Chapitre 5 : Mamie est une héroïne !

   — Ah là là Uméïra...ce n'est pas vrai...

   — J'ai dansé avec lui, et il est parti sans même me dire son nom.

   — Mais comment tu peux tomber amoureuse d'une personne dont tu ne sais rien, c'est absurde !

   — Je sais, mais à défaut d'épouser quelqu'un que je ne connais pas et je n'aime pas, je préfère de loin épouser quelqu'un que j'aime.

   — C'est vrai, mais je ne peux pas te suivre dans des folies pareilles, déclare-t-elle en retirant sa jambe massée de dessus la mienne.

   — Mémé, s'il te plait, t'es la seule personne capable de m'aider et de me comprendre sur cette terre !

   — C'est hors de question Uméïra.

   — S'il te plaît mémé, s'il te plait te plait, te plait, te plait !

   — Ça suffit.

Elle me regarde avec des éclairs dans les yeux, que par expérience je sais être la preuves qu'elle a fini par abdiquer à ma demande. Je lui réponds par un sourire harmonieux, pleine de joie d'avoir enfin une alliée.

   — Mais qu'est-ce que je peux faire si tu ne sais rien de lui ?

   — Je sais seulement qu'il a les yeux bleus, les cheveux bruns, il est grand un peu comme Adrian, et avec un peu de chance je pourrais reconnaître sa voix.

   — Les yeux bleus, les cheveux bruns...c'est vague mais c'est mieux que rien. Adrian même serait un bon parti !

   — Orhhh mamie.

   — Il est amoureux de toi depuis le premier jour où il est devenu ton garde personnel et toi tu l'ignores.

   — Je ne l'ignore pas mais je préfère ne pas lui donner de fausses idées. Épouser mon garde du corps et ami ? Jamais.

Mamie opine lourdement de la tête, peu convaincue.

   — Bon, pour ton inconnu, je vais m'arranger avec ton père.

   — Ne lui dis pas que je ne le connais pas, il me tuera sinon.

   — Au fond, ce que tu veux est impossible. Mais bon, je ne peux rien te refuser tant que ce n'est pas un crime, dit-elle en me souriant. Tu ne me fais pas confiance ma tulipe ?

   — Bien sûr que si mémé !

Elle me fait un gros câlin et je me perds dans ses bras chauds. C'est ma confidente, ma complice, ma meilleure amie, mon tout. La seule à qui je peux complètement ouvrir mon coeur.

   — Mais si tu veux que la situation s'arrange, va t'excuser auprès de ton père. Il faut qu'il soit disposé à faire une exception pour toi.

   — Il doit être en colère contre moi, c'est vraiment nécessaire ? dis-je d'une voix timorée. Ce serait mieux de laisser passer le temps, non ?

   —  Pas de négociation. C'est ton père, si tu as sa bénédiction, c'est le plus important.

   — D'accord mémé...

   — Mais attends demain, il fait déjà nuit. File te coucher ma tulipe, ne rêve pas trop à l'inconnu !

Elle me fait un clin d'œil pendant que je me lève, un large sourire plaqué sur mon visage. Elle a raison de me le dire, parce que je ne fais que ça depuis le fameux soir : Rêver à lui. À cet homme sans visage.

*

Dès les premières lueurs du soleil du lendemain matin, mes servantes gravitent autour de moi et s'empressent de m'apprêter avant que mon géniteur et ma génitrice ne perdent patience. Aujourd'hui, je dois être officiellement présentée à la famille royale d'Athéna, et accessoirement à mon futur mari. Je descends l'escalier avec appréhension, manquant de prendre en plein dans le visage la moquette brodée qui le recouvre. Je crois pouvoir dire sans exagérer que cette période de ma vie sera la pire de toute.

   — Encore en retard Uméïra, me signifie mon père, toujours un l'œil sur la montre gladiateur fétiche qu'il porte.

   — Toutes mes excuses père, je suis là.

Je soulève un peu ma longue robe, et vais me courber devant lui et maman, comme me l'a conseillé mamie Rhoda.

   — Je vous prie de m'excuser pour tout ce que j'ai fait hier. Je me suis comportée comme une entêtée et je vous jure que cela ne se reproduira plus.

   — Hum. Lève-toi.

J'hésite à relever la tête, de peur de me heurter à un regard plein de déception de sa part. Mais quand je rencontre ses yeux, mon coeur s'emballe de joie de voir ses traits aussi détendus. Il m'adresse même un petit sourire de miséricorde.

   — Allons-y mon entêtée. Au retour nous commencerons à chercher celui qui vous conviendra. Le mariage est dans six mois alors il n'y a pas de temps à perdre.

   — Merci père, merci ! Et à vous aussi mère !

Maman me fait un bisou sur le front, et je les suis religieusement jusqu'au carrosse. Mamie Rhoda lui a déjà parlé, et a fait un travail incroyable : mon père a repoussé le mariage au-delà de mes espérances ! Mémé est vraiment la meilleure !

*

Nous sommes à Athéna après quatre jours de voyage. De loin, c'est la ville la plus magnifique que je n'ai jamais vue. Après Heldor bien entendu. Elle est entourée d'une forêt dense et humide, et séparée en son sein par plusieurs cours d'eau réguliers. Le palais se trouve en bordure de forêt, et le village est de l'autre côté, comme Heldor, à la seule différence que mon royaume possède le port le plus animé de l'empire.

