Chapitre 35 : Le bébé de la dernière chance

Derrière les yeux d'Uméïra

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Déjà au huitième mois. Ça fait des semaines que je supplie mon bébé de se décider à sortir, parce que j'en peux plus. Des douleurs, des douleurs, toujours des douleurs. J'ai souvent tellement mal que j'en ai des vertiges. Dire que j'ai remué ciel et terre pour cette grossesse. Ce qui pourrait m'aider à supporter, ce serait de voir mamie Rhoda, et maman. Elles me manquent tellement en ce moment. Elles avaient prévu de passer me voir, mais depuis leur premier passage, plus aucun signe. Peut-être qu'elles attendent le 9ième mois pour assister en même temps à l'accouchement.

   — Uméïra ? Tout va bien ? me demande Ellen en remarquant ma petite mine.

   — Oui belle-maman, ne vous inquiétez pas.

Elle vient s'asseoir à côté de moi, repliant les manches trop longues de sa robe rouge brodée.

   — Je sais que tu as toujours ces douleurs au ventre, mais c'est normal, je t'assure. Toute femme enceinte passe par là quand elle est presque à terme. Ce sont les contractions.

   — Les douleurs ont commencé beaucoup trop tôt, je les ai depuis plus de trois mois, belle-maman.

   — C'est le stress qui les as aggravées, mais ça ira mieux quand tu auras accouché.

   — Je ne suis pas tellement stressée, j'ai hâte de voir mon bébé.

   — Les douleurs, c'est normal pour une femme enceinte, insiste Ellen.

   — Si c'est le cas, je ne risque pas de tomber enceinte avant longtemps !

   — Ne dis pas de bêtises pareilles ma chérie. Et puis, c'est Marek que tu devras convaincre, tu l'as quand même privé de contact depuis plus de 5 mois, et je suis sûre qu'il compte se rattraper !

   — Je m'en doute aussi. On devrait créer des machins dans le futur qui empêchent de tomber enceinte. Je prie pour que les humains des siècles suivants aient cette chance.

   — Moi je crois que ça existe déjà ce genre de remède naturels. Mais pour dire vrai, toute grossesse est une bénédiction. Tiens, bois un peu d'eau, ça va calmer tes douleurs.

Elle me tend en souriant un verre d'eau, mais je le repousse d'un geste de la main.

   — Je n'ai pas très soif.

   — Attendre d'avoir soif avant de boire, c'est mauvais signe. Allez, vide ton verre sans discussion, tu verras, ça te fera du bien.

J'obéis, étrangement soulagée par l'eau que je sens circuler dans mon œsophage. A bout de force, je n'ai qu'une envie maintenant : Dormir.

   — Excusez-moi belle-maman, j'ai vraiment envie de...

   — Te coucher, je sais. Vas-y et repose toi bien.

Je monte les escaliers un par un, tenant la rampe pour me soutenir malgré la lourdeur que je ressens dans mon ventre. A mi-parcours, je croise Adrian, qui lui, descendait les marches.

   — Bonsoir votre majesté.

   — Attend Adrian, l'alpagué-je.

Il s'arrête juste après m'avoir dépassé, et se retourne.

   — Avez-vous vu Damian ? Je l'ai perdu de vue depuis quelques jours.

   — Non, je ne savais pas que Damian était à Athéna.

Je le vois gêné, essayant de masquer sa bouche portant encore la cicatrice du geste jaloux de Marek. Ça me fait me sentir tellement mal, gênée.

   — Après notre petite discussion, Damian est retourné précipitamment à Heldor, il disait qu'il avait une urgence, cria Ellen depuis le salon.

C'est bizarre qu'il ne m'est pas prévenu de son départ. Je voulais tellement savoir ce qu'il avait à me dire. Ca avait l'air important.

   — Il vous a laissé un message pour moi belle-maman ? 

   — Il m'a dit que Rhoda n'allait pas très bien, et que vous devriez aller la voir le plus tôt possible. Et aussi, cette histoire d'espion n'était qu'un malentendu, et les servants s'en sont excusés avant son départ.

   — Dieu merci, aquiescé-je, lointaine.

