Chapitre 41 : Au bout du rouleau 🔶

Attention ! Ce chapitre contient une scène sensible faisant référence à une tentative de viol.

*

   — Je peux savoir pourquoi vous me regardez ?

Le timbre de ma voix est menaçant, avec le regard qui l'accompagne. Traumatisée par le sexe à répétition que Marek me fait subir depuis plusieurs semaines déjà, je ressens de plus en plus une énorme haine à l'égard de la race masculine. Aujourd'hui, je ne fuis pas Arthus du regard. Je n'ai plus rien à perdre de toute façon. Depuis que j'ai commencé à prendre mon bain, je ne fais que le fixer, pendant qu'il garde son regard toujours aussi pervers, l'air hautain, ne démordant pas à déceler chacune des courbes de mon corps. Dans mon regard à moi, peut se lire une sérieuse envie de meurtre, qui grandi chaque jour.

   — Je vous regarde parce que vous êtes ravissante ma reine, répond-t-il avec audace.

Comme à chaque fois, il réussit à me dégouter un peu plus. Au début, il se contentait de me surveiller et de partir à la tombée de la nuit. Mais ces derniers temps, je sens qu'il a autre chose derrière la tête. De toute manière, tout ce que j'ai essayé jusque-là pour le faire partir n'a pas marché. Las, j'ignore sa réponse pleine de concupiscence et m'extirpe du bain pour m'emparer de mon peignoir. Mais Arthus me devance et le prend pour moi.

   — Je vais vous aider à l'enfiler.

Furieuse de cette initiative arrivée beaucoup trop tard, je lui arrache mon peignoir des mains et le porte moi-même.

   — Je vais me passer de ton aide merci.

Il ne répond rien et retourne à son poste de garde, sourire en coin. Je l'ignore, et prend la route de la sortie, qu'il me barre en mettant la main devant moi.

   — Enlevez-vos mains de là avant que je ne m'énerve.

   — Et qu'est-ce qu'elle va faire la "grande" reine ?

Choquée par son incroyable manque de respect, je déglutis. J'ai l'impression que tout le monde prend ses libertés dans le palais. Agacée de son jeu de pervers, je l'ignore encore une fois, et le contourne, mais il me ramène violemment à lui. Il essaie de m'embrasser, mais reçoit en cadeau une belle paire de gifle.

   — Lâchez-moi où je crie ! Ça ne va pas ?

Il essuie ses joues, et baisse la main vers mes hanches et mes fesses, qu'il n'hésite pas à tripoter.

   — Arthus !

J'enlève ses mains, horrifiée.

   — Ils me demandent de surveiller un femme nue, sans s'inquiéter de savoir si cela me fait ou non de l'effet. Est-ce que ce n'est pas une sorte de...laisser-passer ?

Ses mots me figent sur place. Il a raison. On ne peut pas demander une chose pareille à un homme sans qu'il y ait de dégâts collatéraux prévus. Mais je ne compte pas me laisser faire. Pas cette fois.

   — Je vais crier, laissez-moi partir ! menacé-je.

   — Ne me dites pas que je ne serai pas un bon amant, c'est un mensonge ma belle. Vous le savez mieux que personne.

   — Mais vous êtes malade ! Je ne suis pas votre belle, mais votre reine, tonne-je avec le peu de dignité que j'ai encore.

Sans rien ajouter, il me pousse violemment sur le sol glacé. Dans ma chute, j'atterris sur mes fesses, et suis aussitôt secouée par une effroyable douleur à la colonne vertébrale. La douleur est telle que je grimace, incapable de faire des mouvements contrôlés. Profitant de ma vulnérabilité, Arthus s'allonge sur moi et plonge sa tête dans mon cou, me salissant de ses dégoutants baisers baveux. J'étouffe, écrasée par son poids. Avec mes dernières forces, je le repousse, juste assez de temps pour crier à l'aide avec le peu de voix qu'il me reste.

   — Au secours !

Il referme ma bouche avec sa main, détachant avec soin mon peignoir. C'est la fin. Je ferme les yeux, prête à subir une fois de plus.

   — Votre Majesté, tout va bien ? Arthus, qu'est-ce que tu fais !

Adrian, se jette sur Arthus et le projette loin de moi, avant de le couvrir de coups qui lui déchire la lèvre inférieure. Puis il vient me prendre dans ses bras, alors que je tremble de tout mon être, traumatisée.

   — Il...voulait...je...il a voulu...J'aurais dû...je ne peux pas subir ça encore...je...

   — Calmez-vous ma reine. C'est terminé.

Il me frotte le bras, me réchauffant au creux des siens, son menton posé sur ma chevelure mélangée. Il passe tendrement la main sur mes cheveux, mais je continue toujours de trembler, et ma respiration ne revient toujours pas à son état normal.

   — Qu'est-ce qui se passe ici ?

Ellen se pointe sur le seuil de la porte avec deux autres gardes, l'air suspicieux.

