Quetzal
---
Le roi, dans sa sagesse légendaire, avait ordonné à chacun de ses sujets, des jeunes aventuriers - bien que certains ne soient plus si jeunes - de voyager à dos des dragonneaux, les bébés de Naira, le majestueux dragon de Nico. Ces créatures étaient petites comparées aux dragons adultes, mais déjà leur apparence imposait respect et fascination : leurs écailles rouges et brillantes scintillaient sous le soleil, et leur queue pointue semblait capable de fendre des rochers. Ces créatures étaient des symboles de puissance brute, d’un passé ancien où la magie des dragons dominait les cieux.
Teb'I, l’un des aventuriers les plus avisés du groupe, avait méticuleusement élaboré un plan. Ils devaient se diriger vers la mystérieuse forêt de Ferba, un lieu dense et ombragé où les arbres semblaient murmurer des secrets aux passants. Jorge, l’ami fidèle de Teb’I, était déterminé à l’accompagner. Il avait une certitude viscérale que son ennemi juré se terrait quelque part dans cette forêt.
« Quand est-ce qu’on arrive ? » demanda Sebastian, un jeune noble, avec une pointe d’impatience dans la voix, bien que son ton trahisse un léger manque de bravoure.
« Encore un peu plus d’un quart d’heure, » répondit Ogöl, dont la voix grave résonnait comme le grondement d’un tonnerre lointain. Ogöl était connu pour sa patience et son calme, mais aujourd’hui, même lui paraissait légèrement tendu.
Les troupes chevauchaient les dragonneaux rouges, leurs pas lourds et lents marquant le sable du désert d’empreintes profondes et bien définies. La chaleur du désert n’épargnait personne, et les écailles des dragonneaux, chauffées par le soleil, brûlaient douloureusement le postérieur de certains cavaliers moins endurants. Leurs queues pointues fouettaient parfois l’air, et leur gueule, aussi abrupte et tranchante que des rochers, renforçait l’impression que ces créatures étaient de véritables machines de guerre.
Leur trajet les mena dans un désert infini, non loin de la ville d'Adabana, où ils devaient bientôt gravir une montagne imposante. Le but de cette ascension : rencontrer le chef de la tribu des Stryges, un homme aussi mystérieux que redouté. Une fois l’entrevue achevée, ils devaient bifurquer vers la forêt de Ferba, un lieu où peu osaient s’aventurer.
Les terres desséchées et les vastes étendues rocailleuses se changèrent progressivement en un cours de rivière qui serpentait le long de la montagne. Le paysage désertique s’animait ici de la vie discrète des créatures et des plantes qui parvenaient à survivre dans cette contrée rude. Au-dessus d’eux, des créatures ailées, probablement des faucons ou des serpents volants, fendaient l’air en décrivant des cercles silencieux, observant peut-être ces intrus qui s’aventuraient sur leur territoire.
Soudain, alors qu’ils traversaient le sable, les dragonneaux s’arrêtèrent dans un geste brusque, leurs têtes inclinées vers le sol comme s’ils pressentaient une menace invisible. Une trace serpentine ondulait autour d’eux, s’enroulant dans le sable brûlant comme une corde mouvante.
« C’est quoi encore tout ça ? » s’écria Sebastian, frustré par cette nouvelle interruption.
Teb'I s’agenouilla, observant les traces avec un regard perçant. « C’est assurément un quetzal, » murmura-t-il, ses yeux brillant de curiosité et de méfiance. D’un mouvement vif, il sortit son Urumi, un fouet tranchant et flexible, et le fit claquer contre le sable. La fine poussière qui masquait la créature se dissipa, révélant un serpent long et sinueux aux écailles chatoyantes.
Le serpent, dans un mouvement fluide, tenta de brouiller les pistes en dessinant de nouveaux tracés dans le sable, mais Teb'I ne lui laissa pas cette chance. Avec une précision redoutable, il happa la gorge de la créature, stoppant net ses efforts pour échapper à leur vue. Au moment où le serpent se fit maîtriser, un cri strident déchira l’air, résonnant comme un hurlement sauvage. Tous sentirent leurs tympans éclater sous l’assaut du son, et Ogöl, protecteur de nature, se mit en position défensive, couvrant son fils de son corps robuste. Seule Merilla, qui était restée en retrait par prudence, échappa à l’attaque sonore.
Ce soir-là, autour du feu, ils se remettaient lentement de leurs péripéties, les oreilles bourdonnant encore des échos du cri perçant. Ils avaient capturé le quetzal et décidaient de le cuisiner. Ses plumes, aussi dures et étincelantes que des écailles, furent soigneusement retirées et ajoutées au thé qu’ils préparaient, lui conférant une étrange et apaisante saveur de menthe. La chair tendre de la créature, douce et fondante en bouche, ravissait les palais des aventuriers, bien que Nico fasse la moue en goûtant à la queue, qu’il trouvait quelque peu désagréable.
Au milieu des rires et des festins, un silence pesa soudainement sur le groupe. Tous avaient remarqué le regard sombre de Jorge, ses traits marqués par la fatigue et la culpabilité.
« C’est de ma faute si Lyra est partie, » murmura-t-il, les yeux baissés, la main posée sur son front en signe de désespoir.
Teb’I s’assit à ses côtés, posant une main réconfortante sur son épaule. « Elle nous reviendra, » dit-il doucement, les yeux fixés sur les flammes crépitantes qui dansaient devant eux.
Merilla, toujours un peu trop franche, laissa échapper entre deux bouchées : « Sa quête est plus dure que la nôtre, les gars. Moi, à sa place, j’aurais abandonné depuis longtemps. »
Les autres acquiescèrent en silence, chacun pensant à leurs propres épreuves et à ce qui les attendait encore. Ce soir-là, au milieu du désert, sous un ciel étoilé, une paix étrange s’installa autour du feu. Les aventuriers, unis par leur mission commune et leurs espoirs, s’endormirent dans un silence apaisant, bercés par le murmure du vent et les souvenirs de leur camarade partie en quête d’un destin encore inconnu.
---
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top