Chapitre 4

Je n'en crois pas mes prunelles : ses yeux sont rouges ! Comme ceux de Charline quand elle prend place dans mon corps. Mais alors qu'est-ce que ça signifie ? Est-ce que le garçon aussi possède l'intelligence et l'âme d'une autre personne ? Comment se fait-il qu'il ait des iris comme les miens ? Comme les miens. Me corrige Charline. Je n'ai pas le temps d'en penser plus qu'il me tire violemment vers le bas et j'ai tout juste le temps de me rattraper avec les mains pour ne pas me prendre les gravas dans la figure. Je le fixe alors, incrédule. Lui est trop absorbé par l'observation des gravas, ou plutôt de ce qu'il y a derrière, pour me voir le scruter d'une manière aussi peu discrète. Depuis quand cache-t-il son double ? C'est Théo. M'apprends la voix de Charline. Mais qui est Théo ? C'était un ami que je n'ai plus vu depuis qu'on m'a transférée dans ton corps, gamine. Ah... Mais comment ce fait-il qu'il soit dans le corps du garçon ? Ne pose pas la question je ne le sais pas moi-même, je sais juste qu'il était albinos, comme moi. Il faut donc être albinos pour pouvoir effectuer un transfert d'intelligence d'après ce que j'entends. Ne conclus pas trop vite, nous étions les deux seuls. Ils y avaient plusieurs autres enfants ?! Bizarrement le même nombre que celui des candidats. Tu veux que je t'aide ou tu fais la suite de la liaison toute seule ? Oh mince, je n'avais pas prévu ça ! Nous étions donc tous en possession d'une autre âme dans nos corps et personne n'a eu l'esprit de demander si nous n'en avions pas. Cela aurait pu arranger pas mal de problèmes mais apparemment, tout ne fonctionnait pas pareil dans chacun des corps. Bien sûr que non ! La différence entre toi et les autres, Phoebe, c'est qu'eux se sont servis de leur Double-Âme dès la première épreuve contrairement à toi qui ne te sers de moi que maintenant.... Oh mon dieu ! Si tu savais comme c'est humiliant d'utiliser le verbe ''servir'', on dirait que je ne suis qu'une esclave à ton service ! Ce ne sera jamais le cas, je ne me servirais jamais de Charline pour parvenir à mes fins, j'ai même bien l'intention de gagner sans elle. Tu peux penser de moi en disant ''tu'', tu sais... C'est frustrant de te voir m'appeler dans ton esprit à la troisième personne. Très bien, mais je... Mais rien ! Concentre-toi maintenant !

J'applique immédiatement son conseil et je reporte mon regard sur le camion à travers les gravas sans faire plus attention au garçon tandis que la pluie de tirs continue. Soudain, elle s'arrête, laissant place au calme et j'observe la fille au loin et ses deux compagnons recharger leurs munitions. Je décide alors de me lever alors qu'à côté de moi, je sens qu'on me tire par le bras pour me proposer de s'enfuir une nouvelle fois dans le dédale de rues à côté. Mais non. Je ne repartirais pas là-dedans et je passe à l'action, franchissant le muret qui nous protégeait des balles. Je cours vers le véhicule amarré en bord de route entendant la voix du garçon me crier de revenir et les déflagrations des fusils retentir de nouveau. Je me concentre alors avec la paire d'yeux de Charline sur les balles et je calcule leur trajectoire tellement rapidement qu'elle s'imprime sur mes rétines et je vois ces dernières défiler au ralenti devant mes yeux pendant que je les esquive par des mouvements rapides. Ses capacités m'impressionnent mais je ne dois pas rester bloquer sur cela ; je continue d'avancer et je me rapproche de plus en plus. Puis, quand je ne suis plus qu'à quelques mètres, mon corps sait déjà les mouvements à enchaîner en face de nos attaquants. Je me positionne et je me laisse glisser par terre, effectuant un croche-patte à celle du milieu en essayant d'oublier la douleur qui tiraille mon coude se heurtant au graviers puis je me relève aussi vite en effectuant un demi-tour sur moi-même et j'envoie un coup de pied dans le dos du second qui s'écoule par terre, se prenant violemment le sol. Enfin j'attrape des deux mains l'arme de la dernière, lui arrache et la retourne contre elle tandis qu'elle lève les mains en l'air, le souffle aussi saccadé que moi et la poitrine s'abaissant rapidement toutes les demi-secondes.

-Au sol ! Je lui crie.

