Chapitre 46 : Jolis petits complots
— C'est vraiment triste que nous soyons ici présent à cause de ce malheur, déclare le roi Anthony une fois tout le monde installé dans le grand salon. Au nom de ma femme et de tout le royaume d'Utopia, je vous présente mes vœux de guérison les plus sincères à l'endroit de la reine.
— Vos nobles intentions nous vont droit au cœur cher ami, nous en avons vraiment besoin, répond Marek.
— Sans vouloir paraître indiscrète mon seigneur, commence Maya.
Elle interroge son mari des yeux, et celui-ci lui donne la permission de parler.
— Vas-y Maya, dit Marek. Pose ta préoccupation.
— Est-ce la perte de l'enfant qui l'a rendue malade ?
Marek et sa mère se jettent un regard appuyé, qui laisse croire à une télépathie d'urgence.
— En fait, la reine avait commencé à perdre les pédales depuis un moment, à cause de problèmes personnels. La perte de l'enfant n'a fait qu'aggraver sa...sa démence primaire. Elle ne l'a pas supporté et est actuellement très mal en point. Tant moralement que physiquement, conclue Ellen, fière de sa trouvaille.
— J'aimerais monter la voir, si c'est possible, demande Maya.
—Bien sûr, tu es ici chez toi Maya, dit Ellen.
Ellen voyait cette dernière comme la belle fille idéale qu'elle aurait voulu avoir.
De Maya, elle savait qu'elle n'avait rien à craindre parce qu'elles avait toutes les deux la même noirceur d'esprit. Maya était aussi vicieuse qu'elle, et l'amitié qu'elle disait démontrer à Uméïra n'était que pur hypocrisie.
Anthony et la reine-mère étant montés rejoindre Maya, Adrian profite du fait que le roi Marek soit seul dans la grande salle pour l'approcher et s'incliner à ses pieds, un genou et les deux mains posées au sol, tête baissée. Il a une requête à faire et tente de mettre toutes les chances de son côté en misant sur l'égocentrisme de Marek, qui adore se faire adorer.
— Mon roi, j'implore votre miséricorde.
— Qu'y a-t-il Adrian ? répond Marek avec désinvolture.
— Puis-je m'absenter un court moment pour raison familiale ?
— Non, tranche Marek. Vous savez très bien qu'en tant que garde de la famille royale, vous ne devez pas vous détacher du palais en présence d'invités.
— Je le sais mon roi, mais cela est urgent.
— De quoi est-ce qu'il s'agit ?
— De...ma tante malade.
— Ce n'est pas un membre de votre famille proche donc non. Vous pouvez disposer.
— Mon roi, je...
— Hors de ma face Rhys !
Marek ne l'appelait que par ce nom, pour lui rappeler qu'il n'avait plus droit à la parole. Que c'était lui Marek, le tout puissant, qui décidait, et qu'Adrian n'avait d'autres choix que de se plier à ses ordres. Marek lui lance un regard menaçant, qui lui rappelle alors le secret qui le lie à ce palais démoniaque. D'autant plus que Marek nourrissait une haine personnelle contre Adrian pour s'être trop rapproché d'Uméïra. Remballé, Adrian se retire de devant Marek et retourne à son poste. Il ne pourra aller nulle part avant le départ d'Anthony et Maya. Frustré, il se poste à l'entrée du palais, pour qu'au moins en cas d'urgence, Heldra puisse lui faire signe.
*
Maya est arrivée depuis un bon moment déjà dans la chambre à coucher d'Uméïra. Son mari est passé voir Uméïra aussi, mais n'a pas dépassé le seuil de la porte, par respect pour les coutumes qui n'autorisent aucun homme, sauf Marek, à pénétrer dans la pièce de la reine sauf pour une extrême urgence. Maya s'assoit sur le rebord du lit et pousse l'énorme voile qui l'entoure. Elle regarde le visage d'Uméïra, qui a définitivement plongé dans un coma. Ses lèvres sont hermétiquement coincées l'une contre l'autre, sèches. Elle a la peau pâle comme un mort, et plein de lignes bleuâtres dans le cou comme si elle s'était faite étrangler. À première vue, elle paraît morte. Seule sa faible respiration est la garantie qu'elle vit encore.
