Regina, doux pays

Le roi Luther, son visage marqué par les ans et ses cheveux clairsemés, baissa les yeux, semblant lutter contre les larmes avant de prendre la parole :

— Vous tous, qui êtes ici, je vous dois des explications… et bien des excuses.

Sebastian, accoudé nonchalamment sur une chaise, lança, moqueur :

— Allons, papy, ne te mets pas dans cet état.

Merilla, les bras croisés et le menton relevé, le fixa avec un regard perçant. Nico et Ogöl restaient immobiles, droit dans leurs bottes. Jorge, mains dans les poches, observait sans rien dire, tandis que Lyra écoutait attentivement, Teb'I s'asseyant à proximité.

— Il y a sept ans, j'ai été nommé commandant de l'armée de Fidgar, alors roi de cette contrée, expliqua Luther. Mais dans l'ombre, je complotais. Ton père, Lyra, avait causé tant de ravages que j'ai pris peur et, discrètement, j'ai commencé à rallier des alliés. Fidgar, grand et fier, veillait sur l'épée de Caïn, symbole de notre royaume. Une nuit, je la lui ai volée pendant qu'il dormait, ne supportant plus de voir le pays pris dans un cycle incessant de guerres. Lionel, ton père, devenait puissant, mais sans noblesse.

Deux années plus tard, j'ai attaqué le château d’Abel. L’épée de Caïn surpassait les pouvoirs de Lionel, et c’est ainsi que j’ai tué le roi, lui plantant l’épée dans l’estomac. Je me suis proclamé roi, et j’ai instauré des lois pour me protéger de Lionel, quitte à chasser les Variants, ces hommes-bêtes. Il fallait qu’ils quittent ce pays, alors j’ai traqué et exilé les derniers d’entre eux.

Lyra s’assit lentement, invitant sa mère, Elianna, à faire de même. Après un moment de réflexion, elle demanda, intriguée :

— Alors, c’est pour cela que mon père veut vous détrôner ? Pour rendre la liberté aux Variants ?

— Hélas, oui, répondit Luther en secouant la tête. Mais il voudrait aussi mener la guerre au-delà de nos frontières. J’ai tout fait pour empêcher cela. Me comprends-tu, Lyra ?

— Parfaitement, dit-elle en lui prenant la main. Mais l’épée de Caïn peut-elle encore vaincre mon père ? Où se trouve-t-elle ?

Luther, silencieux un instant, serra doucement sa main avant de répondre d’une voix grave :

— L'épée de Caïn… Elle a toujours le pouvoir de vaincre ton père. Mais depuis que je l’ai utilisée contre lui, elle est devenue une source de malédictions autant que de puissance. Elle est cachée dans un lieu que seuls mes conseillers les plus loyaux connaissent.

Sebastian, avec un sourire sarcastique, haussa un sourcil :

— Donc tu l’as bien planquée sans te dire qu’un jour, Lyra en aurait besoin ?

— Silence, Sebastian, gronda Luther. Ce n’est pas une question de vouloir, mais de sécurité. Cette épée attire ceux qui recherchent le pouvoir, même si cela signifie détruire ce qu’ils prétendent protéger.

Lyra, déterminée, répondit calmement :

— Alors dites-moi où elle est. Mon père est prêt à tout pour atteindre ses objectifs, et je préfère me tenir entre lui et ce pays.

Le roi baissa à nouveau les yeux, puis déclara lentement :

— Je l’ai confiée au Royaume d’Eastland, en gage de paix. Le roi Brune a exigé qu’elle soit enfermée dans les catacombes du château de Sombrelune, ancienne forteresse de guerre. On raconte cependant que le château est hanté par les souvenirs de ceux qui y sont tombés.

— J’irai seule, dit Lyra, en détachant sa cape verte pour révéler sa tenue de combat noire et grise.

Jorge posa une main paternelle sur sa tête.

— Laisse-moi venir avec toi.

— Non, j’ai déjà mis en danger trop de personnes, et une amie à moi y a laissé sa vie.

Djibril sortit son épée de son fourreau et la tendit devant elle.

— Prends ma rapière. L’âme emprisonnée dans l’osmosite te protégera contre les fantômes. Mais sois prudente.

Tous la regardèrent partir. Une fois encore, elle s’en allait seule, et cette nuit-là, elle monta sur sa Wyvern et prit la direction de Sombrelune, le château hanté.

Dans le ciel nocturne, sa monture fendait l’air avec rapidité et silence. Sous elle, les terres endormies s’étendaient, et à l’horizon, une étrange lueur mauve s’intensifiait, tel un sombre présage. Plus elle approchait de Sombrelune, plus la silhouette imposante du château se dessinait. Ses tours noircies par le temps s’élevaient haut au-dessus des plaines désolées, et les murs semblaient exhaler une énergie ancienne, comme si le lieu lui-même se souvenait des batailles.

La Wyvern se posa en douceur sur une corniche érodée. Lyra descendit, les sens aux aguets. Elle resserra sa prise sur la rapière de Djibril, sentant l’énergie de l’âme emprisonnée dans l’osmosite vibrer au creux de sa main.

Face à elle, une porte massive, ornée de gravures effacées, se dressait, menant aux profondeurs du château. Elle entra sans hésiter, prête à affronter les mystères qui l'attendaient. À mesure qu'elle avançait, une voix d’outre-tombe murmura dans l’obscurité :

— Qui ose troubler le repos des morts ?

Lyra leva sa rapière, et sa voix, forte et assurée, résonna dans le silence oppressant :

— Je suis Lyra, venue chercher l’épée de Caïn, pour la paix.

Les murmures se dissipèrent, mais des ombres se détachèrent des ténèbres, formant la silhouette d’un soldat spectral, ses yeux fantomatiques brillant d’une lueur glaciale.

— Prépare-toi, déclara-t-il.

À cet instant, le sol se mit à trembler, et les murs du château semblèrent bouger d’eux-mêmes, transformant le lieu en un véritable labyrinthe. Lyra raffermit sa prise sur la rapière, prête à affronter les épreuves que Sombrelune lui réservait.

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