Chapitre 64 : Petites Bricoles🔶
À l'arrière de la grotte, Uméïra bricole. Il est très tôt, et c'est la seule à être éveillée. Elle a en main plusieurs tiges robustes de mauvaises herbes qu'elle tresse pour en faire une corde résistante. Adrian sort la tête de la grotte et suit le petit remue-ménage qu'elle fait. Il la rejoint à pas feutrés, souhaitant marquer l'effet de surprise.
— Uméïra ?
Elle sursaute, et sourit finement en continuant sa besogne.
— T'es levé Adrian ?
— Le soleil n'est même pas encore levé et tu travailles déjà.
— Je n'arrivais pas à dormir, répond-t-elle
Des cernes lui étaient gravement marquées sous les yeux, comme preuve de l'insomnie qui l'avait fouettée cette nuit.
— C'est à cause d'Ellen, c'est ça ? demande-t-il avec douceur.
Pour toute réponse, elle hoche la tête et arrête son travail, fixant un point inexistant de l'espace.
— Je n'arrive pas à comprendre ce qui m'arrive depuis qu'elle est là, dit-elle. Je perd le contrôl de mes pensées, comme si j'étais possédée par la rage. ..
Elle éclate silencieusement en sanglot, et essaye vainement de se remettre à la tâche. Il comble rapidement l'écart entre eux et la tient face à lui, ses joues reposant dans ses larges paumes.
— C'est bientôt fini Uméïra. On a Ellen, bientôt ce sera au tour de Marek, et tout sera fini. Tu seras la reine des deux royaumes, reine d'Heldéna.
— Cela ne changera rien à toute la douleur qui me ronge le coeur, ni ne ressucitera les membres de ma famille qui ont été tués.
Umeïra soupire bruyamment, et nettoie ses larmes d'un revers de la main.
— Je pensais que je serais suffisamment forte pour aller jusqu'au bout mais je me sens tellement las, et vide...
— Tu n'es pas seule Uméïra, nous sommes là. Je suis là, et je serai toujours là...N'aie pas peur, on gagnera ce combat ensemble. Je me battrai pour toi jusqu'à la fin.
Il lui prend délicatement la tête et la pose contre lui. Uméïra sent les battements de son cœur à lui s'accélérer considérablement avec ce contact. Elle se sent bien, en sécurité, aimée.
— Je suis désolée de t'avoir parlé violemment l'autre fois, susurre-t-elle.
— J'ai oublié à la minute même. Moi aussi j'aurais dû y aller un peu plus doucement, tu étais fragile à ce moment-là.
À ses yeux, Uméïra était une porcelaine plus fragile que toutes les autres. Pour lui, elle était parfaite. Elle ne se rendait pas compte de la beauté foudroyante qu'elle avait, ni de sa personnalité simple mais oh combien si charmante, si mignonne, si raffinée. C'est de tout cela qu'il était tombé amoureux, et qu'il continuait à s'enfoncer chaque jour dans cet amour qui voyait enfin le jour et semblait être partagé.
C'était plus fort que lui. Il avait trouvé un soldat plus fort que lui : l'amour. Et le maelström de désir qui vibrait en lui, il n'arrivait plus à le contenir. Il repoussa avec soin sa tête pour mieux la voir, et se rendit compte que ses iris noisettes le regardait avec la même flamme. Ses deux rangées de chair rosies d'adrénaline tremblaient, impatientes d'être caressées, câlinées, englouties. Et il ne s'en fit pas prier. Les deux mains posées à la taille de la jeune femme de vingt-cinq ans, il s'empara sans patience de ses lèvres, pressé de gouter à la fraicheur de celles-ci. Uméïra savourait cet instant, ses mains s'agrippant au cou d'Adrian. Ce moment était simple, mais empreint d'un amour si fort que la passion avait pris le dessus sur tout ce qui les entourait. Ses lèvres se laissaient mordiller par un Adrian souverain, sauvage, qui faisait habilement vibrer la jeune femme par son baiser rythmé et passionné.
Quand ils se détachèrent, le cœur d'Adrian battait encore la chamade, mais il ne la quittait pas des yeux. Elle avait encore du mal à le regarder, ses joues ayant virées au rouge, ses lèvres elles-aussi rouges et gonflées de bonheur.
— J'ai...c'était magique Adrian, murmure-t-elle.
Il se rapproche encore et dépose un tendre baiser sur ses lèvres, et elle capture les siens pour un dernier contact charnel.
— J'ai trouvé aussi, mon amour, lui dit-il près du lobe de son oreille.
Elle frémit de plaisir et reprit ses ustensiles de travail pour se ramener sur terre.
— Je t'attend à l'intérieur. Je te laisse faire parler Ellen.
— D'accord Adrian, je serai là dans quelques instants.
Elle le disait avec un apparente sérénité, mais n'arrivait plus à maîtriser ses pulsions qui demandaient bien plus qu'un simple baiser.
*
Un sourire niais plaqué sur le visage, Uméïra faisait maintenant pour la troisième fois le tour de la chaise sur laquelle était ligotée Ellen. Elle était en train de se réveiller.
— Enfin, je t'ai pour moi toute seule, dit-elle à l'endroit de la vieille femme.
Adrian était assis dans un coin de la grotte, et observait la scène sans rien dire.
— Donc c'est ici que vous vous cachez, bandes de déchets, répond-t-elle.
