Chapitre 13
- Seule face à nous! s'exclame Jace en se levant avec un sourire.
Je n'arrive pas à retenir les frissons qui me parcourent l'échine. Il me fait peur. Il est fou.
D'un coup, sans prévenir, il fait tomber toutes ses affaires de la table, d'un geste de la main. Les autres SDF se lèvent à leur tour, parfaitement coordonnés et l'imitent. Leur synchronicité m'effraie. Je recule contre le mur, terrifiée.
Je n'ai pas affaire à un lycée.
Je n'ai pas affaire à notre lycée ennemi.
Je n'ai pas affaire à une bande de cassos.
J'ai affaire à des fous. À un groupe de fous. Un groupe soudé qui se soutient mutuellement. Mais les autres: rien à foutre.
Je tente de calmer ma respiration. Je me console en me disant qu'il y a quelques exceptions. Une dizaine de SDF sont restés assis et fixent Jace avec une expression terrifiée. Celui-ci se retourne et les fusille du regard:
- Mais qu'est-ce qu'on a là? Une belle bande de lâche! Et qu'est-ce qu'on leur fait aux lâches?
- Jace! À ta place! interviens-je. Vous me ramassez tout ce bordel!
Il se retourne en plissant le front l'air de dire "mais de quoi tu te mêles, toi? Je vais m'occuper de ton cas". Je frissonne mais tente de le cacher.
- Woooo! La connasse, ta gueule! T'as oublié qui je suis?
Je rétorque en essayant de paraître assurée:
- Et toi tu as oublié quel pouvoir j'ai? Alors assieds-toi maintenant, ou je te donne trois heures de colle!
- Trois heures?!! Tu n'as pas le droit!
Je ricane, heureuse de mener la discussion. À cet instant précis, je suis plus puissante que lui, et cela me procure une immense satisfaction!
- Voyons Jace. Je peux très bien inventer une histoire en disant que tu m'as frappée ou... je ne sais pas moi, ce que tu veux. Mais, d'après toi, qui de nous deux les profs croiront-ils. Toi, l'irrespectueux, insupportable, odieux garçon ou moi, la gentille fille qu'ils voient comme parfaite?
Le visage de Jace se ferme. Bien évidemment, je ne suis pas comme ça, mais lui ne le sait pas et il prend conscience qu'il ne peut rien contre moi, si je le décide.
Humilié, il rejoint sa table et s'assoit rageusement après avoir ramassé ses affaires, tout aussi rageusement.
Je me sens si fière! Il m'a obéit! Il m'a obéit! Aaaah! Je n'y crois pas!
- Tu n'as rien à faire? demandé-je sèchement en le voyant se tourner les pouces.
J'ai tout le pouvoir, autant en profiter!
- Non!
- Je vais t'occuper alors.
Je sors un papier, un crayon et commence à noircir la feuille en lui jetant quelques coups d'œils amusés de temps à autres. Tous les SDF sans exceptions me fixent, se demandant ce que je suis en train d'inventer. Ils sont silencieux et ça fait vraiment du bien.
Finalement, je me lève et tends la feuille à Jace. Il la prend avec nonchalance.
- Lis à haute voix.
Il soupire mais s'exécute:
- Regarde bien ceci. Ce message est très important pour toi, tu sais? Je vois une époque très intéressante se profiler à l'horizon. Ce serait des français que je ne serais pas étonnée de voir à quel point tu ne comprends rien. Tu sais, nombreuses sont les libellules qui volent au dessus des marais. Tes mauvaises manières sont justes inadmissibles! Mais bon, de toute façon, tu t'en fiches. Je ferais tenir un éléphant sur une seule patte par la volonté de mon esprit, donc, tu ne me fais pas peur. Je vois un cheval qui louche, c'est bizarre, tu ne trouves pas? Le pauvre asticot qui a finit sa pomme hier midi n'a plus rien à manger! Il est débile de ne pas en avoir gardé! Tu devrais, et d'ailleurs, nous devrions tous penser à lui. Qu'il est crétin! Il est occupé à chercher une prune, parce qu'il n'aime plus les pommes depuis trois semaines! Je vais, pendant sept ans, prier pour que le chien du voisin trouve un os parce qu'il a une épine dans la patte droite arrière. Tu iras au théâtre samedi? Moi au moins, je trouve que c'est ennuyeux. À noël, soixante flocons sont tombés sur ma tête et c'était... archi nul. Attends deux secondes, s'il te plaît, j'ai un truc à te dire.