   — Bienvenue à la noblesse d'Heldor ! annonce le roi d'Athéna, Michaël.

Mes parents descendent du carrosse royal, et je les suis juste après. Adrian m'aide gentiment à en descendre. Je marche sur leurs pas au milieu de la haie de gardes qui continue jusqu'à l'entrée du palais. Au seuil de la grande porte, le roi et la reine d'Athéna nous attendent tout sourire. Le roi a l'air très vieux, mais très doux. Pareil pour sa femme, qui garde cependant les traits d'une jeune demoiselle. Elle a l'air très raffinée, entièrement de blanc et d'or vêtue.

   — Bienvenue et longue vie à la noblesse d'Heldor, redit le roi une fois notre délégation arrivée à son niveau.

   — Votre accueil nous va droit au cœur cher allié, dit mon père.

Ils nous font une révérence et nous faisons de même.

   — Vous avez là une bien charmante jeune fille Yanna, confie la reine à ma mère.

   — Je vous présente Uméïra, mon unique enfant.

Je m'approche et baisse la tête en signe de respect. La reine d'Athéna me prend le menton et m'examine longuement.

   — Plus je vous regarde, plus je vous trouve parfaite, me dit-elle avec un sourire fin.

   — Merci votre Majesté, la remercié-je, perplexe.

   — Et si nous profitions de cette belle journée pour visiter Athéna ? propose le roi.

   — J'en serai honoré Michaël, répond mon père.

Ils nous emmènent avec eux et nous font visiter les endroits les plus splendides d'Athéna. C'est un véritable plaisir pour les yeux, et l'accueil de leur peuple est très chaleureux. Malheureusement, quelques petits soucis personnels m'obligent à cacher ma joie : Mes escarpins me donnent très mal aux pieds et j'ai une faim terrible qui me tenaille. Et le pire a surtout été de constater que l'humilité n'est vraiment pas une qualité de la famille royale d'Athéna.

   — Et là, continue Michaël, nous avons le dixième monument historique le plus important d'Athéna, qui reflète la puissance culturelle de notre royaume, reconstruite après tant d'épreuves.

Vive la modestie. Leur entrain commence à devenir vraiment très lourd. D'ailleurs, je trouve mon père d'ordinaire très pressé presque un peu trop aimable. Il n'est pas du genre à supporter ce genre de défaut mais puisqu'il faut faire bonne figure, il le fait sans rechigner, par sens du devoir. Mais après les propos du roi, je le sens gêné et franchement à bout.

   — Mickaël, l'interrompt sa femme, on a fait le tour de la ville et le repas est sûrement prêt. C'est peut-être l'heure de rentrer tu ne crois pas ?

   — En effet, c'est l'heure de manger.

Elle lit dans les cœurs cette bonne dame ! J'arrivais à peine à sourire. Encore quelques secondes et j'allais m'écrouler de faim.

Sur la table garnie de mets de la salle à manger, il y a tout ce que j'aime. Mais si je ne veux pas me faire fusiller du regard par maman, j'ai intérêt à y aller mollo. Je me sers donc un velouté de pommes de terre aux cornichons, et commence à engloutir timidement mon repas.

   — Alors Uméïra, quel âge as-tu ? me demande le roi.

   — J'ai vingt-deux ans votre majesté.

   — Tu es en plein dans l'année la plus importante de ta vie. Armin, qu'est-ce que vous attendez pour la marier ?

   — Les préparatifs vont bientôt commencer, explique mon père. Votre fils n'est pas là ?

   — Marek ne pourra pas se joindre à nous aujourd'hui. Il est en mission royale dans l'empire voisin.

   — Il s'est déjà choisi une épouse ?

   — Il est justement à la recherche de sa future reine.

La reine me regarde en souriant. J'ai l'impression que je suis sur le point d'être vendue. Au secours. Je lui rends son sourire niais pour faire diminuer la sueur qui commence à perler sur mon front.

   — Vous savez déjà à qui vous la marierez ? demande la reine.

   — Elle choisira. Si son choix ne nous convient pas, nous avons déjà notre petite idée sur son futur époux, dit mon père.

Alors là. Quelle sollicitude de sa part.

   — En toute honnêteté, ajoute le roi, Marek est fou de votre fille, Armin. Il ne parle que d'elle.

Il ne manquait plus que ça. Je suis vraiment dans un sale pétrin. Déjà que les parents le voient déjà comme l'heureux élu, il fallait que ses parents à lui confirment qu'il me veut effectivement. L'inconnu a intérêt à pointer le bout de son nez sinon mon sort est déjà scellé.

   — Nous sommes sûrs qu'il sera un excellent roi, tout comme toi Mickaël, approuve mon père.

   — À Uméïra maintenant de faire son choix, renchérit ma mère.

Tous les regards se tournent vers moi et le silence est en plein concert. Chacun des souverains autour de la table pensent déjà au costume de mariage qu'ils devront porter et leur yeux brillent de bonheur. Moi par contre, savez-vous où j'ai envie d'être à cet instant ?

Six pieds sous terre.

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