   — Arthus ici présent, a tenté de faire du mal à la reine Uméïra, mais j'ai pu arriver à temps, se hâte d'expliquer Adrian.

Ellen ordonne aux deux autres gardes de saisir Arthus, qui arrive à peine à tenir sur ses jambes après les coups que lui avait infligé Adrian.

   — Je vous ai demandé de la surveiller, pas de la violer, reproche Ellen à Arthus en le lorgnant. Ça passera pour cette fois, mais je ne veux plus vous voir dans le palais. Hors de ma vue.

   — Mais votre majesté ! J'ai fait ce que...

   — La ferme Arthus ! crie-t-elle.

Pendant que les gardes trimballent Arthus dehors, Ellen vient à notre niveau à Adrian et moi, et nous détache l'un de l'autre, le regard méprisant. J'arrive à peine à tenir debout.

   — Vous Adrian, tâchez de ne pas oublier qu'elle est une femme mariée. Quant à toi Uméïra, ton attitude de prostituée se passe de commentaire.

   — Ne lui parlez pas comme ça, elle n'a rien fait de mal, dis courageusement Adrian.

   — Vous voulez être banni d'Athéna, ADRIAN ? lui demande-t-elle en insistant sur son nom. Si oui osez ouvrir encore une fois la bouche pour défendre cette fille de joie.

Elle nous tourne le dos et sort. Adrian voulait répliquer, mais je pose mon index sur sa bouche pour lui dire de se calmer. Honteuse d'être en tenue si légère devant lui, je me couvre du mieux que je peux, les battements de mon cœur se décuplant chaque minute. Mon corps est couvert de rougeurs douloureuses, qu'il m'est malheureusement impossible de cacher. Le visage triste, Adrian baisse la tête, se frottant les mains, agité.

   — Merci Adrian, dis-je poliment.

   — Vous pourrez toujours compter sur moi ma reine, toujours.

   — Comment avez-vous su ce qui se passait ?

   — Je...passais à côté. Heureusement, balbutie-t-il.

Sans plus de mots, il m'aide à aller dans la chambre et sort en me laissant seule sur mon lit de tous les cauchemars.

Ces tortures ont assez duré. Je ne vais pas continuer de me taire, et je ne mérite pas ce qui m'arrive. Même si je dois y laisser ma vie. C'est décidé. Je prendrai le taureau par les cornes, pour l'honneur d'Heldor, et celui de ma mère.

*

C'est l'après-midi. Déjà deux jours que cet incident s'est produit. Affamée comme pas deux, je me dirige vers la cuisine, et fouille désespérément les placards à la recherche de quelque chose de consommable. Je tombe sur un bol couvert de grain maïs précuits, que j'ouvre et me met à dévorer. C'est tellement délicieux, que je glousse à chaque bouchée.

   — Encore vous. Qu'est-ce que je vous avais dit ?

Sortie de nulle part, Ellen s'approche de moi et me foudroie du regard. Toujours là au moment où il ne faut pas. Je ne lui réponds rien, occupée à déguster mon plat improvisé.

   — C'est à toi que je parle prostituée.

Cette fois, je m'étais préparée. Le volcan qui boue en moi est déchainé. Il est temps d'en finir, il faut que je parle.

   — Ne m'appelez plus jamais comme ça Ellen. Je ne suis pas ce genre de fille et vous le savez.

Surprise de ma répartie, elle lève la tête et m'affronte du regard.

   — De quelle droit oses-tu me parler sur ce ton ?

   — Tout ce temps, j'ai supporté vos caprices, vos remontrances, vos méprises sans rien dire. J'ai tout encaissé Ellen, et vous savez quoi ? J'en ai marre ! Marre de vos regards hautains, de vos paroles blessantes, j'en ai assez, vous entendez ? J'ai perdu mon fils, et que je sache, ce sont des choses qui arrivent, non ? Qu'à cela ne tienne, vous n'avez pas le droit de me traiter comme vous le faites !

   — Je n'y crois pas. Quel culot, me crache-t-elle sans la moindre colère.

   — Vous êtes tous hypocrites dans ce palais, allez tous au diable ! Vous n'êtes qu'une sorcière, qu'une vipère, Ellen. Vous savez ce que je pense de vous ? Vous êtes une femme odieuse, inhumaine, méchante, et ce que j'ai envie de dire en vous voyant, c'est merde ! Merde, j'en ai assez !

Loin d'être ébranlée par mes insultes que je lui ai copieusement infligées, Ellen applaudi.

   — Cela vous amuse ? C'est pire que ce que je croyais, lâché-je, dépitée que mes mots lui glissent sur le corps.

   — Sais-tu ce que tu viens de commettre ? Un délit grave : Outrage à la reine-mère. Et c'est passible de mort, vu que j'ai des témoins, conclue-t-elle en regardant en direction des gardes apparus de nulle part à l'entrée de la cuisine.

