Chapitre 18 - Collocation forcée
Je suis l'heureux propriétaire d'un grand duplex au cœur de Nashville, et pourtant, je ne l'ai jamais considéré comme chez moi. J'ai toujours passé plus de temps à l'hôtel qu'à mon appartement. Je n'ai donc jamais eu de lit où je me sentais suffisamment à l'aise pour dormir comme un bébé. Mes nuits sont souvent agitées et encore, c'est quand j'arrive à trouver le sommeil. Depuis que je suis arrivé chez ma mère et ma tante, j'ai réussi à gagner quelques heures dans les bras de Morphée. Mais ce soir, je ne parviens pas à m'endormir. C'est impossible en sentant Ainsley si proche, mais en même temps si loin.
J'ai loué la plus grande suite qu'ils avaient. Nous avons quatre étages dans lesquels il y a plus de chambres et de salles de bain que de personnes pour les occuper. Je voulais qu'Ainsley puisse se sentir bien, qu'elle puisse avoir son espace. Moi en revanche, ça ne me convient pas du tout. J'aurais préféré partager avec elle une simple chambre avec un seul lit.
Je soupire et me tourne pour attraper mon téléphone portable. Le sommeil ne veut pas venir, ça ne sert donc à rien de le chercher. Autant mettre à profit ce temps en répondant enfin à Jamyson. La date de l'inauguration approche, c'est déjà la semaine prochaine. Selon le planning qu'il m'a envoyé la dernière fois, il y aura une soirée de gala pour l'inauguration, puis l'ouverture officielle au public le lendemain.
Moi
Salut Jamy.
Quand est-ce que tu veux que j'arrive ?
Il est un peu plus d'une heure du matin. Il doit sans doute dormir. Je passe une main dans mes cheveux, prêt à ranger mon portable quand je vois qu'il me répond.
Jamy
Ça veut dire que tu viens ????
Moi
Ouais.
Jamy
Merci ! Je ne me voyais pas du tout faire ça sans toi.
Le gala est le vendredi soir donc tu peux arriver
n'importe quand avant.
Même demain si tu veux.
Moi
Je serais là, mais j'ai pas non plus envie de passer
trop de temps à Nashville.
Je viendrai jeudi dans la journée.
Jamy
Je comprends. Jeudi, c'est parfait.
Tu seras accompagné ?
Mes pouces restent suspendus au-dessus de mon téléphone. Après ce qui vient d'arriver aujourd'hui, embarquer Ainsley avec moi serait une très mauvaise idée, même si j'en crève d'envie. Il vaut mieux qu'elle reste préservée de tout ça.
Moi
C'est pas prévu.
Jamy
Dommage, j'aurais bien aimé rencontrer
cette fille.
Ma poitrine se comprime. Comment peut-il être au courant alors que je ne lui en ai pas encore parlé ?
Moi
De qui tu parles ?
Jamy
Ma mère a eu la tienne au téléphone.
Tu sais qu'on ne peut rien leur cacher.
Moi
Elle est pas croyable...
Je me pince l'arrêt du nez, le sourire aux lèvres. Il a suffi qu'on en discute une fois pour qu'elle le cafte à la mère de Jamy. Ces deux-là sont de vraies commères, surtout quand il s'agit des histoires de cœur de leur fils.
Jamy
Alors, comment s'appelle l'heureuse élue ?
PS : C'est Avianna qui me tanne pour avoir
la réponse.
Je peux ajouter à la liste de commères sa copine. Heureusement, j'apprécie Avianna.
Moi
Ainsley.
Mais vous emballez pas, pour le moment
on apprend à se connaître.
Quelle ironie d'écrire un tel message depuis une chambre d'hôtel que je partage avec la concernée. Oui, techniquement, nous ne sommes pas dans la même pièce, mais ça, mon cœur s'en fiche. Il sent la présence du sien malgré les murs qui nous séparent.
Jamy
C'est déjà un bon début.
