J'ouvre, tout d'un coup, les yeux. Mais je ne reconnais en rien l'endroit où je me trouve. Je fais un tour sur moi-même pour explorer le paysage.

C'est un espace gris clair, sombre, ténébreux, avec quelques arbres, à moitié mort, tout autour. On dirait qu'ils forment un cercle. Ils m'entourent et j'ai l'impression d'être leur prisonnière. Ils sont immenses, gigantesques et leurs branches s'entremêlent. Je reste ébahie. Je continue à contempler cet endroit à la fois étrange et magique.

Dans des circonstances normales j'aurai paniqué mais après tout, je ne suis pas normal...

Je tourne toujours et pousse un cri de surprise quand je remarque qu'une femme vient de se matérialiser à quelques mètres de moi.

Je la vois de dos. Elle est grande et mince (elle a un corps parfait quoi), sa robe longue est blanche avec de la dentelle partout. Ses manches lui retombent magnifiquement sur ses bras fins. Ses cheveux blonds, presque blancs, sont ramassés en un chignon sophistiqué.

Autant vous dire qu'elle avait l'air d'une véritable déesse, surtout à côté de moi...

Elle se retourne et je recule de quelques pas. Par peur ? Non. Mais c'est plutôt quelque chose d'instinctif. Je ne la connais pas. Je ne sais pas non plus où je suis. J'ai de quoi m'inquiéter non ?

Mais une poussée d'adrénaline me pousse à m'avancer vers elle en tendant ma main. Je veux qu'elle soit réelle. Que ce ne soit pas un démon qui me joue un tour. Je tends ma main vers son magnifique visage et elle est bien réelle. Elle sourit et me regarde comme si j'étais la lune.

- Qui êtes-vous ? je lui demande au bout d'un moment.

- Luciana, me dit-elle doucement tout en continuant de me contempler.

Je la regarde de tout son long. Je n'arrive pas à y croire. Les larmes me montent vite aux yeux. Et je retiens d'exploser de joie.

Ma mère. Ma véritable mère. Celle qui m'a mise au monde est en face de moi. Je n'aurais jamais cru que ma mère puisse être aussi belle et jeune. Mais j'arrête immédiatement de penser et je la prends dans mes bras :

- Je suis si heureuse de te rencontrer ! Enfin ! je m'écris.

- Moi aussi, ma chérie, tu ne peux pas savoir à quel point tu m'as manqué. Tu es si grande et si belle. Tu ne peux pas savoir le mal que cela m'a fait de te voir mais de ne jamais pouvoir te prendre dans mes bras, de humer ton parfum et de te dire « Je t'aime »...

- Moi aussi, je t'aime, maman !

Nous restons enlacées un moment avant qu'elle ne recule et ne prenne son air plus sérieux à mon grand regret.

- Écoute Diana, je n'ai pas beaucoup de temps pour tout te raconter et répondre à toutes tes questions, mais sache que sur la Terre tu as perdu conscience, mais que tu n'es pas dans le monde du rêve. Tu es, en ce moment et avec moi, dans l'Entre-Deux. C'est-à-dire que c'est un monde où tu peux communiquer avec les personnes de sang magique.

- Raphaël..., je murmure tout doucement.

« C'est donc dans l'Entre-Deux que j'ai croisé Raphaël pour la première fois ! Mais... Comment savait-il que j'étais un être magique ? »

- Oui ? m'interroge Luciana.

- Quoi ? je dis en reprenant mes esprits. Euh... Non rien.

- Si tu le dis... Maintenant quelles sont tes questions ?

Je prends une grande inspiration et je commence à trier mes idées car il y a tellement de chose que j'aimerais demander à ma mère.

- Pour commencer déjà, qui était cette fille, qui est venue chez moi, me planter cette seringue ?

- Ah... euh... Je crois qu'elle n'y est pas allée de main douce n'est-ce pas ?

- Pas du tout même ! Elle m'a plaquée au sol et m'a planté une seringue avec je-ne-sais quel liquide à l'intérieur et j'ai perdu connaissance ensuite.