Elle s'exécute aussitôt en gardant les mains au dessus de la tête tandis que sa compagne derrière moi se relève en sortant un couteau de son jean. Mais je suis plus logique qu'elle et les yeux de Charline avaient déjà parés son coup-bas deux minutes à l'avance alors, tout en gardant l'arme dans les mains je pivote rapidement en levant ma jambe bien haut pour lui mettre mon pied dans les dents. Elle tombe sur le côté en se tenant la mâchoire, sérieusement blessée et la lèvre en sang. Je repointe mon arme sur la captive qui ne cesse d'observer son compagnon inanimé à mes pieds et l'autre fille qui sanglote sur sa blessure. Elle ouvre la bouche pour articuler :

-Laisse-moi les soigner s'il te plaît.

Gardant tout son sang-froid et m'accordant un regard haineux, elle n'a pas l'air d'avoir si peur que ça et s'inquiète pour la santé de ceux qui l'aidaient à nous descendre tout à l'heure. Néanmoins je suis sans pitié. Je crois que Charline déteint sur moi... Eh ! S'exclame cette dernière.

-Pourquoi êtes-vous là ? Je demande.

-On vous prenait pour des mutants.

-Te fous pas de moi ! Pourquoi vous êtes là ?!

Je commence à m'énerver mais devant sa mine étonnée devant mon ignorance face aux être appelés ''mutants'' j'en déduis que j'ai loupé quelques petits détails depuis les deux ans passés enfermée dans ce jeu. Je décide de l'interroger mais je suis coupée en plein élan par le garçon qui n'hésite pas à frapper la fille de toute sa force en arrivant devant elle. Je prend immédiatement sa défense en reportant le canon de mon arme sur lui :

-Arrête !

Il se retourne, surpris de me voir interférer et proteste :

-Elle a failli nous tuer ! S'emporte-t-il en s'approchant de moi.

-Elle a des choses à nous apprendre ! Je riposte, aussi fort que lui.

Il ne dit plus rien et se contente de s'éloigner d'elle pour se poster à mes côtés alors que je reporte mon attention sur elle.

-Assied-toi. Je lui ordonne.

Sans protester, celle-ci s'exécute non sans un regard pour ses camarades. Je pense qu'elle a compris que plus elle prenait son temps, moins elle apporterait vite de l'aide à ces derniers. Je la dévisage de bas en haut avant de la rejoindre au sol, suivit du garçon qui n'a plus, par ailleurs, ses yeux rouges. J'ignore si les miens sont redevenus normaux mais ce n'est pas le sujet.

-Présente-toi ainsi que tout ce petit monde, dis-je en jetant un coup d'œil en arrière. Et raconte-nous ce qu'il s'est passé ces deux dernières années.

Devant son manque de réaction, j'ajoute :

-S'il te plaît.

Elle ouvre alors la bouche pour prendre une grande respiration avant de se lancer :

-Je m'appelle Anaïs. Les deux derrière vous sont Anna, ma sœur jumelle et James, un ami à toutes les deux. Nous avons tous seize ans, bientôt dix-sept en fait, et nous sommes en fuite depuis la Guerre.

-La Guerre ? L'interromps le garçon à qui je m'empresse de donner un coup de coude pour qu'elle continue son récit et qu'il n'intervienne plus.

-Oui. Ce monde en vie une contre une association assez puissante pour ravager le monde en une petite semaine qui se fait appelée la GHP, the Games of the Human Perfection. Tous ce que nous savons d'eux c'est qu'ils ont créés des épreuves que des adolescents de notre âge doivent élucider pour ressortir vivant et devenir le modèle pour la conception de ''parfaits humains'' ou d'une ''race parfaite''. La plus connue d'entre toutes est l'épreuve du Logical Game.

Je tressaille. Nous sommes dedans ! Nous sommes ces adolescents !

-Bref. La GHP avait donné un avertissement aux cinq premières puissances mondiales et avait déclaré que la sentence prendrait forme si elles ne leurs livraient pas plusieurs milliers de jeunes de tout âge. Bien sûr, toutes ont refusé et c'est là qu'ils sont passés à l'action ; ils ont lâché des petites bombes sur les plus grandes villes qui explosaient au premier contact et qui répandaient une fumée noire après le choc. Peu de gens finirent blessés et on ne connu aucun mort alors tout le monde ce dit que c'était une farce, cependant ce n'était pas des explosions dont il fallait se méfier. Les nuages de fumée noire se sont introduis dans des organismes humains et ont créé une mutation importante au niveau des gènes qui a modifié certains corps et les a transformés en monstres. On appelle ça des ''mutants''. Néanmoins, la transformation est éphémère et l'on peut encore trouver des ''mutants'' de forme humaine qui s'amusent à cacher leur vraie nature. C'est pour cela qu'on vous a tiré dessus.

