Chapitre 5
Le camion est tombée en panne d'essence depuis plus de trois jours maintenant. Entre temps ? Le calme plat. Et quand je dis plat, je dis ; plat. Pas un seul mot n'a été échangé depuis que nous avons commencé à marcher, laissant tomber le véhicule, il y a trois jours. En même-temps, entre notre sortie de la ville et les quelques centaines kilomètres parcourus les jours précédents, chacun se méfiant des autres, nous nous étions aperçus que nous manquions d'eau et de nourriture. Pour ajouter à notre malheur, deux jours après la sortie de la cité, le camion ne roulait plus. Donc voici cinq jours que nous sommes sur cette maudite route et cinq jours qu'une ambiance très pesante règne sur nous. J'ai remarqué durant nos deux jours de voyage tous les cinq que ceux qui nous ont aidés ne possèdent pas une si bonne entente ; il sont certes, soucieux de ce qu'il peut arriver à l'autre mais ils ont tous peur. Ils sont terrifiés jusqu'à se regarder même de travers. Cependant, leur relation est bien la dernière chose qui me préoccupe. J'ai faim et j'ai soif. Surtout soif à vrai dire. Si bien que cette sensation m'empêche de prononcer un seul mot et si bien qu'à travers ce désert je commence à percevoir des mirages. Les ondulations du paysage sous mes yeux n'augurent rien de très bénéfique à mon égard et je ne vois toujours pas la fin de la route. Elle me paraît infinie. Pourtant en cinq jours nous devons avoir fait pas mal de kilomètres... Si on ne compte pas notre vitesse époustouflante de quatre kilomètres par heure. J'ai soif. J'ai la gorge sèche et même la salive vient à manquer. Plus d'eau. Il n'y en a plus une seule goutte... J'ai faim. La faim tenaille mon ventre et le dévore de ses crocs tranchantes sans aucune pitié en hurlant son désespoir. Il FAUT que je mange. Il faut que tu marches. Non. Phoebe, tu es au bord de l'évanouissement et si tu n'atteint pas... J'en ai rien à faire de tes conseils Charline ! Rien ! Tu m'as abandonnée pendant plus de six jours et tu oses revenir maintenant ! Comprend-moi c'est dans mon intérêt, je ne voudrais pas que tu meurs alors que je suis dans ton corps également. Je m'en serai douté. ... Marche s'il te plaît. Plus loin il y a un oasis. A combien ? Seulement six petits kilomètres. Ça se voit que ce n'est pas toi qui marche ! Phoebe, si je pouvais échanger ma place contre la tienne je crois que je le ferais sans hésiter parce que toi tu es vivante en chair et en os, moi je ne suis plus qu'une âme ! Alors tu vas marcher et plus vite que ça ! Non. Si c'est pour vivre ça je n'en peux plus... Tu n'as qu'à prendre ma place. Je ne peux pas tant que tu n'avoues pas cela à haute voix.
-Prend ma place je te dis ! Je murmure, la voix cassée.
... Dis toi bien que tu es stupide ma petite Phoebe ! Je vais bien m'amuser. Je n'entends que ces dernières paroles avant de sombrer.
Lorsque je me retrouve dans son corps et que j'ouvre les yeux je vois flou. Elle est mal en point mais peut m'importe, moi je suis en pleine forme et je peux redonner mon énergie à son corps ; c'est ce que je fais. Aussitôt ma vue s'éclaircit et je retrouve mes affinités de logique. Je regarde autour de moi pour distinguer les autres, des centaines de mètres plus loin à l'arrière. Je n'en vois que trois... Je me tourne sur ma gauche et là je vois Théo. Enfin plutôt le ''porteur'' de Théo. Il est épuisé, les joues creusées et le visage sali par la terre et le sable. Je ne vois même pas s'il respire mais en tous cas il avance d'un pas décidé à l'avant. Ainsi, ce petit est plus fort que ma petite pour ne pas succomber aux mirages. A moins que... non. Il n'a pas les yeux rouges. Du moins pas l'iris. Je le constate durant plus de cinq minutes, marchant à son pas. Puis je décide qu'il n'en vaut pas la peine et sans prévenir, je pars en courant sur le goudron. Je cours, je cours, je ne pense qu'à cela. Si bien que quand le sol se dérobe sous mes pieds je ne le vois pas venir même avec ma logique, et je tombe. Ma tête heurte quelque chose et je perds connaissance.
