réunion de famille
« Elianna ? La célèbre lancière qui a affronté mille soldats seule ? Celle qui officie à la fois comme juge et bourreau ? » murmura Merilla, incrédule, ses yeux fixant Lyra, ébranlée par la révélation de Lionel. Depuis son enfance, Merilla avait entendu des récits épiques sur la légendaire guerrière, sans jamais imaginer que cette femme serait liée à l'histoire de son amie.
Se levant d’un bond, la main agrippée à son arc, Lyra jeta un regard décidé vers les hauteurs du Mont Caster. « J’y vais, je dois voir cette femme. »
Ogöl, le vieux sage, secoua la tête. « C’est bien trop dangereux, jeune fille. Ne laisse pas les paroles de ce vieux loup t’aveugler. Il manipule ceux qui l’écoutent. »
Lyra, perdue et tourmentée par la vérité cruelle, fit un pas en arrière, la gorge nouée, avant de se tourner vers Jorge, qui la serra fermement dans ses bras. Elle éclata en sanglots, le poids des révélations s’abattant sur elle. « Pourquoi, père ? Pourquoi m’avoir abandonnée ? Pourquoi t’es-tu éloigné de maman ? Pourquoi ai-je dû grandir sans même connaître son visage ? »
Lionel poussa un profond soupir, se reculant légèrement. « Il avait été convenu que tu serais protégée jusqu’à tes dix-huit ans, et qu’ensuite, tu aurais le choix de nous rejoindre. Maintenant, tu vas devoir monter jusqu’au Mont Caster et trouver ta mère. Elle te demandera de choisir entre son chemin — celui de la justice et du devoir envers son royaume — ou le mien, qui prône la rébellion et le chaos. » Il inspira, fixant sa fille avec intensité. « Quel que soit ton choix, il te mènera à la guerre. Avec moi, tu pourras m’accompagner pour renverser Regina ; avec ta mère, tu te battras contre le roi Luther, son allié. »
Lyra resta immobile, les yeux embués, alors que Lionel continuait : « D’un côté, tu pourras changer la condition des Variants, de ceux que le monde rejette ; de l’autre, tu deviendras peut-être une héroïne. »
Lyra murmura alors, d’une voix emplie de détermination : « Avant tout, je dois voir ma mère. »
Lionel sourit, presque satisfait. « J’ai envoyé un message à Elianna. Elle arrive. »
Alors, au loin, se dessina une silhouette. Une femme aux cheveux flamboyants, dissimulés sous un casque orné d’ailes, s’avançait en armure. Chaque pas qu’elle faisait semblait chargé d’une aura imposante, une force que seule une guerrière aguerrie pouvait incarner. La lumière du crépuscule se reflétait sur le métal argenté de son armure, ajoutant une aura divine à sa présence. La tension monta parmi les compagnons de Lyra alors qu’Elianna s’approchait, relevant finalement la visière de son casque, dévoilant des yeux d’un jaune perçant.