Achève-t-elle.

-Ça n'explique pas pourquoi vous êtes en fuite, renchérit le garçon.

Elle le fixe d'un regard mauvais avant de lui répondre sur un ton glacial :

-Ils nous veulent. La GHP nous veut.

-Et pourquoi ça ?

-Nous sommes des Rebelles.

Je ne veux plus rien entendre. J'abaisse mon arme, la plaque violemment dans les bras du garçon, au bord des larmes et je marche loin du camion tandis que ce dernier m'appelle. Non, je ne reviendrai pas. Je dois gagner cette course et m'expliquer avec ces foutus organisateurs ! Une Guerre ? Des adolescents traqués ? Non mais c'est quoi ce délire ?! Nous ne sommes finalement que dans un jeu qui s'emploie à créé l'être parfait au lieu de se préoccuper de la santé du monde. Pourquoi un tel choix ? Je ne demande qu'à le savoir car pour l'instant je ne vois aucunes raisons valables. Je me mets à courir sur la route qui mène à la victoire, j'accélère, je ne m'arrête pas et quand la course devient un sprint, les larmes inondent mon visage. Je repense alors à tout ce que j'avais oublié, à tous ces instants avant le Logical Game.

-Flash-back-

-Phoebe ! Pho-pho, e-e, be-be ! Chantonne ma sœur sur un air rebondissant. Tu m'emmènes à l'école aujourd'hui, s'il te plaiiit ? Quémande-t-elle.

Je cours dans le couloir qui me sépare du salon et je vole une pomme sur l'étagère en passant. Je suis encore en retard.

-Pas le temps Kim, une autre fois !

J'ouvre la porte, m'apprêtant à partir quand j'entends :

-Mais tu as jamais le temps...

Je me retourne pour faire fasse à mon petit monstre de sœur et j'observe ses yeux verts qui sont bordés de larmes, sa moue triste et ses cheveux bruns qui lui tombe à l'avant du visage. Elle est adorable et aussi tellement capricieuse ! Mais je ne peux rien lui refuser... Sauf quand je suis en retard ! Alors je m'approche d'elle et je la serre dans mes bras très fortement alors qu'elle me rend mon étreinte, je lui dépose un baiser rempli d'amour sur le front, touche de mon doigt le bout de son mignon petit nez et m'éloigne à reculons jusqu'à la porte. Puis lui envoyant une dernière bise de la main, je me faufile à travers le passage en gardant en mémoire sa mine défaite. Ça me fait mal au cœur. Et à moi aussi Pho, mais accélère, tu vas rater le car ! M'interpelle Charline. Cette fille ne cessera de me faire penser au jour où j'ai du me rendre dans ses laboratoires inquiétant et où je l'ai vue mourir sous mes yeux. Je t'en prie ! Je le vis très bien maintenant et on est comme deux sœurs ! Oui, on est comme deux sœurs inséparables. Trop occupée par mes pensées, je ne vois pas le car qui passe à côté de moi tel une flèche mais Charline, elle, de mon œil gauche dévié l'a bien vu. Oh mon dieu ! Cours Phoebe ! Je pique un sprint alors que mon œil gauche s'affole dans tous les sens. Oui, j'ai laissé le contrôle à Charline et c'est pour cela que quelques fois, mes amis pensent que je souffre de strabisme. J'arrive bien heureusement juste à temps et je m'engouffre dans le car en veillant à passer ma carte scolaire avant de m'asseoir sur un siège vide. Je ne regarde pas celui qui est à côté de moi et je range la carte dans mon sac avant que ce dernier ne m'adresse la parole :

-Panne de réveil ?

-Non, panne de dentifrice. Je réponds sans relever les yeux de mon bagage, cherchant des chewing-gums.

Cependant, c'est celui d'à côté qui me les tend et je ne peux que relever la tête sur un garçon aux yeux noisettes et aux cheveux bruns. Oh mon dieu quel beau goss, ma vieille ! Je dois avouer qu'il est pas mal mais je n'ai pas le temps pour ça Charline. Je l'observe de haut en bas ainsi que sa main tendue vers moi avant de saisir le chewing-gum qu'il me tend.

-Merci.

Je referme la poche de mon sac et je m'affale sur le siège tout en mâchant.

-Tu es nouvelle ?

-Je te retourne la question. Je rétorque.

