Chapitre 61 : Sous le voile du silence

Narration circonstancielle

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Depuis le début de la nouvelle matinée qui est censée accueillir le retour d'Uméïra, Adrian s'impatiente. Il ne cesse de tourner en rond juste devant le sentier par lequel cette dernière est censée revenir. Il jette de temps en temps des coups d'œil inquiets sur la montre qu'il porte.

- Arrête de te faire du mauvais sang grand-frère, dit Heldra depuis la grotte. Elle a peut-être dû passer la nuit en forêt et ça a dû rallonger son trajet retour, tu vois.

- Justement Heldra. Et si quelque chose lui était arrivé dans la forêt ? Et qu'elle n'attend que nous ? Et puis, elle est encore convalescente.

- Mais non, elle va très bien et je suis sûre qu'elle sera là d'un moment à l'autre.

- Je vais prendre le même chemin, et si tout va bien nous cheminerons simplement ensemble, dit-il en marchant à pas bourrus vers son pur-sang.

- Elle t'en voudra de ne pas lui avoir fait confiance. Reste Adrian, insiste Heldra.

Il reste longuement pensif, puis continu dans son élan.

- Peu importe. Elle saura que c'est pour sa sécurité que je le fais.

- Yaaaaaa ! crie une cavalière chevronnée depuis un endroit qui semble être très proche.

Et cette cavalière n'est d'autre qu'Uméïra, qui, éreintée sur un cheval lui-aussi à bout de force, descend de selle et sans dire quoi que ce soit, s'accorde une petite pause qui est la bienvenue après des heures de route à dos de son destrier. Puis elle se met à marcher avec énergie jusqu'à la grotte, nullement nonchalante.

- Uméïra, nous étions tellement inquiètes ! s'exclament presqu'en chœur ses deux servantes, Nikita déjà en train de la débarrasser du peu d'affaires qu'elle avait emporté avec elle.

- Je suis là les filles, je vais bien, répond faiblement Uméïra.

Adrian, toujours arrêté à l'entrée du chemin, ne dit mot pour l'instant. La connaissant, il sait qu'elle ne dira rien des péripéties qu'elle a dû traverser dans ce voyage épuisant vers Heldor. Il prend son temps pour la regarder, et remarque ses pieds tachés de boue toute sèche, ses mains poussiéreuses, et ses cheveux complètement emmêlés à de l'herbe sèche. Conclusion, la nuit a été rude. Malgré tout, elle a un courage sans pareil, qui ne peut qu'émerveiller Adrian qui la croyait trop fragile et trop pure pour être du genre à se salir les mains comme elle l'a fait. Il ouvre grand ses bras pour l'accueillir, et elle s'y blottit avec bonheur, se délectant de la chaleur des bras de son protecteur.

- Tu m'as manqué ces deux jours, lui murmure-t-il à l'oreille en écrasant de doux baisers dans sa chevelure. Ça n'a pas dû être facile ce voyage.

- Oui, mais ça n'a pas été le plus dur. Ce que j'ai découvert a été un coup de massue encore plus grand.

Il la tient face à lui, pressé qu'elle lui raconte.

- Adrian, tu devrais la laisser se reposer un peu, elle nous parlera plus tard.

- Non, Heldra, le temps est beaucoup trop court pour prendre du repos, je ne peux même pas me le permettre, rectifie Uméïra.

Elle rentre dans la grotte, se débarrasse de quelques vêtements encombrants, et ressort de la grotte avec un chiffon.

- Tu penses que c'est le moment ? lui demande Adrian.

- Oui, une fois que je vous aurai tout expliqué, le compteur sera lancé. Approchez-vous, s'il vous plait.

Ils se rapprochent d'elle et forment tous les 4 forment un cercle. Elle se dépoussière les mains et les pieds, puis commence son récit. Elle ne leur cache rien. De la partie où Soria l'aida à pénétrer dans le royaume, jusqu'à ses différentes découvertes, en passant par le garde qu'elle dû faire taire de force. Elle leur raconta tout. Après son récit, ses trois auditeurs restèrent calmes, chacun plongé dans ses pensées.

- Pourquoi tout ça nous as été caché toutes ces années bon sang ! crache Nikita, dégoutée.

- Ça été un décret officiel, explique Adrian en se tournant vers sa sœur.

- À vrai dire, seule une poignée de personnes connaissent les détails de cette guerre, le reste, ils n'en ont gardé que des séquelles...mais à toutes a été intimé l'ordre de se taire, renchérit Heldra. Des gens comme nous.

Uméïra adressa un regard interrogateur aux deux frères, un peu perdue.

- Vous étiez au courant ?

- Notre mère a été tuée dans cette guerre. Donc oui, notre père n'a eu d'autres choix que de nous expliquer, répond Adrian, d'apparence calme comme un dieu, mais le cœur brulant par les souvenirs que cette simple phrase fait remonter en lui.

