Chapitre 7 : Marek
— Je suis vraiment désolée ma tulipe, me souffle mamie à l'oreille.
— Je n'ai plus le choix mamie, je vais devoir accepter de me marier avec Marek.
— Tu es bien sûre que ce n'est aucun de tous les hommes qui sont venus se présenter ?
— Oui, j'en suis sûre. J'aurai reconnu le physique, ou sa présence aurait éveillé quelque chose en moi.
Après avoir reçu les hommes qui répondaient à la description que j'avais donnée à l'intendant, j'accompagne mamie Rhoda à ses appartements. Mais je n'ai plus le courage de rentrer me coucher seule dans ma chambre. Je pose la tête sur les cuisses de ma grande mère, comme quand j'étais toute petite, me laissant bercer par le souffle chaud de sa respiration qui s'écrase sur ma tête. Avec tendresse, elle me caresse les cheveux, sa main se promenant inlassablement entre ma tempe, mon lobe frontal, et mon cuir chevelu. D'où la petite discussion plus haut.
— Je sais que ce n'est pas facile, me dit mamie. Aucune princesse ne rêve de vivre ça.
Elle continue ses tendres caresses sur ma tête et ramène mes cheveux un peu trop encombrants derrière mes oreilles. Je ressens un si fort sentiment d'impuissance qu'aucune larme n'arrive à couler de mes yeux. Sentant ma détresse, elle me prend le menton en coupe et recueille mes joues dans ses paumes.
— Je ne veux pas te voir triste comme ça ma tulipe.
— Je n'arrive pas à ressentir autre chose que de la tristesse mamie.
— Est-ce que tu es sûre de l'avoir cherché au bon endroit ?
— Oui, je crois. Mais où j'aurais pu chercher de toute façon ? Et puis, s'il m'aimait vraiment, il serait revenu, non ? Je ne sais même plus où j'en suis...
Je pose à nouveau la tête sur ses cuisses, et elle continue à me bercer. À ce moment-là, je ne retiens plus rien. Mes larmes coulent à flots, et je trempe le grand boubou satiné de ma grand-mère, qui se met à bouger en des mouvements réguliers les cuisses pour me réconforter.
— Tu te souviens quand tu étais petite et que je te racontais une histoire tous les soirs ici avant que tu t'endormes sur mes pieds ?
— Oui, réponds-je entre deux sanglots. Comme si c'était hier.
— Il y avait une leçon que j'aimais citer à la fin, tu te souviens ?
— Oui. Tu disais que la vérité finit toujours par éclater au moment où on s'y attend le moins.
Un regain d'espoir fait vibrer mon cœur, et je me redresse pour la regarder et mieux cerner où elle veux en venir.
— Sois sûre d'une chose : Si vous devez vous retrouver, tu le retrouveras.
— Et si c'est trop tard ? Si je suis déjà mariée ?
— Laisse le temps agir Uméïra. Et tu verras que la vie réserve bien souvent des surprises inimaginables.
— Comment pourrais-je savoir que c'est lui le moment venu ?
— Tu le sauras. Tout simplement. Encore une chose Uméïra.
— Laquelle ?
— Ne te fie pas à l'apparence ma tulipe. Elle est trompeuse. Cherche à connaitre son cœur.
Je hoche la tête, laissant ses mots remuer mes pensées. Connaître le cœur...est-il vraiment possible de connaitre le cœur d'une personne qui vous fait perdre aussi bêtement la tête ? Il le fallait pourtant. Je suis bien décidée à suivre les conseils de mamie Rhoda, même si pour être honnête, j'ignore comment.
*
La nuit du samedi est passée vite. Je suis resté toute la journée d'aujourd'hui avec Ron, histoire d'éclaircir mes idées et de passer du bon temps. J'ai tiré à l'arc un nombre incalculable de fois, et il n'y a rien de tel que de voir régulièrement atteindre sa flèche en plein cœur de la cible, après dix ans d'entrainement.
À part ça, j'ai n'ai rien de prévu en particulier le dimanche. Je me décide alors à rentrer prendre une bonne douche, durant laquelle je réfléchirai à mes prochaines activités. Mais je ne pénètre même pas encore l'entrée arrière du palais que je vois mes servantes courir dans ma direction, affolées.
— Votre Altesse !
Nikita et Heldra courent jusqu'à moi, à bout de souffle. Je les vois hoqueter, exténuées par le semblant de course qu'elles viennent de faire, riant sur le bout des lèvres.
— Pourquoi vous couriez comme ça ? J'ai cru que tu allais t'évanouir Heldra, tellement tu respires fort !
— Laissez-nous vous apprêter, c'est urgent ! dirent-elles en chœur.
Le rictus amusé que j'avais sur le visage disparaît pour laisser place à une mine décontenancée. J'ai un mauvais pressentiment, et je croise fermement les doigts pour conjurer l'épée de Damoclès qui me guette.
— Pourquoi donc ? Que se passe-t-il au palais ?
— Son altesse Marek d'Athéna est en route vers Heldor. Il vient demander votre main !
