"Il" était la


Dans les ruines désolées de l'ancienne Damas, dévastée par des décennies de guerre et rongée par une pluie d'hiver incessante, chaque pas de Merilla résonnait contre les murs effrités des bâtiments en ruine. L'air, lourd et glacé, portait avec lui une odeur de pourriture et de cendres qui pénétrait jusque dans les os.

« Eh, le Borgne ! Tu ne fais pas dans la finesse, toi ? » lança-t-elle avec une pointe d'ironie en scrutant Djibril, qui avançait à grands pas derrière elle, son regard perçant balayant les débris.

Djibril, un sourire narquois aux lèvres, ne se laissa pas déstabiliser. « C’est tout un art, la souplesse, » répliqua-t-il en observant les alentours d’un air faussement détaché. Son œil unique, intense et vif, semblait capter chaque détail, chaque mouvement dans l'obscurité oppressante qui les entourait.

Les Variants qui les accompagnaient, une troupe disparate de créatures aux formes étranges et inquiétantes, commençaient à se disperser. Ils reculaient lentement, leur instinct les poussant à éviter une odeur fétide et presque surnaturelle qui imprégnait les lieux. À la lueur vacillante de la torche que Djibril tenait d'une main ferme, les contours des vieilles maisons cubiques se dessinaient, leurs murs gravés de symboles anciens. Sur certaines façades, des traces de sang noirci s’étendaient jusqu’au vieux puits de la ville, témoins silencieux de luttes passées.

Merilla s’arrêta, essoufflée, posant les mains sur ses cuisses, le souffle court. « On arrive quand ? » demanda-t-elle d'une voix rauque, cachant à peine son impatience et sa fatigue.

Djibril se tourna vers elle avec un sourire amusé, un éclat provocateur dans l’œil. « Le mausolée, le voilà, vieille amie, » cria-t-il à pleins poumons, sa voix résonnant dans l'air épais et humide. L'écho de ses mots se répercutait autour d’eux, amplifiant l'aura mystérieuse du lieu.

Merilla jeta un regard agacé à Djibril avant de lui répondre d'une voix sarcastique : « Ouvre-le, » dit-elle.

Djibril, affichant un sourire narquois, secoua la tête. « Je suis de nature délicate, toi, la barbare, merci de t'en charger, » répondit-il avec une touche d'ironie.

Merilla roula des yeux, un sourire sarcastique étirant ses lèvres. La traiter de « barbare » ? Elle trouva cela presque comique. Inspirant profondément, elle saisit un bloc de pierre massif et le souleva, dévoilant l’entrée d'une trappe dissimulée sous les décombres. La dalle, couverte de poussière accumulée depuis des siècles, glissa de côté, laissant s'échapper un nuage de suie épaisse et oppressante, imprégnée d'une odeur métallique et légèrement poisseuse.

Elle fit un pas en avant, franchissant l'entrée sombre. À chaque marche descendue, leurs pieds soulevaient une boue collante qui s’agrippait à leurs semelles, leur rendant la progression laborieuse. Merilla tenta d'en débarrasser ses sandales, mais la poussière grasse remontait jusqu’à ses narines, la faisant suffoquer. Djibril, d’un geste sec, lui donna un coup dans le dos, provoquant une toux rauque.

« N’oublie pas de fermer la bouche. Ce serait dommage de perdre un si beau visage, » lança-t-il avec un ricanement en passant une main sur son crâne chauve.

Merilla le foudroya du regard, un sourire vengeur se dessinant sur ses lèvres. « Tu sais, rien ne m’empêche de te tuer ici et maintenant, » murmura-t-elle d'une voix acérée en le dépassant.

Djibril haussa les épaules, l'air nonchalant. « En un coup, je ferais pleurer tes organes de liquides que tu ne voudrais pas voir sortir, » répliqua-t-il avec un sourire en coin.