Quand je retrouve mes esprits je suis en train de tomber. Une forte énergie circule en moi et je me rends compte que je n'ai plus faim ni soif. A bien réfléchir je ne ressens plus rien de désagréable, même pas mon flanc dont je me moquais ces derniers temps parce que j'étais bien trop occupée à me soucier de ma faim. On dirait que Charline m'a prêtée sa force. Mais je ne comprends pas pourquoi elle m'a abandonnée en plein saut. Je crois que je tombe durant une éternité avant de revoir la lumière et d'atterrir... Sur la route. Qu'est-ce que c'était que ça ? Je me relève en me frottant les yeux et je comprends alors que malgré toute la force qu'a insufflée Charline à mon corps, mes yeux ont repris le dessus et elle a fait face à un mirage. Ma tête a du heurter le sol en tombant et cela a rejetée son emprise de mon corps. Les point positifs sont qu'au moins je n'ai plus faim ni soif et qu'elle ne m'embettera plus pendant un bon moment. Je regarde autour de moi et maintenant que j'ai l'esprit plus clair je me rends compte que quelque chose ne va pas. Non. Ça ne va pas du tout même. Je calcule. Ma logique refait surface, et tous les indices apparaissent devant moi ; la route infinie, les mirages, Charline. C'est une épreuve qui fonctionne sur le principe de tourner en rond. Nous n'avançons pas depuis trois jours en réalité nous n'avons même pas bougé depuis cinq jours. Le camion se situe à côté de nous et l'oasis est bien à six kilomètres sauf que nous devrions l'avoir atteint et dépassé depuis au moins quatre jours. Nous sommes piégés dans une boucle, comme si nous avancions sur un tapis de course. C'est un peu comme un gigantesque mirage qui a commencé dès que nous avons quitté la ville et pour le briser, il faut que je me réveille et que je réveille les autres. Parce que ce n'est certainement pas mon vrai corps que je possède là. Le manque de sensations me l'indique bien ; en réalité je suis presque sûr que je suis endormie et que tout cela n'est qu'un immense rêve. Reste à savoir comment reprendre conscience. Je m'assois en tailleur sur le bitume et j'actionne toutes mes méninges. Réfléchis ! Il doit bien y avoir une solution logique à tout cela. Oui. Et en fait elle est simple. Je vais tout simplement dormir. Je m'allonge par terre et je ferme les yeux et presque aussitôt je suis plongée dans un sommeil profond.
Mes paupières s'ouvrent rapidement comme lors de la sortie d'un cauchemar et déjà, rien qu'à la vue du camion devant moi je sais que je suis sortie de la boucle. Je me relève lentement, les membres tétanisés de ce long sommeil de cinq jours. Je regarde autour de moi et je vois la ville, à moins de deux kilomètres et quand je tourne la tête de l'autre côté je vois la route, bien réelle cette fois mais au loin je distingue les palmiers de l'oasis. Dire que même Charline était embrouillée par cette épreuve. Je comptabilise maintenant les corps qui sont par terre en les identifiants. James, Anna et Anaïs. Il n'y en a que trois. Alors où est passé...
-Mmm !
Une main s'est plaquée sur ma bouche et m'empêche de respirer et de parler.
-Chut ! S'il te plait ne dit rien.
Je reconnais la voix du garçon et je décide de lui faire confiance et j'acquiesce. Il ôte sa paume de ma bouche et je prends une respiration avant de me retourner vers lui. Il semble réveillé depuis plus longtemps que moi car ses yeux et ses traits ne témoignent pas de la fatigue et tiens un paquet de chips dans sa main. Je l'interroge du regard, consciente du fait qu'il m'ait dit de ne pas parler. Pour toute réponse il me tire par le bras de l'autre côté du camion en indiquant de la tête les corps endormis des trois adolescents. Je ne comprends pas. Il me lâche et m'explique en chuchotant ;
-Je suis réveillé depuis deux jours.
Il est dix fois plus logique que moi...
-Mais j'attendais que tu te réveilles toi aussi...
Pourquoi n'est-il pas parti de son côté sachant qu'il pouvait gagner la course ?
