L'épée de Caïn

Lyra resta pétrifiée devant l'épée de Caïn, sa double garde grise scintillant sinistrement sous les torches vacillantes qui bordaient les murs de pierre de la crypte. Le pommeau rouge sang semblait pulser d'une vie propre, éveillant en elle une lueur de terreur enfouie. Lorsqu'elle tendit la main, un frisson la parcourut, semblable à celui d’un réveil d'un cauchemar où elle chutait impuissante dans l’obscurité. La lame semblait presque douée de sensibilité, comme si elle cherchait une connexion avec elle, une fusion de leurs essences. Mais l'ampleur de cette connexion pesait lourdement sur son esprit ; elle savait qu'accepter ce lien pourrait exiger bien plus que de la simple force. Ce n'était pas une arme ordinaire—elle possédait une conscience, une volonté farouche qui nécessitait une loyauté et un sacrifice absolus.

Autour d'elle, les esprits silencieux de la crypte s'agitèrent, leurs murmures s’élevant comme une brise douce, tourbillonnant autour d'elle et remplissant l'air d'une énergie éthérée. Les voix formèrent un chant obsédant, résonnant en de vieux mots contre la pierre froide, une langue qu'elle ne pouvait déchiffrer mais qui vibrait jusque dans ses os : elle avait accompli quelque chose de monumental.

Alors que ses yeux restaient fixés sur l'épée, les murmures s'intensifièrent, jusqu'à ce qu'une voix grave et résonnante émerge du tumulte, puissante et vibrante dans l’air comme un coup de tonnerre :

— Lyra des Haute-Côtes, saisis-tu le poids du fardeau que tu es sur le point de porter ?

Surprise, Lyra leva le regard, cherchant l'origine de cette voix dans les recoins sombres de la crypte. Une silhouette émergea de la brume, enveloppée d'ombres profondes, vêtue d'une armure ancienne qui parlait d'un temps révolu—rouillée et usée, marquée des cicatrices d’innombrables batailles. Une couronne ternie reposait sur son front, et ses yeux brillaient d'une lueur surnaturelle, intense, invitant Lyra à sonder les profondeurs de son âme.

— Je suis Caïn, le premier porteur de cette épée, déclara-t-il, d’un ton à la fois solennel et menaçant. Cette arme n’accepte pas les faibles ; elle exige une dévotion inébranlable et un sacrifice total. Renoncerais-tu à tout ce que tu es pour la manier ?

Alors que Lyra ressentait le poids des innombrables âmes et des tragédies tissées dans le tissu même de la lame, un frisson lui parcourut l’échine. Elle resserra sa prise sur le manche, cherchant à s’ancrer, et inspira profondément, puisant du courage au milieu de ses doutes tourbillonnants. D'une voix ferme, elle répondit, sans faillir malgré l'appréhension qui la rongeait :

— Je ne recherche pas ce pouvoir pour moi-même, mais pour ceux qui sont tombés, pour mes semblables, et pour ceux qui ont souffert. Si le prix est ma liberté, je l'accepte. Mais je ne céderai jamais à toi ou à cette arme. Je la manierai pour ma cause, et non pour satisfaire une soif de pouvoir.

Les yeux spectraux de Caïn s’illuminèrent d’une intensité féroce avant de s’adoucir en une expression de respect, et un sourire mystérieux se dessina sur ses lèvres.

— Alors tu es digne de manier cette épée… pour un temps. Mais souviens-toi : elle réclamera toujours un prix, et un jour, peut-être, elle cherchera à prendre ton âme elle-même.

Sur ces mots, la figure de Caïn commença à se dissiper, se transformant en un souffle évanescent d'ombres, tandis que la crypte s’emplissait d’une lueur fantomatique, illuminant l’espace tel un lever de soleil surnaturel perçant le cœur de la nuit. Malgré sa fatigue, Lyra sentit une vague d'invincibilité traverser ses veines. Elle saisit fermement l'épée de Caïn, pleinement consciente que ses véritables défis ne faisaient que commencer. Son destin était désormais lié à cette arme maudite—une flamme sinistre qu'elle devait absolument maîtriser pour survivre à l’affrontement imminent avec Lionel, cette force sombre qui l’attendait à l'horizon.