— Quand je pense qu'on a pu un jour être amies, murmure Maya. Tu avais tout, et moi, rien. Un père qui t'adore, l'homme que tu aimes, la beauté, ta vie était parfaite Uméïra. Et moi ? Je sortais zéro, nulle. Nous étions toujours en compétition sans même que tu ne t'en rendes compte. Marek, il est à moi, c'est moi qui l'ai aimé en premier. Toi, ta place est parmi les morts. Tu n'es même pas capable de garder un enfant. Sur ça au moins, je t'ai battue. J'en aurai trois bientôt, et toi, zéro. C'est moi que Marek aime. Sseulement tu voyais comment il me fait l'amour ma chère, tu comprendrais que ton mari n'est plus à toi.
Elle se laisser aller dans un rire mauvais, et se remit à parler.
— Je te laisse crever ici ma pauvre, moi je dois aller voir l'amour de ma vie. Une fin bien tragique, mais que tu mérites, haha !
Maya rabat le voile sur Uméïra, fière de l'exubérance de sa méchanceté. Elle sort avec une démarche chaloupée, exhibant le ventre de 6 mois qu'elle a devant elle, rire diabolique dans la gorge. Elle dévale les escaliers avec précautions, impatiente de retrouver une chaude intimité avec Marek malgré son état. Ce manque de pudeur l'excite davantage à prendre son pied, oubliant même que la vie est régie par la primauté de la justice divine, qui quand elle le veut, est tout simplement divine. Arrivée au niveau de la chambre de son amant, elle freine dans son élan, intriguée par les voix qu'elle perçoit depuis sa stratégique position. De ce qu'elle entend, c'est bien Marek qui discute avec une femme, qui n'est autre qu'Ellen. Compte tenu du ton presque inaudible qu'ils emploient, Maya prend conscience que la présence d'une tierce personne n'est pas souhaitée. Mais ils se croient tellement en sécurité qu'ils ne vérifient pas si quelqu'un est tapis dans l'ombre. Maya, curieuse, et soudainement envahie d'un mauvais pressentiment, se cache juste derrière la porte, et colle légèrement son oreille à la porte. De quoi sont-ils en train de parler ? Elle le saura.
— Je suis tellement fier de vous mère, dit Marek. Vous agissez avec une telle finesse que j'en suis moi-même toujours subjugué.
— Plus que quelques jours avant que cette Uméïra soit de l'histoire ancienne. Grâce à votre mariage, tu as désormais pouvoir sur Heldor, jusqu'à ce que le petit microbe qui lui sert de cousin ne s'empare du trône.
— Sauf qu'il risque d'avoir un petit accident ce Nehal, dommage, fait-il, moqueur.
— Si ton père s'était montré plus coopératif, on n'aurait pas eu à le tuer, mais il est tellement entêté que quand il a commencé à apprécier cette fille, déjà qu'il n'était pas très d'accord, il a osé me faire chanter, moi, Ellen.
Marek marque un court moment de pause, pendant lequel il a l'air d'hésiter. Il trottine dans la pièce, nerveux. Maya, quant à elle, a le cœur tellement serré qu'il ne bat plus. Sous le choc, elle manque de s'écrouler face à une telle méchanceté.
— Qu'est-ce qu'il y a fils ?
— Mère, j'ai encore un peu de mal à digérer ce qu'il s'est passé avec père. Vous l'avez...étranglé de vos propres mains, j'ai du mal à le concevoir.
— C'était un mal pour un bien mon fils. Et puis il est trop tard pour reculer. Armin aussi, le père d'Uméïra, et Rhoda sa grand-mère, y sont passés je te signale. Ils constituaient tous des obstacles qu'il fallait à tout prix écarter, tu vois ? Tous ces sacrifices, je l'ai fait pour nous Marek.
— Je sais mère, je le sais, et c'est pour ça que je compte continuer ce qu'on a commencé. Cela vous tient tellement à cœur qu'on ne peut pas abandonner si proche du but.
— Oui, et pour cela, il faut que tout le monde pense que la reine Uméïra est morte de dépression pour avoir désespérément attendu un enfant qui est malheureusement mort-né.
Marek lâche un rire cynique qui n'échappe pas à l'ouïe aiguisée de Maya.
— Vous savez mère, après mon mariage avec Uméïra, j'ai pensé à un moment que je l'aimais bien. J'étais même un peu triste qu'elle n'arrive pas à enfanter. Au fait mère, comment avez-vous fait pour retarder sa grossesse malgré toutes les nuits qu'on passait elle et moi ?
— Recette privée mon garçon, répond Ellen en collant son index à ses lèvres. Une chose est sûre, ta ''femme'', ajoute-t-elle en illustrant les griffes avec ses doigts, n'était pas stérile, ni toi d'ailleurs. Elle aurait dû être enceinte dès le lendemain de votre mariage. Et je pense même que sa première maladie était en réalité une grossesse que j'ai interceptée, et tu connais la suite.
