Lionel
Aux premières lueurs de l’aube, Lyra errait déjà à la recherche de ses compagnons, observant le sol avec une attention minutieuse. Elle examinait chaque empreinte, chaque brin d’herbe froissé, espérant trouver une trace qui la guiderait vers eux. Elle finit par distinguer une piste — une file de pas variés, larges et étroits, imprimés dans la terre humide. La suivre était presque facile, comme si un instinct profond la poussait à avancer.
Devant elle, au loin, se dressait une montagne imposante. Au sommet de cette forteresse naturelle, un château doré scintillait sous le soleil levant, ses deux tours effilées pointant vers le ciel, encadrant une immense porte. Le château semblait irréel, comme un rêve accroché au sommet du monde.
Lyra avança, guidée par une détermination féroce, jusqu’à apercevoir ses compagnons. Là, réunis autour d’un feu de camp vacillant, se tenaient ses alliés. Djibril, le borgne au regard perçant, veillait en silence. Paragus, le puissant guerrier à la stature imposante, observait l’horizon, tandis que Merilla, la battante, affûtait son arme. Ogöl, le vieux sage, méditait paisiblement, et Sebastian, le chevalier, ajustait son armure. Nico, l’apothicaire, manipulait des fioles remplies de liquides mystérieux, et Teb’I, l’oiseau, pansait une aile blessée. Camille, la reine, arborait son air royal et sévère, et Jorge, le vengeur, restait en retrait, son regard sombre fixé sur Lyra.
Elle s’approcha de Teb’I, remarquant son aile mutilée. "Je n’avais pas vu que tu avais perdu une aile. Ça ne te fait pas trop mal ?"
Teb’I sourit faiblement, posant une main sur son épaule. "La douleur est là, mais je suis encore en vie. Et pour ça, je remercie les étoiles."
Merilla prit alors la parole, son visage marqué par une sincérité désolée. "On t’a attendue ici, Lyra. Désolée pour la manière dont on a agi... on a dû te neutraliser pour éviter que tu rejoignes Lionel."
Lyra fronça les sourcils, perplexe. "Pourquoi ? Que craignez-vous de lui ? Qu’est-ce qu’il a fait ?"
Sebastian, d’une voix grave, répondit : "Lionel est responsable de la mort de milliers d’innocents. Il a été condamné pour crimes de guerre. Nous savons ce qu’il est capable de faire."
Le silence tomba comme un voile, aussitôt brisé par une voix profonde et arrogante qui résonna derrière eux. "Ainsi, on parle de moi ?"
Tous se retournèrent pour découvrir Lionel, grand et imposant, debout dans l’ombre. Il les regardait avec un sourire insolent, les dominant de sa haute taille. Une force brutale émanait de lui, et son regard était celui d’un homme habitué à commander, mais aussi à détruire.
Lyra le fixa, le cœur battant. Elle sentait la rage monter en elle. "Père, affrontons-nous. C’est entre toi et moi, maintenant."
Lionel rit, un rire froid et méprisant. "Petite fille, tu ne sais rien de ce monde. Si je voulais, je pourrais te pulvériser ici et maintenant. Mais, pourquoi ne pas te raconter mon histoire d’abord ? Peut-être comprendras-tu mieux."
Il tendit les mains en avant, dans un geste théâtral, comme pour peser le pour et le contre. Un silence s’installa, lourd et oppressant. Lyra échangea un regard avec ses compagnons avant de céder et de s’asseoir en tailleur. "Très bien. Parle."
Avec un sourire victorieux, Lionel tira de son manteau une bouteille de rhum, dont l’étiquette ancienne révélait la rareté. Il la tendit à Lyra, qui la prit avec prudence. "Un rhum pour ma fille," dit-il, un éclat dans les yeux. "Après tout, tu m’écoutes enfin."
Lyra prit une gorgée, sentant le liquide brûler sa gorge et réchauffer son estomac, avant de lui redonner toute son attention. Autour d’elle, ses amis restaient silencieux, observant cette scène étrange avec la plus grande vigilance.