Elle leur fait signe d'entrer, et m'arrachant le bol des mains, leur ordonne de m'enchainer. Esprit rebelle jusqu'à la moëlle, je me fiche royalement de ce qu'elle compte me faire, immunisée de toute maltraitance. Du moins, c'est ce dont je me persuade.

   — Vous allez me tuer, hein ?

   — Attachez-là sur le grand arbre du jardin du palais, celui au fond. Elle y restera jusqu'au lendemain, c'est sa punition, ordonne-t-elle au garde sans même s'occuper de mes dires.

   — Quoi !? Non, mais c'est...

Un garde me met un bâillon et m'emmène avec lui, mais Ellen lui dit de patienter et elle s'approche de mon oreille.

   — C'était la seule erreur à ne pas commettre Uméïra, je vais te le faire payer très cher.

Puis elle m'assène deux petites tapes sur la joue droite et laisse les gardes me traîner jusqu'au grand arbre. Je me fais une infinité d'égratignures qui rougissent et s'humidient de sans les unes après les autres. Mon bourreau m'attache très violemment, dos contre le fromager. Le nœud est tellement serré que mon sang n'arrive plus à circuler dans certaines parties de mon corps. Supplice est le mot adapté pour décrire ma situation. Au début, je fais mine de ne rien sentir, rien que pour faire mal à Ellen. Mais très vite, les douleurs deviennent insupportables, et des cris m'échappent des cordes vocales, qui arrêtent bien vite de jouer leur musique de détresse : ma voix s'éteint.

Je suis des centaines de mètres du château, et ce serai un miracle que Nikita ou Heldra m'entendent, ou que même Adrian vienne me sauver comme l'autre fois. Alors que c'est les seuls en qui j'ai confiance. Tous les autres sont des traitres. À bout de force, affamée, affaiblie, affublée de toutes sortes d'angoisses, je cesse de lutter. Je ne réponds plus de rien. Je ne ressens plus rien. J'ai le cœur vide. Jusqu'à ce que la nuit tombe.

Plus de cinq heures que je reste attachée là. La nuit est froide, et je sens le mistral glacé pénétrer mes os. Il doit me rester plus de sept heures à passer ici. Vais-je tenir ? N'est-ce pas une sorte de peine capitale qui ne dit pas son nom ? Prête à dire adieu à la vie, je cesse tout résistance et me laisse aller, priant de toutes mes forces pour mourir enfin. Ma mère ne le supporterait pas, mais je n'en peux plus, j'ai atteint mes limites.

*

Mes yeux sont caressés par une lumière douce. Je sens mon corps humide comme une plante, à cause de la rosée. C'est sûrement le petit matin. Déçue d'être encore en vie, des larmes me coulent seules des yeux. Les parties de mon corps qui étaient attachées et qui ne le sont plus parce la corde s'est déplacée sont lacérées et rouges à faire peur. Si je sors vivante de ce supplice, ma vie dans ce palais sera pire qu'avant. Mais que faire quand vous appelez la mort et qu'elle refuse de vous répondre ?

   — Reine ?

La voix lointaine d'Adrian me fait sursauter. Je ne vois plus très bien, mais entend parfaitement le bruit d'un cavalier qui s'approche. C'est un miracle.

   — Reine, c'est vous ?

Il est sur son cheval, et le fait galoper en toute vitesse en ma direction, avant de l'abandonner pour courir vers moi.

   — Putain, mais que vous ont-ils fait !?

Horrifié, il s'empresse de me détacher, non sans regarder par-dessus son épaule de temps à autre par mesure de prudence.

   — C'est de ma faute Uméïra, je les ai laissés vous faire du mal.

Je m'écroule dès que Adrian défait la corde. Il a prononcé mon prénom avec une telle douceur, que je me sens en sécurité.

   — Je vous emmène au château, vous êtes mal en point.

   — Non...refusé-je.

J'use de mes dernières forces pour lui parler.

   — Tu dois me laisser là et t'enfuir. Ta vie...est en jeu...

   — Je ne me pardonnerais pas qu'il vous arrive...

   — Juste à manger, c'est ce que je veux...dis-je faiblement.

   — Je n'ai qu'un bout de mon petit déjeuner. Tenez. Faites un dernier petit effort.

Il me fait manger un bout de pain, après quoi je retrouve juste assez de force pour le convaincre de partir.

   — Écoutez-moi Adrian, allez-y pour votre vie. Si quelque chose m'arrive, vous pourrez témoigner. Si par contre quelque chose vous arrive, tout est fini. Partez, prévenez Heldra et Nikita, c'est tout ce que je vous demande, par pitié...

Il dépose un baiser délicat sur mes tempes et grimpe sur son cheval.

   — Bien ma reine. Yaaa !

Au fur et à mesure que je l'entends s'éloigner, des bourdonnements emplissent mes oreilles, et toutes mes forces m'abandonnent. Complètement dans les vapes, je perds la notion du réel, engloutie par un trou noir temporel.

Au bout du rouleau.

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