Ça veut dire qu'elle te plait vraiment si tu ne te
précipites pas.
Moi
Disons que j'aime être avec elle.
Jamy
Et tu ne veux pas qu'elle vienne à Nashville ?
Moi
Non. Rien que cette aprem, on nous a pris en photo.
Elle était en totale panique.
J'ai dû prendre une nuit à l'hôtel pour être sûr qu'elle
soit pas emmerdée chez elle.
Jamy
Donc vous dormez déjà ensemble ? C'est ça que
t'appelles prendre ton temps ?
Moi
On a chacun notre chambre, ducon.
Jamy
C'est mignon.
Moi
Je t'emmerde.
Jamy
Moi aussi je t'aime, Grant.
Le grincement d'une porte me fait lever les yeux de mon écran. J'entends des pas au-dessus, dans la chambre de Ainsley. Elle n'a pas l'air de dormir. Les bruits se poursuivent dans le couloir, puis l'escalier qui descend à mon niveau. Vient-elle me voir ? Mon cœur s'emballe à cette idée. Je me redresse dans mon lit, prêt à la voir franchir la porte, mais rien. Je l'écoute gagner l'étage encore en-dessous où il y a le salon, la salle à manger et la cuisine.
Vu comment elle était contrariée par cette histoire de photo au point de rien vouloir manger, je devrais peut-être aller la voir ? Juste pour lui montrer que si elle a besoin, je suis là.
Moi
J'te laisse, Jamy, on se voit jeudi.
Je ne regarde pas sa réponse et abandonne mon téléphone sur la table de chevet. Vêtu du pyjama fourni par l'hôtel, je la rejoins en bas. Quand j'arrive dans la cuisine, elle a le nez dans le frigo. Elle le referme, une bouteille d'eau à la main, et sursaute en me voyant.
— Tu m'as fait peur, déclare-t-elle, une main posée sur sa poitrine.
— J'ai entendu du bruit, alors je suis descendu.
— Désolée, je ne voulais pas te réveiller. J'avais soif.
— Je ne dormais pas, lui assuré-je.
Mes yeux s'égarent sur son corps couvert des mêmes vêtements que moi. Nous sommes assortis. C'est con, mais ça me fait sourire.
— Tu veux un truc à boire aussi ?
— Non, c'est bon. Je voulais être sûr que ça allait pour toi.
Elle pince ses lèvres sur lesquelles je m'attarde. J'aimerais reprendre là où on s'est arrêté, mais je crains que ce ne soit pas le bon moment. Mauvais timing comme on dit.
— Savoir qu'on était observés me rend nerveuse. J'ai fermé mes rideaux, et pourtant, j'ai encore cette impression d'être épiée.
Est-ce que ce serait déplacé de lui proposer de venir dormir avec moi ? Elle risque d'y voir des sous-entendus, surtout après ce qui s'est passé entre nous dans la voiture. Même si je rêve de pouvoir enfin l'embrasser, je ne veux pas qu'elle pense que j'essaie de coucher avec elle. OK c'est vrai, ça aussi, j'en ai envie. Mais avec Ainsley, je prends mon temps.
— C'est ça que tu vis au quotidien ?
Sa question me sort de mon dilemme intérieur.
— J'ai appris à être le plus discret possible. Parfois ça passe, d'autres non.
— Comment tu fais pour gérer cette sensation d'être toujours regardé ?
— J'essaie de pas trop y prêter attention.
Elle hoche lentement la tête, les yeux rivés vers le sol. Je n'ai pas de bon conseil à lui donner. Il n'y a pas de recette miracle pour se détacher du regard des autres. Il y aura toujours des curieux et des sans gênes. On peut juste essayer de ne pas les voir, mais ça ne veut pas dire qu'il y a zéro conséquence sur notre mental. Ça nous affecte forcément.
— Sache que personne ne peut venir ici, lui assuré-je en m'avançant vers elle.
Je garde mes mains éloignées de son corps, mais m'autorise tout de même un baiser sur son front.
