II. Chapitre 8

Harry

Les ruelles de la ville étaient totalement ensevelies sous un épais manteau blanc. Pourtant, les traînées de pas sur les trottoirs laissaient présager que la tempête n'avait pas réussi à stopper la foule d'affluer. D'ailleurs, nombreuses vitrines de magasins laissaient apercevoir un monde fou au travers des vitres, me faisant déjà râler face à cette matinée qui nous attendait.

Louis arriva quelques minutes après moi, enfoui das un large manteau brun et une écharpe en laine nouée autour du cou. Il avança vers moi, fier comme toujours, le dos droit et un petit sourire en coin qui laissait envisager la possibilité qu'il soit assez amusé d'être là, en semaine, à faire les magasins avec son mi-ex, mi-patron.

Louis claqua un baiser sur ma joue en expédiant un « Salut ! » avant de m'attraper le bras pour me tirer à l'intérieur.

Même pour mon presque cœur de pierre, et mon terrible caractère pessimiste en vu de la journée, je devais avouer que l'ambiance du magasin me réchauffait autant le corps que le cœur. Les rayons s'étaient mis aux couleurs de l'hiver, guirlandes lumineuses à gogo et chants de Noël en fond, une odeur de sapin qui flotte dans l'air et même un père-noël dans un coin, affublé de son fameux costumes et d'une poignée d'enfants.

La tête brune de Louis disparu d'un coup entre les rayons un peu débraillés, me faisant lui courir après pour le rattraper. Devant la bijouterie, Louis observait les bijoux au travers de la vitre transparente. Les yeux illuminés, il en fixait avec envie, avant de grimacer en voyant le prix. Louis tourna son visage vers moi, faisant une moue triste avant de pointer de son doigt fin une paire de boucles d'oreilles en argent ornées de topazes, reconnaissables par cette couleur si bleue et si pur.

- J'hésite, je ne sais pas quoi faire Harry, Louis soupira avant de lorgner encore sur les bijoux, Ma mère adorerait ces boucles mais tu as vu comme ils abusent avec le prix ici c'est n'importe quoi !

La voix de Louis avait augmenté de quelques octaves ce qui ne manqua pas d'échapper à la vendeuse derrière le guichet qui nous toisa d'un regard désapprobateur.

- Alors pose-toi les bonnes questions, est-ce que ta mère si elle voyait cette paire de boucles en vitrine, elle la voudrait vraiment, vraiment ? Et puis, il te reste quoi encore comme cadeaux à acheter ?

Louis plissa les yeux pour réfléchir, avant de compter sur ses doigts en murmurant les prénoms de ses sœurs avant de me regarder d'un air désespéré.

- Et bien.. J'ai déjà acheté quelques cadeaux mais rien de fantastique, alors il me resterait ma mère, les jumelles.. Et puis pour Charlotte et Félicité c'est pas vraiment urgent surtout qu'elles ne passeront pas le réveillon avec nous.. Alors voilà, j'ai déjà dépensé pas mal mais je voulais juste encore quelques cadeaux quoi..

Louis soupira une nouvelle fois, se tournant vers les autres rayons en cherchant du regard quelque chose qui pourrait plaire à sa famille et qui rentrerait dans son budget restant. Une idée me vint en tête, ressassant des souvenirs un peu lointains mais qui pourrait plaire à Louis.

- Attends, je crois que j'ai une idée..

Louis se retourna vers moi, croisant ses bras contre son torse en secouant la tête de gauche à droite.

- Non je ne veux pas que tu payes !

- C'était pas ce que j'allais te proposer, laisse-moi parler un peu !; râlais-je, c'est plutôt de la récup en fait..

- De la récup ? Tu te fous de moi ? Tu veux que je fouille dans les poubelles ou quoi ?

J'avançais vers Louis, le menaçant du doigt.

- Bon tu vas me laisser finir oui ! Quand j'étais petit, je passais mon temps dans l'ancien atelier de mon père à l'agence. Ça débordait toujours de vêtements de luxe qu'il avait entassé sur des portants et un peu partout dans la pièce. C'était des sortes de cadeaux, des échanges parfois, des exclusivités, ça dépendait, mais je crois que l'atelier est resté intact depuis son départ. Et je crois aussi qu'il reste donc une tonne de vêtements et accessoires en parfait état, voir même encore sous film plastique. Et je crois bien aussi, que personne ne s'en servira jamais et que peut-être, peut-être tu pourrais piocher dedans ?

