Chapitre 13 : Observe-nous
Élodie courrait dans tous les sens. La panique comme plus proche amie alors qu'elle sortait enfin du dédales de couloirs blancs. L'hôpital dans son dos, la jeune femme se précipita vers la ligne de métro.
L'oncle de Thibault l'avait appelée pour lui expliquer la situation. Le brun était parti de l'appartement sans laisser de traces. Et évidemment, il n'avait pas pris son téléphone. C'était pourtant grâce à cet oubli que son oncle avait pu joindre Élodie qui y était enregistrée.
Le propriétaire du restaurant asiatique lui avait dit que ce n'était pas la première fois que Thibault s'enfuyait. Mais généralement, il revenait dans les deux heures qui suivaient. Le brun n'était pas un idiot, il savait que lorsque son état était instable, mieux valait qu'il reste accompagné. Alors il revenait toujours rapidement, dès qu'il s'était calmé un minimum.
Cependant, ça faisait déjà cinq heures depuis qu'il avait quitté l'appartement en courant. Et son oncle laissait paraître dans sa voix une panique évidente. Élodie se doutait que la situation était bien plus mauvaise que d'habitude. L'homme plus âgé le confirma en lui avouant que Thibault était rentré au plus mal la veille et que le choc de ce matin avait dû faire exploser le vase.
Il avait donc demandé à Élodie si elle pouvait le contacter aux moindre signes de Thibault. S'ils ne le trouvaient pas dans l'heure suivante, il appellerait la police. La jeune femme promit de tout mettre en œuvre pour le retrouver de son côté. L'oncle de son ami la remercia dans un souffle tremblant avant de la laisser.
Élodie se jeta dans le métro.
Elle ne savait pas toute l'histoire, c'était évident. Celui qui s'occupait de Thibault était resté très vague par moment, notamment au niveau de l'événement de ce matin. Élodie ne savait pas ce qu'il avait pu se passer mais son oncle semblait s'en sentir coupable. Peut-être s'étaient-ils disputés ? La jeune femme en doutait.
Du peu qu'elle en avait vu, Thibault et son oncle s'entendaient vraiment bien. Elle avait du mal à les imaginer se disputer au point que le brun s'en aille. Quoique, si le jeune homme était au plus mal il avait pu perdre pied rapidement.
Élodie soupira sur son siège. Ça ne faisait que dix minutes qu'elle était au courant et déjà son cerveau était en surchauffe. Ça ne servirait à rien d'essayer de trouver le pourquoi du comment. Tout ce que la jeune femme devait faire était de retrouver Thibault. Pour ça, ses cours de l'après-midi pouvaient bien aller au diable. Élodie avait ses priorités.
Elle commença ses recherches par la place de la mairie. La jeune femme comptait retracer tous les endroits où elle était allée avec lui. Mais Élodie ne trouva rien.
Sa prochaine destination fut le Coffee book. Elle demanda à la patronne si elle l'avait vu mais ça faisait longtemps qu'il n'était pas venu selon elle. Thibault n'était pas là.
Élodie passa aux différents parcs où ils s'étaient promenés. Puis aux cafés où ils s'étaient arrêtés. Elle repassa dans les rues animées de la ville, puis par celles plus tranquilles. Les secondes défilaient, les minutes s'enchaînaient et les heures se fânaient. Le soleil avait déjà entamé sa descente depuis un moment.
Élodie s'asseya sur un banc pour reprendre son souffle. Il était déjà dix-sept heures et toujours rien. Elle avait fouillé tous les endroits où ils étaient allés. La jeune femme était même retourné au bar où ils s'étaient rencontrés. Elle les avait revu, sous la Lune un soir froid, les yeux onyx plantés dans les siens. Mais rien, Thibault n'était nulle part.
Son oncle l'avait rappelé pour l'avertir que les forces de l'ordre avaient été prévenus. Élodie lui avait demandé de la tenir au courant de la moindre avancée des recherches. Son téléphone était tristement calme depuis. Sa ville était grande mais pas immense, rien qui ne demandait une demie journée pour la fouiller de fond en comble. Pourtant, le brun n'avait toujours pas été aperçu.
La panique monta encore d'un étage. Élodie gémit pitoyablement sur son banc. Elle avait le visage rouge et ses cheveux complètement désordonnés dans son chignon fait à la va-vite. Elle n'avait pas arrêté de courir. Et à chaque endroit où Thibault n'était pas, c'était son cœur qui se serrait un peu plus.
Élodie était athée. Mais en cet instant, elle priait toutes les forces pour que son ami aille bien. Elle-même était désespérée.
