Chapitre 9 : Sauvetage au clair de lune

Pov Jimin

Après avoir fait quelques jeux supplémentaires au salon de la lutine, on a décidé de retourner au pensionnat des garçons environ une heure après tout le monde. Ainsi, seuls San, Wooyoung, cet enfoiré de Jungkook et moi, nous sommes retrouvés à escalader le mur entre les deux bâtiments, à trois heures du matin et avec bien trop d'alcool dans le sang.

   — Saute, princesse, je te rattrape ! me propose le lutin en tendant ses bras vers moi.

Je me trouve en haut du mur tandis que lui est déjà passé de l'autre côté.

   — Plutôt me fêler une cheville !

Non mais à quoi pense-t-il celui-là ?! Lui sauter dans les bras ? Et puis quoi encore ?!

Il soupire bruyamment.

   — Si t'avais vraiment la conviction de te blesser, tu n'aurais pas hésité à descendre depuis une heure ! Arrête de faire l'enfant et laisse moi t'aider, les autres sont même déjà partis !

Je me mords la lèvre, enragé. Mes yeux regardent une dernière fois la distance qui me sépare du sol et une sensation de tournis me prend aux tripes. Je déglutis. Mon cœur semble sur le point d'exploser, ma gorge est sèche et j'ai du mal à respirer tant la peur du vide me donne des vertiges. Mets ta fierté de côté, Jimin, c'est une question de vie ou de mort !

   — Si tu me rates, je te tue !

Un sourire se dessine sur ses lèvres.

   — Je ne laisserai jamais mon prince tomber, chéri.

Je grimace de dégoût, tentant de faire abstraction de ses mots agaçants et me laisse glisser le long du mur. Au début, je parviens à contrôler un peu la vitesse de la descente, mais très vite, la gravité m'attire avec plus de force. Un léger cri de surprise m'échappe lorsque je m'écroule complètement dans les bras de Jungkook qui me retient par la taille. Soulagé, je ne peux me résoudre à en sortir. Peut-être par crainte que la chute de soit pas terminée, peut-être le temps de me remettre de mes émotions — ou peut-être parce qu'il me serre si étroitement que je n'arrive plus à penser correctement ?

   — Ça va, Jimin ?

Mes yeux rivés sur ses pupilles si sombres, encore un peu essoufflé, je reste stupidement déconcerté par sa beauté. Depuis quand est-ce que son horrible visage mesquin s'est transformé en celui d'un ange ? 

   — Pose moi tout de suite.

— Comme tu voudras.

Il me lâche, me faisant atterrir à pied joint au sol, et je m'éloigne de lui. Je passe ma main dans mes cheveux. C'est sûrement la faute de l'alcool.

On continue donc à s'enfoncer dans la forêt sous l'œil lumineux de la lune argenté. San et Wooyoung, n'ayant pas attendu que je me décide enfin à sauter, ont fini par sortir de notre champ de vision. Ainsi, il ne me reste plus que cette enflure de Jungkook comme compagnie. Comme je ne sais pas trop ce que ce détraqué pourrait me faire, je préfère marcher quelques pas derrière lui (l'avoir dans mon dos ne serait vraiment pas judicieux.) 

L'ombre des arbres forme des silhouettes inquiétantes et, à chaque houlement de chouette ou de hiboux, je ne peux m'empêcher de frissonner. Il fait affreusement froid et chaque pas que l'on effectue me parait tellement bruyant que je crains que quelque chose ou quelqu'un ne nous repère. À l'aller, ce chemin ne me paraissait pas si long.

J'entends un bruit près de moi. Je me fige.

   — Jungkook !... je chuchote.

Il se retourne.

   — Quoi ?

   — Quelque chose... a bougé.

Il fronce les sourcils, déconcerté.

   — C'est certainement le vent, Jimin.

   — Mais... !

   — Avance. Il faudrait pas qu'on se fasse chopper.

Je prends sur moi, ne voulant pas créer plus d'ennuis que ça. Mais je sais ce que j'ai entendu, bordel ! Et ça n'avait rien à voir avec le vent ! Agacé, je serre ma mâchoire en fusillant le dos de cet imbécile des yeux.

Un autre son étrange me fais me tendre, encore plus proche que le précédent. Cette fois, Jungkook se tourne de lui-même. Je peux lire de la terreur dans ses yeux en même temps qu'il déclare : 

   — C'était pas le vent.

