Chapitre 15 : Déjà ?
Je me réveille, la tête lourde et le corps faible, étendue dans mon lit. À côté de moi, se trouve Marek, silencieusement assis sur le bord du lit.
— Marek, c'est vrai la nouvelle ?
— Oui Uméïra.
Les yeux toujours rivés au plafond, je les sens se remplir de larmes. Mon esprit est embrumé, et j'ai la chair de poule à cause de ce surplus d'émotions. La mort est l'une des choses que j'ai le plus de mal à supporter, surtout quand il s'agit d'une personne à qui je me suis attachée.
— Selon la tradition, l'enterrement est pour demain, ajoute Marek, la voix atone.
Il se dirige sans plus de mots vers la porte, pendant que j'use de mes dernières ressources pour me redresser.
— Tu tiens le coup ? Lui demandé-je, toujours remuée par la nouvelle.
— J'avais déjà préparé mon esprit Uméïra. C'est ça, être un souverain. Ne pas se laisser ébranler par la plus terrible des situations.
Il revient vers moi et dépose un bisou sur mon front.
— Nikita va s'occuper de toi toute la journée, repose-toi. Tu en auras besoin pour la journée de demain, avec tout le mouvement qu'il y aura dans le palais.
— Bien.
Encore pâlotte, je me recouche et replie la couette sur moi. Je sens mal tant moralement que physiquement. J'ai froid, et aussi une forte migraine qui me force à fermer les yeux pour fuir toute lumière. J'entends des bruits de pas qui m'intriguent, Marek étant déjà être sorti.
— Ma reine ? Je vous apporte une infusion. Je suis avec Heldra et Adrian.
Me fiant à mon intuition, je reconnais la voix douce de ma servante Nikita.
— Entrez, répondis-je.
J'entends le bruit de pas qui s'écrasent prudemment sur le sol, et me redresse, non sans difficultés, pour boire l'infusion que m'apporta Nikita. Cela me fera le plus grand bien, et m'aidera à trouver le sommeil dont j'ai tant besoin pour récupérer.
— Je suis vraiment désolé votre Altesse, nous n'aurions pas dû vous annoncer cette nouvelle aussi crûment, se confit Heldra en s'avançant.
—Ne vous inquiétez pas pour ça. Et puis j'aurais fini par savoir de toute façon.
Je bois plusieurs gorgées de l'infusion apportée par Nikita, et laisse sa chaleur me bruler la gorge. J'ai moins froid, et je sens mon vertige s'estomper. Je relève enfin la tête de ma tasse de thé, quand je croise le regard inquiet d'Adrian, l'épaule collée à l'embrasure de la porte. Il n'ose pas faire un pas dans ma chambre, toujours à cause du trop grand respect dont il fait toujours preuve à mon égard, et qui a souvent le don de m'agacer.
— Adrian ?
— Reine ?
— Venez s'il-vous plait.
Il hésite, mais finit par franchir le paillasson qui est à l'entrée de mes appartements. Il s'arrête au pied de mon lit et s'incline.
— Non Adrian, relevez-vous, dis-je immédiatement.
Il se déplie lentement, et m'impose la présence de son imposante carrure. Son regard ne me fuit pas, mais soutient le mien avec douceur.
— Arrêtez de vous inquiéter pour moi, je vais bien.
Il opine de la tête, peu convaincu, avec toujours cette lueur protectrice dans les yeux.
— Bien votre Majesté, mais je ne laisserai rien de mal vous arriver. Je veillerai toujours sur vous, quoi qu'il m'en coûte.
— Rien de mal n'arrivera Adrian, ne vous inquiétez pas.
Je finis mon infusion et me recouche sur le dos.
— Merci Nikita, ça m'a fait énormément de bien.
— Je repasserai plus tard reine, je vous laisse vous reposer.
Je ferme les yeux en hochant la tête et fais mine de dormir. J'entrouvre les yeux, juste assez pour que dans la pénombre qui couvre ma chambre, ils paraissent fermés. Nikita et Heldra sortent. Seul Adrian reste et continue de me regarder en silence. Il frappe nonchalamment le sol avec la semelle en cuir de ses chaussures de soldat, et vient libérer mon visage des mèches qui me gênent. Il touche aussi mon front, puis mon cou, peut-être pour voir ma température. En retirant sa main, il effleure ma joue, et sort de la pièce.
Mamie Rhoda avait raison. Adrian m'aime, je sais. Je suis amoureuse de Marek, et j'en suis sûre, mais je ne sais pas pourquoi j'ai l'impression d'être...en quelque sorte liée à Adrian. Il m'est impossible de le repousser totalement. Pourtant, j'ai intérêt à chasser tout de suite toutes ces pensées, sinon je risque de trahir Marek et me trouver mal, très mal.