Le temps que son souffle se calme, une brise de vent fit siffler les arbres. Les yeux verts d'Élodie observèrent les feuilles virevoleter. C'est alors qu'elle se souvint ; Thibault lui avait parlé de ses venus à la bibliothèque de la ville. La jeune femme n'y était pas encore passée. Elle se leva aussitôt et couru jusqu'au centre ville.
C'était sa dernière chance. Élodie priait pour y trouver le brun, ou au moins un indice. Elle se souvint que Thibault lui avait parlé d'un certain Yamine y travaillant, peut-être que lui saurait où se cachait le brun. La jeune femme pria pour que ce soit le cas.
Élodie arriva à la bibliothèque à peine dix minutes avant sa fermeture. Elle se permit une micro pause histoire de reprendre son souffle avant d'y entrer précipitamment. La jeune femme passa devant l'accueil et fit le tour des lieux. Elle fouilla tout le rez-de-chaussée et passa à l'étage. Ses yeux verts se posèrent sur les rangées de CD que Thibault avait du observer lui-même.
Mais elle n'avait toujours aucune trace du jeune homme. Un nouveau pincement au cœur la pris mais il lui restait une chance. Elle redescendit et se précipita vers l'accueil. Une vieille femme à l'air doux se rapprocha rapidement d'elle. Sûrement que l'air paniqué sur le visage d'Élodie l'avait inquiétée.
- "Bonsoir mademoiselle, je peux faire quelque chose pour vous aider ?
- Oui s'il vous plaît. Je voudrais savoir si un de vos collègues serait toujours là. Un de nos amis en commun à des problèmes et j'espérais qu'il puisse l'aider, supplia Élodie.
- Donnez moi son nom, je vais tout faire pour vous aider, assura la vieille femme en essayant de calmer son vis-à-vis.
- Il s'appelle Yamine."
Le long silence qui s'en suit donna un frisson à Élodie. Un certain malaise pris place tandis que le regard de la dame voyagea entre elle et ses collègues à côté. Le silence se prolongea et la vieille femme ne savait apparemment pas où se mettre.
- "Excusez moi mademoiselle, mais il n'y a jamais eu de Yamine ici."
Élodie était rentrée complètement épuisée ce soir là
Élodie était rentrée complètement épuisée ce soir là. Elle avait cherchée toute la journée, sans s'arrêter une seconde. Thibault était encore introuvable, autant par elle que par la police qui avait fait choux blanc.
Les émotions tournoyaient en elle comme une tornade incontrôlable. Élodie se sentait coupable, terriblement inutile et horriblement paniquée et stressée. La simple pensée que Thibault pouvait être blessé et peut-être agonisant quelques part l'angoissait au point de lui tordre les intestins.
Elle avait été incapable de dîner, encore moins de s'endormir. Élodie avait tenté de se coucher, se berçant avec la pensée qu'elle dormait pour mieux pouvoir chercher le lendemain. Mais rien n'y faisait, son cerveau marchait à plein régime et elle ne pouvait pas l'arrêter.
Élodie s'était levée au final pour attraper son violon. Elle espérait pouvoir y défouler sa frustration et son angoisse. Peut-être aussi y trouver le réconfort d'antant avec Marc qui continuait à vivre dans cet instrument et ses souvenirs.
Mais rien n'y faisait. Le son qui sortait de son violon était agressif, miséricordieux et insupportable à écouter. C'était d'un tel désespoir qu'Élodie avait l'impression que c'était devenu elle qui pleurait et non son instrument qui chantait
Jusqu'à ce qu'une de cordes se casse.
Ce fut le déclic pour la jeune femme. Son violon tomba de ses mains pour finir sur ses genoux. Ses yeux verts contemplèrent cet objet inanimé.
Un gémissement de frustration envers elle-même la quitta tandis qu'elle se levait. Elle écarta le violon au profit d'un étui plus petit. Élodie s'habilla d'un pantalon large et d'un long manteau noir par dessus des couches et des couches de vêtements.
Il devait être cinq heures du matin quand la jeune femme sortit de son appartement. Le soleil commençait timidement à chasser le ciel sombre. Les oiseaux ne chantaient pas encore la nouvelle journée. Pourtant, on pouvait entendre ce matin là une mélodie douce et apaisante.
Cette mélodie traversait les rues, les routes. Elle ne s'arrêtait pas. Le son n'était pas très fort, facilement obstrué par le vent. Alors là joueuse de flûte à bec redoubla d'effort pour que sa musique résonne dans chaque coin de rue.