Alors qu'elle se dirigeait vers la sortie de la crypte, un écho résonna dans l'air :

— Nous sommes désormais compagnons sur ce chemin, proclama la voix de Caïn.

L'épée se mit à luire d'une teinte cramoisie à chaque mot de Caïn, projetant des ombres vacillantes qui dansaient sinistrement sur les murs de la forteresse de Sombrelune, créant une atmosphère saturée d'énergie surnaturelle.

Enfin, elle franchit le seuil et retrouva Naïra, sa fidèle wyverne, qui l'attendait patiemment à l'entrée, ses écailles brillant comme de l’obsidienne polie. Elle monta sur le dos de la créature, le cœur battant d’anticipation pour ce qui l’attendait.

Alors qu’ils prenaient leur envol, survolant les terres, la voix de Caïn s'insinua dans ses pensées, tranchante et malicieuse :

— Savais-tu que ton roi porte un lourd secret ?

Lyra ferma les yeux un instant, essayant de faire taire cette voix, mais Caïn était implacable.

— Je suis le créateur de la cité d’Abel, et je connais les vérités cachées derrière les murs d’osmium de ton roi. Nombreux sont ceux qui y sont emprisonnés.

— Assez ! siffla-t-elle, la frustration perçant dans son ton. Tout ce que je demande de toi, c’est de m’aider à vaincre Lionel.

— Pourtant, c’est moi qui ai construit cette prison. Des milliers d’âmes y sont piégées—des Variants qui souffrent. Ton roi cherchera à les libérer, et pour cela, il lui faudra la Croix d’Abel, l’arme de mon frère.

Lyra sentit sa patience s'effriter sous les provocations incessantes de Caïn, mais elle garda son calme. Les vérités cryptiques révélées par l'épée la déstabilisaient autant qu’elles l’intriguaient. Elle s’agrippait à sa mission : ramener la paix à ses amis. Pourtant, avec chaque révélation perçante, Caïn la poussait toujours plus loin dans l'incertitude.

Avant longtemps, ils atteignirent la grandiose cité d’Abel. Naïra descendit avec grâce, se posant en douceur aux portes imposantes du château, où Luther l’attendait, entouré de ses conseillers. Les murs d’osmium de la forteresse irradiaient d'une lueur mauve et rose unique, un éclat rappelant celui qui avait autrefois libéré l’âme de Grimwald.

Lyra effleura les pierres froides et anciennes du mur, murmurant pour elle-même une prière discrète :

— Tout cela n’est que foutaises.

Avec un mélange de crainte et de détermination, elle entra dans la grande salle du château, où Luther l'accueillit avec un sourire fatigué mais chaleureux. Ses amis l'entouraient, dont Djibril et Paragus, leur présence apportant un bref moment de réconfort au milieu de sa tempête intérieure.

— Mon roi, dit-elle en s'avançant, êtes-vous au courant de la Croix d’Abel ? Lionel la possède...

Le visage de Luther perdit toute couleur, son expression passant de la surprise à l'alarme alors que la portée de sa révélation s’insinuait en lui.

— Oui… bien sûr. C’est un artefact ancien, que l’on croyait disparu depuis des siècles. Comment… comment peux-tu en savoir autant ?

Lyra détourna le regard, troublée par sa propre audace. — Ce… ce n'est rien, mon roi. Oubliez ça.

Elle chercha rapidement Jorge parmi ses amis, saisit sa main et l'entraîna hors de la salle, se réfugiant dans les vastes champs enneigés qui entouraient le château. La neige fondait sous leurs pas, laissant apparaître les premières pousses du printemps naissant.

Ils marchèrent en silence pendant un moment, leurs pas crissant dans la neige. Enfin, Lyra se tourna vers Jorge, son visage empreint de gravité.

— J’ai quelque chose d’important à te dire, souffla-t-elle. Je dois quitter Regina.

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