Non je ne suis pas nouvelle mais il est vrai que je ne l'ai jamais croisé avant aujourd'hui. Il rit faiblement avant de répondre par la négative et d'enclencher sur un autre type de sujet bien plus inquiétant.

-Tu connais la GHP ?

-Non, je pivote vers lui. C'est quoi ?

-Rien, laisse tomber. J'ai juste vu que ton œil gauche esquissait des mouvements bizarre et c'est une sorte d'association qui soigne ses anomalies.

-Je suis normale. Renchéris-je.

-... Bien.

Pendant le reste du trajet, il garde le silence et quand je sors du bus, j'essaie de le percevoir une dernière fois mais il ne descend jamais du car. Et lorsque je vérifie les sièges, pressée par mes amies qui me demandent de venir, il n'y a plus aucune trace de lui.

-Fin du Flash-back-

Oui. Le Logical Game a été présent dans ma vie bien plus tôt que je ne veux l'admettre. En réalité, je crois ne jamais avoir connu de réel moment avant ce jeu. Il m'a ainsi fait m'interroger à plusieurs moments de ma vie où je ne l'attendais pas et il m'a gâchée l'unique existence que je peux avoir sur cette terre. Et le pire, c'est que je n'arriverai jamais à lui rendre le double parce que je sais très bien que quand j'arriverai au bout de cette épreuve finale, je serais brisée. Je ne peux pas entendre de nouveau la vérité sur ce monde qui a été réorganisé par cette organisation minable qui nous fait vivre ce jeu dans le seul but de créer ''l'humain parfait''. Je cours. Je cours. Je trébuche. Mais je ne tombe pas.

J'entends un souffle halé et je sens des bras qui me retiennent alors que ma vue est toujours brouillée et, exténuée, je m'endors dans ses bras.

Lorsque je me réveille je distingue la lueur d'un feu et le garçon qui est penché sur moi, occupé à soigner une nouvelle fois mon flanc qui me tiraille au premier mouvement que j'effectue pour me lever. Il remarque ma présence et, sans cesser de traiter ma blessure, me demande :

-Tu vas bien ?

J'essaie qu'acquiescer mais j'abandonne aussitôt devant la douleur et je répond un faible ''ça peut aller'' presque inaudible mais qu'il perçoit quand même. Un sourire apparaît sur son visage et je pose mes yeux sur l'arcade céleste, rassurée. Il m'a rattrapée et ne m'a pas laissé tomber tandis que moi j'y ai seulement pensé en courant loin devant lui. Quelle égoïste je fais. Je m'amuse à contempler les étoiles lorsqu'il appuie plus fort sur ma hanche, me faisant grimacer. Puis un visage se positionne devant le mien et je ne retiens pas le cri qui sort de ma bouche tout en me relevant précipitamment non sans éprouver une lancée de souffrance dans la jambe qui me cloue immédiatement au sol.

-Tu n'étais pas en si mauvaise forme pour nous abattre tous les trois. Se moque la voix au dessus de moi.

J'ouvre mes yeux clos pour voir un garçon de mon âge me détailler sans aucune gène de haut en bas. J'essaie de ne pas rougir, ne pouvant rien faire d'autre avec la douleur tandis qu'il me soigne puis le nouveau venu plonge enfin ses yeux dans les miens. Des yeux bleus surmontés de sourcils égratignés et rougis de sang. Je remarque alors les autres marques de griffures sur ses joues et le reste de son visage et me rappelle alors que ce garçon est celui qui, après mon coup de pied dans le dos, a plongé directement vers le sol. Vu ma position d'infériorité, je regrette tout de suite mon geste mais il ne semble pas vouloir se venger et au contraire, il s'excuse :

-Désolé de vous avoir tiré dessus mais nous pensions avoir à faire avec des mutants.

-J'avais bien compris. Dis-je.

-C'est bon tu peux te relever, déclare mon rival du jeu.

Je m'exécute non sans mal et je me hisse sur mes jambes avant de jeter enfin un œil à la blessure qui me tiraille. Le sang s'est répandu sur le bandage et j'en déduis que j'ai du créer une sacrée plaie en tombant ce matin... Oui, ce matin j'étais encore à l'Hôtel. Maintenant le ciel est noir et il doit être tard dans la soirée. Je me dirige vers le feu de camp où sont assises les deux jumelles, Anaïs n'a aucun regard pour moi, occupée à soigner sa sœur et cette dernière me regarde avec ses yeux lançant des éclairs. Je dois lui avoir vraiment fais mal. Je m'appuie contre le camion, refusant de m'asseoir pour me relever plus tard avec la même douleur puis les observe tous. Le garçon s'appuie à côté de moi tandis que l'ami des deux filles s'assoit à côté d'elles. Anaïs finit son travail avant de reporter son regard vers nous deux et de nous interroger ;

-Et vous ? Qui êtes-vous au final ?