Élodie continua sa mélodie jusqu'à l'orée de la forêt. Cette dernière entourait une partie de la ville. Le soleil se levait doucement mais les arbres restaient enveloppés sombrement. La jeune femme pris une grande inspiration et s'y lança. Elle ignora la peur, le froid et la fatigue qui la faisait trembler. Ses lèvres continuaient à serrer la tête de sa flûte et son souffle à en créer le son. Ses doigts luttaient pour bouger mais ils le faisaient.
Élodie joua de la flûte. Elle suivait le chemin tracé dans la forêt. Jusqu'à ce qu'elle s'en éloigne. Si elle continuait à le suivre elle ne pourrait pas couvrir toute la forêt avec sa mélodie. Hors, elle le devait.
Alors elle s'enfonça parmi les orties et les branches qui la faisait tomber. Mais elle se relevait encore et encore, continuant sa musique. Bientôt, même les oiseaux la rejoignirent lorsque les rayons froids du soleil chassèrent les ténèbres.
Élodie trébucha sous la fatigue et roula sur plusieurs mètres parmi les épines. Elle était toute griffée mais se releva quand même. Son souffle était saccadé et pourtant elle reprit aussitôt sa mélodie.
Si Thibault avait bien voulu lui confier un secret c'était celui ci ; la musique était ce qui le calmait. Élodie n'était pas sûr d'être à la hauteur. Mais si d'une manière ou d'une autre elle pouvait aider le brun, elle le ferait. Si elle pouvait apaiser la dureté de son existence, elle n'hésiterait pas une seconde.
L'oncle de Thibault avait fini par lui avouer la vérité au sujet de son filleul. Il avait cédé sous la panique que lui transmettait Élodie, même s'il aurait préféré que son protégé le lui dise en personne.
Thibault était schizophrène. Il faisait des crises et avait des hallucinations malheureusement régulièrement. Les médecins avaient encore du mal à lui trouver un traitement parfaitement adapté. Et comme tout les schizophrènes, le brun n'était une menace pour personne sinon lui-même. Élodie avait revu les images des poignets bandés du brun et comprit mieux. Elle s'était toujours douté de quelque chose dans ce genre là, mais pouvoir poser un nom dessus l'avait soulagée.
Élodie s'était promis de le retrouver pour le remercier. Parce que Thibault lui avait fait assez confiance pour lui avouer la seule thérapie qui fonctionnait sur lui, une partie de son secret ; sa musique. Et c'était grâce à lui si Élodie pouvait aujourd'hui rejouer de la flûte.
La jeune femme pleurait depuis longtemps déjà. Elle dû faire une pause dans sa musique pour essuyer ses larmes qui brouillaient sa vision. Un frisson la pris lorsque le vent vint caresser son corps épuisé.
Élodie ferma les yeux. Elle l'avait sentie ; le vent n'était pas le seul à être revenu.
Des bras aussi tremblants que les siens virent l'attraper pour la presser contre une silhouette plus grande. Un fin sourire épuisé mais rassuré pris les lèvres d'Élodie d'assaut. Son dos se relâcha contre le torse qui le soutenait dans l'étreinte offerte. Elle glissa sa flûte dans les poches de son long manteau pour pouvoir poser ses mains sur les avants bras qui l'entouraient.
Un petit grognement mécontent lui échappa quand elle sentit un liquide chaud et gluant sur la peau. Mais elle passa outre et se contenta de serrer doucement ces poignets plus larges que les siens.
- "Tout va bien Thibault, je suis là."
Les tremblements dans son dos se calmèrent petit à petit. Élodie en profita pour humer tendrement les mèches brunes qui tombaient sur son épaule. Ça sentait la forêt et le bitume mouillé. Le jeune homme était blessé mais il était saint et sauf. Il était avec elle, à ses côtés.
Il était en vie.
Ça suffit pour qu'une dernière larme ne coule sur le visage d'Élodie. Cette fois ci c'était le soulagement qui l'avait décrochée.
- "On rentre à la maison ? chuchota-t-elle en souriant, ses yeux se rouvrant doucement sur la forêt à l'Aube.
- Oui, je suis fatigué."
Les deux corps se décollèrent et se retournèrent pour se faire face. Ils étaient tous les deux dans un sale état, mais ils souriaient.
Élodie tendit sa main et le brun l'accepta. C'était seule qu'elle était venue le chercher, et c'était à deux qu'ils revenaient.
Peut-être que la magie avait un autre pouvoir que celui d'apaiser les mœurs ; celui de rassembler les cœurs.
Peut-être que la magie avait un autre pouvoir que celui d'apaiser les mœurs ; celui de rassembler les cœurs
- "C'est fini maman, c'est ce que je suis venue te dire. Je ne sais même plus si c'était correct pour moi de continuer à t'appeler maman quand tout ce que tu voyais en moi était un défouloir pour ta jalousie. Oui je suis heureuse et oui j'ai le droit de l'être. Toi aussi. Alors fais toi soigner, aider, ou ne fais rien. Mais sache que tu as déjà trop fait de mal. Moi, je pars.
