriva devant la mairie à midi moins dix et profita du soleil pour attendre assise sur les marches de granit.

Thibault ne devrait pas tarder, sauf s'il était une Amelie bis. Élodie ne le voyait pas forcément comme ça mais ce n'était pas grave pour elle. Elle attendrait si besoin. Ce gars brun était devenu une sorte de mystère pour elle et elle se fascinait à vouloir en apprendre plus sur lui.

A commencer par sa musique. Elle ne savait même pas de quoi il jouait, s'il jouait d'un instrument d'ailleurs.

Rectification, Élodie ne savait trop rien de lui.

Le gars était assez intelligent pour planifier un rendez-vous en public avant de se voir chez lui. C'était malin étant donné qu'ils ne s'étaient vus qu'une soirée en étant pas tout à fait sobres. Il était important de rester prudent dans ces circonstances et Élodie était heureuse que ce soit Thibault qui est pris les devants et pas elle.

Élodie sourit en voyant une tête brune apparaître au coin d'une rue. Emmitouflé dans cette grosse écharpe verte et dans ce long manteau noir, la jeune femme le trouva honnêtement beau.

Arrivé à sa hauteur, le jeune homme lui sourit.

- "Tu es comme dans mes souvenirs.

- Je suis contente de voir que tu n'étais pas en fait un vieux rendu jeune par l'alcool."

Thibault s'amusa seulement du répondant d'Élodie tandis qu'elle se relevait.

- "Si tout est bon, on y va ?"

Sur un hochement de tête en accord, ils partirent ensemble sous le ciel bleu.

Thibault habitait au dessus d'un restaurant asiatique. Élodie apprit plus tard que c'était là que travaillait l'oncle du jeune homme. Son appartement était assez grand, très lumineux et calme. Il donnait pourtant sur une rue marchande animée qu'on pouvait voir des grandes vitres de l'endroit. Le brun l'invita à s'assoir dans le salon le temps qu'il prépare un café.

- "Tu vis seul ? demanda Éloïse en recevant une tasse fumante.

- Non, j'habite avec mon oncle. J'ai eu des différents avec mes parents et pour certaines raisons je ne peux pas encore m'assurer tout seul."

Thibault s'assit dans le fauteuil en face du canapé, sirotant lui-même son café.

- "Ta famille est originaire de la région ?

- Non, je viens de l'Ouest, mon oncle est le seul à s'être éloigné pour venir en ville.

- Passer de la campagne à la ville ne t'as pas trop fait bizarre ?

- Non, ça a été."

Sujet clos, Élodie se tut en observant les yeux onyx du brun devant elle. Thibault bu une autre gorgée avant de planter son regard dans celui de son vis-à-vis. Un petit sourire amusé peint ses traits alors qu'il s'adossa confortablement dans le fauteuil brun.

- "On s'y met ?

- Volontiers."

Élodie avait son attention fixée sur le personnage atypique devant elle. Rencontré complètement bourré sur le sol, vu se battre et revu sur la simple idée que Thibault devait lui rendre son morceau de musique, le hasard était parfois bien surprenant. La jeune femme n'y pensa pourtant pas. Tout était fluide, agréable et honnêtement ressourçant. Elle n'avait pas envie de chercher plus loin.

Le jeune homme brun sortit une mallette de sous la table basse en bois entre eux. C'était une longue boîte noir. Et comme si elle était la boîte de Pandore, Éloïse ne put détourner le regard de son ouverture captivante.

Les coïncidences étaient fascinantes. Élodie se permit d'être quelque peu chamboulée et surprise en y découvrant une flûte à bec. Peinte en un noir anthracite virant sur le gris, l'objet était finement décoré de motifs dorés. La jeune femme observa le brun la porter à sa bouche dans un premier son qui servait d'essais.

Élodie retenu son souffle, fasciné par le simple son qui résonna dans l'air. Son regard croisa celui amusé de Thibault qui ne la quitta pas des yeux une seconde.

La musique commença alors.

L'air vibra et son cœur manqua un battement. Tant et si bien que ses yeux ne purent se détacher des longs doigts fins qui appuyaient sur les différents trous de la flûte. Ils semblaient enchantés, voletant d'un emplacement à un autre de manière fluette et fluide. Le son était mélodieux, tellement profond.

Thibault avait fermé les yeux. Il bougeait au rythme de sa musique, concentré sur son souffle. C'était si prodigieux que la jeune femme vit en l'instrument la continuité naturelle et corporelle du brun.

Les trois minutes suivantes semblèrent être les plus rapides de la vie d'Élodie. Tant et si bien qu'elle ne les remarqua qu'à l'arrêt de la musique.

Thibault baissa sa flûte tandis que ses yeux sombres cherchaient ceux de Mélodie. Cette dernière inspira un grand coup pour remettre de l'ordre dans son esprit.

- "C'était magnifique, commença-t-elle sans souffle. Mais tellement triste.

- Je me suis calqué sur ce que tu m'as joué ce soir là. Ta musique était touchante.

- Tu trouves ? Je la voyais plutôt apaisante.

- A l'origine oui, mais ton interprétation la rendait plus profonde. La musique ça se joue avec l'âme, et ce n'est pas simplement de la poésie, c'est un fait. Ton état émotionnel traduit du message que tu vas faire passer, et ce soir là, tu as véhiculé de la tristesse."

Élodie se remettait toujours de sa transe féerique où la musique l'avait emportée. Les mots de Thibault étaient beau et sa façon de voir les choses poétiques. La jeune femme se laissa le temps dy repenser en s'asseyant plus confortablement dans le canapé.

Finalement, un rire lui échappa après un long sourire méditatif.

- "Tu es incroyable. N'espéres pas pouvoir te débarrasser de moi maintenant.

- J'imagine que ça veut dire qu'une prochaine fois s'impose, s'amusa Thibault en rangeant l'objet inanimé qu'il avait rendu débordant de vie.

- Évidemment."

Sur un sourire complice, les deux jeunes gens savaient que c'était ici le début d'une histoire aussi particulière que leur rencontre.

Parce que les choix qui dirigent notre vie se croisent inexplicablement avec d'autres. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top