Chapitre 24 : Cogitations

Stoïque, je n'attend qu'une chose : que Marek retire la phrase immonde qu'il vient de prononcer.

- C'est une blague j'espère ? lui demandé-je simplement.

- Non Uméïra, je ne plaisante pas.

Je me mets à rire, d'un long rire hystérique, dont j'ignore la source : Folie ou colère ? Tristesse ou déception ? Non, il ne peut pas être sérieux. Ce n'est pas possible. J'ai dû sûrement mal comprendre. Sur le coup, j'ai terriblement envie de lui, comme pour me vider de l'adrénaline qui est monté en moi. C'est inédit, mais j'ai l'esprit tellement embrumé que je ne me contrôle plus.

- Écoute Marek, je pense qu'on va en reparler demain, pour l'instant...

Je lui grimpe littéralement dessus et commence à lui retirer ses vêtements. Je ne sais qu'une chose : j'en ai terriblement envie. Moi d'habitude si pudique, ne pense qu'à ça, n'arrive même plus à me contrôler.

- Je ne te trouve pas très lucide Uméïra, je ne crois pas...

- Je n'ai pas pris d'alcool donc je suis très lucide, rétorqué-je. Mais qu'est-ce que ça peut faire ? Allez, viens...

Il s'exécute, mais il reste un peu à la traine. Il ne prend que de timides initiatives, pas très motivé. Il me résiste même au début. Mais il finit par vite entrer dans la danse, et me fait enchainer les cris de plaisirs sans la moindre retenue...

Le lendemain matin, je me réveille en dernier, Marek étant déjà adossé contre le chevet de mon lit, toujours la même expression grave sur le visage. Je décide de me réveiller comme une femme neuve, ignorant tout ce qu'on s'est dit la veille. C'était juste un mauvais rêve, une solution bête.

Je sens sous mes mollets un dépôt bizarre et froid, qui n'est autre que du sperme. Ça me confirme que sa semence est très sûrement en moi, pour féconder l'ovule qui en pleine préparation. Je souris, aux anges. Qui sait, peut-être que ça va enfin marcher !

- Pourquoi tu souris ?

- Non rien, je suis heureuse, c'est tout. Bien dormi ?

- Oui. Et toi ? ajoute-t-il un peu évasif.

- Oui, sauf qu'un affreux cauchemar a failli tout gâcher.

- Tu me racontes ?

- J'ai rêvé que tu me demandais de faire quelque chose d'horrible : avoir un enfant avec un autre que toi. C'est fou non !?

- C'était réel, me répond-t-il posément.

- Pardon ?

- C'était réel. Et ça l'est toujours.

Je me redresse en sursaut, et essaie de me calmer.

- Je ne te comprends pas Marek.

- Je suis conscient que le problème peut aussi venir de moi, et je ne veux pas que tu en souffres.

- Tu me demandes de coucher avec...l'un de tes gardes !? Tu t'en rends compte ?

Je tremble, paniquée, abasourdie. Marek se rapproche de moi et prend mon visage entre ses paumes.

- Moi aussi ça me fait mal Uméïra, et...tu n'as pas idée du courage qu'il m'a fallu pour prendre cette décision, je...

À bout, je rejette ses mains loin de moi et recule, choquée par ses mots.

- Comment tu peux me demander de faire un truc pareil...ça va marcher cette fois je le sens, sangloté-je, peinée.

- C'est pour nous que je le fais. Et toi, c'est pour le peuple que tu vas le faire.

- Non, non...

Mon cœur se serre, rien qu'à l'idée de...non, je dois arrêter d'y penser.

- Tout sera fait de sorte que personne ne soit au courant à part nous trois, tu verras que ça passera comme une poignée de main. Tu n'auras qu'à imaginer que c'est moi, et tu verras que tu finiras par aimer le moment.

- Arrête Marek, hurlé-je. Je ne peux pas faire ça, on aura notre bébé ensemble !

- Uméïra, je suis ton roi, et ton mari alors si je te le demandes, tu dois m'obéir !

- Accepter de me mettre à poil devant une autre personne que toi ? Jamais !

La tristesse fait place à la colère et je me lève, décidée à refuser.

- Uméïra ! Ecoute-moi, c'est notre seule option !

Je m'emballe maladroitement avec ma robe de nuit et me dirige vers ma salle de bain sans me retourner.

- Laisse-moi tranquille Marek.

- Tôt ou tard, tu seras obligée d'accepter, et tu verras que c'était la meilleure décision à prendre.

Je ne répond rien, et me plonge dans mon bain, à bout de nerfs, encore sous le choc, les yeux larmoyants. Il a raison. Il m'a demandé quelque chose, et je dois le faire. En principe. Mais cette fois fera exception. Hors de question d'accepter de m'humilier ainsi, ça jamais.