Uméïra prit un temps pour digérer la nouvelle, la bouche encore entrouverte. C'est vrai qu'elle n'avait jamais vraiment connu l'histoire d'Adrian. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'il était d'Heldor et avait une jeune sœur, Heldra.

- Oh, je suis désolée Adrian, et pour toi aussi Heldra...je ne savais pas tout cela, j'aurais dû faire plus attention, confie Uméïra en s'empourprant.

- Mais non Uméïra. Tu n'aurais pas pu savoir, c'était à Athéna, lâche brusquement Heldra.

Cette imprudence lui vaut un regard sévère d'Adrian, qui semble décontenancé.

- Donc vous êtes d'Athéna ? demande étonnée Uméïra.

- Heu, en fait...

Adrian regarde à nouveau sa petite sœur et lui ordonne sourdement de se taire et de le laisser arranger la situation. Adrian avait menti à tout le peuple d'Heldor. Il était un espion d'Athéna, donc Athénien d'origine. Mais si Uméïra le découvrait maintenant, elle pourrait douter de lui, et cela ruinerait tous les efforts qu'il avait fourni pour être dans les bonnes grâce de la princesse qu'il chérissait tant. La vérité viendra plus tard, une fois certaines blessures guéries.

- Nous sommes d'Heldor, ment Adrian. Mais une partie de notre famille maternelle résidait à Athéna. C'est donc pendant qu'elle venait voir à ses risques et périls un parent malade que maman a été tuée. Elle n'est jamais revenue.

Il se remémore les jours pendant lesquels sa sœur et lui ont attendu sans perdre une seule seconde l'espoir que leur mère Emalaïl reviendrait un jour avec de la nourriture et les bras chargés de jouets.

- Au nom de mon peuple et de mon ancêtre Adécarthie, ainsi que toute la famille royale, je vous présente mes sincères excuses, s'excuse Uméïra en se mettant à genou face aux deux frères, mais aussi devant Nikita, les paumes jointes.

- Moi, Uméïra d'Heldor, vous jure amitié et soutien éternel, pardon et amour, qui bien que forts, ne sauront combler le vide qui fut vôtre à cause de cette guerre inutile.

- Relève-toi, fait Adrian en lui tenant les phalanges pour l'aider à se mettre debout. Tu n'as rien à te faire pardonner, de même que ton peuple. Les responsables de tout ce carnage sont déjà morts. Toute douleur doit être oubliée.

Il prend le temps de soupirer, et continue :

- Tu sais, même moi j'avais de la haine, mais elle a disparue quand j'ai compris qu'Heldor est le peuple le plus merveilleux qui soit, et que je devais pardonner pour guérir.

- C'est d'ailleurs pour ça qu'Ellen et Marek n'ont pas le droit de remuer le couteau dans la plaie et de se venger inutilement sur une personne qui n'était même pas née au moment du conflit. C'est cruel et injuste, s'indigne Heldra.

- Et on leur fera payer leurs enfantineries qui ont assez duré, poursuit Nikita. On attend tes ordres pour agir.

Uméïra plonge ses iris noisettes dans ceux d'Adrian, qui pétillent d'impatience. À travers les plissements qui se forment autour de sa bouche, entourée d'une barbe vieille de bientôt une semaine délimitant grossièrement son menton avec une masculinité dévorante, elle sent un sourire fin. Elle n'arrive plus à le déposséder de son regard à elle, celui d'Adrian brillant aussi de désir. Il n'attend que son signal.

- Adrian, c'est le moment. Nous ferons comme le décidera ton plan, déclare Uméïra. Les filles, vous êtes avec nous ?

Les deux filles hochent la tête, trépignant d'excitation.

- Je n'ai absolument rien entendu. Êtes-vous du côté d'Heldor ? réitère énergiquement Uméïra, appuyant ses propos d'un regard déterminé qu'elle glisse sur les jeunes filles.

- Oui Reine ! crient-elles à l'unisson.

Adrian pénètre dans la grotte, et en ressort avec un petit cahier et différentes cartes : l'une pour le palais d'Heldor, l'une pour la forêt, et l'autre pour le palais d'Athéna.

- Heureusement que je l'ai pris avant de fuir Athéna. Et grâce à ces trois cartes, nous allons monter le stratagème idéal. J'y ai déjà pensé, et c'est la première étape.

- Quelle est-elle ? s'enquiert Nikita.

- À deux, ils sont beaucoup trop forts. On va donc capturer la reine-mère, sa majesté Ellen.

- Ellen ? s'écrie Heldra. Comment on pourra réussir ça ?

- Puisque je te dis que j'ai déjà réfléchis à tout cela Heldra, répond Adrian sur un ton plaintif.

- Enfin, l'heure de cette sorcière a sonné, ajoute doucement Uméïra en étirant ses lèvres en un sourire mauvais. Elle va payer. Quoi qu'il m'en coûte.

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