Louis fronça les sourcils en me regardant, jetant un coup d'œil rapide au magasin bondé et par la même occasion les prix onéreux notés sur les étiquettes. Au bout de quelques secondes de réflexion il haussa finalement les épaules.

- Pourquoi pas.. Du coup, on y va ?

Louis

Un petit panneau rouge avec inscrit « accès interdit » en lettres blanches trônait fièrement sur la porte devant nous. Harry nous avait ramené à l'agence et venait de sortir de sa poche une clé en acier qu'il s'empressa de rentrer dans la serrure. Dans ses gestes et son regard, je pouvais lire une sorte d'inquiétude, comme si la nostalgie qu'il avait évoquée au magasin s'était soudainement transformé en angoisse.

Finalement, la porte céda. La pièce plongée dans le noir ne me laissait pas distinguer quoi que ce soit, seulement des ombres. Harry resta dans le silence quelques instants, la mâchoire serrée, comme si ce qu'il s'apprêtait à vivre lui arracherait le cœur. Puis, ses doigts frôlèrent le mur, à la recherche de quelque chose avant qu'un petit bruit se fasse entendre.

Quelques grésillements, et les lumières se mirent à fonctionner éclairant l'atelier. La pièce n'était plus aussi sombre qu'elle l'était. Quelques plafonniers ne fonctionnaient plus et la lumière semblait douce et chaleureuse, contrastant avec le manque de fenêtre.

Des portants étaient aménagés tout autour de la pièce et des tailleurs étaient suspendus un peu partout dans chaque recoin de la pièce. Une grande table se tenait au centre et était recouverte de tissus en vrac et de quelques vêtements achevés. Ici, c'est comme si le temps s'était arrêté, à peine quelques millimètres de poussières recouvraient certains. D'abord réticent à l'idée de Harry, j'y voyais là un trésor sans prix.

Harry trônait près de la table centrale, touchant du bout des doigts les tissus disposés dessus. Pensif, il se mit à arpenter la pièce en silence, observant les lieux avant de s'arrêter devant une table d'appoint entre deux portants.

En approchant de lui, ce qu'il observait m'apparut plus clair. Sur la petite table était disposé un cadre en bois verni avec une photographie à l'intérieur. Je pouvais apercevoir Harry et sa sœur, âgés une dizaine d'années.
Harry attrapa le cadre entre ses longs doigts, restant le regard fixe sur les deux silhouettes photographiées avant de le reposer délicatement comme ayant peur de le briser en morceaux si il venait ne serait-ce qu'à le poser un peu brusquement.

Il avança de nouveau dans la pièce puis posa ses mains à plat sur la table.

- Et bien voilà, l'atelier de mon père. Tu peux choisir ce que tu veux Louis, n'hésites pas à fouiller.

Harry m'adressa un petit sourire avant de lui-même retourner la pile de tissus devant lui, l'air songeur.

- Harry ?, ma voix brisa le silence, et le corps de Harry se figea, comme si il avait compris ce que j'allais lui demander. Tu es sûr que ça va.. ? Tu es devenu étrange depuis que tu es rentré dans la pièce, tu veux qu'on sorte un peu.. ?

Harry soupira, soufflant bruyamment en fermant les yeux, l'air impuissant.

- C'est juste, c'est juste qu'ici c'est des années de souvenirs qui sont enfouis là, et là, il désigna du doigt différentes piles de vêtements, quand mon père n'avait pas le temps de me garder et que ma mère n'en avait pas la possibilité non plus, il me larguait souvent ici, dans l'atelier, et je passais des heures à jouer avec les morceaux de tissus, à m'habiller de chemises de luxe trois fois trop grandes, et la plupart du temps il me retrouvait endormi dans un grand morceau de velours qu'il avait dû laisser traîner.

Harry reprit son souffle avant de relever son regard vers moi.

- Et puis, peut-être que ça m'aurait laissé de marbre, si il n'était pas décédé il y a quelques mois.

( du retard mais ça devrait redevenir fluide d'ici quelques temps et bientôt la fin voilà!)

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