-... Parce qu'à mon réveil je n'ai vu que ça ;
Il m'indique la ville en la pointant du doigt et je pivote dans la direction en fixant bien les gratte-ciel et je remarque alors ce qui m'avait échappé ; des lettres. Sur les bâtiments, des lettres forment des phrases ; tout n'est qu'une question de temps. repartez sans l'autre et votre sort en est jeté ; c'est la mort que vous gagnez. Je relis la phrase plusieurs fois et remarque la présence des majuscules ; tout n'est qu'une questIon de teMps. repaRtez sans l'Autre et votre sort en est jEté ; c'est la mort que vous Gagnez. Mis dans l'ordre ses lettres forment un seul mot significatif de l'épreuve qu'il vient de se dérouler dans la phrase de l'annonce de celle qui se prépare à venir ; Mirage. Si mon esprit avait remarqué cela dès le commencement, je ne serais certainement pas tombé dans le piège. Ces phrases résolvent également le pourquoi de son attente, elles sont claires et nettes sur les consignes à appliquer. Je comprends aussi le fait que ne pas réveiller les autres car dans la phrase sur les immeubles se trouvent d'autres mots cachés. tout n'est qu'une question de temps. repartez sans l'autre et votre sort en est jeté ; c'est la mort que vous gagnez. T, I, R, S et O forme trois et renvoie forcément aux adolescents. Le '' ;'' peut signifier égal et ''mort'' se situe de l'autre côté de ce signe ce qui donne : Trois = mort. Entre autre il ne faut pas réveiller et partir avec Anaïs, James et Anna. Ce qui ne laisse d'autre choix que de nous en aller tous les deux. Je me demande parfois quel esprit tordu invente ces épreuves.
-Alors ?
Je ne vois pas quel est la nécessité de cette question cependant j'y répond tout de même :
-On part.
Nous étions montés dans le camion et l'avons mis en route, abandonnant sur la chaussée les corps des trois adolescents qui se retrouveraient sans doutes coincés pour un bon bout de temps dans le piège de l'organisation. Je n'ai bizarrement éprouvé aucuns remords à les laisser. L'association me rend inhumaine, c'est ma seule conclusion. Je ne cherche pas à savoir comment il a fait pour se réveiller deux jours avant moi, pourquoi il ne m'a pas réveillé avant et s'il s'est servis ou non de Théo durant tout ce temps. Cela me fait bizarre aussi de connaître le nom de celui qui l'habite sans connaître son nom à lui. Cependant, les règles que l'on s'est tous deux imposés sont formelles et je doute qu'un jour je sache vraiment son nom. Il est au volant et je suis côté passager d'essayer de distinguer autre chose que la route. Les provisions étant encore pleine, nous ne nous étions arrêtés à l'oasis que pour le confort d'en avoir plus et d'être assuré. Aussi, j'ai goûtée la saveur oubliée d'une noix de coco. Je me suis aussitôt souvenue que je n'aimais pas néanmoins je l'ai tout de même fini car à ce point je ne vais pas faire la difficile. J'ai été étonné qu'il sache conduire. En même temps j'ignore tout de lui même son âge et son prénom alors je ne peux pas me plaindre du fait qu'il ne me l'ait pas dit. Alors, nous sommes tous deux assis sans rien dire, lui conduisant et moi tentant en vain de percevoir quelque chose. Il rompt enfin le silence qui plane.
-Tu ne vois rien ?
Question stupide mais j'admire sa volonté à la discussion.
-Non et toi ?
-Non.
Quel beau dialogue de trente seconde ! Nous restons là deux minutes avant que je me décide moi aussi à parler, sauf que je suis coupée par lui qui passe directement à un sujet plus complexe ;
-Il y a quelqu'un d'autre pour toi aussi ?
Je pivote ma tête vers lui et constate qu'il fixe la route, tout à fait sérieux et attendant une réponse de ma part. Je sais qu'il parle de Charline et je n'ignore pas sa question. Je décide de lui faire confiance, car je crois qu'après deux ans ensemble dans la même galère je peux et je réponds positivement avant de lui retourner la question. Je sais très bien sa réponse mais je veux l'entendre de ses lèvres. Je veux la preuve par ses mots que nous sommes semblables et que je ne suis pas la seule à délirer dans cette épreuve insoutenable.
-Oui.
Il sourit, il a l'air soulagé. A vrai dire je le suis aussi.
-Comment s'appelle le tien ? J'enquille, sachant très bien la réponse.
-Théo, et toi ? Demande-t-il.
-Charline.
-Tu l'as vue mourir ?
-Oui... et toi ?
-Oui.
Un grand silence s'installe.
-C'était mon frère.
Oh. Je ne m'attendais pas à ça. Il continue des explications que j'aurais préféré ne pas avoir mais qu'il expose tout de même :
-Si tu ne savais pas, tous les candidats ont été confrontés à la perte d'un de leurs proches dans le but de ''greffer'' l'âme de ceux-ci en eux. Tous ont perdus des frères et sœurs pour l'organisation dans le but d'expérience visant à augmenter les capacités humaines tel l'intelligence et la ténacité. J'imagine que cela a du être dur pour toi de perdre ta sœur et ton autre petite sœur le jour du commencement des épreuves.