— Quoi ? Mais je n'étais pas au courant !
— Personne ne l'était, jusqu'à ce matin, m'explique Heldra en voyant mon expression effarouchée. Votre mère nous a demandé de vous apprêter rapidement, le temps que tout soit prêt dans la salle du trône.
Sans me laisser le moindre répit, elles s'agrippent à mes bras et me trainent littéralement à ma chambre, suivies de Deva, presqu'en transe. J'ai l'impression d'être dans un cauchemar.
Je suis assise en face du miroir, en boule. Qu'est-ce qui a piqué ce Marek ? Je serre les dents, une grimace de déplaisir collée à mon visage. Je n'arrive à croire que je suis en train de me faire habiller pour mes fiançailles.
En plus, j'ai déjà promis à mon père d'épouser Marek si je ne faisais pas mon choix. Plus de retour en arrière, plus de rébellion adolescente, je dois subir. Frustrée par mon impuissance sur le cours de ma vie, je craque et ferme les yeux en me lamentant intensément à voix basse. Je murmure une suite incompréhensible de prières, la voix entrecoupée par mes sanglots.
Quand je pense que j'étais célibataire jusqu'à ce matin.
À un moment donné, je n'entends plus aucun bruit. J'entrouvre les yeux et vois les filles me regarder avec une lueur de compassion dans les yeux. Elles s'approchent de moi et m'enlacent en groupe.
-On fera en sorte que vous ayiez le plus beau mariage du monde, princesse, me dirent-elles.
Inutile de leur expliquer que c'était le mariage en lui-même qui me faisait pleurer ainsi. Leur attention me toucha beaucoup et je nettoyai mes larmes pour dissiper leur inquiétude. Apaisée de me voir avec un faux sourire, elles continuèrent de m'apprêter. Je sentais les yeux perçants de Deva me scruter dans le miroir. Elle savait ce qu'il se passait, mais comme nous toutes, préféra se taire.
— Voilà, vous êtes parfaite !
— Merci les filles.
Deva pose une main attendrissante sur mon épaule pour m'encourager secrètement, puis elles s'éclipsent. C'était moins une, parce que ma tristesse qui avait laissé la place à la colère, remont comme un volcan et me fait balayer du revers de la main tous les artifices qui se trouvaient sur le bord de ma coiffeuse, rien que pour le plaisir d'entendre autre chose que mon cœur se briser. À l'extérieur, un grand bruit de cortège se fait entendre, puis un bataillon de trompettistes. C'est le moment.
*
Au fur et à mesure que ma longue robe beige poudré balaye tout sur mon passage, je sens mes cuisses se frotter entre elles malgré le collant en dentelle que je porte. Il fait chaud. Je transpire abondamment sous ma volumineuse robe. J'ai hâte que tout se termine. Plus je m'approche de la salle du trône, plus l'indifférence que j'ai pour cet évènement monte. L'effervescence dans le palais s'intensifie, ma rage aussi.
— Il est arrivé ! Son Altesse Marek est près du palais !
J'entends ces voix au bas des escaliers qu'il me faudra descendre sous peu. L'odeur flottante des mets délicats a beau être agréable, j'ai la nausée malgré moi. Je continue de marcher, toujours l'air aussi sereine mais le cœur en émoi, sous le regard serein des gardes. J'arrive finalement au balcon qui mène aux deux escaliers grandioses du palais, lorgnant les dispositions qui ont été mises en place pour l'arrivée du prince. Mes parents sont assis côte à côte, et attendent le prince Marek. Le sourire jusqu'aux oreilles, je les sens excités comme des yéyés de voir leur gendre, surtout mon père, qui y voit forcément un avantage politique. Mais je ne me décide pas encore à bouger de mon piédestal. Je reste arrêtée là, sage comme une image.
— Mon roi, ma reine, laissez- moi vous présenter son Altesse Marek d'Athéna.
L'intendant donne l'ordre aux gardes d'ouvrir les portes du palais. Il y a une foule dehors, et le cortège du prince est impressionnant.
Des gardes masqués entrent, puis des danseuses, et des serviteurs, les bras chargés de présents de toutes sortes.
Puis un homme entre à son tour. Tous s'inclinent à ses pieds, sauf papa, maman, et moi.
Je le vois d'un peu loin et de haut, donc impossible de voir à quoi il ressemble réellement. C'est donc lui le fameux Marek.
— Longue vie à vous mon Roi, et à vous aussi ma Reine.
Il s'incline devant mes parents, qui lui accordent leur bénédiction en hochant la tête. Il garde le silence un instant et lève la tête. Son regard croise le mien, et me contemple.
— Longue vie à vous belle Uméïra.
Je suis médusée. Incapable d'esquisser le moindre geste. Ces cheveux sont noirs-chocolat, ses yeux d'un bleu bouleversant, une carrure imposante et athlétique. Je reste quelques instants sans respirer, cherchant un pilier sur lequel m'appuyer pour ne pas perdre l'équilibre.
L'inconnu et Marek, ne sont ni plus ni moins que...la même personne ?
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