Djibril
La brume s’effaça peu à peu, révélant une silhouette massive et sombre, dominant l’espace avec une aura d’assurance. L’homme, grand, à la barbe épaisse et la peau sombre, s’approcha avec un sourire narquois, entouré d’un groupe de Variants de toute espèce, leurs yeux fixés sur Lyra avec une étrange fascination.
« Merilla de Barakot ! Quelle surprise ! On dirait que tes muscles se sont renforcés… mais ta féminité, toujours inexistante, » ricana l’homme, se délectant de son propre trait d'esprit.
Merilla répondit sans se démonter, un sourire accroché aux lèvres : « Et toi, Djibril, toujours aussi doué pour les flatteries ! D’ailleurs, depuis quand la beauté féminine t’intéresse-t-elle autant ? »
Djibril éclata de rire, puis adopta un air faussement dramatique. « Ah, ma chère ! Toute ma vie est un idéal ! Mais dis-moi, le “champion de l’Est”, ce vieux grincheux bon qu’à traîner ses bottes… il court toujours après des alliés pour notre cher roi ? »
D’un geste lent, Lyra abaissa son arc, captant que la tension s'était muée en autre chose. En observant cet échange, elle se sentit soudain coupable de s’être montrée menaçante, un sentiment qu’elle n’arrivait pas à expliquer.
Merilla le foudroya du regard. « Assez joué, Djibril. Ton chaos et tes sermons religieux font du tort à tout le monde. Pendant qu’Ogöl tente de calmer les choses au nom de Regina, toi, tu sèmes la zizanie. »
Djibril ignora les mots de Merilla et se tourna vers Lyra. D’un geste fluide, il sortit un poignard et le plaça sous sa gorge, une main fermement posée sur sa taille. Son visage se rapprocha du sien, un sourire menaçant effleurant ses lèvres.
« Eh bien, Merilla ,viens avec moi, et je promets de ne rien faire de tout ça… » susurra-t-il d’une voix suave.
« Où exactement, Djibril ? » demanda Merilla, prête à intervenir.
« Au mausolée du vieux saint.» répliqua-t-il, sa voix dégoulinant de fausse solennité. Alors que les ombres obscurcissaient son visage, son regard se durcit, révélant un œil aveugle , blanc et livide et l’autre, noir comme la nuit, habité d’une lueur sombre et étrangère.
Merilla ne perdit pas une seconde et murmura à Lyra : « Fais attention… » Puis, sans crier gare, elle expédia un coup de genou dans l’estomac de celle ci qui recula, suffoquant, les yeux écarquillés par la surprise et la douleur.
« Emparez-vous d'elle ! » ordonna Merilla, tandis que ses soldats encerclaient Lyra pour la protéger.
Déboussolée, Lyra jeta un regard en arrière. Dans la brume, elle voyait Merilla s'énerver et ses amis Jorge et Teb'I qui l'avait sauvé , la portant sur un cheval. La troupe se remit en marche, avançant au rythme de l’orage grondant dans leurs cœurs, la vision du château se dessinant au loin dans l’obscurité.
Teb'I, silencieux jusqu’alors, murmura en direction de Nico après plusieurs kilomètres de chevauchée. « Tu crois qu’ils sortiront de ce chaos en un seul morceau ? »
« Je l’espère, » répondit-il le visage sombre. « Jorge a pris un sale coup, mais avec les premiers soins, l’hémorragie est contrôlée… »
: « Ils ne parlent jamais les soldats de Jorge … ils me fichent la trouille. »
Teb'I sourit d’un air triste et posa une main rassurante sur l’épaule de Nico. « Ne t’en fais pas, je veille sur toi. »
Nico répondit d’un sourire enfantin. « Normalement, c’est moi qui devrais te dire ça, chef, » plaisanta-t-il, tirant un bref rictus à Teb'I.
La troupe traversa les Champs Funèbres, où la neige fondante laissait apparaître des brins d’herbe et quelques rares fleurs blanches, se balançant au gré du vent. Au loin, les Mermepins entamaient leur migration vers l’Est, fuyant l’hiver pour rejoindre des contrées plus clémentes.
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Les premières lueurs du matin passèrent à travers les volets de bois et Lyra ouvrit enfin les yeux, l’esprit encore embrumé. Elle était dans une petite chambre simple, dont les murs dégoulinaient d’une odeur apaisante de résine. En tentant de se relever,sa bouche saliva, une nausée brutale l’assaillit, et elle se pencha sur le côté, vomissant au sol.
« Quelle poisse… » murmura-t-elle en détournant le regard, ses pensées dérivant aussitôt vers Jorge. Son état l’inquiétait, et l’image de son visage pâle lui traversa l’esprit, lui serrant le cœur.
Se remettant péniblement, elle essuya sa bouche d’un revers de main et traversa le couloir de l’hôpital, observant les infirmières qui la dévisageaient, les bras croisés. Dans une chambre au bout du couloir, elle aperçut enfin Jorge, allongé, le visage émacié et une plaie profonde bandée au niveau du foie.
Elle s’approcha, prit sa main dans la sienne et murmura, la voix tremblante : « Pardonne-moi… On est quitte maintenant. Te rappelles-tu de Rigade ? »
Après un moment de silence, elle s’éloigna, les yeux brillants de larmes, quittant l’hôpital le cœur lourd, avec un sentiment d’incertitude et de tristesse.
À proximité du château, elle aperçut des éclats de verre abandonnés sur le pont, derniers souvenirs des anciens cultistes.
« Lyra ! »
Elle se retourna, apercevant Nico qui s’approchait. « Nico ? Tu veux qu’on s’assoie un instant ? »
Ils s’installèrent ensemble sur le pont, Lyra posant ses mains sur les veines d’osmosite qui scintillaient sous la lumière du jour naissant. Nico, un peu maladroit, tenta de s’installer à côté d’elle en grimpant péniblement.
Elle sourit, amusée. « Allez, tu peux sauter, tu sais ! »
Rougissant, Nico prit son élan et parvint à s’asseoir à ses côtés. Ils regardaient ensemble l’horizon, profitant de la tranquillité qui régnait enfin autour d’eux.
« Nico, c’est quoi exactement, l’osmosite ? » demanda Lyra, fascinée par les reflets irisés de la matière.
« C’est un minerai très rare, formé par une créature qui… comment dire, digère des âmes. Elle émet ensuite un gaz spécial, un peu comme un nuage de lumière. »
Nico grimaça, mais Lyra fit une expression exagérée en écarquillant les yeux, ce qui le fit éclater de rire. Ils partagèrent un moment de complicité simple, oubliant le poids des batailles et des trahisons.
Dans ce bref instant sous le soleil, leur rire résonna.
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