Il se trompe, je n'ai perdu qu'une sœur. Mais au moins je sais maintenant pourquoi ; je n'ai pas été bouleversée par la perte de Charline qui n'étant pas ma sœur, m'a juste attristée et c'est pour cela qu'ils souhaitaient que je perde moi aussi un proche, pour me retrouver dans les mêmes conditions que les autres candidats. Je ne sais pas pourquoi je lui accorde autant de confiance cependant, je n'hésite pas à dire la vérité au garçon ;
-Non.
Il détourne son regard de la route pour le poser sur moi, étonné.
-Charline n'était pas ma sœur. Elle n'était pas en liaison quelconque avec moi avant la ''greffe''. Je n'ai perdu qu'une seule de mes sœurs et cela a renfermé la porte vers Charline. Je ne l'ai pas une seule fois sollicitée pour les précédentes épreuves.
Il est perplexe et je sais bien que mon aveu l'a dérangé dans sa réflexion.
-Tu veux dire que tu as tout résolu par toi-même et qu'ils ont réussi à te transmettre une âme qui n'avait aucune ressemblance génétique avec toi ?
Je n'ai pas le temps de répondre qu'il ricane presque méchamment :
-Laisse-moi te dire que tes mensonges ne tiennent pas debout ! J'ai suffisamment étudié pour te le certifier ; il est impossible de transférer l'âme de quelqu'un dans un corps ne souhaitant pas cette présence et n'ayant aucuns liens de parentés avec elle. De plus...
-C'est pourtant ce qu'il s'est passé ! Je m'emporte.
Et c'est tout à fait vrai. Je n'ai jamais voulu de Charline aussi cruel que cela puisse paraître et je n'ai pas d'ancêtre commun avec elle, qui qu'il soit. Il me dévisage longuement sans rien dire puis arrête le véhicule en donnant un grand coup de frein.
-Mais t'es malade ! Je râle, à moitié étranglée par ma ceinture.
-Descend.
-Quoi ? Je m'interloque.
Il détache sa ceinture et ouvre sa portière avant de descendre lui-même du camion. Je fais de même et je contourne l'engin pour le voir se poster face à moi.
-Je vais vérifier que tu ne dis pas de mensonges.
J'aurais du m'en douter ! Je soupire, exaspérée par son attitude de gamin. Je pensais qu'en faisant parti du jeu il avait développé plus de maturité. Je n'ai pas le temps d'en penser plus que soudain, il fonce sur moi et, surprise, je ne calcule pas son coup et met une seconde de trop à me pousser sur le côté si bien qu'il dévie mon épaule. Il se retourne près à recommencer et je le regarde dans les yeux ; il est sérieux. Alors, je fais fonctionner mes méninges de plus en plus vite et j'ai l'impression d'actionner le mode combat. Des traits ses dessinent autour de lui et je sais pertinemment ce qu'il va faire. Comme prévu il me fonce dessus en envoyant cette fois-ci son bras de façon à me blesser au visage. Sans grande peine, j'esquive en lui faisant un croche-patte et il s'affale au sol. Puis, avec un grognement il se relève et me fait de nouveau face. Cependant cette fois je ne lui laisse pas le temps d'attaquer et rapidement je le recloue au sol en le poussant de mon poids et je tombe avec lui, le maintenant sous moi avec ma force. Je tiens ses poignets malgré le fait que cela soit inutile vu qu'il ne se débat plus et mes jambes sont appuyées sur les siennes.
-Convaincu ?
Il me regarde longtemps avant de se relever sans aucuns efforts, se libérant de mon emprise avant de me retourner la pareille et de me plaquer le dos contre le sol. Je grimace de douleur et le flou envahi un instant mes yeux car ma hanche à heurter celui-ci avec beaucoup de force. Puis je me reprends. Maintenant c'est lui qui se trouve sur moi et qui me nargue avec un sourire mesquin aux lèvres. Je ne rougirai pas. C'est ce que je pense quand je sens la chaleur qui commence à envahir mes joues. Cependant, il ne relève rien et se contente de se relever avant de me tendre la main pour m'aider. Je la saisis et me retrouve sur mes pieds. Ce bref combat m'a démontrée au moins une chose ; il a du muscle. Je ne le vaincrai pas si devais l'affronter. Il tend alors la main en avant et je sais alors qu'il me fait totalement confiance car il déclare :
-Matthew.