Jace lève des yeux incrédules alors que j'explose de rire.
- Mais ça ne veut rien dire! s'exclame-t-il.
- Si.
Je me laisse quelques secondes pour cesser de rire et essuie le bord de mes yeux où perlent des larmes de rire:
- Maintenant, ne lis que le troisième mot de chaque phrase et tu sauras ce que je veux te dire.
Il baisse les yeux et lit:
- Ceci... est... une... des... nombreuses... manières... de... tenir... un... asticot... débile... et... crétin... occupé... pendant... au... moins... soixante... secondes.
Il me fusille du regard. J'ai mal au ventre tant je ris. Ah! J'aimerai tellement prendre une photo de sa tête, là, maintenant!!! Il est tellement comique!!!
Il se lève, les poings serrés, écumant de rage. Il déchire le papier et le jette par terre. Là, il avance vers moi. Mon rire cesse aussitôt. Instinctivement, je me plaque contre le mur et le fixe, terrifiée.
Il sourit, ravi de la terreur qu'il m'inspire et continue d'avancer tandis que ses amis se lèvent et commencent à approcher à leur tour, tels une armée. Leurs sourires sournois ne me présagent rien de bon.
Liam ricane.
- Comme ça tu trouves que Jace est un "asticot débile et crétin"? demande-t-il avec un sourire mielleux.
Ils sont maintenant devant moi, en ligne et je suis complètement coincée contre le mur. Je n'ai aucune porte de sortie, rien à leur balancer à la figure. Je suis piégée. Pourquoi est-ce que j'ai reculé comme une débile? Ben, parce que je suis débile!
- Réponds! m'ordonne sèchement Liam en plantant ses iris tranchantes dans les miennes.
Je déglutis. Aucun son ne passe la barrière de mes lèvres.
De toute façon, si je dis "non", cela veut dire que je me soumets et il en est absolument hors de question! Et, si je dis "oui", je les provoque et risque de me faire frapper. Qu'est-ce que je dois faire??? Je me sens tellement seule contre ces fous.
Joyce, pourquoi m'as-tu laissée seule avec ces monstres?!
Jace ricane en approchant encore. Il s'appuie au mur, posant sa main juste à côté de ma tête. Son bras frôle le mien et je le vois m'observer avec un regard de prédateur. Il passe une main sur ma joue et demande d'une voie curieusement douce:
- Alors, Madison, tu trouves que je suis un asticot débile et crétin?
Je n'arrive pas à avoir les idées claires. Je n'aime pas qu'on me touche, et encore moins un garçon que je déteste. Je peine à respirer. Mon cerveau est tellement embrouillé que des pensées plus incompréhensibles les unes que les autres prennent toute mon attention. Finalement, je choisis la soumission à la provocation.
- Non, soufflai-je finalement.
Il sourit et retire sa main, la laissant descendre le long de mon bras. Il tient quelques instants ma main, puis finit par la lâcher.
La cloche sonne, alors.
- Tu es mignonne Madison. Reste-le, souffle-t-il avec un sourire triomphant.
Sa bande et lui tournent les talons avant de prendre leur sac. Ils se dirigent vers la porte et avant de sortir, Jace m'adresse un clin d'œil.
Quand ils disparaissent, je sens une vague de soulagement m'envahir avant de sentir mes jambes se dérober. Je glisse le long du mur et me retrouve accroupie, encore haletante.
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Coucouuuuu!!!
C'est la fin de ce nouveau chapitre (un peu plus long)!
J'espère qu'il vous a plu!!
À la semaine prochaine!! D'ici là, n'hésitez pas à voter!
Bisous!
Cécilie.
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