*

Toujours en colère qu'il ait osé me demander une chose pareille, je l'ignore carrément le reste de la journée, le jour suivant, jusqu'à la fin de la semaine. Je fais comme si tout allait bien, alors que chaque nuit, face à moi seule, j'ai peur de devoir le faire tôt ou tard. Je suis sûre que Maya a dû se douter de quelque chose par le regard inquiet qu'elle m'a lancé le jour de leur départ, mais j'ai préféré ne rien laisser paraître et garder le silence sur tout ça.

Malgré tout, la pression commence à monter. Je croyais pouvoir tout gérer mais ça commence à me peser lourd sur le cœur. Ellen devenant de plus en plus désagréable, et Marek de plus en plus insistant. Comme ce matin, où nous sommes tous les deux dans la salle de réunion, attendant les représentants du peuple avec qui il nous faudra nous entretenir. Mais aucun de nous n'ose s'adresser à l'autre pendant presque que plus de quinze minutes. Bien vrai que ça me glace un peu, je préfère conserver ce mutisme plutôt que de l'entendre me réitérer sa proposition.

Mais le moment que je redoutais le plus fini par arriver.

- Alors, tu as pensé à ma proposition ? me demande Marek, serein.

- Oui, j'y ai réfléchi.

- Alors ?

- C'est non Marek, ce n'est pas la peine d'insister.

- Uméïra, ce n'est pas parce que je t'ai laissé du temps pour que tu puisses me donner une réponse positive que je te laisse le choix. D'ailleurs ce n'est plus une proposition, c'est un ordre.

- Un ordre auquel je suis libre de désobéir, non ? Plutôt mourir.

Il soupire, sûrement agacé de mon entêtement, mais se calme et prend la parole à nouveau d'un ton rassurant :

- Reine Uméïra, dites moi si ce que je m'apprête à dire est faux. Le rôle d'une reine, c'est bien de sauvegarder l'honneur du roi, n'est-ce pas ?

- Oui, bien sûr.

- Pour cette fonction, n'est-elle pas obligée certaines fois de faire des sacrifices ?

Je ne réponds pas, devinant l'impact que pourrait avoir mon avis sur la question.

- C'est à toi que je parle Uméïra, me menace-t-il.

- Marek, c'est un sacrifice qui est au-dessus de mes forces, je...je n'y arriverais pas.

- Pour toi, non. Mais fais-le pour moi, pour le peuple, pour ton peuple à Heldor. Comment ils réagiraient s'ils apprennent que leur princesse bien-aimée n'a toujours pas d'enfants ?

- Mais nous sommes mariés il y a à peine deux ans Marek.

- Donc qu'est-ce que tu attends ? Notre 20ième année de mariage ? Uméïra, tu as l'avenir de tout Athéna sur ton épaule, penses-y.

- Non Marek, tout sauf ça...

Il se redresse sur son trône, l'air déçu, silencieux.

- Tu me déçois Uméïra, tu penses que ça me plait de te laisser le faire ? Tu ne me laisse plus le choix, c'est un ordre.

Avant même que je ne puisse dire mot, un valet nous annonce l'arrivée des représentants, grâce à laquelle je réussi à me dérober à la pression de Marek.

Après leur départ, je me dépêche de monter dans ma chambre, toujours hantée par les propos de Marek.

.........Pour cette fonction, n'est-elle pas obligée certaines fois de faire des sacrifices ?

......... Mais fais-le pour moi, pour le peuple, pour ton peuple à Heldor. Comment ils réagiraient s'ils apprennent que leur princesse bien-aimée n'a toujours pas d'enfants ?

Pour cesser d'être perpétuellement tourmentée et avoir les idées claires pour bien réfléchir, je me mets dans les conditions d'Eve et me laisse glisser dans le bain.

L'eau est bonne, et mon anxiété baisse petit à petit. Prendre du recul, cesser de paniquer. Après tout, tout problème a forcément une solution. Cette solution, devrait-elle être d'accepter l'odieuse proposition de Marek ? Ne serait-ce pas un mal pour un bien ? J'expire bruyamment et ferme les yeux pour me délecter de la sensation de légèreté que me procure l'eau tiède de mon bain.

Mais je sens la présence de quelqu'un dans mon dos, et le bruit d'une porte qui se referme. C'est peut-être Marek. Décidément, je n'ai même pas droit à une seule minute de répit.

- Marek, je veux y réfléchir encore un peu, j'ai besoin de temps, n'aborde pas ce sujet, s'il te plait.

- Ce n'est pas Marek ma chérie, souffle une voix dure qui n'est autre que celle d'Ellen.

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