-Quoi ?
Il me regarde dans les yeux avant de répéter plus fortement.
-Je m'appelle Matthew. Je crois qu'au point où on en est peu importe qu'on le sache ou non.
Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire. Il brise totalement notre code. Il me sort de ce silence en demandant, toujours la main tendue en avant :
-Et toi ?
Je dois hésiter quelques instants avant de serrer la poignée qu'il me tend et de lui donner mon nom :
-Phoebe.
Il sourit, et cette fois je ne peux m'empêcher de rougir :
-C'est joli.
-... Merci.
-Flash-back-
Je regarde les personnes assises autour de moi et tous pleurent. Moi j'ai arrêté depuis qu'on m'a emmené dans une cellule avec le garçon. Je renferme mon chagrin sur moi même et je pleure quand ils ne sont pas là. Quand ils ont annoncé la première épreuve je n'ai pas compris et devant la feuille de papier sous mes yeux je ne comprends toujours pas. Seulement quelques phrases sont inscrites sur le papier et je ne vois pas ce qu'il faut en faire. Juste une seule consigne est indiquée : Résolvez l'équation. Néanmoins je ne perçois pas la réponse à ce brouillard de mots sous mes yeux. Une sonnerie retenti. Dès les premières notes je sens qu'elle est là pour annoncer ma fin. Devant moi, à la place où était le garçon je rencontre une chaise vide. Je lève les yeux et je remarque qu'on l'emporte ailleurs, il est accompagné de deux gardes. Aussitôt je constate que les autres commencent à paniquer. Voilà ! Cette sonnerie signifie forcément quelque chose et comme une idiote, tout à l'heure j'ai fait abstraction des consignes qu'ils nous avaient donnés à lire. Ils les ont repris bien sûr, certainement en pensant que je les avais lues. Tant pis. Ça ne doit pas être si grave... Je décide de faire la sieste et je pause ma tête sur mes bras sur la table. J'observe les autres. Personne ne fait attention à moi et tous sont concentrés sur leur feuille. Les uns écrivent rapidement quelque chose et sortent dans le plus grand calme et les autres après avoir écrit crient au désespoir en se raccrochant au premier objet qui leur tombe sous la main. Je ne comprends pas. Mais je m'en moque. Je ferme les yeux. J'entends les râles de tous mes compagnons et les pleurs qu'ils émettent puis au bout d'un certain temps qui doit être de deux ou trois minutes je n'entends plus rien. J'ouvre les yeux et sursaute quand je vois un garde posté près de moi. Il me regarde avec un air neutre, presque méprisant. Je me redresse sur ma table et j'observe les alentours. Il ne reste que moi. Je regarde les feuilles sur les bureaux et je constate que toutes ont une réponse. Ils n'attendent plus que moi. Je soupire, fatiguée de devoir subir ses tests alors que je devrais faire le deuil de ma sœur et je me concentre sur la copie. Mes méninges s'actionnent pendant que je lis attentivement les phrases :
Je nage. Je nage. Je nage. Je nage.
Tu nages + je nage = ?
Résolvez l'équation.
Logiquement c'est nous nageons mais si on fonctionne de manière encore plus logique, les quatre phrases du haut ne serviraient à rien. Quatre phrases identiques signifient quatre informations égales. Sachant que l'on pourrait sans problème les déplacer n'importe où dans la consigne j'en déduis qu'elles sont les indices de la réponse. Donc quatre parties de réponse. Bon... Je et tu ça fait nous. Nous ensemble dans la vie ça donne amusement donc bataille d'eau. Bataille d'eau ça donne des risques de se noyer et noyer ça donne mort. Quatre informations égales, le compte est bon. J'écris rapidement ma réponse sur la feuille et j'entends le garde d'à côté murmurer :
-Juste à temps.