Ainsi, il n'a rien dit. Il vaut mieux pour nous cinq. Je m'apprête à parler mais il me devance de peu.

-Nous sommes en fuite, comme vous.

Je ne relève pas son mensonge vu que j'avais la même intention et j'entre dans son jeu :

-Nos questions étaient uniquement destinées à vous soutirer des informations. Nous vérifions également si vous n'étiez pas des ''mutants''.

Cependant, ils ne sont pas bêtes et tous ont du mal à croire à nos propos.

-Et ta fuite ? Questionne le garçon dont je n'ai pas retenu le prénom.

Prise au dépourvue, je suis sauvée par lui.

-Test de confiance.

-Nous sommes donc alliés ? Demande le garçon en se relevant pour se rapprocher de lui et lui tendre la main.

Ce dernier la saisi et un sourire se dessine sur le visage de l'adolescent. Il semble rassuré de trouver de ses semblables dans cet enfer, néanmoins, il se méfie car il ajoute, toujours avec le sourire :

-Et quand vous nous ferez confiance, vous nous donnerez la véritable raison de votre présence.

-Oui. Je réponds.

Ce n'était pas une question mais j'ai senti la nécessité de répondre à cette phrase. Inutile de mentir s'ils se doutent déjà de nos mensonges. Le garçon se tourne vers moi, lâchant la main de mon compagnon pour me la tendre. Je l'observe longuement avant de la serrer. Il éprouve alors le besoin de me rappeler son nom, ce qui, je l'avoue, me rassure.

-James.

Je ne réponds pas, soudainement prise de malaise. Si je lui dis alors le garçon aussi le sera. Attendant une réponse de ma part il me presse :

-Et toi ?

Je bégaie mais encore une fois, le garçon me sauve.

-Elle a oublié.

Voilà qui est plus simple. James rit un bon coup, suivit d'Anaïs et je surprends le léger sourire d'Anna qui se renfrogne immédiatement après. Comment passer pour ridicule auprès de trois adolescents ? La solution nous est proposé par mon rival préféré ; dire que vous avez oublié votre prénom.

-Et moi aussi, ajoute le concerné.

Je le gratifie d'un sourire et il me répond par ce même sourire. Les trois compagnons nous fixent, étonnés, et je m'empresse de nous trouver une excuse :

-Nous avons été exposé au brouillard moins longtemps que les autres de cette ville et cela nous a fait oublié pas mal de choses.

Mon mensonge semble être convaincant car ils acquiescent tous. Mais c'est sans compter la question qui suit :

-Comment vous vous interpellez alors ?

-On ne s'interpelle pas. Riposte le garçon.

Et c'est tout à fait vrai. Depuis le début, on ne communique pas et même pour cette dernière épreuve nous avons gardé cette habitude. En fait, c'est plutôt bizarre, mais je ne relève pas et encaisse le nouveau rire de nos trois nouveaux alliés. Ça fait plutôt mal en fin de compte de savoir qu'après deux ans passés ensemble, on ne connaît même pas le nom de l'autre. Je l'observe du coin de l'œil et à ma grande surprise, il affiche le même air attristé que le mien. Serait-il déçu de ne pas me connaître mieux que ça ?

-Bien !

James me sors de mes pensées.

-Dans ce cas on va vous trouver des noms.

-Alice ! Propose Anaïs.

-Oh non, les ''a'' ça suffit ! Proteste James.

Je me sens rougir alors qu'ils s'occupent de me trouver un nom. Anna, qui n'a pas ouvert la bouche sauf pour rire ou émettre des grognements, en propose un à son tour ;

-Je propose Ellen.