- C'était Liya. C'est une de mes plus fiables élèves.

- Élève ? je lui demande abasourdie.

- Oui, je suis devenue l'une des professeur les plus réputée d'Endora. Tous les parents de petits êtres magiques de la région veulent inscrire leurs enfants dans mon établissement maintenant.

- C'est super ça ! Et tu es sûr que c'est bien elle qui est venue chez moi ?

Elle rigole.

- Oui ! Ne t'inquiète pas, je l'ai surveillée, c'est bien elle. C'est sûr qu'elle est spéciale mais elle est adorable.

- Si tu le dis...

- Tu as d'autres questions Diana ?

Je réfléchis un petit peu et je continue :

- En parlant de « Diana », pourquoi m'appelles-tu comme ça ?

Je ne préfère pas lui révéler l'histoire des papiers d'Arittan. Je ne sais pas si elle est au courant mais je tiens à garder ça pour moi.

- Diana est ton vrai prénom. Mais comme je te l'ai dit dans la lettre, j'ai dû changer ton apparence ainsi que ton prénom pour te protéger...

- Et je t'en serai infiniment reconnaissante ! D'ailleurs est-ce que je pourrai voir à quoi je ressemble ? En vrai..., je lui supplie.

- Bien sûr, mais avant sache que... En fait non, tu verras par toi-même, conclut-elle d'un revers de la main.

Elle lève les bras et je sens, tout d'un coup, mon corps se métamorphoser. C'est vraiment étrange comme sensation. J'ai l'impression de me dissoudre et de me recoller. C'est vraiment bizarre mais c'est plutôt agréable malgré tout.

Ma mère fait apparaitre un grand miroir mais elle me cache les yeux avant que je n'ai pu me voir.

Je tremble tellement, je ne suis pas bien. Dans quelques secondes je saurai qu'elle est ma véritable identité. Ma mère me fait un compte à rebours :

- Trois...deux...un... Voilà !

Elle retire ses longs doigts fins de mon visage. Je reste bouche bée quand j'observe mon reflet dans le miroir.

J'ai les cheveux couleur de jais. Ils sont très longs (ils m'arrivent au bas du dos) et lisses. Mon visage ressemble énormément à celui de ma mère. Mon corps, lui, est un peu plus musclé que d'habitude.

Je m'approche encore plus mais j'aurais préféré ne jamais me voir au final...

- Maman. Pourquoi mes yeux sont-ils noirs avec un contour rouge feu ? je lui demande au bord de la panique. Et mes cheveux pourquoi sont-ils noirs alors que les tiens sont blonds ?

- Ma chérie, j'ai essayé de te le dire tout à l'heure mais au final je préférais que tu le découvres par toi-même.

- Ne me dis pas que...

- Si Diana, si... Quand tu es née, j'ai eu la surprise de te découvrir les cheveux noirs. Quand ton père m'a...

- Je sais maman, je sais..., je dis doucement pour lui éviter de repenser à cette terrible soirée.

- Eh bien j'ai prié tous les dieux possibles pour que tu ne naisses pas démon. Une fois dans mes bras tu avais l'air totalement normale. Mais quand je suis revenue une dernière fois sur la Terre pour te voir, et bien, c'est là que j'ai vu que tes yeux n'étaient pas bleus comme les miens.

- Cela veut dire que...

- Oui, plus de la moitié de ton anatomie est de ton père... Mais je garde espoir que tu ne seras jamais du côté du Mal.

Je garde le silence. Comment ça du côté du Mal ? Mais dans quoi est-ce que je suis fourrée ?

- Mais tu es très belle comme ça Diana. Tu es magnifique !

- Mais je suis plus un démon qu'un ange !