*
Après l'enterrement de Michaël, dans le carrosse du retour au palais, personne ne parle. Ellen est très calme et me jette de temps à autres des petits regards affectueux. Marek aussi est silencieux et garde les yeux rivés à l'extérieur. La cérémonie s'est très vite déroulée. Le roi Michaël a été enterré dans le caveau familial, et c'est là-bas que chacun de nous a pu lui dire au revoir personnellement. Quand ce fut au tour d'Ellen, elle demanda à tous de sortir du caveau pour la laisser se recueillir.
En sortant, son visage ne paraissait plus soucieux, comme si elle s'était libérée en disant tout ce qu'elle avait sur le cœur à son défunt mari. Et puis ce fut au tour du peuple de manifester sa peine. Un mois de deuil a été décrété dans tout le royaume. Un mois sans réjouissance, un mois de jeûne partiel. Mes parents seront là dans trois jours pour présenter leurs condoléances à la royauté d'Athéna, quatre jours étant la durée du voyage d'Heldor à Athéna. Je suis contente de pouvoir enfin les revoir, même si c'est dans de tristes conditions.
Brusquement, peut-être à cause du trop plein d'émotions et du mal du voyage, je sens ma nourriture remonter et pose la main sur ma poitrine pour chasser cette nausée soudaine.
— Ça va Uméïra ? Tu as l'air pâle, me demande Marek.
Ma nausée se fait de plus en plus violente, et je n'arrive même pas à formuler de phrases sans qu'un liquide acide me remonte dans l'œsophage.
— Arrêtez le carrosse, je parviens finalement à murmurer.
— Gardes ! Arrêtez ce carosse ! Crie Marek.
Le carrosse freine brusquement et je me précipite à l'extérieur pour vider l'entier contenu de mon estomac déjà quasi-vide. La dernière chose que je vois est Ellen qui vient vers moi, et pose la main sur mon épaule pour m'aider à rester en équilibre, mais je m'écroule encore une fois et perd connaissance.
*
Revenue à moi, j'arrive à peine à garder la tête droite. J'ai l'impression de ne pas avoir dormi depuis des lustres. Avant que je n'ai eu le temps de me recoucher, je vois Ellen venir vers moi avec une tasse toute fumante, qui doit être encore du thé.
— Tu vas mieux ?
— Oui. Je me sens vraiment mal ces derniers jours, mais sinon ça va mieux actuellement.
Elle s'assoit sur le divan d'à côté et dépose la tasse près de moi.
— Soit tu es malade, soit tu es enceinte Uméïra, me dit-elle sans détour.
— Je ne peux pas être enceinte, on est marié que depuis deux mois.
— Mais c'est une possibilité à ne pas écarter.
Elle touche mon ventre et me fait un sourire malicieux, pendant que je suis toujours sous le choc de ses mots. Moi ? Je serai mère ? Déjà ?
— Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai attendu ce moment ma chère enfant.
— Je demanderai à l'ilknur (médecin) du palais de me le confirmer avant d'annoncer la nouvelle belle-maman.
Je souris timidement et prend la tasse, tellement remuée que je la sens trembler entre mes doigts.
— Elle est chaude, attend un peu, me dit Ellen. Quand elle sera tiède, bois tout. Ton bébé en aura besoin. Ça lui fera le plus grand bien.
Elle se lève et sort et Marek entre presqu'immédiatement et referme la porte derrière lui. Il vient s'étendre près de moi, tout sourire.
— Tu as tout entendu hein ? lui demandé-je malicieusement. Ce n'est pas bien d'écouter aux portes, votre majesté.
— Alors comme ça tu portes mon héritier ?
Je rougis soudainement. Je n'arrive pas à réaliser que je suis peut-être enceinte. C'est...ça dépasse mon entendement, et joie et peur font la guerre dans mon for intérieur.
— Peut-être, ce n'est pas sûr que je sois enceinte, c'est beaucoup trop tôt.
— On l'a fait le premier jour je te rappelle.
— Oui, mais ce n'est pas une garantie.
—Et toutes les autres fois alors ? insiste-t-il avec un engouement contagieux.
Je finis par éclater de rire, et acquiesce pour toute réponse.
— Maintenant que je j'y pense, c'est sûr que je suis enceinte !
Mon thé est un peu refroidi, et je me décide à le gouter. Mon visage se froisse aussitôt. Il est amer putain !
— Beurk, m'exclamai-je. Imbuvable.
Marek rit de mes grimaces, et posant la main sur mon ventre, m'embrasse. Ça au moins, c'est un peu plus délicieux.
— Je vous aime, mais je dois vous laisser ma reine. Obligations royales. N'empêche que ce soir, je passerai, pour m'assurer que vous serez mère dans quelques mois.
— Alors à ce soir mon seigneur. Je vous attendrai.
Il me fait son traditionnel bisou sur le front, avant de quitter ma chambre, me laissant terminer cette infâme concoction de ma belle-mère.
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