Puis il me lève et je sors de la salle. Je ne comprends pas à quoi cela peut bien servir. Je croise le regard du garçon quand j'entre dans ''notre chambre'' et je vais aussitôt me réfugier dans un coin. Je ne veux pas le voir. Il m'intrigue certes, mais je n'ai pas le cœur à faire connaissance avec lui. Au bout d'un certain temps un garde vient nous chercher pour nous emmener manger et je me perds dans le dédale de couloir. Quand j'arrive enfin à la cafette je me rends compte alors que notre nombre s'est réduit de moitié. Où sont les autres ? Un de nos vigiles, plus grands que les autres, entre dans la pièce alors que je suis occupée à me servir aux comptoir et mon attention est directement déviée vers ses mains : du sang. Qu'est-ce qu'il se passe ? Je reconnais alors à son bras un bracelet que portait un garçon qui a crié lors de l'épreuve et l'évidence me frappe : ils sont morts. Alors c'est ça qui les affolait autant ? On risque de mourir si on ne répond pas ?! Mais dans quoi suis-je tombée... Je cherche le regard des autres adolescents mais tous me fuient et je ne tombe que sur celui de mon colocataire : il est neutre, sans aucunes émotions. Décidément, tout dans ce bâtiment s'avère être de plus en plus bizarre. Quelqu'un me pince à la taille et je me retourne pour voir un grand garçon aux cheveux noirs et aux yeux verts avec un piercing à l'oreille et au nez me faire signe de le suivre d'un signe de tête. Je m'exécute, curieuse, et je me retrouve avec tout mes ''concurrents'' dans la même pièce. Mon colocataire arrive lui aussi un peu après. Le grand aux cheveux cendrés prend alors la parole :
-Pour ceux qui étaient trop occupés à pleurer la mort de leurs proches je rappelle les consignes : ceci est un jeu, et le premier à répondre est celui qui est sur d'en ressortir vivant. La sonnerie annonce la Règle de cinq c'est à dire les cinq minutes restantes pour répondre aux consignes avant qu'ils ne nous emportent pour nous tuer. C'est bon ?
Il s'interrompt et je mets un temps à réaliser ce qu'il vient d'annoncer.
-Alors je propose que nous nous entraidions.
Aussitôt, le garçon qui partage ma chambre sort de la pièce en laissant échapper un souffle. Je ne relève rien et continue d'écouter.
-Je m'appelle Alex, et nous allons former une aide, ensemble. Dites vos prénoms et vous ferez parti du groupe.
Tour à tour, tous dire comment ils s'appellent, mais moi en attendant je raisonne et comme le garçon je décide de ne pas faire parti de leur camp. Je pense que je m'en sortirai mieux toute seule, à vrai dire je ne tiens pas à emporter l'anxiété des autres avec moi à chaque épreuve.
-Et toi ? Me demande Alex.
-Moi, je réponds. Moi, je ne veux pas faire d'alliance.
Et je sors de la pièce. Je marche dans le couloir quand je sens une main qui m'agrippe par le bras. Je me retourne : c'est Alex. Il plonge ses yeux dans les miens et je tiens son regard, il me lâche alors et me propose une dernière fois de faire parti de son groupe alors que je réponds un non catégorique.
-Pourtant tu aurais une bonne raison. Argumente-t-il.
-Et la quelle ? Je réplique.
Il se penche jusqu'à mon oreille et murmure :
-Moi je connais ton nom, Phoebe.
Je ne lui laisse pas voir le trouble qui m'envahit ; je ne souhaite pas faire parti de son groupe et je ne veux pas que les autres sachent mon nom. Je le repousse et il recule de quelques mètres, attendant ma réponse. Je déclare alors, sur de mon coup :
-Alors respecte mon choix, Alex, et laisse-moi choisir ce que je veux.
Il sourit devant mon audace puis m'annonce alors :
-Bien, alors ce sera un privilège d'être le seul à m'en servir.
Je ne réplique rien et je tourne les talons alors que je sais très bien qu'il m'observe partir et je m'enfonce dans les couloirs. Je trouve ma chambre après plus de vingt minutes de marche et je vois le garçon qui m'attend sur le lit. Il me fait signe d'approcher. Qu'est-ce qu'ils ont tous avec moi aujourd'hui ? Je m'approche alors et j'attends qu'il parle.
-On est tous les deux d'accord que cette histoire de groupe est stupide ? Demande-t-il.
Je m'empresse d'acquiescer alors qu'il enchaîne :
-Je pense qu'on devrait faire le contraire nous deux, pour ne pas qu'on s'attache à l'autre tu vois ?
-Oui. Je confirme car je pense pareil.
-Ok, parfait.
-Parfait.
Et il me laisse là, partant dans les couloirs. Je m'assois sur le lit et je songe alors que ces épreuves vont être longues.
-Fin du Flash-back-
Je me souviens du premier jour comme si c'était hier et il me paraît tellement loin avec la surprise qu'il vient de me faire en me dévoilant son prénom. Matthew. Maintenant je peux l'appeler Matthew ou Matt. Je suis tout de même étonnée qu'avec ses principes il me l'ait finalement dit. Néanmoins, j'ai vu juste : son prénom commence réellement par un M contrairement à ce nom d'emprunt commençant par un Z. Et j'aime bien. Ça sonne bien et ça s'accorde parfaitement avec son personnage. Nous ne remontons pas dans le véhicule et nous pique-niquons sur le bord de route alors que nous nous posons les multiples questions qui nous brûlaient tous les deux les lèvres depuis le début du jeu :
-Et tu as quel âge ? Demandons-nous en même temps.