Je fais lentement « non » de la tête, partageant son effroi. 

   — Il... y a peut-être une bête caché quelques part ou...

Un bruyant coup de feu se fait entendre. Jungkook se précipite vers moi pour me faire m'allonger au sol. Sous le choc, je manque de hurler alors il plaque sa main contre mes lèvres et m'entraîne discrètement dans les buissons. Que... qu'est-ce qu'il se passe ? Comme ayant lu dans mes pensées, il se penche vers mon oreille pour me murmurer :

   — Des braconniers. S'ils nous repèrent, ils risqueraient de nous prendre pour du gibier ou même des flics. Dans les deux cas, on finit mal.

Au même moment, deux hommes apparaissent en face de nous. Je n'aperçois que leur bottes à travers les feuilles des arbustes derrières lesquelles nous nous sommes réfugiés. Ma respiration accélère, mon coeur bat à en rompre et je tremble de tout mon corps.

   — Ne bouge surtout pas, me prévient Jungkook.

Les hommes s'arrêtent, se penchent vers un arbre et lève un petit animal par les oreilles en râlant.

   — P'tain, Rick ! T'as 'core flingué une f'melle ! s'exclame un.

   — Les p'tits doivent pas êt' loin. J'pas envie d'me taper l'sermont du boss donc sort l'sac poubelle.

Le premier type soupire gravement, retire un sachet en plastique de sa poche et s'accroupit pour y engouffrer trois petites choses, et faire une sorte de noeud avant de se relever.

   — Ça m'crève l'cœur de d'voir faire ça chaque fois, déclare-t-il avant de s'en aller.

Jungkook me maintient contre lui encore un peu, le temps que le son de leur pas ne sois plus du tout audible, et, à la seconde où il me lache, je me précipite vers le sac. En larmes, je le déchire avec la rage au ventre, pour venir constater des levrauts à peine plus gros qu'une paume, ne montrant plus aucun signe de vie. Je tends mes mains vers eux mais le lutin retient mon mouvement.

   — Lâche moi !

   — Ne les touche pas, ils ont peut-être des maladies.

   — Alors quoi ? Tu vas les laisser là ?!

Il retire sa veste, puis sa chemise avant de la déchirer pour me la tendre, ne gardant qu'un sous-pull et un blazer comme vêtement.

   — Ce n'est pas stérilisé mais enveloppe les dedans pour qu'ils aient une mort plus... convenable.

Je hoquète légèrement, ne pouvant retenir mes sanglots, et fais ce qu'il me dit.  On creuse ensuite un trou et les dépose dedans. Je joins mes mains et commence à prier, les yeux clos et les lèvres crispées de colère, avant de couvrir doucement leurs dépouilles avec le tissus. Je pose ma main sur eux, voulant ressentir leur corps au travers, et remarque quelque chose d'étrange.

   — Ça... bouge.

J'écarquille les yeux de surprise et d'espoir, et me mets à tâter délicatement chaque animal, jusqu'à ressentir un faible pouls bousculer les doigts. Je me tourne vivement vers Jungkook.

   — Il est vivant !

Lui qui était resté en retrait tout du long accourt vers moi, se mettant à genoux à mes côtés.

   — V... Vraiment ? Lequel ? Montre le moi !

Je prends sa main et l'entraîne vers un levraut aux petites oreilles arrondis et à la touffue fourrure brune tachetée de poils blancs et noirs. Il partage alors mon excitation et déchire un autre morceau de ses vêtements (son sous-pull cette fois-ci) pour l'envelopper à l'intérieur. Il le glisse alors sous sa veste, entre son corps et le tissus.

   — Il faut le maintenir au chaud pour l'instant, déclare-t-il.

Il se lève et on se dirige vers le pensionnat.

   — On doit passer en cuisine pour trouver du lait et après on cherchera un endroit où le laisser.

   — Dans ma chambre ! Je n'ai pas de colocataire et puis presque personne n'y vient puisque je suis encore nouveau.

Il acquiesce.

Ainsi, on fait une escale dans le garde-manger de mon dortoir, y récupère une brique de lait de chèvre, un pot de crème fraîche et un jaune d'œuf. On se rend ensuite dans ma chambre, mélange le tout dans une bouteille après avoir nettoyer un flacon d'huile essentiel sous forme de pipette (trouvé dans ma salle de bain.) Là, on s'installe près de la fenêtre au pied de laquelle on a formé une sorte de nid avec mes vêtements, où l'on a allongé le levraut préalablement lavé. 