— Si tu as besoin de quelque chose, appelle-moi. Peu importe l'heure.
— Merci, Grant.
Son sourire timide est craquant. Ce serait si facile de la plaquer contre le comptoir de la cuisine et de m'emparer de ses lèvres.
Non, non, mauvais timing on a dit !
— Bonne nuit, Ainsley.
Ma voix déraille complètement. C'est pathétique. Et puis, comment pourrait-elle passer une bonne nuit avec ce qui s'est passé ? Je me racle la gorge avant de dire une nouvelle connerie, et tourne les talons. Il vaut mieux que j'aille dans ma chambre, faire semblant de dormir.
Mon pied est sur la première marche des escaliers quand Ainsley me lance :
— Bonne nuit à toi aussi.
Je fais l'erreur de la regarder une dernière fois. Elle a posé sa bouteille sur la table de la salle à manger. Elle n'en a même pas bu une goutte, et pourtant, j'ai l'impression que ses lèvres sont recouvertes d'une fine couche humide. Elles sont brillantes, comme ses yeux dans lesquels je reste suspendu.
Mon pied regagne la moquette rouge du sol avec lourdeur. Je n'ai pas la force de monter. Pas quand Ainsley s'avance vers moi d'un pas rapide et déterminé, le regard brûlant d'une flamme dévastatrice pour ma raison. J'ai à peine le temps de prendre une bouffée d'air que ses doigts attirent ma nuque vers elle. Ses lèvres se plaquent contre les miennes avec avidité. Je les accueille maladroitement, surpris par son élan de courage. Je reste interdit, paralysé par une vague de frissons qui parcourt chaque centimètre de mon épiderme.
C'est intense, enivrant, addictif.
Mon corps finit par réagir à l'instant où la pression de sa bouche contre la mienne se fait moins forte, comme si elle avait l'intention de s'éloigner. Je rattrape ses hanches pour la presser contre mon torse et réponds enfin comme il se doit à son baiser fiévreux. Rien n'est clair dans mon esprit. Nos langues qui se caressent, nos mains qui s'explorent, nos respirations haletantes, nos gémissements terriblement excitants, tout est hors de contrôle.
Elle saisit le haut de mon pyjama et tire dessus tout en reculant. Je manque plusieurs fois de trébucher avant que ses fesses ne finissent par rencontrer la table et qu'elles mettent fin à notre course. D'un geste bref, je la soulève pour l'asseoir au bord. Ses cuisses s'écartent naturellement. Ainsley m'offre la possibilité de me tenir à une place de choix que je ne suis pas prêt de quitter.
Je mordille sa lèvre inférieure, puis m'attèle à déposer une pluie de baisers humides le long de sa mâchoire. Je descends lentement jusqu'à son cou dont la peau fine est divinement douce. J'ai envie de la cajoler, de prendre mon temps, ce qui n'est pas simple quand elle se cambre dans mes bras et que son bassin se presse contre le mien. Je sais qu'elle ne porte que son pantalon de pyjama, comme moi, tous nos vêtements étant partis au pressing de l'hôtel. Savoir qu'elle ne porte rien en dessous me fait bander. J'ai envie d'elle.
Mais je n'ai pas de préservatif.
Et j'ai dit à Jamy que j'y allais doucement.
Merde.
— Attends, marmonné-je, la voix pleine de frustration.
Elle s'écarte et la vue de ses joues aussi rouges que ses lèvres ne me rend pas la tâche facile. Résister à l'envie de la déshabiller alors qu'elle est si désirable, c'est une torture.
— Tu ne veux pas ?
— J'ai pas envie de me précipiter.
— Je vois.
A l'aide de sa main, elle pousse légèrement sur mon torse pour me faire reculer. Elle descend de la table et croise ses bras devant sa poitrine comme pour se cacher alors qu'elle est toujours habillée. Ses yeux me fuient quand elle me contourne.
— Bonne nuit, à demain, me lance-t-elle sans même se retourner.