Merilla leva un sourcil, intriguée. « Et pourquoi donc n’es-tu pas devenu champion ? Nous étions côte à côte pour le titre, non ? » demanda-t-elle, prenant un malin plaisir à le provoquer.

Djibril détourna le regard, fixant un mur criblé de fissures. « L’ancien roi était meilleur. Meilleur gouverneur, meilleur humaniste, » répondit-il, la voix étrangement mélancolique.

Merilla secoua la tête, légèrement exaspérée. « Encore cette vieille légende sur Abel et les Variants créés pour l’aider ? Moi, je n’exécute que ce qu’on me dit. » Elle haussa les épaules, laissant échapper un soupir désabusé.

« Heureusement qu’il y a des gens comme toi pour ça, » répondit Djibril avec un sourire sarcastique, avant de reporter son attention sur leur destination.

Ils parvinrent enfin à une vaste salle souterraine, où des ossements blanchis parsemaient le sol. Les murs, couverts de gravures anciennes, représentaient des scènes mystérieuses et inquiétantes. Une fresque, particulièrement frappante, montrait un loup gigantesque, ses griffes tendues vers un homme ou peut-être un esprit enfermé dans un cercle d’incantations. Les yeux du loup semblaient presque vivants, un éclat sinistre brillant dans le noir.

Merilla observa les gravures avec un sourire ironique. « Joli, ces gribouillages, » lança-t-elle d'une voix moqueuse.

Djibril pointa un doigt tremblant vers une silhouette représentée au centre de la fresque. « Là… Caïn, » murmura-t-il, sa voix empreinte d'une émotion qu'il ne laissait que rarement paraître.

Un rire grave et moqueur résonna soudain dans la salle, se répercutant sur les murs comme un écho fantomatique. Merilla se retourna, cherchant l'origine du bruit, son cœur battant plus fort.

Dans l'ombre, une silhouette imposante apparut, un géant hirsute avec une crinière écarlate flamboyante autour de son visage. Ses yeux brûlaient d'une lueur sauvage. « Salut, les débiles ! » s'écria-t-il d'une voix tonitruante, ses paroles empreintes d'une familiarité désinvolte.

Merilla se mit aussitôt en garde, tandis que Djibril dégainait une rapière ornée d'inscriptions sombres et énigmatiques. Ses muscles étaient tendus, prêt à combattre.

Djibril prit une profonde inspiration et lança d'une voix ferme : « Es-tu là sous l’ordre de la Griffe Bleue, émissaire Hélios ? »

Hélios éclata de rire. « Ça vous regarde, ça ? » Puis, sans prévenir, il ajouta d'un ton mystérieux : « il vient juste dire bonjour… à sa fille. »

Avant qu'il ait fini sa phrase, un coup fulgurant dans la mâchoire envoya Hélios au sol. Merilla, furieuse, fit un signe en direction de Djibril. « On y va ! » lança-t-elle d'une voix tranchante.

Djibril tenta de protester. « À deux, on n’est pas de taille pour l’affronter, » dit-il d'un ton pragmatique, mais inquiet.

Merilla ne l’écouta pas, ses yeux brûlant de détermination. « Si elle découvre ce qu’on a fait, elle se retournera contre nous. Elle pourrait déjà massacrer une troupe entière sans la moindre hésitation. » La tension monta d’un cran, et elle décida finalement qu’il était temps de battre en retraite.

Avant de s'éloigner, Djibril murmura d'une voix presque inaudible : « Dis bonjour à Lionel de ma part. » Ses doigts serrèrent sa rapière une dernière fois, en guise d'adieu silencieux.

Merilla continua d’avancer, traversant les marais environnants avec une détermination sans faille. La pluie battante et la sueur ruisselaient sur son visage, mais elle ne ralentit pas. Elle savait qu'elle devait rester en mouvement, que chaque seconde comptait. Son ennemi n'était plus un simple adversaire, mais une menace bien plus grande, un véritable démon prêt à tout pour les anéantir.


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