Chapitre 8 : L'Amour avec un grand A

Je n'ose même pas à battre un cil, tellement je suis bouleversée par ce que je vois.

   — Tu viens Uméïra ? me dit mon père depuis le bas.

Le son de sa voix m'éveille de justesse de la léthargie dans laquelle j'avais plongé, juste assez pour que mes pieds décident à m'obéir et à marcher. Je descends les marches avec une lenteur presque gracieuse, qui est en réalité de la peur. Tout est silencieux dans la salle. Je suis la seule à faire du bruit avec le talon de mes escarpins orangés Je m'assieds juste à côté du trône de mon père, n'osant même pas lever les yeux pour le regarder. J'ai trop peur d'avoir halluciné.

   — Longue vie à vous mon seigneur, dis-je à l'intention de l'étrange prince.

Immédiatement après ma réponse, il s'approche de nous et pose un genou à terre, le visage tourné vers mon père.

   — Ai-je votre bénédiction mon roi ? lui demande-t-il.

Papa lui tend son sceptre royal, signe qu'il l'accepte en tant que gendre. Marek touche l'extrémité du sceptre, et porte la main à son cœur.

   — Si je suis à Heldor aujourd'hui, déclare-t-il avec assurance, avec autant de personnes que de présents pour sa Majesté Armin d'Heldor, c'est pour demander la main de la princesse, son Altesse Uméïra.

Mon cœur bat la chamade après ses propos. Je n'arrive toujours pas à le regarder dans les yeux, et fait mine de fixer mes mains devenues moites. Il tend sa main vers moi. La salle est toujours aussi silencieuse qu'un cimetière. Selon la coutume, je n'ai qu'une chose à faire pour donner mon consentement : déposer ma main dans la sienne et l'aider à se relever. Tous attendent ma réaction. J'ai un trac fou. Ma vie entière se joue à cet instant.

Je me décide enfin à lever la tête et là je le voie. Je n'avais pas halluciné. Marek a les cheveux d'un noir-chocolat, ses yeux sont bleu-azur et il a la même position chevaleresque que ce soir-là. C'est bien lui, je me dis tout bas en étirant mes lèvres pour former un large sourire. Je pose mes frêles doigts dans sa paume, et il la saisit de sa poigne masculine. Puis je me lève et l'aide à se relever à son tour.

Je n'arrive plus à le quitter des yeux. Je suis comme hypnotisée. Il me fait un baiser sur le front, sa senteur s'éparpillent joyeusement dans mes narines.

   — C'était donc vous...je lui murmure.

   — Mes yeux n'ont d'yeux que pour vous, et je ne suis que vanité face à votre beauté, me murmure-t-il à son tour.

Plus de doute, c'est lui. Je n'arrive pas à croire que la personne à qui mes parents souhaitaient plus que tout me marier n'est autre que celui que je cherchais tout ce temps ! Et comme il était absent le jour où nous sommes allés à Athéna, je n'ai pas pu le croiser avant aujourd'hui. La vie accorde des surprises parfois au-dessus de nos attentes.

Toujours l'un face à l'autre, aucun de nous deux ne détourne le regard. Il me dévore tellement des yeux que j'en ai des frissons. Mon père, visiblement content de son choix, se lève et ordonne à ce que les portes soient ouvertes.

  — Approchez-vous, c'est le moment.

Marek replie le bras et je passe ma main dans le creux. Je suis heureuse, je le voit comme mon mari et je suis fière de marcher jusqu'à la terrasse avec un aussi bel homme. Nous marchons jusqu'à la grande terrasse du palais. Juste en bas et face à nous, tous le royaume est réuni. Personne ne voulait louper cet évènement, le plus important de cette année : les fiançailles de la princesse, la fille unique du roi. Le mariage, lui, sera organisé dans le royaume du prince.

   — Cher peuple d'Heldor, et nobles représentants du royaume d'Athéna, j'ai l'immense plaisir de vous annoncer qu'Uméïra d'Heldor est désormais fiancée à Marek d'Athéna !

Une vive acclamation s'en suit, et me donne les larmes aux yeux, la chair de poule. Je peux lire une fierté incomparable dans les yeux brillants de mon paternel. Ce que je pensais être le pire jour de ma vie s'est finalement avéré être l'un des meilleurs. Je ne réalise toujours pas la chance que j'ai de vivre ça. C'est...trop.

Nous montons dans le carrosse, et nous faisons le tour du royaume, pour que Marek soit présenté à tout le peuple. Pendant le trajet, il regarde autour de lui, observe attentivement chaque détail qui fait de notre royaume l'objet de convoitise dans tout l'empire, saluant, le visage tout souriant, des milliers de personnes alignées le long de la route rien que pour nous faire la révérence. Moi, indifférente à ce brouhaha, j'analyse secrètement chaque trait de son visage.

Il n'y a pas de mots pour décrire à quel point il est beau. Tout est fin, régulier, et son expression traduit un charisme déconcertant. Mais ce qu'il me fallait par-dessus tout, c'était d'apprendre à le connaitre. De toute façon que ça aurait été lui ou pas, j'aurai été forcé de l'épouser. Alors pourquoi me refuser le privilège de déchiffrer ce troublant prince ?


Assise dans l'herbe fine et encore humide de rosée en bordure du lac Aïr, j'attends impatiemment qu'il m'adresse la parole en premier, confuse. Les mots se perdent avant même que j'ai le temps de les exprimer. Marek est encore prêt du carrosse. Il retire sa couronne et sa cape, qu'il pose sur la banquette arrière. Plus je le regarde, plus je sens le sang me rougir le visage. Je n'ai jamais été amoureuse. Mais ce que je ressens ne peut être que ce fameux sentiment.