Je rêve ou elle se sauve ? Non, la soirée ne peut pas se terminer ainsi après ce qu'il vient de se passer. On ne peut pas juste retourner chacun dans sa chambre. Mais d'un côté, qu'est-ce que j'attends véritablement ? Je viens de lui dire que je ne voulais pas coucher avec elle, pas ce soir en tout cas. Alors quoi ? Qu'est-ce que je peux ajouter de plus ? Ai-je le droit de la retenir sachant que je crois l'avoir vexé ?
Mon corps réagit au quart de tour. J'attrape son poignet avant qu'elle n'ait le temps de s'éloigner. Je l'oblige à me regarder dans les yeux en levant son menton avec mon index. Elle ne résiste pas.
— Qu'on soit bien clairs tous les deux. Je crève d'envie de te voir nue sous moi, tes cuisses accrochées autour de mon bassin pendant que je te fais l'amour.
Ses yeux deviennent aussi ronds que des billes. C'est drôle de la voir réagir ainsi alors que c'est elle qui m'a littéralement sauté dessus. Elle a dû faire appel à tout son courage pour initier le premier pas. Maintenant que les choses prennent une tournure bien réelle, concrète, elle se décompose sur place. Chacune de ses réactions enflamme un peu plus mon corps.
Garde la tête froide, Grant !
— Tu...
La suite de sa phrase meurt avant de franchir la barrière de ses lèvres. La voir perdre ses moyens face à mon aveu me fait sourire. J'en profite pour en rajouter une couche.
— Laisse-moi encore un peu imaginer tout ce que je pourrais te faire avant que mes fantasmes deviennent réalité.
Cette fois, je l'ai totalement perdue. J'ai l'impression qu'elle ne cligne plus des yeux, que sa respiration s'est arrêtée et que son corps s'est statufié. Elle perd pieds, et moi aussi.
— Enfin si tu es d'accord pour les réaliser.
Je devrais m'arrêter avant de me faire prendre à mon propre petit jeu. Parce qu'à lui dire des choses comme ça, c'est moi qui finis par créer une tension qui inhibe mon self-control. Mes actions sont en contradiction avec mes paroles. Je la veux, et en même temps, je lui dis non.
Il y a un truc qui ne doit pas tourner rond chez moi.
Heureusement, ou pas, elle se ressaisit et impose une distance entre nous plus raisonnable. Je n'aime pas la voir s'éloigner, mais c'est sans doute mieux ainsi.
— Je n'ai pas envie de dormir, avoue-t-elle.
— Moi non plus.
Nos regards s'accrochent. L'air est chaud. Rien n'est innocent dans nos mots.
— Tiens moi compagnie alors.
— Je ne peux pas me retrouver avec toi dans une chambre sans prendre le risque de te déshabiller. Parce que pas de préservatif ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire.
Ma franchise lui fait à nouveau monter le rouge aux joues, mais elle garde la tête froide. Elle ne se laisse pas déstabiliser.
— Restons dans le salon.
— Le canapé, c'est pas franchement mieux, tu sais.
Elle rit, ce qui a le don de faire vibrer mon cœur.
— Il y en a deux. Chacun le sien.
— OK, mais interdiction de venir sur celui de l'autre.
— D'accord.
Nous nous serrons la main. Si à la base, c'était pour sceller notre accord, cela devient rapidement une caresse. J'y mets fin avant que ça ne dérive une nouvelle fois.
Comme convenu, nous nous posons dans les deux canapés qui se font face. Une table basse marque la séparation entre nos deux espaces. Je ne sais pas combien de temps notre pacte tiendra sans que l'un de nous n'aille embrasser l'autre sur le sofa d'en face, mais une chose est sûre, c'est qu'on va avoir tous les deux du mal à tenir.
Depuis ce soir, maintenant que je connais le goût de ses baisers, j'ai envie de l'embrasser jusqu'à en avoir mal aux lèvres.
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