- Espèce ingrate ! C'est comme ça que tu nous remercie ton père et moi pour ce qu'on a fait pour toi ?"
Le regard d'Élodie voyagea entre son paternel alité qui ne réagissait même plus et sa mère furibonde.
- "Non, je suis pas ingrate mais réaliste. Il serait temps que tu le sois aussi, souffla-t-elle en fermant les yeux. Maintenant, je vous remercie pour tout et vous dis au revoir."
La jeune femme ne donna pas un regard en arrière malgré les cris de sa mère. Elle ferma la porte derrière elle et continua son chemin. A chaque pas, son cœur devenait plus léger. Élodie avait enfin l'impression d'être réellement libre. C'était la fin de sa souffrance silencieuse sous le traitement injuste de sa mère.
Sa sortie de l'hôpital sous un beau ciel bleu signa une autre fin ; celle de son histoire avec Marc. Elle le savait maintenant, son deuil était fini. Sa relation avec le jeune homme blond aura été magnifique. Toute sa vie, elle la chérira comme un trésor. Mais il lui restait toute sa vie devant elle, alors elle continuerait à avancer.
Ses yeux verts tombèrent sur Amélie et Yann qui l'attendaient sur le parking.
- "Nouveau départ ? murmura la blonde en sortant du véhicule pour câliner son amie.
- Nouveau départ, assura Élodie en chassant un sanglot."
Ils prirent la voiture jusqu'à un grand bâtiment élégant en centre ville. Ils y entrèrent tous les droits et prirent place dans les sièges confortables. Le couple et Élodie s'installèrent devant une grande scène aux rideaux encore fermés.
- "Tu as la pression ? chuchota Amélie en lui donnant un coup de coude amicale auquel Élodie rigola.
- Un peu, mais ça va."
La salle tomba dans le noir alors que les projecteurs tombaient sur la scène.
Les auditions professionnelles débutèrent alors. Différents musiciens s'enchaînaient sous les projecteurs. Élodie se leva au bout d'un moment, c'était bientôt son tour. Elle rejoignit les coulisses et déballa son instrument. Sa belle robe noire brillait doucement dans l'obscurité, en écho à un costume sobre qui venait d'arriver.
- "J'ai cru que tu allais encore être en retard, taquina Élodie en vérifiant une dernière fois son équipement.
- Moi ? répondit une voix offusquée. Jamais enfin."
La jeune femme leva les yeux au ciel alors qu'ils étaient appelés sur scène. Son cœur s'accélèra et son souffle se coupa.
- "On y va ? chuchota doucement le jeune homme.
- On y va, confirma Élodie, rassurée de ne plus être seule."
Le rideau découvrit une nouvelle fois la scène où se tenait maintenant de jeunes adultes. Un homme et une femme, regardant fièrement le public. Le signal fut donné et deux flûtes à bec se levèrent en même temps.
Un regard onyx et un vert se croisèrent pendant que la musique les entourait. Ils s'étaient trouvés comme deux étoiles solitaires dans une même galaxie. Maintenant, ils brillaient tellement prêt l'un de l'autre qu'on les confondait. Et ils scintillaient tellement fort qu'il n'y avait plus de place pour les ténèbres dans leurs cœurs.
Ils rayonnaient ensemble pour l'autre.
Élodie sourit doucement à Thibault, essoufflée après la représentation. Elle n'était pas encore prête pour s'engager de nouveau dans une relation. Mais elle le savait, un jour elle le serait et alors à ce moment là, le brun l'attendrait avec son habituel sourire doux.
C'était leur mélodie éternelle. Et la Élodie éternelle de Thibault.
Les règles, toujours des règles, c'est épuisant. L'amour est bien plus intéressant. C'est un sentiment étrange si on y pense ; une sorte de drogue qui met sur un piédestal un être avec qui on se voit découvrir le monde, affronter les défis de la vie, et surtout une personne avec qui on veut vivre le bonheur d'être deux. L'amitié, l'amour, au fond ce n'est que des formes d'attachements. L'Homme en a besoin pour vivre. C'est ce qui le fait vibrer, un peu comme la musique. L'Homme serait une corde de violon, une touche de piano ou une encoche de flûte. Peut importe en vérité ce qu'il est. Il vit, c'est le plus important. En vivant, il a la possibilité de voir, de créer, et d'éveiller le Monde qui l'a fait naître, le tout baigné dans l'amour si possible. Le vrai luxe n'est pas ce que l'argent peut donner mais ce que l'amour peut offrir.
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