Nous rions face à cette situation et je me sens tout de suite mieux comparé à l'atmosphère néfaste qu'il régnait en début de voyage. Il répond en premier :
-Dix-sept ans et toi ?
-Pareil.
Ainsi nous n'avons pas un seul an d'écart. J'avoue que cela ne m'étonne car je le pensais plus vieux que moi et en fin de compte nous avons le même âge. Il sourit et je fais de même. Nous finissons notre paquet habituel de chips et nous remontons dans le véhicule pour le démarrer quand mon œil est attiré par la tornade visible se rapprochant dangereusement de nous dans le rétroviseur. Je jette un coup d'œil paniqué à Matt et constate qu'il l'a vue lui aussi car il essaie d'enclencher le moteur, ce qui ne vient pas.
-Oh merde ! Elle ne va pas démarrer cette saloperie !
S'énerve-t-il contre le véhicule.
-Matt, dépêche-toi ! Je lui crie en lorgnant la tempête qui se rapproche.
-Oh et puis tant pis ! Sors et cours !
Je reste paralysée cinq secondes avant de passer à l'action. Je détache presque la portière de ses gonds tellement je la frappe fort pour qu'elle s'ouvre le plus vite possible et je descend rapidement non sans regarder derrière moi, entendant vaguement la portière se refermer. Là je reste figée. Un énorme tourbillon s'étendant des nuages jusqu'au sol se tient devant mes yeux encore à plusieurs mètres mais je le vois si clairement que j'ai l'impression que même à cette distance il pourrait m'emporter. Au fur et à mesure qu'il se rapproche, je sens le vent soulever mes cheveux et mon cœur battre de plus en plus fort dans mes veines. Puis, je sens un bras qui me tire et je pivote pour voir Matthew me crier :
-Bon sang mais cours, Phoebe ! Cours !
Je réagis au quart de tour et tandis qu'il m'entraîne à sa suite, j'accélère le mouvement de mes jambes et je pique un sprint que j'arrive à tenir longtemps mais qui n'est pas suffisant pour semer la tornade qui se rapproche derrière nous. Matthew me tire par le bras en avant, refusant de me laisser tomber et je décide alors de faire une chose insensé. Je me dégage de son emprise e t je me tourne vers le tourbillon qui n'est désormais plus qu'à quelques mètres de nous. C'est une épreuve. Mon esprit répète sans cesse cette phrase en cherchant à analyser tous les détails qui pourraient mener à la solution. Mais je ne trouve rien car mon cerveau est embrouillé par la peur et j'entends Matthew en avant qui me crie pour couvrir le bruit du vent :
-Phoebe ! Reviens !
Une panique s'empare de moi et je ne sais plus quoi faire, je reste là à attendre mon sort en observant avec des yeux exorbités la tempête qui fait rage et qui soulève le désert avec facilité. Je ne m'en sortirai pas cette fois. Phoebe ! Charline ?! Non. C'est Arthur. Arthur...
QG - Logical Game, 16h03, Vendredi 31 Mars 2017.
Kate Allow reste tranquillement assise sur le fauteuil de la chambre personnelle de Peter Davis face à la caméra de surveillance qui lui montre ses deux jeunes candidats face à la tornade prévu pour l'épreuve. Seule sa main serrée fortement autour de son verre de cocktail montre son stress et son anxiété pour le sort de ceux qu'elle voit comme les futurs gagnants des Jeux. Quand le maître de l'organisation des épreuves lui a répondu par la négative au téléphone, elle s'est immédiatement précipité dans son bureau pour obtenir des explications ; elle les avaient eues avec la promesse de Davis que tous deux s'en sortiraient. Et pour l'instant face à la tâche des mirages c'est le cas sauf que cette tornade l'inquiète au plus haut point. De plus, elle paierai cher pour pouvoir ne serait-ce que voir sa tête dans un miroir : Kate n'a pas dormi depuis le début de l'épreuve. Elle a certes somnolé à certains moments mais n'a jamais profité d'un vrai sommeil ! Et ces gamins ne sont pas là pour arranger les choses : voilà bientôt une semaine que tout cela a commencé et une semaine qu'elle ne peut pas se reposer. Elle doit satisfaire le grand patron.
