Il y a 13 ans


Attiré par le bruissement mélodieux des ailes qui fendaient l'air, Jorge s'éveilla de sa torpeur, fouillant fiévreusement ses poches.

"Enfin !" s'exclama-t-il, une lueur d'excitation dans les yeux alors qu'il frottait deux feuilles d'ébène rugueuses, sablonneuses de fine poudre, l'une contre l'autre. Frouuu.

La grande créature recula, se protégeant de ses bras et de ses larges ailes. Mesurant près de six pieds de haut, elle arborait un plumage terreux paré de plumes de bronze qui scintillaient comme des pierres précieuses sous le ciel crépusculaire.

"Première fois ?" murmura-t-il avec un brin d'amusement.

Lyra se tenait entre eux, les yeux pétillants de curiosité. Elle arqua un sourcil et relâcha la tension de ses épaules, consciente de l'énergie crépitante qui flottait dans l'air.

"Des outils primitifs !" chantonna la créature aux plumes brunes, torse nu, dégageant une chaleur accueillante.

"Peau de Saeros ? D'où viens-tu pour ne pas en avoir ?" demanda Jorge, scrutant attentivement le pagne simple que portait la créature, seul semblant de vêtement qu'elle arborait.

"Je viens d'A'Dabana, Terre-Mère," répondit la créature en secouant ses plumes avec enthousiasme, faisant scintiller ses côtes saillantes. "Comment cette peau s'enflamme-t-elle ?"

"Les Saeros frottés l'un contre l'autre produisent une flamme répulsive pour éloigner les prédateurs. On l'utilise pour cuisiner," expliqua Jorge, essuyant la poudre grise de ses doigts. Une fine volute de fumée s'échappa, captant les dernières lueurs du crépuscule. Ses yeux brillaient de fascination, reflétant le scintillement des flammes dansantes.

La créature aviaire poursuivit, ses yeux sombres étincelant d'intérêt. "Je suis Teb'I," se présenta-t-elle en tendant une main fine vers Lyra. "Je suis en quête. L’aîné de mon village m’a dit qu’une ville proche renfermait des créatures comme moi, emprisonnées dans la Tour de Chair où elles sont tourmentées."

Lyra serra sa main fermement, absorbant la gravité de ses mots, le poids de sa requête.

S'inclinant légèrement, Teb'I tendit sa main de manière similaire vers Jorge, son regard empreint de sincérité. "M’aideras-tu, humain ?" demanda-t-il, sa voix portant un espoir fragile.

Jorge croisa les bras, une lueur de défi dans les yeux. "Non," déclara-t-il fermement.

Lyra écarta sa cape, avançant pour dissiper la tension grandissante. "Ces créatures... te ressemblent-elles ? Et toi et moi, sommes-nous semblables ?" Sa question résonna dans l'air, chargée d'inquiétude.

Ses oreilles de loup perchées sur sa tête, vigilantes, tandis que Jorge fronçait légèrement les sourcils, agacé de voir quelqu'un lui voler la vedette si rapidement.

"On m’a dit qu’elles sont des bêtes féroces. J’espère que non," répondit Teb'I, sa voix pleine de sympathie alors qu'il posa doucement une main sur l'épaule de Lyra, créant un pont de compréhension entre leurs mondes différents.

Avec une sincérité visible, Teb'I avoua, ses yeux sombres s'élargissant dans une vulnérabilité palpable, "Quant au reste, je suis perdu, ma chère. Dans mon village, il n’y a que des êtres comme moi."

Lyra s’accroupit, effleurant la terre fraîche du bout des doigts. "Peux-tu nous porter avec tes ailes ?" demanda-t-elle soudainement, une lueur d’espoir dans la voix.

Jorge leva un doigt pour protester. "... Il ne peut pas. Ses ailes sont à peine de ta taille, Lyra. Porter un humain, surtout un costaud, serait impossible, même seul."

"Oui, nous préférons planer plutôt que voler," Teb'I répondit en riant, grattant son cou avec gêne, ses bras ailés se déployant légèrement dans un doux bruissement de plumes.

Sérieuse, Lyra serra les poings, la détermination inscrite sur son visage. "J'ai une idée. Nous irons ensemble, tous," déclara-t-elle, lançant un regard résolu à Jorge.

"Sans moi. Sauver des Variants ne m'apporte rien," répliqua-t-il, campant fermement sur sa position.

"S'il te plaiiiit," fit Lyra d’une voix enjôleuse, joignant les mains dans une attitude presque suppliante, un sourire espiègle illuminant son visage. Mesurant seulement 1m57, elle atteignait à peine le menton de Jorge, qui rougit en reculant instinctivement, pris de court par son charme.

"Seulement parce que tu insistes et que je n’ai rien de mieux à faire," grommela-t-il, sa résolution vacillante.