Avec cette grossesse ? Est-ce que je pourrai faire un aussi long voyage jusqu'à Heldor ? De quoi souffre mamie Rhoda ?

   — Je vais t'accompagner, tout se passera bien tu verras, ajoute Ellen comme si elle avait lu dans mes pensées.

Elle n'a peut-être pas tort. Et puis, pour me demander de venir la voir, mamie doit vraiment aller mal. Il faut que la voir. C'est décidé. Figé dans l'attente que je lui dise peut-être autre chose, Adrian fixe ma robe, fuyant plus que tout mon regard, me suppliant silencieusement de le laisser partir pour ne pas que Marek ait cette fois l'envie de le pousser dans les escaliers.

   — Merci Adrian, c'était tout.

Il hoche la tête et continue son chemin. Je monte à mon tour, m'étendre pour commencer, je l'espère vivement en tout cas, une bonne nuit de sommeil. Mais juste quelques minutes après que je me sois étendue, j'entends Marek franchir le seuil de ma porte.

   — Tu dors mon amour ?

   — Non, pas encore.

Il se couche sur le côté et pose la main sur mon ventre. C'est doux, et agréable, de sentir sa paume chaude sur mon ventre gonflé comme un gâteau sortant du four. D'un coup, je sens un coup contre mon ventre, comme si un coup de pied était dirigé vers la paume de Marek.

   — Il m'a donné un coup ! Il a reconnu son père !

Je le dis, à mi-chemin entre la joie et l'émotion. C'est tellement merveilleux. En regardant le visage de Marek, je vois une ombre de tristesse. Ses paupières ne sont pas dressées de joie, et il se mord la lèvre. Ses yeux sont un peu roses, et il reste calme en caressant mon ventre.

   — Quelque chose ne va pas chéri ?

   — Non, tout va bien, je suis ému, c'est tout. Cet enfant est...

Il lève la tête et joint ses lèvres au miennes, possède amoureusement ma langue avec la sienne.

   — Le nôtre, ajoute-t-il.

Il le dit en serrant ma main. Je le sens inquiet, comme s'il était prêt à faire un grand sacrifice.

   — Mais bien sûr que c'est le nôtre, pourquoi tu es triste ?

   — Je t'aime Uméïra, toi et notre enfant. Même si souvent ce n'est pas ce que je montre.

Il m'enlace et je me perds dans ses bras forts, sûre qu'au creux de ceux-ci, rien ne peut m'arriver.

   — Au fait, je dois voyager avec la reine-mère dans quelques jours. Ma mamie va mal en ce moment.

   — Ah oui ? Qu'est-ce qu'elle a ?

   — Je n'ai pas beaucoup de détails, je vais me rendre là-bas pour en avoir le cœur net.

   — Tu es enceinte Uméïra, et tu es presqu'à terme, me dit-il en se redressant, le visage grave. Et si quelque chose t'arrivait pendant ton voyage ?

   — Tout ira bien, je vais avec ta mère, elle va bien veiller sur moi.

   — Ça vaudrait mieux, je ne te pardonnerais qu'il arrive quelque chose à notre enfant.

Il se lève et gagne rapidement la porte, irrité. Je frissonne sous l'effet de la menace. Cette fois, je n'aurai pas droit à une seconde chance.

   — Je te promets que je prendrai soin du bébé, ne t'inquiète pas.

   — Je te fais confiance Uméïra.

Le timbre de sa voix me fait frémir, et me fait réaliser la responsabilité colossale que cet enfant représente. On l'a tellement attendu lui et moi, que moi non plus, je ne supporterais pas de le perdre. C'est la chose la plus précieuse que j'ai au monde, et ma vie n'aurait plus de goût sans lui. Tout ce stress augmente la douleur assez muette que je ressens depuis tout à l'heure. Je serre fort ma poigne, jusqu'à ce que je me mette à pousser des hurlements, que j'étouffe dans mon coussin. Si Marek m'entend, il m'interdira d'aller à Heldor. Alors que je dois y aller. Mamie veut me voir et me parler. Elle a besoin de moi.

Alors j'irai. Point.

Et tout se passera bien.

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