Je ne peux m'empêcher de pouffer devant l'éloignement de ce nom face au véritable. Cependant, il est vite adopté pour tout le monde et je ne trouve pas d'excuses pour protester. Après tout il faut bien qu'ils m'appellent... C'est au tour du garçon et tout le monde tombe d'accord pour le nommer Zach. Je trouve que ça ne lui va pas mais je ne dis rien. Le connaissant depuis deux ans, j'aurais plus opté pour un prénom avec un M quand j'y réfléchis. Lui non plus n'a rien dit pour le mien qui n'est pas du tout adapté vu que normalement, celui-ci commence par un P. Je replonge alors dans mes pensées tandis que James et Anaïs retirent des provisions de leur camion. Je pense alors aux nôtres qui ont été abandonné sur la chaussée dès les premiers tirs dans notre direction. Alors que les autres font cuire leurs vivres sur le feu, je discute avec Anna, qui, pour ma plus grande joie, a déjà oublié le coup dans la mâchoire que je lui ai mis tout à l'heure. Du moins elle a oublié le fait que c'est moi qui lui ai mis car elle discute comme si de rien n'était et j'apprends des tas de choses sur leur petit groupe. C'étaient des habitants de la grande ville qui étaient présents lors des bombes mais qui n'en n'ont pas respiré les vapeurs toxiques et qui se sont enfuis en voyant la première mutation de leurs parents. Ils se connaissaient avant la Guerre et se sont vite retrouvés pour fuir. Ils ont connu des difficultés mais ont fini par tout surmonter pour s'organiser et vivre en petit comité de trois personnes. Je n'ai pas soulevé le fait que dans son récit, Anna parle parfois d'un autre garçon nommé Edward. Aussi bizarre que cela puisse paraître, j'ai le sentiment que celui-ci est décédé.

-Ellen ! Ellen !! Bon sang ça fait dix fois que je t'appelle.

-Excuse-moi je suis pas habituée... Je rougis.

-Bref, soupire James. Passe-moi les chips à côté de toi.

Je m'exécute et grimace quand je saisis enfin le paquet du bout des doigts pour le lui tendre. Il l'attrape rapidement en fixant ma hanche blessée.

-Qu'est-ce que t'as foutu pour avoir la jambe dans cet état ? Questionne-t-il.

Je ne réponds rien.

-Elle a bien failli s'embrocher sur un piquet à l'entrée d'un Hôtel. Répond le garçon.

-Elle est pas douée ta petite-amie Zach !

Sa petite-amie ?!

-On n'est pas ensemble. Je rectifie en même temps que lui.

Les trois nous dévisage d'un air sous-entendu.

-Qu'est-ce que faisait deux jeunes en plein centre-ville se prenant par la main ?

-La même chose que vous je te rappelle. Et je pourrais très bien te retourner la question.

Je rétorque.

Il se tait comme tous et nous finissons notre repas en silence, tendus. Je me lève alors de la position assise que je m'étais jurée de ne pas prendre une heure avant et je regrette aussitôt de m'être mise en tailleur. Je réussis tout de même et je m'éloigne du feu sous le regard insistant des quatre autres.

-Je vais marcher. C'est interdit ? Je demande, froide.

Ils se reportent tous les yeux sur la nourriture alors que je marche vers la seconde partie de la ville, derrière le camion, m'arrêtant devant la dernière bande blanche séparant la route de débris puis, plus loin, de buildings encore debout. Pas mieux conservée que l'autre, elle me rend tout de même nostalgique. Des tas de gens vivaient là. Je me demande alors quelle est la superficie de cette ville qui ne semble pas avoir de fin tout en me demandant où nous nous situons réellement. New-York ? Paris ? Tokyo ? Tout serait possible. Et je n'arrive pas à reconnaître les particularités de chacune de ces villes avec ce chaos rongeant celle-ci. Les immeubles sont certes gigantesques mais tous possèdent des vitres brisées, des bouts de murs détachés, certains s'écroulent même. Ils sont assez loin de moi sachant qu'avant ils sont séparés, comme de l'autre côté, par une bonne cinquantaine de mètres de débris rasants le sol de sable et répandus de manière désordonnée sur celui-ci. Car oui, en dehors de la route neuve, s'étend sur cette distance un cimetière d'habitations sur un parquet de sable. Cela rend ce paysage si triste que j'en ai presque les larmes aux yeux.

Mais quelque chose attire mon œil. Un mouvement, dans l'ombre, cinquante mètres plus loin. Je ne possède plus les pupilles si logiques de Charline et j'avoue regretter leur utilité en ce moment. Plus loin, les silhouettes s'agitent et j'en distingue de plus en plus. J'entends la discussion de mes compagnons derrière le camion cependant je ne me sens plus en sécurité. Je commence à faire un pas en arrière sur le goudron, commençant à ressentir de la peur envers ces êtres et c'est ce qui semble être leur signal ; des bêtes ni humaines ni animales s'élance sur la faible distance en ma direction et je pousse le cri le plus aigu jamais émis par mes cordes vocales. Le résultat est immédiat : le garçon accoure pour se poster à mes côtés et lorsqu'il distingue enfin les formes, il n'hésite pas une seconde :

-Montez dans le camion !