   — J'ai tellement attendu ce moment Uméïra. Là, à côté de toi, dit-il en s'asseyant juste en face de moi.

   — Pourquoi m'avoir fait attendre tout ce temps mon seigneur ?

   — Marek, rectifia-t-il.

   — Je n'ai pas le droit de t'appeler comme ça, pas encore..., lui dis-je avec pourtant la brulante envie de crier son nom.

   — Appelle-moi Marek, comme je t'appelle Uméïra. Je te le permets.

Il prend mon visage entre ses paumes, une lueur convaincante et envoutante dans les yeux, et caresse mes joues, qui une fois de plus virent au rouge.

   — Marek...j'adore ce prénom.

Il sourit, ce qui fait définitivement fondre mon cœur déjà ramolli d'amour.

   — J'ai suffisamment attendu, j'ai hâte que tu sois mienne. Ma reine. Reine d'Athéna.

Il m'embrasse tendrement, me saisissant contre lui. J'ai les yeux fermés, je savoure l'instant. J'ai encore du mal à y croire, mais je m'accroche à l'idée que ça ne peut être que réel, pas une illusion. J'ai peut-être tant attendu ce moment que j'ai fini par en rêver, qui sait. J'ouvre tout doucement les yeux pour me rassurer de sa présence, et ressens une vague de désir me submerger quand je le vois et le sens capturer avidement mes lèvres pulpeuses. Il ne se retient pas de m'embrasser avec passion, n'ayant cure de tous les tabous dans lesquels j'avais grandi. Avec lui, tout devenait possible, nouveau, parfait. Trop parfait. Peut-être était-ce moi qui était trop innocente.

Soudain, j'entends du bruit dans la forêt juste derrière nous. Des pas dans les broussailles sûrement. Tournant la tête, j'aperçois un peu plus loin Adrian, probablement en train de faire sa ronde habituelle. Il me voit à son tour et, stupéfié, disparait aussitôt.

Marek fixe sévèrement l'endroit où il était, la main sur le manche de son épée portée à la hanche.

   — Qui était-ce ? Tu l'as vu ? me demande-t-il.

   — Tu n'en auras pas besoin, le calmai-je. Ne t'inquiète pas. C'est Adrian, mon garde.

Je pose la main sur la sienne pour essayer de le calmer. Il la saisit et me fais un baisemain, son regard toujours planté dans le mien.

   — Je t'aime Uméïra, me dit-il. Depuis le soir de ce bal où je t'ai vu, je me suis dit que même si tu devais épouser un autre, j'aurai eu la chance de danser avec toi au moins une fois. Je ne savais pas encore que tu m'avais été promise. Et maintenant, tu es ma fiancée.

Si seulement il savait ce que je pensais de lui jusqu'à ce matin.

- Moi aussi, je n'ai pas arrêté de penser à toi Marek, depuis ce même soir. Mais tu étais simplement ''l'inconnu''. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente de mettre un visage à la place de ce masque, de connaitre ton nom, de...

Je glisse ma main dans son cou.

   — Te toucher...

   — Tu ne mérites plus d'être princesse Uméïra, ce n'est plus suffisant.

J'ai subitement envie d'éprouver son amour, de le sentir aussi pleinement qu'il dit le ressentir. Je n'ai aucune expérience en matière d'amour, mais tout ce dont je rêvais se réalise. Et la seule chose dont j'ai envie, c'est de vivre l'instant présent.

   — Marek ?

   — Uméïra ?

   — Je veux que tu me le prouves.

   — Te le prouver ? Prouver que je t'aime ?

   — Après tout, c'est la seule journée qu'on aura à passer ensemble avant le jour du mariage à Athéna. Je veux te l'entendre dire encore et encore.

Je me trouve pathétique, à réagir comme une dinde en chaleur. Mais j'obéi sans réfléchir à mes impulsions, sans me préoccuper des conventions. Je n'ai pas peur de l'amour. Je veux le vivre. Même si cela implique de me ridiculiser. Marek affiche un air méditatif, ris dans sa barbe, et se rapproche de mon oreille.

   — Je vais le crier au monde entier alors.

Puis il me murmure :

   — Je t'aime Uméïra, je t'aime plus que tout au monde.

   — Mais pourquoi tu parles aussi bas ?

   — Parce que tu es mon monde, très chère.

Je fourre mon visage entre mes paumes, secouée par les palpitations. Mon corps tout entier vibre sous ses mots, et ma voix n'arrive même plus à sortir.

Content de l'emprise qu'il a sur moi, il esquisse un rire moqueur, avant de recommencer à m'embrasser, encore et encore. J'aimerais que jamais ça ne prenne fin.

Je lui murmure à mon tour entre nos lèvres :

   — Je t'aime Marek.

Pour ceux qui se posent la question, on en a parfaitement le droit dès lors que nous sommes officiellement fiancés. M'embrassant ainsi, il me fait rentrer dans le cercle vicieux des femmes amoureuses, cercle vicieux de l'amour.

J'ai entendu parler des souffrances causées par l'amour. Je connais l'histoire de Roméo et de Juliette. Je sais qu'il y a un danger à aimer aussi passionnément, un homme que je rencontre à peine. Mais peut être que j'aurai la chance d'y échapper, qui sait ?

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