Peter, lui, est serein et a bien profité de ces nuits de sommeil au grand détriment de sa supérieure, presque jalouse de le voir s'éclipser pour dormir chaque nuit tandis qu'elle continue de veiller sur les caméras. Il observe maintenant, amusé, la colère de sa patronne face à une épreuve de son choix qu'elle estime trop dure pour les candidats. Dans ce cas, il ne faut pas qu'elle voit la suite ! Se dit-il. Il a prévu un nombre incalculable d'énigmes plus tordues les unes que les autres et se demande si ces sujets d'expérience pourront toutes les passer. Celle-ci promet déjà un bon combat de la part des deux jeunes. Il se demande si à leur place il aurait trouvé et se dit que oui. Parce que Peter Davis est quelqu'un d'intelligent et de logique lui aussi. Il ne possède tout simplement pas le même âge et est muni d'un sadisme beaucoup trop avancé. A la place de son frère, il aurait laissé mourir la jeune Phoebe depuis le début des épreuves. Mais celui-ci se montre trop clément et l'attend depuis tout ce temps ce qui l'agace parce que Peter ne connaît pas la raison de son attente perpétuelle. Il aimerai bien séparer les deux jeunes, cependant il se doit d'obéir à Kate, et même si cela ne lui plaît pas, il n'ignore pas que lorsqu'il sera promu il pourra prendre sa revanche.
-Tu es fou, Davis. Crache Kate.
-Ils vont s'en sortir, je te l'ai promis. Répond-t-il avec exaspération.
-Ne crois pas que tu vas garder ton poste si l'un des deux succombe.
-Je ne m'inquiète pas pour ça. Toi par contre tu ferais mieux de t'en soucier.
Elle ne relève pas la remarque du créateur des épreuves et se contente d'observer les écrans, soucieuse. Pour l'instant, les deux enfants courent à toutes jambes pour échapper à la tornade. Ils sont courageux, pense-t-elle. Et elle ne sait pas à quel point ! Elle songe alors aux futures épreuves qui les attendent et resserre un peu plus son emprise sur son verre qui finit par se casser dans sa main, répandant son contenu juteux par terre sous les yeux lassés de Peter.
-Tu essuieras. Lâche-t-il.
-Ferme-là Davis ça vaut mieux. Rétorque-t-elle.
Elle sent son stress monter à chaque pas que font les deux jeunes et à chaque instant où la tornade se rapproche un peu plus d'eux et quand elle la voit s'arrêter, son cœur rate plusieurs battements si bien qu'elle s'étouffe avec sa salive et toussote sous le regard inexpressif de Peter qui reporte son attention sur les écrans en se demandant ce que la fille peut bien avoir en tête. Il zoom sur elle et voit ses yeux qui essaient d'analyser la situation. C'est du tout ou rien, pense-t-il. Soudain, l'air sérieux de l'adolescente se transforme en panique et il sait qu'il a gagné. Kate, reprenant ses esprits, se lève du fauteuil en poussant le maître des épreuves sur le côté, lui ne lâchant pas son sourire diabolique et elle s'exclamant :
-Bon sang mais qu'est-ce qu'elle fait ?!
Elle se met à toucher tout les boutons de l'appareil de contrôle sans pouvoir rien faire et arrêtée dans son élan par Peter Davis qui la tient par les poignets.
-Davis montre-moi comment on arrête ce truc !
Le sourire de l'homme s'élargit :
-On ne peut pas ma belle, les épreuves sont organisés et lancés pour ne pas s'arrêter.
-Le but était de leur faire finir le parcours ! Proteste-t-elle.
-Tu voies bien qu'ils ne peuvent pas ! Crie-t-il soudain énervé.
Elle se dégage de ses mains qui la tienne et observe l'écran, impuissante. Sa candidate se tient devant le tourbillon avec force et elle est immédiatement admirative de son courage. Elle lui manquera. Mais, à la dernière minute où tout semble perdu, la jeune femme voit une flamme s'allumer dans le regard de l'adolescente et elle comprend que sa survie est alors assurée. Rassurée, elle s'affale alors dans le fauteuil alors que Peter Davis ne comprenant pas sa réaction, la dévisage, étonné. Elle passe sa main sur son visage en jetant un coup d'œil à son subordonnée et annonce calmement :
-Rien n'est perdu, Peter.
Tout deux fixent alors les écrans et contre toute attente, la jeune fille fait le geste le plus inattendue qui soit qui les laissent tous les deux, muets.
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