Elle posa son regard sur Lyra, l’évaluant un instant, puis demanda, d’une voix ferme : « Es-tu… ma fille ? »
Lyra, intimidée, détourna le regard et murmura d’un ton maladroit : « Euh… apparemment. »
Elianna s’avança, ses yeux scrutant chaque détail du visage de sa fille. « Tu as mes yeux. Comment t’appelles-tu ? »
Avant que Lyra ne puisse répondre, Lionel intervint. « Lyra. C’est le nom que je lui ai donné. »
Elianna, fronçant les sourcils, jeta un regard glacial à Lionel. « Ce n’est pas à toi que je parle. Tu n’es plus qu’une ombre, un loup échoué dans les vestiges de ta gloire passée. »
La tension dans l’air était presque palpable. Lyra, incertaine, se racla la gorge et répondit, cette fois plus clairement : « Je m’appelle Lyra, mère. C’est le nom que le prêtre m’a donné au village de Haute Côte. J’ai été archère, chevalière pendant un temps, mais maintenant… je suis déserteuse. »
Autour d’eux, les compagnons de Lyra, souhaitant lui laisser cet espace, s’étaient écartés. Mais Sebastian murmura à Teb’I, un air perplexe : « Cette histoire devient de plus en plus complexe. »
Teb’I secoua la tête, dubitatif. « La politique et moi, ça fait deux. Je ne comprends plus rien à ce qui se passe. »
Ogöl, le sage, ramassa un bâton et, s’agenouillant, commença à dessiner sur le sol. « Regarde ici. » Il traça un petit bonhomme avec un chapeau. « C’est Lyra. Elle a deux chemins devant elle : la route de droite, celle de Lionel, et celle de gauche, celle d’Elianna. »
Sebastian observa les marques dans la terre. « Et les options sont… quoi, exactement ? »
Ogöl soupira. « Devenir une héroïne en suivant sa mère, ou une despote au pouvoir, peut-être même reine, en suivant son père. »
Merilla, exaspérée, se redressa et marcha d’un pas décidé vers Lionel et Elianna. Face à eux, elle les fixa d’un regard accusateur, avant de lever la main et de les gifler chacun leur tour, un geste empreint d’une colère muette.
« Vous n’avez aucune idée de l’impact de vos choix sur elle, à quel point vous l’avez brisée », dit-elle, sa voix vibrante d’émotion.
Elianna, impassible, soutint le regard de Merilla. « La souffrance forge la force. Tout ce que nous avons fait, nous l’avons fait pour qu’elle devienne grande. »
Lionel, hochant la tête, ajouta : « Peut-être est-il temps de clarifier certaines choses. »
Elianna croisa les bras, son regard se perdant dans le passé. « Il y a trente ans, mes propres parents m’ont abandonnée dans un orphelinat. J’ai passé des années à imaginer ce qu’ils étaient, pourquoi ils m’avaient laissée, mais très vite, j’ai dû me battre pour survivre. À quinze ans, l’armée d’Eastland m’a acheté, et j’ai gravi les échelons jusqu’à devenir leur meilleure soldate. J’étais redoutée, respectée… et c’est alors que je l’ai rencontré. » Elle tourna un regard chargé de souvenirs vers Lionel. « C’était lors d’une réunion de paix entre Eastland et Regina. Nos nations se haïssaient, mais lui et moi… nous étions différents. Nous avons défié nos devoirs, nous avons aimé en secret. C’est ainsi que tu es née, Lyra. »
Elle inspira profondément, reprenant : « La guerre approchait, et ta naissance, un an avant qu’elle n’éclate, était une menace pour moi. J’étais commandante, et si mes supérieurs découvraient mon lien avec un ennemi… » Elle secoua la tête. « Quand la guerre a débuté, Lionel t’a cachée à Haute Côte, dans l’espoir que tu puisses grandir loin de la violence. Mais Eastland nous a traqués, croyant que tu pourrais devenir une menace. Ils ont envoyé des mercenaires et des automates de guerre pour te trouver et t’éliminer. »
Elianna leva les yeux vers Lyra, une tristesse palpable dans son regard. « Les deux royaumes se sont battus pendant neuf ans. Neuf années où j’ai dû regarder ton père massacrer mon peuple, et où il a vu mon armée décimer le sien. Après cela, nous n’étions plus que des ennemis, consumés par la haine et la douleur. »
Elle marqua une pause, cherchant les mots justes. « Lyra, ce n’est pas une excuse, mais une vérité. Nous étions brisés par cette guerre. Et si aujourd’hui je te demande pardon, c’est pour ces batailles qui t’ont volé ta famille. »
Un silence solennel s’installa. Lyra sentait son cœur tiraillé entre ces deux figures, ces parents qu’elle découvrait pour la première fois. Chacun lui offrait un chemin, un choix déchirant entre deux idéaux, deux héritages contradictoires.
Elle redressa la tête, déterminée malgré le poids des révélations. « Père, mère, je vous entends. Mais ce choix, je le ferai pour moi, et non pour vos ambitions passées. »
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