— Oui, Arthus n'était qu'un prétexte pour la faire culpabiliser davantage. Mais ce connard a voulu en profiter pour la sauter dès qu'il le voulait.
— Serais-tu jaloux, Marek ? lui demande-t-elle, l'air interrogateur.
— Je l'ai très mal supporté, en effet. C'est un sacrifice que j'ai accepté de faire pour vous mère.
— Je ne sais pas pourquoi tu t'inquiètes pour ce torchon. Maya ferait une meilleure femme. Uméïra n'est qu'un pion.
— Hum, oui, vous avez raison, elle n'est qu'un pion, lâche-t-il, très peu convaincu.
— Dernier acte : Lui faire perdre cet enfant pour qu'avec son moral plus bas que terre, le poison puisse la ronger définitivement.
— Vous êtes un génie mère.
— Et toi donc, réussir à faire semblant pendant tout ce temps, je dois te tirer mon chapeau fils. On tient notre vengeance sur Adécarthie !
Tous les deux se mettent à rire distinctement, animé par le mal à l'état pur.
Maya a les poils dressés d'horreur quand elle décolle l'oreille de la porte. Elle ne peut plus faire un pas, et tremble sur elle-même, traumatisé par le plan cruel échafaudé de sang-froid par la famille royale d'Athéna. L'homme qu'elle aimait, et sa belle-mère par emprunt étaient des meurtriers, des hypocrites, des traitres, des sanguinaires. Elle porte la main à sa bouche, horrifiée, stupéfiée, et se passe la main sur le visage pour être certaine de ne pas rêver. Armin, Michaël, Rhoda, le bébé d'Uméïra, etc. Tant de personnes mortes pour mener à terme leur macabre dessin. Pourquoi tout ce massacre ? Pourquoi tant de victimes ? Pourquoi tuer Uméïra ? Maya était sûre d'une chose : Uméïra avait beau l'énerver, elle ne méritait pas cela. Maya prenait conscience de l'enfer qu'elle vivait ici, enfermée dans ce palais doré. Elle souffrait injustement, était juste née à la mauvaise date et à la mauvaise heure. Marek n'était pas l'homme idéal qu'elle imaginait. Et Ellen était beaucoup plus méchante que ce qu'elle croyait.
Encore tourmentée, Maya n'entend pas assez vite le grincement que fait le siège où s'asseyait Ellen, indiquant un mouvement de sa part. Elle ne le remarque que plus tard, quand elle se rend compte que plus rien ne se dit à l'intérieur de la pièce. Elle soulève sa grande robe rendue deux fois plus large par sa prise de poids prénatale, et se précipite vers l'escalier qui se trouve juste à l'intersection du côté sud et du côté nord des quartiers de Marek. Sauf que la porte s'ouvre avant qu'elle n'ait eu le temps d'y poser le pied.
— Maya ? grogne Ellen, surprise. Qu'est-ce que tu fais là ?
Elle se retourne avec peine pour faire face à Ellen, de qui elle n'arrive pas à supporter le regard transperçant. Ellen la toise des yeux, cherchant à la déstabiliser pour arriver à percer le mystère sur ce qu'elle sait. Une chose n'est plus à vérifier : Maya sait quelque chose. Mais quoi ? Était-elle là depuis le début ?
— Heu...belle-maman, je...je me suis perdue en cherchant nos appartements à Anthony et à moi. Je pensais que c'était ici.
Ellen opine faiblement de la tête, toutes les conclusions déjà tirées.
— Bien, je voulais juste savoir Maya, tu peux y aller.
Maya file dans les escaliers, ne prêtant même pas attention à ce qui se passe derrière elle. Pensant fuir le danger, elle ne s'attend pas aux deux paumes dures qui se posent sur ses frêles épaules.
— Tu n'aurais pas dû écouter, Maya. Tu es trop curieuse, ça me déçoit venant de toi, murmure Marek à son oreille.
Elle n'a même pas le temps de comprendre la portée de ses paroles qu'elle sent qu'elle perd le control, poussé par une force vers l'avant. Les marches se mélangent sous ses pieds, le vertige l'entourant comme de la brume. Elle ne voit plus rien, aucun son n'arrivant à lui sortir de la bouche. Elle lit, désespérée, sa chute fatale sur le sol, des larmes s'élevant dans le ciel pendant sa chute libre.
En dessous d'elle, le sol dur semble attendre son inexorable et violent atterrissage...
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