Je ne me fais pas prier et je m'élance dans la remorque suivie d'Anna et du garçon qui attrape une barre en fer pour se défendre. Les premières vagues d'attaques commencent alors et, aidé d'Anna, j'assène des coups de pieds aux mutants. Car c'est bien ce qu'ils sont. Durant un combat avec un des leurs, je lance alors un regard paniqué à Anna qui s'est emparé d'une arme et qui n'éprouve aucune pitié à tirer sur le monstre qui s'écroule au sol. Je renvois son corps à l'aide d'un coup de coude et alors que j'attrape une arme qu'elle me tend, j'entends Anna me rassurer :

-T'inquiète pas ! James s'occupe de tout !

Me crie-t-elle durant un affrontement rapide avec l'une des créatures.

L'arme dans la main, mes doigts ne se font pas prier pour appuyer sur la gâchette et j'en oublie presque ma partie humaine avec la peur qui accentue mes instincts premiers. Mon cerveau dans ma tête fonctionne aussi à toute vitesse et bientôt tout devient plus clair : les trajectoires des mouvements, les futurs vagues d'agression et seule, sans l'aide de Charline, je vois se dessiner tous les coups à venir de mes attaquants. Je passe alors dans un second mode. La peur n'a pas complètement disparue, cependant, celle-ci m'alimente et tandis que je riposte, de plus en plus d'enchaînement de calculs se produisent dans ma tête jusqu'à ce que je vois enfin au ralenti. L'étape ultime de cet enchaînement d'additions et de soustractions. J'envoie des coups de pieds à l'avance, je me sauve plusieurs fois des coups de griffes et j'envoie tous les monstres au tapis, commençant à enchaîner les opérations pour trouver leur point faible. Je suis véritablement déchaîné alors que le véhicule démarre enfin et je ferme les portes violemment dans un grand fracas alors que par la vitre je regarde les bêtes qui courent toujours s'éloigner loin de nous. J'ai la respiration rauque et le souffle saccadé et je me laisse glisser contre une des paroi du véhicule, l'arme toujours dans les mains. Ma douleur décide alors de ressurgir, moi qui arrive à en faire abstraction durant les combats, n'y arrive pas du tout pendant les moments de repos.

-Comment... Comment t'as fait ça ? M'interroge Anna, l'air aussi épuisé que moi.

-Ça quoi ? Je demande à mon tour.

-Ne fais pas l'idiote qui ne sais pas ! S'emporte-t-elle. Comment as-tu fait pour agir aussi rapidement sans perdre un seul coup avec ta hanche dans cet état et en visant exactement les points faibles de ses choses ?! Même avec deux ans d'entraînement je ne parviens même pas à prévoir un dixième de leurs mouvements !

-Peut-être qu'on a pas subi le même type d'entraînement.

Je lâche.

Elle ne trouve rien à redire et je alors que je pivote ma tête pour regarder la porte en face de moi, je croise le regard insistant du garçon auquel je ne fais aucune remarque. Nous devons rouler durant plus de deux heures car le temps me paraît long et je ne cesse de penser à ce que j'ai pu réaliser sans l'aide de Charline. Celle-ci s'est d'ailleurs volatilisée de ma tête depuis que j'ai attaqué Anaïs. Ce n'est pas le moment de penser à elle de toutes manières, je ne tiens pas vraiment à ce qu'elle lise de nouveau mes pensées. Avec toutes ses années en commun, j'ai souhaité de plus en plus fort retrouver un corps à moi seule. Surtout ces deux dernières années où j'ai pu profiter pleinement de son absence en développant mes propres dons qui s'avèrent aujourd'hui être aussi puissants que les siens. Mes yeux se ferment petit à petit et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, mon esprit plonge dans un rêve.

Le véhicule s'arrête finalement et je me relève péniblement, me frottant les paupières encore endormies, avant de voir les portes s'ouvrir sur James et Anaïs qui nous font tous deux signe de sortir de l'arrière. Je n'hésite pas une seule seconde, voulant respirer de l'air frais. Lorsque je descends je remarque alors un détail : nous sommes toujours sur la même route mais ce ne sont plus les immeubles qui la bordent mais bien un désert de sable. Je descends la marche, les yeux fixés sur l'horizon que nous venons de quitter ; une étendue de gratte-ciel s'étend à moins de deux kilomètres et je me demande le temps que ce voyage a finalement pris parce qu'il nous aura fallu presque une journée pour quitter cette ville.