Mais au bout d'un certain temps, mes nerfs lâchent. Mes pleurs commencent à tomber sans que je ne puisse les arrêter. Rien que l'idée de penser que je suis un démon me dégoute. Ma mère arrive, me prends dans ses bras et me chuchote à l'oreille :

- Si ça te peut te rassurer sache que l'on ne devient pas un démon en ayant son physique mais en ayant sa mentalité ma chérie. Et jusqu'à preuve du contraire tu n'as pas la mentalité d'un démon ?

- J'en sais rien..., je réussis à dire. Je ne sais même pas c'est qu'est la mentalité d'un Démon...

J'essaie tant bien que mal de reprendre une contenance. Et, d'un coup, je me souviens qu'il fallait que je demande quelque chose à ma mère :

- Dis maman, pourquoi je suis impliquée dans une prophétie ?

- Qui t'a dit cela ? commence à s'inquiéter ma mère.

- Ne panique pas ! C'est maman... Enfin Cattia !

- Ouf... J'ai eu peur que ce ne soit un démon !

- Mais non...

Elle réfléchit quelques instants, me regarde dans les yeux et commence :

- En fait dans le monde magique, il existe plusieurs pouvoirs, que ce soit celui de la nature, de l'eau, de protection, et pleins d'autres. Mais le plus puissant de tous est le pouvoir du Dragon.

- Il consiste en quoi ?

Elle ignore ma question et continue :

- C'est toujours une fille qui le possède. Pourquoi ? Nous n'en savons rien. Nous savons juste qu'à chaque fois, à la même heure, le même jour, celle qui a le pouvoir du Dragon décède et à la même seconde, une autre naît avec ce pouvoir.

- C'est un cycle fascinant ! je laisse échapper.

- Oui, mais ce n'est pas tout. Le pouvoir du Dragon est très spécial car ce n'est pas simplement un pouvoir que l'on maîtrise, c'est aussi un être vivant...

- Quoi ? Comment ça un être vivant ?

- Diana, calme-toi et laisse-moi terminer. Celle qui détient le pouvoir possède un Dragon au fond d'elle. C'est-à-dire que son âme est divisée en deux mais la fille et le Dragon ne font qu'un. Quand ils sont réunis et que la jeune fille arrive à le maîtriser, elle devient la personne la plus puissante au monde...

- Ouah... !

- Mais malheureusement, le Dragon est très influencé par le Mal. Il devient d'ailleurs souvent méchant et agressif si on ne le maîtrise pas assez bien. Quand le Mal s'en empare, il est très difficile de s'en sortir...

Elle continue encore de me raconter cette histoire fascinante mais il y a quelque chose qui cloche :

- Elle est super ton histoire maman, mais quel est le rapport avec mon implication dans la prophétie, je ne comprends pas ? Et quelle est cette prophétie ?

Elle ne répond rien et me tend un papier qu'elle a fait apparaître d'un claquement de doigts.

- Qu'est-ce que c'est ? je m'interroge.

- C'est la véritable prophétie elle-même. C'est à toi qu'elle revient, prends-le et lis-le.

Je m'empare du papier sans trop comprendre pour quelle raison il me revient qui doit être vieux de plusieurs milliers d'années. J'ai peur qu'en l'ouvrant il se dégrade dans mes mains brusques.

Je l'ouvre avec une délicatesse que je ne me connaissais pas et je commence à lire :

« La fille du Dragon naîtra
D'un Ange et d'un Démon, elle sera
Elle l'ignorera puis le découvrira
La plus forte, elle deviendra
Un dragon en elle, elle portera
Sa moitié, il sera
Dans un piège, elle tombera
Maléfique, elle se transformera
Libérée, elle sera
Le monde, elle sauvera

Le Roi des Ténèbres retournera aux enfers grâce à sa géniture aux ailes d'or... ».

Quand je finis de lire le dernier mot, je relis ces phrases plusieurs fois. Ma mère garde un silence religieux et doit comprendre que j'ai besoin de temps.

Puis je lève ma tête qui me semble lourde tout à coup et je la regarde avec des yeux vides. Elle le sait. Je le sais. Nous le savons. Je ne peux pas y croire...