On remplit le flacon de notre préparation, crée un petit trou dans le caoutchouc de sa pipette (dont on a enlevé le tube en verre afin de faire office de biberon), et glisse la tétine de fortune entre les babines du petit. D'abord, rien ne se passe, mais lorsque l'on laisse couler quelques gouttes du breuvage, l'animal commence à téter activement la boisson. Une vague de soulagement nous prend, et on se regarde avec fierté.

On le nourrit alors quelques minutes avant qu'il ne s'endorme sous l'effet de nos caresses, repus et détendu. Sous le clair de lune, Jungkook et moi avons sauvé un bébé de la cruauté de ce monde. Il est là, paisiblement inconscient et naïf de notre merci. 

   — Je devrais retourner dans ma chambre.

   — Ne pars pas. Le soleil va bientôt se lever de toute façon.

Il ne répond rien et reste à mes côtés. Mes doigts qui frôlaient prudemment la fourrure touffue du levraut en même temps que les siens, le touchent maladroitement. Je me fige. Il les caresse doucement avant de les saisir. 

   — Ta main est froide, déclare-t-il avec détachement.

   — Et alors ?

   — Rien. Je veux juste la réchauffer.

Des vibrations anormales me traversent. Je chasse mes doigts de son touché.

   — Je n'en ai pas envie.

Je me mords la lèvre. Il reste un temps sans bouger avant de soupirer discrètement en s'adossant au mur.

   — Pourquoi est-ce que tu me détestes ?

Pris de court, je ne dis rien pendant un moment. Avant, j'aurai répondu tout un tas de raisons plus ou moins puérils, plus ou moins crédibles. Mais maintenant je suis à court de filtre. Il est tard, la nuit a été longue, on a partagé tellement de choses en quelques heures, que ce soit charnellement ou émotionnellement, et je suis fatigué de balancer ma colère pour me protéger.

   — Je ne te déteste pas.

Je sens son regard lourd et pesant sur moi, empli de questions, de surprise et de trouble. Je choisis de l'ignorer.

   — Alors quoi ?

   — Je vais prendre une douche.

Je me lève d'un bond et me précipite dans ma salle de bain. Là, je laisse l'eau ruisseler quelques temps sur ma peau, vaporeuse de chaleur, pendant quelques minutes, avant de sortir complètement sec et vêtu d'une chemise de nuit et d'un pantalon en soie. Puis, je me dirige vers Jungkook et lui tends quelques vêtements un peu trop grand pour moi.

   — Ton uniforme est en lambeau. Lave toi et enfile ça.

Il acquiesce, me remercie brièvement et disparaît dans la salle d'à coté. Moi, la tête pleine d'agitation dû au manque de sommeil, je m'écroule dans mon lit. 

Un peu plus tard, je sens que l'on me déplace délicatement, me couvre et vient se blottir près de moi. J'ouvre les yeux et me retrouve face à face avec le lutin qui me dévore littéralement du regard.

   — Je pensais que tu dormais.

   — Je dormais.

Il ricane discrètement.

   — Désolé, mais j'ai horreur de dormir par terre.

   — Rien de plus normal.

Il me sourit et glisse le bout de ses doigts sur mon visage afin de replacer une de mes mèches à sa place.

   — Tu es beau. Ça me donne envie de t'embrasser.

 Je le fixe droit dans les yeux, ayant l'impression que mon corps s'enflamme peu à peu. J'ai toujours été habitué aux compliments mais pour une raison ou pour une autre les siens sont les seuls que je redoute. 

   — Fais-le.

Jungkook se redresse sur son coude, se rapprochant ainsi de moi. Il me regarde de haut. Il sourit toujours. Je déteste que l'on me regarde de haut mais là ça ne me dérange pas. Ses doigts se promènent lentement de mon front à mes tempes en passant par mes pommettes avant de venir s'attarder sur mes lèvres qu'il caresse gentiment du bout du pouce. Il se penche vers mon visage et presse sa bouche contre la mienne. 

Pour la première fois, je n'ai pas tremblé.

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À suivre...
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Voilà pour ce chapitre ^^

J'espère qu'il vous aura plu ~

En attendant le prochain, on se dit à bientôt pour de nouvelles aventures de lutinerie ~♧

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