Le soleil se lève doucement à l'est et les lueurs encore rouges de l'aube nous illuminent tous. Je scrute le paysage autour de moi et je ne vois que le désert à perte de vue. Je tourne alors le dos à la ville que nous venons de quitter et contourne le camion pour voir l'horizon plus loin. Sans grande surprise, la route continue.

Cependant, ce matin, elle est éclairée des premiers rayons d'une boule de feu rougeoyante ce qui annonce pour moi, le début d'un renouveau.

QG - Logical Game, 6h24, Dimanche 26 Mars 2017.

Kate Allow, adossée à un mur de la salle de surveillance, des cernes sous les yeux, se dit qu'elle aussi aurait mieux fait de partir dormir. Mais la coprésidente prend son rôle à cœur, elle n'ignore pas à quel point ce projet est important et a juré devant son patron de rester dans cette pièce jusqu'à la fin des épreuves pour vérifier son bon déroulement. Cependant, désormais la fatigue la ronge ; elle n'a déjà pas dormi la nuit dernière sous le stress de l'avant dernière épreuve et du début de celle-ci et cela fait maintenant deux jours qu'elle veille. Ses pensées, toutes concentrées sur l'épreuve, se mélangent et se confondent en idées démesurées, ses paupières commencent, seules, à se refermer sur ses pupilles et elle commence à sombrer. Si bien que lorsque Silla Williams ouvre la porte en la faisant claquer contre le mur, elle sursaute de peur. Mon dieu ! Que cet homme peut être idiot ! Quant à ce dernier, il la regarde d'un air amusé ; elle qui se plaint tout le temps de sa fatigue extrême, voici qu'elle lui donne l'occasion de se venger.

-Fatiguée ?

-Pas le moins du monde ! Renchérit-elle pour leurs plus grand malheur à tous les deux, d'une façon énergique.

Elle prend alors place à côté des commandes alors que le chef de la surveillance des écrans s'installe devant l'ordinateur central et rentre son mot de passe pour avoir accès au contrôle des caméras restées immobiles durant toute la nuit. Kate se concentre alors sur ces deux candidats : Phoebe a montré des capacités exceptionnelles la veille lors de son combat contre les trois adolescents en fuite et celui contre les monstres qu'ils ont créés. Quant à Matthew, certes il s'est efforcé d'avoir recours à sa Double-Âme mais les résultats sont moindres comparés à ceux de sa rivale. Celle-ci est tellement délicate à identifier... Pourtant, Kate aurait juré qu'elle se servait déjà de sa Double-Âme durant la première partie du Logical Game. Qu'est-ce que cela signifie alors ? La fille aurait-elle des compétences cachées ? Après avoir brièvement observé Phoebe et Matthew, endormis sur les écrans, elle se résout à joindre Peter Davis par téléphone pour se tenir informer de la suite des événements. Certes, il lui a demandé de se contraindre au rôle de spectatrice mais elle ne peut tout simplement pas attendre que tout se passe sans qu'elle soit un minimum au courant de la situation des deux jeunes. Elle compose alors le numéro de Davis et après plusieurs sonneries, sa voix rocailleuse se fait entendre à l'autre bout du combiné.

-Qu'est-ce que tu veux Kate ?

-Un résumé des prochaines épreuves Davis, et pas dans trois semaines.

-...Tu me fatigues, Kate.

Elle se mord la lèvre inférieure, fatiguée et énervée du comportement de son sous-fifre.

-Peter, j'ai besoin de ces infos.

-Mais non miss Allow ! Ça c'est toi qui te le mets en tête. Les épreuves peuvent se dérouler sans ton âme de maman poule.

-Peter ! Donne-moi immédiatement la suite de ton schéma ! S'énerve-t-elle.

-Du calme ma belle. Je ne peux rien te dire, ordre du grand patron.

-Tu te moques de moi ?!

-Je peux t'assurer que non.

Kate laisse échapper un soupir devant l'air étonné de Silla Williams, qui tente de surprendre un bout de la conversation sans grand succès. Elle reprend alors la parole, vaincue :

-Très bien mais promets-moi au moins une seule chose...

-Quoi ?

-Promets-moi qu'aucuns des deux ne trouvera la mort avant la fin de la course.

Un long silence plane au bout du fil alors que Kate, soucieuse, attend impatiemment sa réponse.

-Non. Je ne peux pas.

Et il raccroche.

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Hey ! ^^

Nouveau chapitre que j'aime particulièrement ! Et vous ? Des avis ? Des questions ? N'hésitez pas je suis là pour y répondre en espérant toujours que le Logical Game vous captive toujours autant ! ;)

Bisous ! ♥

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