Lionel prit une profonde inspiration, ses yeux se perdant dans les souvenirs. "Il y a trente ans, ma vie n’était pas bien différente de la tienne aujourd’hui, Lyra. Mon père... il n’était pas comme les autres. C’était un homme violent, cruel, et ivre de rage. Quand il buvait, il se défoulait sur moi. Une nuit, j’ai failli y rester ; sa hache s’est abattue si près de moi que je peux encore entendre le sifflement de l’acier. J’ai fui. De foyer en foyer, j’ai survécu, mais cette violence m’a forgé."
Il baissa les yeux, comme pour mieux revivre cette époque sombre. "J’ai fini par rejoindre l’armée du roi Fidgar. J’étais jeune, ambitieux, et la guerre semblait être une échappatoire. Peu à peu, j’ai gravi les échelons, jusqu’à ce que Fidgar me nomme commandant de son armée. J’étais loyal, obéissant... et sans pitié."
Lyra sentait sa gorge se nouer. Elle peinait à croire que cet homme, son propre père, avait semé la terreur de cette manière. Lionel continua, imperturbable.
"Le roi m’envoyait dans les villages pour conquérir, détruire, soumettre. Chaque victoire était une gloire, mais chaque cri, chaque visage terrorisé s’imprimait dans ma mémoire. Et c’est là que tu es arrivée, Lyra. Ta naissance, bien que soudaine, fut une bénédiction. Toi et ta mère étiez les seules à me ramener un semblant d’humanité."
Lyra sentait une question brûler en elle, impossible à retenir plus longtemps. "Et ma mère ? Qui était-elle, vraiment ? Pourquoi m’avoir laissée seule ?"
Un éclat nostalgique traversa le regard de Lionel. "Elianna. La cheffe des gardes du Mont Caster. Une femme intrépide, forte et résolue, qui n’a jamais reculé devant rien. Elle n’avait peur de personne, pas même de moi. Nous nous sommes aimés, d’une passion que peu peuvent comprendre. Mais j’ai su, tôt ou tard, que ma vie de soldat la mettrait en danger. Je t’ai abandonnée pour vous protéger toutes les deux. Pour que tu puisses vivre sans le poids de mes crimes."
Lyra resta immobile, secouée par cette révélation. Ses compagnons, eux, observaient Lionel avec méfiance, inquiets de ce qu’il pourrait encore révéler ou faire.
Elle se leva soudain, le visage fermé, son regard se plantant dans celui de Lionel. "Père, tes choix t’appartiennent. La souffrance de ton passé ne justifie pas le sang que tu as versé. Mais j’ai moi aussi fait mon choix. Je suis ici pour comprendre, mais surtout pour affronter cette part de toi qui m’a laissée seule, cette part de toi que je ne peux accepter."
Lionel, pour la première fois, sembla ébranlé. Son regard vacilla, et il sembla mesurer la force qui émanait de sa fille, cette force qu’il lui avait involontairement transmise.
Lyra serra les poings, un frisson d’émotion parcourant son corps. "Mes amis sont ma famille, père. Toi, tu n’es qu’une ombre dans mon passé, une ombre que je dois affronter, pas pour te comprendre, mais pour me libérer de toi."
Autour d’eux, la nuit commençait à tomber, enveloppant le groupe dans un calme étrange. Ses amis se tenaient en retrait, chacun prêt à intervenir, mais respectant ce moment entre père et fille.
La lune s’éleva lentement, brillant d’une lueur douce et froide, illuminant la scène avec une lumière argentée. L’air était dense, chargé de la tension de ce face-à-face. Lionel, pour la première fois, semblait hésiter, ses certitudes ébranlées.
Dans le silence de cette nuit, une paix fragile s’installa, un instant suspendu entre deux destins qui s’opposaient et se rejoignaient. La force de Lyra brillait sous les étoiles, une lueur de défi dans ses yeux, alors qu’elle se tenait enfin libre, prête à faire face, peu importe le prix.
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