Décision prise, ils avancèrent, trébuchant maladroitement sur des rochers tranchants qui jaillissaient de la terre tels des dents. Teb'I voletait autour d’eux, ses mouvements agiles accentués par le doux craquement des feuilles sous ses pieds, grimaçant à chaque petite douleur.

"Aïe," murmura-t-il, massant une nouvelle ecchymose. "Mule entêtée," ajouta Jorge en lançant un regard espiègle à Teb'I.

Quelques pas plus loin, on entendait Jorge lancer des piques à Teb'I, ses railleries fusant comme des flèches visant la fierté de la créature, avides d’atteindre un quelconque but.

Lyra avançait prudemment, attentive à chaque pas qu’elle posait ; ses bottes en laine finement travaillées étaient des trésors qu'elle protégeait. Chaque fois que Jorge la regardait, un sourire surgissait brièvement, pour disparaître aussi vite lorsqu'il s’arrêtait soudainement.

"Cette ville là-bas, c'est Rigade. Toi, l’oiseau, reste ici," ordonna-t-il d'un ton sec, pointant la grande cité qui s’étendait dans la lumière déclinante.

"Qu'ai-je fait pour mériter cela ?" protesta Teb'I, perplexe, se grattant la tête en signe de confusion. Il remarqua les coups d'œil furtifs de Jorge vers la cape verte de Lyra et commença à comprendre, mais Jorge détourna vite le regard.

"Tu n’as pas de cape ; elle en a une," soupira Jorge, exaspéré.

"Oh, mon déshonneur !" s’écria Teb'I en serrant son bec, essuyant sa bouche tachée de rouge sombre, d’un aliment inconnu.

Alors qu'ils avançaient, le crépuscule baignait le paysage et le bruissement des feuilles mortes accompagnait leurs pas hésitants. Dans la ville, les rues les attendaient, gardées par des soldats vêtus de noir, leur armure jetant des éclats menaçants dans la nuit naissante.

Sur la place de la ville, leurs pas résonnèrent dans le silence étrange : la milice du roi s’entraînait, leurs mouvements si fluides qu’ils semblaient danser, chaque soldat effectuant un salut presque poétique.

Lyra, captivée, les observait avec de grands yeux, une main posée sur son cœur, l'autre levée vers le ciel, émerveillée.

Jorge, quant à lui, fixait une griffe solitaire gisant au sol, des souvenirs de Sebarbia remontant en lui comme une brume surgissant des ombres—cela faisait treize ans. Peut-être que cette griffe appartenait à l’homme de ses cauchemars d’enfance.

Lorsque le défilé prit fin, les soldats se dispersèrent dans la ville, laissant le duo à leur mission pour trouver des vêtements pour Teb'I. À l’entrée d’une vieille boutique, dont la façade bleue délavée suintait un charme nostalgique, divers bibelots s'étalaient, sous le regard vigilant d’une vieille femme aux cheveux blancs, ses rides racontant mille histoires.

Lyra dissimula son identité sous sa cape, prenant une voix de grand-mère exagérée : "Un costume en plumes lui irait à merveille !"

La boutiqueuse, souriante d'un air entendu, tendit une cape emplumée, scintillant comme un reflet de clair de lune sur l'eau. Lyra hocha la tête vers Jorge, dont le visage s’éclaira d’un rare sourire, la gratitude illuminant ses traits.

La main de Jorge effleurait parfois l’arme froide à sa ceinture, le métal envoyant des frissons de familiarité, alors que la griffe de loup, témoignage de leur périple, pendait à côté de lui, rappelant les épreuves à venir.

Alors qu'ils se préparaient, un petit soldat, dissimulé derrière un mur, fixa Lyra.Le coeur de Jorge fit un tour, est ce qu'il devait le faire ?
Il mima une arme, visant Lyra d'un doigt pointé comme une arquebuse et détourna le regard,hanté par le passé.

Quand Lyra ne le voyait pas, Jorge laissa tomber ses bras, fixant le vide. Le garde se jeta sur Lyra et aggripa sa cape ,Lyra essayant tant bien que mal de l'en empêcher d'une main sur le bras ,mais il était trop fort , il réussit à découvrir ses yeux jaunes et ses oreilles.

Les gardes se mirent à courir dans sa direction. Jorge hésita, mais finit par s'éloigner sans se retourner, laissant derrière lui une main levée.

Plaquée contre le béton, la cheville de Lyra, malmenée, raviva sa douleur. Traînée par le col, elle fut emmenée à coups de pied, sa posture déformée, le cœur battant.

On la jeta à travers la porte d'une tourelle. Les cris des prisonniers résonnaient dans l'air, mêlés aux coups contre les barreaux et aux effluves de lichen et de moisissure.

Montant les escaliers en colimaçon, Lyra suffoquait, une odeur aigre et brûlante lui envahissant la gorge.

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