— J'ai besoin de savoir Ellen. Pourquoi.
— Pourquoi tu es venue au monde ? Je me pose à la même question.
— Cesse ta méchanceté gratuite. Pourquoi me fait souffrir comme vous l'avez fait, toi et ton fils. Pourquoi mon royaume.
Ellen glapit, et affronte sans frémir le moins du monde le regard assassin d'Uméïra.
— J'aurais aimé dire que tu n'as été qu'un dommage collatéral, mais te voir souffrir était d'une satisfaction inégalable.
— Vous voulez vous venger d'Heldor alors qu'un accord de paix a été signé.
— C'est toi qui était l'accord de paix, ma pauvre.
Uméïra sursauta, étonnée par cette révélation.
— Comment cela ?
— Afin de mettre fin à cette guerre, le prince et la princesse de nos deux royaumes devaient être mariés. Une convention avait été certes signée, mais ce dernier acte était censé être la garantie.
Réalisant l'envergure colossale qu'avait son mariage, Uméïra a froid dans le dos. Sans le savoir, elle n'a ni plus ni moins été qu'un cobaye. Et Ellen avait rompu l'armistice. Mamie Rhoda avait donc raison de lui dire de faire constamment attention à elle dans ce royaume. Elle s'était mariée au prince du camp ennemi.
— Et vous n'avez pas eu la moindre loyauté à l'égard d'Heldor, renchérit Uméïra.
— Vous nous avez tout volé ! explosa Ellen. Adécarthie, ton ancêtre, était un meurtrier de la pire espèce, et il a réduit ma famille à néant Uméïra, tu entends ? À néant ! Et le comble, ce traitre, qui a osé renverser le gouverneur, a choisi la partie la plus prospère d'Heldéna pour que vous, des paysans, deveniez la famille royale d'Heldor. C'est moi qui devait être la reine d'Heldéna, et ensuite Marek. Vous nous avez volé la royauté. Il était hors de question que je laisse la vie continuer aussi injustement. Je devais reconstruire Heldéna.
— Mais Adécarthie est mort il y a des années, nous autre n'avons rien à voir dans cette guerre Ellen !
- Vous devriez vivre avec les conséquences de l'acte effronté de votre ancêtre. Grâce à moi, Marek sera à nouveau roi d'Heldéna et je détruirai jusqu'à la moelle la fictive royauté d'Heldor.
— Malheureusement pour vous, je ne suis pas morte, et moi aussi, je vengerai mon peuple.
— Avec tout le poison que tu as avalé, tu devras remercier les ordures avec qui tu traines pour leur aide, sinon...
Ellen ne termine même pas sa phrase qu'Uméïra prend son élan et écrase son pied contre sa mâchoire. Elle se garde Cependant d'y mettre toute sa force afin d'épargner la vieille femme.
— Ferme-la Ellen ! crie-t-elle avec rage. Je vais te faire souffrir, tu m'entends ?
Elle lui tire la tête par l'arrière en saisissant son chignon défait, et lui souffle à l'oreille avec colère :
— De la même manière que tu as pris plaisir à tuer à cause de ta maudite haine envers nous, je prendrais exactement le même plaisir à te torturer vieille sorcière.
— Je n'ai pas peur de toi Uméïra, tu es bien trop faible pour cela. Sinon, tu aurais eu l'intelligence et la force pour garder ton fils en vie.
Ses propos tranchants atteignirent Uméïra en plein cœur, et elle s'affaissa brusquement. Ellen avait frappé là où ça fait mal. Elle avait réussi à ranimer cette écrasante douleur qu'elle avait ressentie à la mort de son enfant. Elle était plongea dans une léthargie, qui, même si Ellen savait ne pas pouvoir échapper à la torture qui l'attendait, la rendait fière d'avoir détruit et marqué à vie cette jeune fille. Elle avait réussi au moins ça.
Ne supportant plus de la voir comme ça, Adrian se leva avec hargne et frappa Ellen au visage. Le sang continua de dégouliner de sa tête et de ses narines encore plus abondamment. Elle toussa fortement, prise par de légères convulsions.
— Je t'interdis de parler comme à Uméïra, c'est clair ?
— Laisse-la Adrian, laisse-moi m'occuper d'elle, dit faiblement Uméïra, la rage ranimée en elle.
— Quand je pense que toi aussi, Adrian, tu oses parler de trahison, commence Ellen, alors que tu...
Il écrasa un autre poing sur son visage pour la faire taire.
— Adrian, laisse-la-moi.
Ellen était chaos. Énervé, Adrian sortit et la laissa entre les mains d'Uméïra.
— Dis-moi, tu préfères que je te tue, dit-elle en faisant sortir l'épée de l'étui qu'elle portait au rein, ou que je te laisse vivre encore un peu de temps ?
— Tue...URGH...Tue-moi, petite chienne...répondit Ellen en pleine souffrance.
— Bien, fit Uméïra en prenant encore de l'élan.
Elle s'arrêta juste au niveau du cou d'Ellen, l'épée bloqué contre sa gorge.
— Je te tuerai, une fois que j'aurai entendu des excuses de ta bouche, et je serai prête à tout pour les entendre, prête à tout.
— Jamais de la vie.
— C'est ce qu'on verra, répondit Uméïra en alignant devant Ellen les instruments de tortures qu'elle avait préparé avec tant de soin.
***********
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top